Un convoi de véhicules militaires russes se dirige vers la ville de Kobané, située dans le nord-est de la Syrie, le 23 octobre 2019. AFP
lexpress.fr | Le 23/10/2019
En début de soirée ce mercredi, plusieurs véhicules blindés arborant des drapeaux russes sont entrés dans la ville frontalière syrienne de Kobané.
En début de soirée, plusieurs véhicules blindés arborant des drapeaux russes entraient dans la ville frontalière syrienne de Kobané, une localité de l'extrême nord tenue jusqu'à ces derniers jours par les forces kurdes. Le ministère russe de la Défense a indiqué dans un communiqué que les patrouilles de ses soldats étaient sur le point de débuter dans la ville.
Les troupes russes, déjà présentes en Syrie (où elles appuient l'armée du président Bachar al-Assad), avaient franchi dans l'après-midi l'Euphrate, le grand fleuve qui traverse le nord du pays en guerre, en direction de la frontière qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres.
Lors d'une rencontre mardi à Sotchi, en Russie, le président Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont conclu un "mémorandum" visant au retrait total des forces kurdes de la zone et au contrôle commun d'une large partie de la frontière turco-syrienne. Cet accord signe la défaite des Forces démocratiques syriennes (FDS) - dont la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) est l'épine dorsale -, qui avaient largement aidé la coalition internationale menée par Washington à vaincre le groupe djihadiste Etat islamique (EI).
Salué comme "historique" par Recep Tayyip Erdogan, l'accord sonne le glas des volontés d'autonomie des Kurdes, le cauchemar d'Ankara.
Colère et de désespoirCe mercredi, des scènes de colère et de désespoir se déroulaient à Qamichli, une ville frontalière du nord-est de la Syrie, considérée comme la capitale de facto des Kurdes syriens, et qui a été exclue par l'accord sur la "zone de sécurité". La ville abrite plusieurs dizaines de milliers de civils, dont de nombreux déplacés, et la situation y est déjà très précaire.
Des centaines d'habitants ont manifesté en criant des slogans hostiles au pouvoir turc. Une pancarte comparait l'État turc au groupe État islamique. "Les occupants turcs ont lancé un génocide contre notre peuple et veulent changer la démographie de la région", affirmait Salman Sheikhi, un manifestant de 50 ans.
La Turquie a affirmé vouloir renvoyer dans la "zone de sécurité" une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens qui se trouvent sur son sol. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une voiture piégée a explosé ce mercredi près d'un magasin de téléphonie de Qamichli, sans faire de victime, et le reste de la zone frontalière est resté globalement calme.
La Turquie avait lancé le 9 octobre une offensive contre les YPG, un groupe qu'elle qualifie de "terroriste", après avoir reçu un feu vert de facto du président Trump qui a retiré ses troupes du secteur. Selon un haut responsable américain, plus de 100 prisonniers du groupe État islamique se sont échappés en Syrie depuis le début de cette offensive. Recep Tayyip Erdogan avait annoncé le 17 octobre une trêve de cinq jours, qui s'est achevée mardi soir.
Conformément à sa demande pour prolonger le cessez-le-feu, les FDS ont annoncé à temps le retrait de "tous (leurs) combattants" d'une zone d'une longueur de 120 km entre les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn.
"Pas totalement confiance"Ankara avait interrompu son offensive après un accord avec Washington prévoyant le retrait des YPG de cette zone. Mais la Turquie veut s'assurer que les forces kurdes quittent l'ensemble de la zone frontalière. Aux termes de l'accord de Sotchi, Moscou doit s'assurer du retrait des YPG des portions restantes de la frontière turque comprises entre l'Euphrate et l'Irak voisin de la Syrie.
Dans le même temps, les troupes du régime syrien se renforcent elles aussi dans la zone frontalière. Appelées à l'aide par les forces kurdes lâchées par les Américains, elles peuvent ainsi renforcer leur emprise sur les parties du territoire qui lui échappent encore. Ankara a dit compter sur Moscou pour mettre en oeuvre l'accord de Sotchi, ajoutant n'avoir "pas totalement confiance" dans le régime de Damas. Le texte prévoit que Russes et Syriens oeuvreront ensemble "pour faciliter le départ" de tous les combattants des YPG et de leurs armes.
La Turquie, qui soutient des groupes rebelles opposés à Bachar al-Assad, redoute notamment que le régime de Damas permette aux forces kurdes de rester dans certaines zones.