Un combattant du PKK
Rfi.fr
Trente ans de conflit prennent officiellement fin ce mercredi 8 mai. En Turquie, les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) quittent le pays, direction l’Irak. Ils répondent à l’appel d’Abdullah Öcalan. En mars dernier, le chef des rebelles emprisonné en Turquie a demandé à ses hommes de déposer les armes. Leur retrait se fera progressivement, jusqu’à l’automne prochain. En contrepartie, Ankara promet une reconnaissance identitaire à l’ethnie kurde.
Les droits des Kurdes seront gravés dans le marbre. La Turquie l'assure : « Il y aura une réforme constitutionnelle ».
Ce mercredi 8 mai, les rebelles kurdes remplissent leur part du marché, ils cessent la lutte armée et entament leur retrait en Irak. Mais leurs yeux restent rivés sur Ankara. Les autorités turques n’auront pas le droit à l’erreur : contacté par RFI, Mussa Kaval, représentant de l’alliance démocratique des Kurdes en Turquie, met en garde contre une éventuelle « trahison turque » qui pourrait, selon lui, causer de graves problèmes à l’avenir.
Toutefois ce représentant des partis kurdes affiche une certaine sérénité. « Je pense que la Turquie va tenir sa promesse, le pays veut devenir membre de l’Union européenne, il a tout intérêt à entamer des réformes démocratiques et à reconnaître l’identité kurde », analyse-t-il.
Le territoire des Kurdes s’étend sur quatre pays : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Depuis 1984, la frontière sud-est de la Turquie - qui la sépare de l’Irak - est déstabilisée par des combats entre armée turque et séparatistes du PKK. Aujourd’hui le conflit syrien bouleverse davantage la situation. Les Kurdes de Syrie longtemps canalisés par le clan Al-Assad, agissent désormais en électrons libres.
Les craintes pour la Turquie sont de devoir affronter une alliance kurde sur un nouveau front. Selon le politologue Ali Kazancigil, le Parti des travailleurs du Kurdistan s’est transformé en un parti régional grâce au PYD (branche syrienne du PKK). « La Turquie est obligée de tenir compte de cela. Si le conflit avec le PKK continue, il y a un risque de devoir combattre les Kurdes non seulement à la frontière irakienne, mais aussi à la frontière syrienne », reconnaît le spécialiste turc.
Ankara a d’abord souhaité un retrait sans armes vers l’Irak mais fin avril le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a fini par reconsidérer sa position. Cette condition allait très certainement poser problème. Les combattants du PKK ne font qu’à moitié confiance aux autorités turques. Lors d'un précédent retrait amorcé en 1999, plusieurs centaines d'entre eux ont été tués dans des affrontements.
De plus, en Irak, les rebelles du PKK n’arrivent pas en terrain conquis, explique Dorothée Schmid. Selon cette spécialiste qui dirige le programme Turquie contemporaine à l’Institut français des relations internationales (IFRI), les Kurdes irakiens entretiennent une relation assez ambiguë avec leurs cousins du Kurdistan turc. « Les Kurdes d’Irak ne s’en sont jamais pris aux rebelles du PKK mais en même temps, ils ont permis à plusieurs reprises à l’armée turque de pilonner les bases arrières du PKK en Irak », constate la chercheuse pour qui le repli des séparatistes kurdes en Irak ne fait que déplacer le problème au lieu de le régler. « Les combattants du PKK sont une force transnationale qui se balade d’un pays à l’autre. Ils représentent une force de déstabilisation potentielle », affirme-t-elle.
A travers cette normalisation, le Premier ministre turc espère néanmoins créer une stabilité nationale et régionale. Il défend également ses propres intérêts, selon le politologue turc Ali Kazancigil. 2014 sera une grande année pour Recep Tayyip Erdogan, qui veut faire basculer la Turquie vers un système présidentiel. « Le Premier ministre Erdogan veut devenir président et pour y parvenir, il a besoin du vote des Kurdes. Cette ethnie représente 20% de la population turque », explique le spécialiste.
L’opération séduction à l’égard de la communauté kurde ne fait donc que commencer en Turquie. Le retrait des troupes du PKK, qui doit se poursuivre jusqu’à l’automne prochain, est un premier pas essentiel : il met un terme à ce conflit qui a fait plus de 45 000 morts en trente ans.