FRANCFORT (Allemagne), 23 oct 2005 (AFP) -12h05 - Leromancier turc Orhan Pamuk, qui s'est vu remettre dimanche leprestigieux Prix de la paix des libraires allemands, s'est attiré lafoudre des nationalistes turcs pour sa défense des causes arménienneset kurdes.
"Quand onessaie de réprimer les souvenirs, il y a toujours quelque chose quirevient, je suis ce qui revient", a dit un jour cet écrivain né il y a53 ans dans une famille bourgeoise et francophile d'Istanbul.
Al'exception de longs séjours aux Etats-Unis, il n'a jamais vraimentquitté le quartier de son enfance, la mythique Corne d'Or de la vielleIstanbul.
Après desétudes d'architecture et de journalisme, il se consacre exclusivement àla littérature. Son premier roman, "Cevdet Bey et ses fils", parut en1982. Suit en 1985 son roman historique "Le château blanc", puis "Lelivre noir", l'un des romans les plus lus en Turquie, qui décrit larecherche effrénée d'une femme par un homme pendant une semaine dansune Istanbul enneigée, boueuse et ambiguë.
Ila aussi publié "Mon nom est rouge", subtile réflexion sur laconfrontation entre Orient et Occident dans l'Empire Ottoman à la findu XVIe siècle, sorti comme ses autres livres en France chez Gallimard.
"AvecOrhan Pamuk est honoré un écrivain qui, plus qu'aucun autre poètecontemporain, suit les traces historiques de l'Occident dans l'Orientet celles de l'Orient dans l'Occident", selon l'Association deslibraires allemands qui honore chaque année un écrivain s'engageantpour la paix dans le monde. Ce prix est déjà allé à un compatriote dePamuk, Yasar Kemal.
Dansson roman "Neige", l'un des principaux personnages, Ipek, évoque unmusée de Kars, à la frontière arménienne. "Naturellement, dit-elle,quelques touristes vinrent, espérant apprendre un massacre des Turcspar des Arméniens, ce fut donc un choc de découvrir quand dans un muséel'histoire se présentait d'une toute autre manière".
OrhanPamuk, un grand nerveux à lunettes qui parle vite, n'y est pas allé parquatre chemins, dans une interview accordée en février 2005 au journalsuisse Tagesanzeiger. "Trente mille Kurdes et un million d'Arméniensont été tués en Turquie. Presque personne n'ose en parler, à part moi,et les nationalistes me haïssent pour cela", a affirmé l'écrivaintraduit en plus de vingt langues.
Unsous-préfet avait réagi en ordonnant la saisie et la destruction de sesromans et l'écrivain doit être jugé en décembre devant une courd'Istanbul pour "insulte délibérée à l'identité turque", il risquethéoriquement de 6 mois à 3 ans de prison pour ses propos.
"Onpeut avoir des opinions différentes, mais chacun en Turquie lit seslivres", avait réagi Faruk Sen, directeur du Centre d'études turquesd'Essen en Allemagne, un important centre de recherche, lors del'annonce de l'octroi du Prix de la paix à Pamuk, le 22 juin. "C'est unprix critique qui va faire des vagues", selon lui.
Le célèbre romancier est néanmoins un fervent défenseur de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
"Malgrétoutes les critiques contre la Turquie, je suis pour une pleineadhésion à l'Union européenne", avait déclaré M. Pamuk début octobre.