Par Marc Semo - mercredi 19 octobre 2005 (Liberation.fr) - Erbil, Kurdistan d'Irak, envoyé spécial.
« Incroyable, il terrorise toujours ses complices », murmure le vieil homme, commentant les regards déférents et apeurés que lancent ses co-accusés à Saddam Hussein. La diffusion de ce que toutes les télévisions irakiennes appellent « le procès du siècle pour le dictateur du siècle » vient de commencer.
« C'est normal qu'il soit jugé à Bagdad. Il a commis des crimes dans tout le pays kurde mais aussi dans tout l'Irak», commente un marchand de cadres et de tableaux dont le magasin déborde de portraits de Massoud Barzani, président du gouvernement régional du Kurdistan et fils du légendaire général Mustapha Barzani, le défunt leader historique du nationalisme kurde irakien. Devant la boutique où la télévision est allumée comme dans de nombreuses autres du bazar, il y a un petit attroupement. « Il n'y a pas un kurde qui ne veuille le jugement de Saddam » assure Ibrahim, employé, qui rappelle toutes les horreurs du régime. « Il a gâché nos vies. A cause de lui j'ai du passer quinze ans dans l'armée, d'abord contre l'Iran puis au Koweit. Toute ma jeunesse n'a été que la guerre », rajoute Mohammad, arabe, qui s'est installé dans la zone kurde après la déroute des troupes de Saddam au Koweit.
« C'était le pire des dictateurs et ce procès est d'autant plus important qu'il va servir d'exemple aux autres dictateurs du monde arabe. Pendant des années il a commis avec leur soutien des crimes abominables en utilisant des armes interdites. » martèle Aziz, instituteur. Il espère aussi que le déroulement des audiences permettra « de montrer à tous les Irakiens ce qui c'est réellement passé pendant ces années car il y a encore une partie de la population et surtout les arabes sunnites, les privilégiés de l'ex régime, qui refusent de voir ce qui se passait». Une vieille femme s'approche, directrice d'école en retraite. Elle opine de la tête puis lance : « je n'aurai jamais imaginé voir enfin Saddam en jugement. Pour toutes les mères de l'Irak, c'est un jour spécial. Cela ne nous rendra pas nos enfants et nos frères mais c'est quand même un début de justice ». Puis elle ajoute : « je suis heureuse, simplement heureuse ».
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