Turquie . La présidence du Kurdistan irakien demande au PKK de cesser ses attaques. Cette crise replace la question kurde au centre du débat politique.
Après la visite du chef de la diplomatie turque, Ali Babacan, à Bagdad, et l’annonce, par le premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, de la fermeture des bureaux du PKK et l’interdiction d’opérer à partir du sol irakien, la présidence du Kurdistan irakien a demandé à son tour au PKK de mettre fin à la lutte armée. « Nous appelons le PKK à renoncer à la violence et à la lutte armée comme mode d’opération. Le problème actuel devrait être résolu de manière politique et diplomatique », a indiqué le bureau du président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani. « Nous n’acceptons en aucun cas l’utilisation du territoire irakien, et notamment du territoire du Kurdistan, comme base pour menacer la sécurité des pays voisins », a-t-il ajouté. La veille, le président irakien, Jalal Talabani, lui-même d’origine kurde, avait jugé « intolérables » les actions du parti d’Abdullah Öcalan. « Nous avons donné au PKK le choix entre partir ou déposer les armes », avait-il assuré.
Cet engagement de la présidence du Kurdistan irakien n’est pas étranger aux multiples pressions qu’il subit de la part des États-Unis qui craignent qu’une offensive turque dans le Kurdistan irakien ne déstabilise une région relativement épargnée par les violences sévissant en Irak. « Nous travaillons à trouver une solution diplomatique à un problème difficile », a estimé le porte-parole du Département d’État américain, Sean McCormack.
Pour autant, la Turquie, qui a rejeté l’offre de cessez-le-feu du PKK, et affirme vouloir privilégier une solution diplomatique, n’a pas hésité à bombarder dimanche, par des F-16 turcs, des positions du PKK situées à 50 kilomètres à l’intérieur de l’Irak. Ces raids de l’aviation turque témoignent, si besoin est, que les menaces d’intervention militaire d’Ankara doivent être prises au sérieux. Et le fait que l’agence de presse pro-kurde, Firat, ait publié des photos de soldats turcs faits prisonniers, lors de l’attaque de dimanche, ne va certainement pas contribuer à apaiser la tension à la frontière.
En effet, soumis à de fortes pressions internes et accusé de mollesse par des partis kémalistes et nationalistes plus ou moins soutenus en sous-main par les chefs de l’armée turque, le premier ministre turc, Tayyip Erdogan, est contraint de hausser le ton et d’envisager, outre une incursion militaire dans le nord de l’Irak, de brandir la menace de sanctions économiques sous la forme de restrictions à l’exportation contre l’Irak. La perspective d’un référendum sur le statut de Kirkuk qu’envisagent de tenir les partis kurdes irakiens d’ici à la fin de l’année n’est pas étrangère à cette volonté affichée d’Ankara d’en finir avec le « terrorisme » kurde. La Turquie, en effet, n’a jamais caché son hostilité au rattachement de la ville pétrolière de Kirkuk, où vit une importante minorité turkmène, au Kurdistan irakien.
Si le PKK, soumis à une triple pression - américaine, irakienne et turque - se trouve militairement dans une posture délicate, il n’en reste pas moins qu’il a réussi à replacer la question kurde en Turquie au centre de l’actualité. Ce faisant, Ankara, qui a de tout temps nié l’existence d’un problème kurde en Turquie, n’y voyant que la manifestation d’un terrorisme cherchant à nuire à « l’unité nationale » turque, ne pourra plus l’ignorer. Et il lui faudra bien qu’il trouve rapidement une solution à un problème qui dure depuis 1984, date du début de la lutte armée du PKK.