Banaz Mahmod a été assassinée par son père et un oncle pour s'être éprise d'un Kurde irakien d'un autre clan.
La police n'avait pas pris au sérieux ses appels au secours.
Une douzaine de jeunes filles seraient chaque année victime de ces pratiques.
Le sort réservé à Banaz Mahmod, une jeune Kurde étranglée par son père et son oncle pour s'être éprise d'un étranger à son clan, est le dernier et plus tragique exemple de l'abîme qui sépare les communautés établies en Grande-Bretagne. La police et le gouvernement travailliste refusent-ils de contempler le véritable état de la société britannique ?
La photo de Banaz Mahmod a fait mardi les premières pages de la presse britannique. Cette réfugiée du Kurdistan irakien, âgée de 20 ans, avait tourné le dos au mariage organisé par sa famille avant de s'éprendre d'un jeune Kurde originaire d'un clan iranien. Trois mois après sa disparition, passée inaperçue dans sa communauté, son corps nu était retrouvé dans une valise enterrée sous un vieux frigo et des sacs d'immondices. Elle avait été étranglée avec un lacet.
Son père, 52 ans, et son oncle, 51 ans, qui occupait un rang important dans la communauté kurde installée en Grande-Bretagne, ont été reconnus coupables lundi devant le tribunal de l'Old Bailey du meurtre de la jeune femme mais leur condamnation pour ce crime atroce ne mettra pas fin à cette tragique histoire.
Attitude mélodramatique
Le "Times" estimait mardi à une douzaine le nombre de jeunes femmes victimes chaque année de ces "crimes d'honneur" au sein des communautés musulmanes mais les statistiques officielles montrent que le taux de suicide chez les femmes asiatiques âgées de 16 à 24 ans est trois plus élevé que la moyenne nationale.
La police britannique et le gouvernement ferment-ils les yeux sur la soumission de ces femmes ? La police britannique est accusée de ne pas avoir prêté suffisamment d'attention aux doléances de la jeune femme, qui, quatre semaines avant sa disparition, avait déjà trouvé refuge, couverte de sang, dans un commissariat. Forcée de s'enivrer par son père, Banaz Mahmod n'avait réussi à échapper à sa surveillance qu'en brisant deux fenêtres de sa maison.
A quatre reprises au moins, la jeune femme avait informé la police des menaces proférées contre elle et lui avait même remis une liste des hommes chargés de la faire disparaître. Peut-être découragée par la police qui avait jugé son attitude "mélodramatique", la jeune femme avait pourtant refusé de porter plainte et surtout de chercher refuge auprès d'associations de victimes de violences domestiques.
La police a beau jeu évidemment d'invoquer le silence complet auquel ses enquêtes s'étaient heurtées dans la communauté kurde, sans parler de l'hostilité latente qu'elle rencontre dans la minorité musulmane d'où fusent facilement les accusations de racisme, de harcèlements, de brutalités, de discriminations, d'insensibilité.
La tâche de la police et celle des groupes de soutien aux victimes des "crimes d'honneur" n'est pas facilitée par le laxisme du gouvernement de M. Tony Blair. Après avoir annoncé l'an dernier avec fracas qu'il allait légiférer contre les mariages forcés/arrangés, le gouvernement avait fait marche arrière pour ne pas s'exposer aux accusations de racisme des représentants des minorités. Au lieu de la législation réclamée, le ministère de l'Intérieur va publier "un plan d'action" et une "trousse d'outils pour juger des risques". Quant au Foreign Office, il dispose, comme le rappelle le "Times" d'une "unité spéciale qui visitera les villages éloignés de la planète pour ramener chez elles les citoyennes britanniques victimes de mariages forcés".