Procès contre les responsables de l'édition turque d'un livre de Chomsky


17 octobre 2006 - Istanbul (AFP)


Le propriétaire d'une maison d'édition, un traducteur et deux éditeurs ont comparu mardi devant un tribunal stambouliote pour avoir "incité à la haine" en publiant la version turque d'un livre de l'intellectuel américain Noam Chomsky, a rapporté l'agence de presse Anatolie.

 
Ce procès est le dernier en date d'une série de poursuites ouvertes contre des intellectuels -dont le prix Nobel de littérature 2006 Orhan Pamuk- en raison de l'expression de leurs opinions sur des sujets sensibles en Turquie comme les massacres d'Arméniens commis sous l'empire ottoman.

Les quatre prévenus risquent jusqu'à six ans de prison pour "incitation à la haine" raciale et "dénigrement de l'identité nationale" en raison de leur rôle dans la publication en mars de l'édition turque de "La Fabrique de l'opinion publique : la politique économique des médias américains".

Le livre, cosigné par Noam Chomsky et Edward S. Herman, analyse à travers l'exemple de plusieurs pays les influences dont font l'objet les individus et les médias.

Il contient des références au traitement imposé à la minorité kurde de Turquie dans les années 1990 -au plus fort de la lutte entre les séparatistes kurdes et les forces de sécurité turques- de manière jugée insultante par le ministère public.

Les prévenus -Fatih Tas, le propriétaire des éditions Aram, les éditeurs Ömer Faruk Kurhan et Taylan Tosun et le traducteur Ender Abadoglu- ont récusé les accusations.

Le juge a ajourné l'audience pour leur permettre de disposer de plus de temps pour préparer leur défense.

"Personne ne devrait s'étonner si les distributeurs, les libraires et les lecteurs sont poursuivis prochainement", a commenté M. Tas à la sortie de la salle d'audience.

M. Tas avait déjà été poursuivi et acquitté en 2002 pour avoir publié un autre livre de Noam Chomsky qui critiquait déjà l'attitude d'Ankara à l'égard de ses Kurdes et les ventes d'armes par les Etats-Unis à la Turquie.

Le professeur de linguistique avait alors assisté à une des audiences à Istanbul pour manifester son soutien à l'éditeur et donner des conférences à Diyarbakir, la principale ville du sud-est anatolien à la population majoritairement kurde.