Cinquante-trois Prix Nobel appellent Turcs et Arméniens à ouvrir leur frontière, rétablir des relations officielles et résoudre leurs différends à propos des massacres infligés aux Arméniens par les Turcs au début du XXe siècle.
Dans une lettre rendue publique lundi 9 avril, par la Fondation Elie Wiesel pour l'humanité, les lauréats du célèbre Prix Nobel pressent la Turquie de mettre un terme à la discrimination envers ses minorités ethniques et religieuses et d'abolir l'article 301 de son code pénal qui stipule que dénigrer l'identité turque constitue un crime. Ils exhortent également l'Arménie à "réformer son régime autoritaire, autoriser des élections libres et équitables et respecter les droits humains".
Assassinat de Hrant Dink
Le texte fait référence à l'assassinat le 19 janvier 2007, de Hrant Dink, ce journaliste arménien qui s'était fait des ennemis dans les rangs nationalistes turcs en qualifiant de génocide les massacres d'Arméniens à la fin de l'Empire ottoman.
Selon les Prix Nobel, le mieux que l'on puisse faire pour honorer la mémoire de Hrant Dink, serait de "poursuivre l'œuvre de sa vie qui a consisté à défendre la liberté d'expression et à encourager la réconciliation entre Turcs et Arméniens".
Prix Nobel de la paix et de littérature
Parmi les signataires figurent Elie Wiesel, survivant de l'Holocauste et prix Nobel de la Paix en 1986, J.M. Coetzee, prix Nobel de Littérature en 2003, Mairead Corrigan Maguire et Betty Williams, prix Nobel de la Paix en 1976 et Wole Soyinka, prix Nobel de Littérature en 1986.
On ignore si Orhan Pamuk fait partie des signataires. Cet écrivain stambouliote de 52 ans s'est vu décerner le prix Nobel de littérature en 2006 pour une œuvre prônant le mélange des cultures.
Menaces d'ultranationalistes
Ardent défenseur des minorités arménienne et kurde, Orhan Pamuk avait été poursuivi dans son pays en 2005 pour "insulte ouverte à l'identité turque" pour avoir déclaré que nul en Turquie n'osait évoquer le massacre des Arméniens durant la Première Guerre mondiale ainsi que la mort de 30.000 Kurdes dans les violences politiques de ces dernières décennies. La justice turque a finalement renoncé en janvier 2006 à ces poursuites, qui avaient suscité des critiques de la communauté internationale quant au respect de la liberté d'expression en Turquie.
Tout comme le journaliste assassiné Hrant Dink, Orhan Pamuk faisait l'objet de menaces des ultranationalistes. En février dernier, plusieurs médias avaient fait état de son départ discret de la Turquie, sans doute à destination des Etats-Unis. (AP)