Recep Tayyip Erdogan
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a obtenu près de 50% des voix et une majorité de 325 députés sur les 550 sièges du Parlement.
Reuters
Rfi.fr | Par Tudor Tepeneag
Les législatives de ce dimanche 12 juin ont donné une victoire nette au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Son Parti de la justice et du développement (AKP) a obtenu près de 50% des voix et une majorité de 325 députés sur les 550 sièges du Parlement unicaméral d’Ankara. Ce très bon résultat permettra à Recep Tayyip Erdogan d’obtenir un troisième mandat consécutif et de former un gouvernement stable. Mais il ne pourra pas faire adopter une nouvelle Constitution sans négocier avec l’opposition et sans prendre en compte les revendications des Kurdes de Turquie.
Il aurait fallu 367 sièges de députés au Premier ministre turc, soit la majorité de deux tiers du Parlement, pour imposer une nouvelle Constitution sans consulter l’opposition. Mais il n’a même pas atteint le seuil des 330 sièges, à partir duquel il aurait pu se passer du soutien des autres partis, en faisant adopter des amendements constitutionnels par la voie du référendum. C’est d’ailleurs par cette voie qu’en novembre 2010, 26 amendements ont été adoptés à une écrasante majorité, avec 58% de « oui ».
Avec seulement 325 sièges, le Premier ministre est obligé de faire des alliances au sein du Parlement pour changer la Constitution. Il a promis d’ailleurs, dès l’annonce des résultats aux législatives, qu’il rechercherait un « vaste consensus » avec l’opposition et la société civile pour « rédiger une nouvelle Constitution libérale digne de la Turquie ».
La Constitution actuelle date de 1982 et elle a été rédigée deux ans après le coup d’Etat militaire de 1980. C’est la cinquième du pays et la troisième depuis l’instauration de la République. Elle porte toujours l’empreinte de Mustafa Kemal Atatürk, considéré comme le créateur de la Turquie moderne. A ce jour, l’armée turque est garante de l’ordre constitutionnel laïc, mais l’Union européenne a fait pression pour qu’elle n’ait plus de rôle politique.
Recep Tayyip Erdogan veut transformer le système parlementaire actuel en république présidentielle. Ses adversaires politiques l'accusent de dérive autoritaire, ils pensent qu’il se verrait bien, après trois mandats de Premier ministre, en futur président du pays, jouissant de pouvoirs élargis. Ils évoquent aussi la multiplication des arrestations et des inculpations dans les milieux de la presse et au sein de l’armée, sous des accusations de complot contre le pouvoir.
La situation des Kurdes demeure un problème essentiel pour la Turquie. Ils sont entre 12 et 15 millions pour une population de 73 millions. Les partis politiques kurdes ont réussi à faire élire plus de 30 députés dans le nouveau parlement, malgré le seuil électoral de 10%. Ils pourraient devenir des partenaires de l’AKP majoritaire, surtout pour l’adoption d’une nouvelle Constitution.
Cependant, rien ne laisse à penser que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan va accepter facilement les principales revendications des Kurdes: autonomie au sein d’un système fédéral, éducation en langue kurde, suppression du seuil électoral de 10% et amnistie pour les membres emprisonnés du parti illégal PKK.
L’autre hypothèse pour l’adoption d’une nouvelle Constitution serait une alliance entre l’AKP et le Parti républicain du peuple, formation social-démocrate et laïque qui est la principale force d’opposition. La négociation tournerait alors autour de l’idéologie kémaliste et pourrait déboucher sur un nouveau rapport formalisé entre la laïcité et l’islamisme modéré.