Cette accroche renvoie à un article conçu comme une longue liste d'invités attendus à Lausanne, parmi lesquels Rauf Denktash, le dinosaure de la politique nord-chypriote.
Artistes, scientifiques, syndicalistes, dirigeants de la société civile, militaires, tout le paysage social et politique turc serait ainsi représenté le 24 juillet à Lausanne. Pour l'instant, rien ne permet de dire que cette manifestation sera un succès.
L'organisation même de cet événement apparaît brumeuse. Pour seul répondant, on trouve Ethim Kayali, responsable de la Société de la pensée d'Atatürk, une association bernoise nationaliste turque. «Nous avons bien prévu un tel événement à Lausanne, explique-t-il, un peu surpris par cette soudaine publicité. Nous avons le feu vert des autorités lausannoises.»
Un nationaliste radical attendu
Vraiment? A la police de Lausanne, une demande de manifester est bien enregistrée. Mais aucune réponse n'a encore été donnée. Dans Post , ce journal conservateur financé par Ihlas Holding (Turkiye), on trouve pourtant déjà une mention précise du trajet qu'emprunteront les manifestants. Ils comptent partir de Bellerive pour se rendre au Beau-Rivage avant de remonter vers la Riponne.
Il leur faudra peut-être compter avec une contre-manifestation, organisée par des Kurdes. Défendant le droit des minorités oubliées par le Traité de Lausanne ( encadré ), un groupe d'intellectuels a également déposé une demande de manifester le 24 juillet.
Parmi la liste des invités du Post , on trouve enfin deux noms dont la seule mention pourrait susciter la tension: Yusuf Halaçoglu, le professeur turc dont le «négationnisme» du génocide arménien avait ravivé les tensions entre Berne et Ankara. Et Dogu Perinçek, le chef du Parti des travailleurs (IP), connu en Turquie pour ses positions radicales sur la question arménienne et le droit des minorités.
A Berne, l'ambassade de Turquie a bien entendu parlé de «Lausanne 2005», comme est baptisé cet événement sur un site web turc (www.lozan2005.org). Mais les représentants d'Ankara gardent leur distance en n'assumant aucune responsabilité quant à la tenue de la manifestation.
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Minorités oubliées à Rumine Une histoire qui n’en finit pas de s’écrire.
N. V. Mais pourquoi les Turcs tiennent-ils autant à célébrer Lausanne et son Traité signé au Palais de Rumine, en cette torride et orageuse journée du 24 juillet 1923? Parce que, bien entendu, la place de la Riponne est liée aux fondations de la Turquie moderne, dont les frontières actuelles furent définies par l'accord lausannois. Mais ce n'est pas tout. Au contraire du Traité de Sèvres, conclu le 10 août 1920 entre les Alliés et l'Empire ottoman, celui de Lausanne n'a pas mentionné les Arméniens, les Kurdes et d'autres minorités. A Sèvres, l'Empire avait perdu la Thrace, la Ionie, la région de Smyrne (aujourd'hui Izmir), l'Arménie et ses provinces arabes, dont la Société des Nations confiait l'administration à la France et au Royaume-Uni. Trois ans et une guerre plus tard, les compteurs ont été remis à zéro. Concluant une «conférence pour la paix générale en Orient» ouverte à Lausanne en novembre 1922, la Paix de Lausanne met une fin officielle aux conflits territoriaux nés du démembrement de l'Empire ottoman. Huitante ans plus tard, des minorités oubliées au Palais de Rumine en contestent encore les fondements. Mais pour les Turcs, «Lausanne, pas touche!»
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