Multiples incidents à la reprise du procès de Saddam Hussein

Reuters - 29 janvier 2006 - Le procès de Saddam Hussein a repris dans la confusion dimanche, avant d'être à nouveau ajourné à l'issue d'une audience marquée par des incidents entre la défense et le nouveau président du Haut Tribunal pénal irakien.

Ce dernier, Raouf Abdel-Rahmane, nommé après la démission du juge Rizgar Amine accusé de laxisme par les autorités, a expulsé l'un des coaccusés, Barzane al Tikriti, quelques minutes après le début de l'audience, la huitième du procès.

En signe de protestation, les avocats de la défense ont bruyamment quitté la salle, suivis quelques instants plus tard de Saddam Hussein lui-même et de deux autres coaccusés.

Le procès, marqué par de multiples incidents depuis son ouverture le 19 octobre, a enfin été ajourné à mercredi ou jeudi mais les avocats de la défense ont menacé de boycotter les prochaines audiences, en l'absence d'excuses du président.

Ils ont en outre réclamé la délocalisation du procès à l'étranger afin d'en garantir l'équité, également mise en cause par des organisations de défense des droits de l'homme.

Les incidents ont éclaté dimanche quelques minutes après la reprise des débats. Comme Barzane al Tikriti refusait de se calmer après avoir qualifié son procès de "fille de p...", le juge Abdel Rahmane l'a fait expulser par les gardes.
 
"PAS UNE TRIBUNE POLITIQUE"
 
"Ce tribunal n'est pas une tribune politique", a lancé ce juge kurde, marquant d'emblée sa différence avec son prédécesseur, accusé par les autorités d'avoir laissé la défense se lancer dans des monologues hostiles au nouveau régime et aux Etats-Unis.
 
Le principal avocat de la défense, Khalil al Doulaïmi, a immédiatement protesté: "Ce procès n'est pas juste." Puis il a quitté le tribunal avec toute son équipe.
 
"Si vous partez, vous ne pourrez plus revenir pour les prochaines audiences", les a prévenus le juge.
 
Lorsque celui-ci a ensuite désigné des avocats pour Saddam Hussein, l'ancien dirigeant irakien s'est tourné vers eux un doigt levé: "Je vous rejette. Si vous restez ici, vous êtes infâmes."
Puis s'adressant au président: "Je veux partir."
"Alors partez", lui a répondu le juge Abdel-Rahmane.
"C'est une tragédie! Je vous ai gouvernés pendant 35 ans, comment pouvez-vous me faire quitter le procès?", a répliqué Saddam Hussein.
Taha Yassine Ramaddan, ancien vice-président, et Aouad Hamed al Bander, ancien président du Tribunal révolutionnaire, lui ont alors emboîté le pas.
 
"Je suis le juge et vous êtes l'accusé", avait déjà prévenu le juge Abdel Rahmane lorsque Saddam Hussein s'était plaint: "C'est un tribunal américain et ses règles ont été édictées par les Américains (...) Vous ne pouvez pas me contraindre à rester dans ce tribunal."
 
LA DÉFENSE DÉNONCE LA "PARTIALITÉ" DU PRÉSIDENT
 
Une fois le calme revenu, la cour a entendu trois témoins, deux femmes et un homme, cachés derrière un rideau pour masquer leur identité.
 
Les quatre accusés restants, responsables de second rang dans l'ancien parti Baas au pouvoir, se sont plaints de ne pas disposer d'équipe de défense. Le président du tribunal leur a rétorqué qu'ils avaient désormais des avocats commis d'office.
 
Saddam Hussein et ses sept coaccusés sont jugés pour crimes contre l'humanité. Ils sont poursuivis pour la mort de 148 personnes dans la ville chiite de Doudjaïl, à la suite d'une tentative d'assassinat de l'ancien dictateur en 1982. Ils encourent la peine de mort.
L'avocat Khalil Doulaïmi a confirmé à Reuters que la défense boycotterait les prochaines audiences si ses exigences n'étaient pas respectées.
 
Elle réclame des excuses du président pour l'expulsion de Barzan al Tikriti, demi-frère de Saddam Hussein et ancien chef de ses services de renseignement, et pour celle d'un avocat, Saleh al Armouti. Ce dernier aurait été expulsé pour avoir émis des doutes sur la légitimité du tribunal.
 
Les avocats réclament aussi une protection pour eux et leur famille après l'assassinat de deux défenseurs.
 
Khalil Doulaïmi souhaite aussi la délocalisation du procès.
"Etant donné la partialité du président du tribunal en vue d'obtenir une rapide condamnation, nous exigeons que le procès soit transféré en dehors d'Irak afin de mettre un terme à cette farce", a-t-il répondu à Reuters, interrogé par téléphone.
 
Des organisations de défense des droits de l'homme considèrent aussi que le climat de violences en Irak, la formation du tribunal sous occupation américaine et le remplacement de juges en cours de procédures rendent improbables la tenue d'un procès équitable.
 
Raouf Abdel-Rahmane est lui-même originaire de Halabja, ville où 5.000 personnes ont péri en 1988 lors d'une attaque chimique menée par l'armée irakienne au cours de la guerre Iran-Irak. Ce massacre devrait faire l'objet d'un procès ultérieur.