Julien Goldstein
Julien Goldstein, photographe, et Olivier Piot, journaliste.
13 janvier 2009 | Mathilde Saljougui GEO 19 décembre 2008
Julien Goldstein, 29 ans, a commencé à travailler dans le photojournalisme à l’agence Magnum : de 1998 à 2001, il est principalement assistant de la rédactrice en chef. Puis il se lance avec un sujet photo sur New York après les attentats du 11 septembre et un grand reportage en Transnistrie, une république auto-proclamée de Moldavie. Ce reportage sera exposé à Perpignan, lors du festival de photojournalisme Visa pour l’image. Son travail est régulièrement publié par GEO, National Geographic, Le Monde 2, Newsweek et le New York Times. Il signe dans le numéro 359 de GEO le premier volet d’une enquête sur le Kurdistan.
En 2006, je travaillais pour GEO avec le journaliste Olivier Piot sur la communauté Alévie de Turquie. Notre interprète était kurde. Pendant les trois semaines du reportage, il nous a beaucoup parlé de la question kurde : Turquie, Iran, Syrie, Irak, la communauté est répartie sur ces quatre pays. Un peuple sans état. De retour en Europe, nous avons rencontré un représentant du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Il nous a organisé un entretien avec le chef de la branche armée du PKK, dans les Monts Qandil, au nord de l’Irak, où se trouvent les camps du parti. C’était une occasion inespérée mais nous ne voulions pas en rester là. Ce qui nous intéressait, c’était l’idée d’un « grand Kurdistan », avancée dans les années 80. Nous voulions voir si ce rêve d’une nation kurde était encore possible et à quoi un tel Etat pourrait ressembler.
Les Kurdes d’Irak sont les premiers à avoir obtenu leur autonomie (en 1992) : même si leur sort aujourd’hui est suspendu à la présence américaine en Irak, ils disposent d’un Parlement, peuvent parler leur langue et revendiquer leur identité. La situation est différente en Syrie. Le régime de Damas est très oppressant : interdiction pour les Kurdes de fêter Newroz, leur nouvel an. Interdiction de diffuser leur musique. Interdiction d’enseigner leur langue dans les écoles. Les cours de Kurde se font dans la clandestinité. Ils n’ont pas de parti politique légal : tous les leaders ont été emprisonnés. Enfin, il leur est très difficile de s’unir pour lutter contre le pouvoir car ils sont éclatés en trois enclaves.
A travers ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, on peut imaginer combien la situation des Kurdes d’Irak a dû être difficile sous le régime dictatorial de Saddam Hussein.
En Irak, nous n’avons eu aucun problème. Nous avons été bien reçus et les gens étaient ravis de nous parler. En Syrie, en revanche, les choses ont été bien plus délicates. La question kurde est un sujet très sensible et les membres de la communauté craignent de parler. Le parti gouvernemental Baas, le seul autorisé dans le pays, est si bien infiltré dans la société que les gens se méfient les uns des autres. Par peur d’être espionnés, dénoncés.
Nous avons donc pris de nombreuses précautions pour ne pas compromettre les personnes qui acceptaient de nous parler : dans l’article, Olivier Piot a changé les noms des interlocuteurs et des villes dans lesquelles nous les avons rencontrés. Et pour les photos, j’ai fait en sorte qu’aucun visage ne soit reconnaissable dans des situations qui pourraient être interprétées comme politiques par le gouvernement syrien. Seules les personnes qui n’avaient plus rien à perdre ont osé montrer leur visage sur les photos : comme cette mère qui vient tous les jours sur la tombe de son fils, tué par la police en 2008, à la veille de Newroz.
Finalement, à cause des difficultés du terrain, nous sommes restés trois semaines au lieu des dix jours prévus initialement. Trois semaines de tension permanente. Mais j’y retournerai, dans cinq ou dix ans, pour faire un nouveau bilan. C’est un sujet en perpétuelle évolution. Une grande histoire.
Retrouvez les photos du reportage "Vers un Etat kurde au Moyen-Orient ?"
Découvrez le travail de Julien Goldstein sur son site : www.juliengoldstein.com