Dimanche 24 Février 2008 | Par Julien SOLONEL (avec Reuters) Au troisième jour de l'offensive turque contre la guérilla kurde du PKK, les combats se sont intensifiés au Kurdistan, dans le nord de l'Irak. Depuis jeudi, cette opération critiquée par le gouvernement irakien et les pays occidentaux aurait fait 112 morts dans les rangs des rebelles. Le PKK appelle les Kurdes à se soulever et accuse Washington de soutenir la Turquie.
8000 soldats turcs combattent contre les séparatistes kurdes du PKK (Reuters).
"S'ils veulent nous détruire, nos jeunes gens doivent rendre les villes (de Turquie) inhabitables". Au troisième jour de l'incursion de l'armée turque dans le nord de l'Irak, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a exhorté dimanche les Kurdes vivant dans des communes turques à se soulever, mais sans s'en prendre à des cibles civiles. "Dans les grandes villes, la jeunesse kurde doit engager une riposte aux opérations militaires. Les combattants du Kurdistan ne sont pas seulement 7000 ou 10000, ils sont des centaines de milliers. Ils sont partout (...) dans toutes les villes turques" a poursuivi Bahoz Erdal, chef militaire du PKK.
Ces appels interviennent alors que les forces turques ont intensifié samedi leur offensive, lancée jeudi pour détruire les bases arrières du mouvement séparatiste. "Les bombardements aériens et terrestres se poursuivent. Les affrontements deviennent plus violents", a déclaré un haut responsable militaire turc, précisant qu'Ankara avait déplacé 25 chars supplémentaires.Trois jours après avoir passé la frontière, Ankara dit avoir tué 35 combattants ennemis samedi, ce qui porte le bilan à 112 morts. Dimanche, de nouveaux combats auraient coûté la vie à cinq militaires d'Ankara, portant à 12 le nombre de tués depuis le début de l'incursion. Le PKK prétend de son côté qu'elle a abattu 22 soldats turcs. La guérilla a également annoncé avoir détruit un hélicoptère turc Cobra. Des informations difficiles à vérifier en l'absence d'observateurs et d'images.
Une opération critiquée de toute part
Le chef de la diplomatie turque, Ali Babacan, qui qualifie l'opération de "succès", a répondu samedi aux nombreuses critiques émises contre l'option militaire. Il s'est défendu de vouloir s'attaquer "à l'intégrité territoriale et à l'unité politique de l'Irak : la seule cible est l'organisation terroriste PKK", a martelé M. Babacan. Les 8000 soldats turcs engagés n'auraient donc pas vocation à rester longtemps sur place.
Le gouvernement irakien avait protesté contre les incursions turques dans le nord du pays, estimant que l'offensive ne mettrait pas fin aux activités des rebelles. "Nous comprenons parfaitement l'ampleur de la menace qu'affronte la Turquie, mais la crise du PKK ne se règlera pas par des opérations militaires", a déclaré Ali al Dabbagh, porte-parole du gouvernement, lors d'une conférence de presse à Bagdad. "La Turquie a essayé la solution militaire, mais cela n'a pas produit de résultats durables", a-t-il ajouté.
Washington et l'Union européenne, alliés traditionnels de la Turquie en Occident, ont également demandé à Ankara de limiter ses opérations et de quitter l'Irak au plus vite. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a exhorté les belligérants à respecter la frontière irako-turque. "Tout en étant conscient des préoccupations de la Turquie, Ban Ki-moon réitère son appel à la plus grande retenue et au respect des frontières internationales entre l'Irak et la Turquie", a déclaré un porte-parole de l'ONU. Il a également appelé le PKK à "mettre immédiatement fin à ses incursions et à ses attaques terroristes en Turquie à partir du nord de l'Irak".
De leur côté, les leader du PKK ont accusé les Américains de soutenir l'offensive turque. "Les Etats-Unis ne soutiennent pas seulement activement, ils prennent aussi part aux opérations", a déclaré Bahoz Erdal. "Les avions de reconnaissance américains survolent la région. Ils fournissent instantanément des renseignements à l'armée turque sur les positions de nos forces et les avions turcs viennent alors bombarder la zone", a-t-il ajouté. Informés ou non par le Pentagone, les F-16 de l'aviation turque continuaient de bombarder dimanche les positions rebelles.