19 octobre 2005Saddam Hussein. Le procès de l'ex-raïs et de sept de ses proches pour l'exécution de 143 villageois à Doujaïl, en 1982, s'ouvre ce matin devant un Tribunal spécial irakien. Son avocat va demander un ajournement d'"au moins trois mois" des débats.
Saddam Hussein (Sipa) | |
Le procès de Saddam Hussein s'ouvre mercredi 19 octobre devant le Tribunal spécial irakien à Bagdad, qui doit juger l'ex-président irakien et sept anciens hauts responsables de son régime pour le massacre de Doujaïl, une ville chiite où 143 personnes furent tuées en 1982 après une tentative d'assassinat manquée contre le dictateur.
Cinq juges, dont l'identité est tenue secrète pour leur propre sécurité, jugeront l'ancien dictateur et ses sept co-accusés. S'ils sont reconnus coupables, ces derniers risquent la peine capitale, mais ils pourront faire appel auprès d'une autre chambre du tribunal.
L'avocat de Saddam Hussein a indiqué mardi soir qu'il allait demander un ajournement d'"au moins trois mois" du procès de son client. "Toutes les options sont ouvertes, y compris l'ajournement qui est l'un des droits de la défense", a fait savoir Khalil al-Doulaïmi.
La première audience mercredi devait être consacrée à la lecture des charges qui pèsent sur les accusés, avant que le tribunal ne s'attaque aux questions de procédure. Le procès sera sans doute alors ajourné, vraisemblablement pour plusieurs semaines.
Symbole
Saddam Hussein fait l'objet de sept inculpations préliminaires pour les meurtres d'opposants politiques sur trois décennies, l'assassinat de religieux en 1974, le massacre de Doujaïl en 1982, le massacre de la tribu Barzani en 1983, le gazage de la ville kurde d'Halabja en 1988, l'invasion du Koweït en 1990 et la sanglante répression des soulèvements kurdes et chiites en 1991.
Les magistrats ont choisi de poursuivre d'abord Saddam Hussein dans un dossier présenté comme le plus simple et le plus rapide à monter. Les autres atrocités imputées à son régime, dont Saddam Hussein devrait devoir répondre, comme le gazage des Kurdes à Halabja en 1988 ou la répression des soulèvements kurdes et chiites en 1991, constituent des dossiers beaucoup plus lourds, en termes de victimes, de témoins et de documentation.
A peine trois jours après le référendum sur le projet de Constitution irakienne, le procès de Saddam Hussein se veut un symbole, même si, plus de deux ans après la chute du régime, l'Irak reste la proie des violences perpétrées par des insurgés sunnites fidèles du régime et des combattants étrangers liés à des groupes terroristes.
Après 23 ans de règne, le régime de Saddam Hussein s'est effondré en avril 2003 quand les troupes américaines sont entrées dans Bagdad. L'ancien dictateur en fuite n'a été capturé que huit mois plus tard, le 13 décembre, par les soldats américains dans sa ville d'origine de Takrit, dans le nord du pays. Depuis, l'ex-président est détenu dans une installation américaine supposée se trouver à proximité, voire à l'intérieur, de l'aéroport international de Bagdad.
Le Tribunal spécial irakien qui jugera Saddam Hussein a été mis en place lors de l'occupation américaine de l'Irak, qui a officiellement pris fin en juin 2004. Si l'instance a depuis été approuvée par l'Assemblée nationale provisoire élue en janvier dernier, certains, au premier rang desquels les défenseurs de l'ex-raïs, mettent en cause sa légitimité.
Jugé par son peuple
Human Rights Watch s'inquiétait ainsi la semaine dernière que le tribunal ne courre le risque de "violer les normes internationales pour des procès équitables". Certaines voix se sont élevées pour demander que l'ancien dictateur soit jugé devant la Cour pénale internationale (CPI).
Le Premier ministre irakien Ibrahim al-Jaafari écartait lundi cette idée. "Pourquoi un homme qui a commis des crimes contre son propre peuple ne serait pas jugé par le même peuple". "Le système judiciaire irakien est juste", a-t-il affirmé.
"Saddam n'est plus là et nous avançons alors que lui, il fait partie du passé", le chef du gouvernement devant la presse. "Son procès n'appartient pas seulement à une nation mais au monde entier. Les Irakiens voudraient voir que la justice est faite."
Mais le chef du gouvernement s'est néanmoins plaint lundi de la lenteur, injustifiable selon lui, du Tribunal spécial irakien, estimant que "tout citoyen irakien a le droit de demander pourquoi la préparation du dossier Doujaïl a été aussi longue".
Ibrahim al-Jaafari, un chiite du parti Dawa qui a lui-même perdu cinq de ses proches parents, exécutés par le régime de Saddam Hussein dans les années 1980 et 90, a assuré qu'il essayait "d'oublier ce qui est arrivé à mon frère et à mes cousins". "Ce n'est jamais une question de vengeance", a-t-il dit, se défendant de toute interférence des autorités sur le tribunal.
L'ancien régime irakien avait imputé au Dawa la tentative d'assassinat contre Saddam Hussein lors d'une visite à Doujaïl, un fief du parti chiite. Sur les 17 membres présumés du parti qui avaient ouvert le feu sur l'escorte présidentielle, huit furent tués dans une fusillade avec les troupes d'élite de la Garde républicaine. Neuf autres prirent la fuite et se réfugièrent en Iran.
© Le Nouvel Observateur