M. Rémi Féraud. Ma question porte également sur l'agression militaire de la Turquie dans le nord-est syrien.
L'ensemble des groupes de cette assemblée demande au gouvernement de réagir plus fortement, plus fermement, plus rapidement. Il y va de la fidélité à nos alliés kurdes, bien évidemment, et à nos valeurs, mais aussi de notre propre sécurité, comme le Premier ministre l'a lui-même souligné.
Chacun sait le rôle exceptionnel des combattants kurdes, aux côtés de la coalition internationale, dans l'éradication du califat de Daech. Chacun sait que, les attaquer aujourd'hui, c'est permettre la résurgence du terrorisme islamiste jusque sur notre sol.
Le Président de la République a appelé la société française à faire bloc contre le terrorisme. Or cette lutte est globale : faire bloc en France sera illusoire si nous laissons les djihadistes reprendre pied dans le nord-est syrien.
Vous venez de nous dire, monsieur le secrétaire d'État, que la France agit. C'est vrai ! Mais nous vous disons qu'elle agit trop tard et insuffisamment pour être efficace. Cessons d'intérioriser un sentiment d'impuissance et d'isolement largement exagéré. L'invasion par la Turquie du canton d'Afrin, livré ensuite aux milices djihadistes et où les Kurdes ont été victimes d'un véritable nettoyage ethnique, était un avertissement auquel nous n'avons pas su réagir.
La France va-t-elle enfin se mobiliser à la hauteur des sacrifices réalisés pour nous par les combattants kurdes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – MM. Bruno Retailleau et Michel Savin applaudissent également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Oui, vous avez raison, monsieur le sénateur Rémi Féraud, le rôle joué par les combattants des forces démocratiques syriennes, les FDS, qui sont notamment composées de Kurdes, a été déterminant dans la défaite territoriale de Daech, avec l'appui de la coalition internationale et de la France. Le courage de ces femmes et de ces hommes appelle notre reconnaissance.
Cette reconnaissance doit naturellement continuer de s'exprimer dans les faits. Il n'y a pas de dosage dans la façon dont nous cherchons à mobiliser tout le monde. Notre engagement est total pour mobiliser la communauté internationale dans toutes les enceintes.
Dès que l'armée turque a franchi cette frontière, nous avons appelé à une réunion du Conseil de sécurité. Nous n'avons pas ménagé notre peine. Les décisions unilatérales évoquées par le Premier ministre sont graves, très graves. Leurs auteurs portent naturellement une responsabilité devant l'histoire.
Monsieur le sénateur, je vous sais très impliqué sur la question kurde, à l'image de la Haute Assemblée et de sa commission des affaires étrangères, qui, ce matin, a auditionné l'ambassadeur de Turquie. Je veux saluer la proposition de résolution qui appelle à un engagement résolu de la France en faveur de toute initiative. Sachez que nous rejoignons complètement cet appel et qu'il en est question en ce moment même, lors du conseil des ministres franco-allemand, à Toulouse. Les prochaines heures, les prochains jours seront également très importants au sein du Conseil européen.
La situation humanitaire étant ce qu'elle est, nous nous préparons d'ores et déjà à une réponse avec notre centre de crise et de soutien. Un afflux de réfugiés risque de se produire au Kurdistan irakien. Une demande d'aide internationale a été formulée pour pouvoir gérer cette situation. Nous devrons être également présents au rendez-vous pour ces frères d'armes dans la lutte contre le terrorisme que sont les Kurdes. (MM. François Patriat et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Nous appelons les autorités françaises à s'engager davantage et à sortir de la posture défensive dans laquelle nous nous sommes nous-mêmes placés. Rappelons-nous la phrase de Charb : « Contre le cynisme et la mort, aujourd'hui, il y a le peuple kurde. » Il est de notre devoir et de notre intérêt d'être à ses côtés ; nous serons à vos côtés pour prendre des initiatives beaucoup plus fortes dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)