Migrants kurdes
Le 25 janvier, les dix migrants kurdes de Syrie transférés de Corse au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry ont été remis en liberté par le juge de la liberté et de la détention de Lyon. Crédits photo : AFP
Lefigaro.fr | Par Cyrille Louis
Un tiers des clandestins découverts en janvier sur une plage de Bonifacion'ont pas déposé de demande d'asile.
Trois semaines après leur arrivée en France, un tiers des 123 Kurdes découverts sur une plage de Bonifacio (Corse-du-Sud) ont manifestement choisi de poursuivre leur route. D'après un décompte établi par le ministère de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, seuls 48 des 81 adultes répertoriés par les autorités ont déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés en apatrides (Ofpra). «Les autres ont choisi de continuer leur périple - soit pour rejoindre des proches déjà installés en France, soit pour gagner divers pays d'Europe du Nord», explique-t-on à la Cimade. Le 3 février dernier, quatre d'entre eux ont été interpellés pour séjour irrégulier alors qu'ils venaient d'entrer en Allemagne. Quatre autres ont pu gagner le Danemark en voiture, avant d'y être arrêtés le 4 par la police locale.
Ces embryons de périples, qui ont pu être interrompus grâce à la coopération policière européenne, intéressent au plus haut point les enquêteurs chargés de démanteler la filière d'immigration clandestine empruntée par les migrants. «Nous avons le sentiment que ces huit personnes sont en quelque sorte parties en éclaireurs afin d'ouvrir la voie aux autres, confie une source proche du dossier, qui ajoute : la France n'était manifestement qu'une étape sur leur route.» Après vérification, les policiers de l'Ocriest (Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre) ont par ailleurs établi que trois des migrants découverts à Bonifacio étaient déjà répertoriés par le fichier Eurodac, qui regroupe les empreintes digitales des demandeurs d'asile et immigrants clandestins. Selon la base de données, ils ont déposé une demande d'asile en Allemagne courant 2008. Devant les autorités locales, ils auraient à l'époque déclaré avoir gagné l'Europe depuis la Russie.
«À leur remise en liberté, bon nombre des migrants découverts en Corse nous ont spontanément dit être venus en France dans l'espoir de gagner la Belgique, l'Allemagne ou la Norvège pour y rejoindre des proches, relate Jean-Paul Nunez, représentant de la Cimade pour la région Languedoc-Roussillon. Aujourd'hui, nous avons perdu tout contact avec une quarantaine d'entre eux.» «Il est possible que certains cherchent aussi à gagner la Suède, où les conditions d'accueil comptent parmi les meilleures d'Europe», avance Gérard Sadik, responsable du secteur de l'asile au sein de la Cimade.
Agissant sur commission rogatoire des juges marseillais Dominique Voglimacci et Philippe Dorcet, les enquêteurs de la gendarmerie et de l'Ocriest travaillent toujours à déterminer l'itinéraire emprunté par ces migrants pour gagner la pointe sud de la Corse. Lors de leurs auditions, ceux-ci ont indiqué d'une même voix avoir quitté la Syrie pour fuir l'oppression dont ils disent avoir été victimes, avant de gagner la Tunisie et d'embarquer à bord d'un cargo en partance pour l'Europe. À ce stade, aucun élément matériel ne corrobore cependant ce récit. Au contraire, les policiers se sont récemment étonnés d'observer de nombreuses communications entre les téléphones emportés dans leur périple par certains des migrants et des numéros enregistrés en Turquie. «Pour l'heure, nous sommes donc bien incapables de dire par quel pays ces personnes sont réellement passées avant d'arriver sur notre territoire», confesse une source proche de l'enquête.
Inlassablement, les hommes de la gendarmerie maritime continuent par ailleurs d'éplucher la liste des quelque 300 navires qui ont croisé au large de Bonifacio durant la période présumée d'arrivée des clandestins. Un yacht, vu par certains pêcheurs corses dans la nuit du 21 au 22 janvier dernier, retient tout particulièrement leur intérêt. «Ce n'est toutefois pas la seule piste», assure un militaire engagé dans ce travail de bénédictin.