Par Jean-Michel HELVIG - samedi 15 octobre 2005
a démocratie n'est jamais tombée pure et parfaite sur la tête des peuples. Elle a avancé dans nos contrées de fort peu honorable manière avant d'être admise comme le bien commun de tous sans discrimination de fortune, de race ou de sexe.
Et s'il y a une immense arrogance sinon une grande illusion, de la part de ceux qui voulaient, en Irak, l'importer clés en main dans leurs fourgons militaires, force est de constater qu'au moins le suffrage y est d'emblée universel, à défaut d'être entièrement sincère. Car la Constitution sur laquelle doivent se prononcer aujourd'hui les Irakiens ressemble à un cadre suffisamment mou pour ne contrarier aucun des intérêts d'aujourd'hui et assez flou pour ne gêner aucune des arrière-pensées de demain. Les Kurdes voteront oui parce qu'ils préservent leur quasi-indépendance, les chiites approuveront parce qu'ils maintiennent leur majorité et les sunnites se diviseront entre oui et non selon la voie qui leur paraît la moins mauvaise pour échapper à la marginalisation. Il n'y a pas qu'en Europe où l'on répond à côté de la question posée par un référendum. Mais si l'on veut bien prendre en considération l'état d'un Irak sorti depuis peu des ténèbres dictatoriales, soumis à une barbarie terroriste quotidienne et aveugle, c'est peut-être un progrès à ne pas négliger que l'on s'y accorde au moins sur le fait qu'une question soit seulement posée. Cela ressemble à un instinct de vie collectif, à un réflexe de vivre ensemble, bref les bases de ce qui pourrait demain constituer une démocratie nationale. Dans un pays que l'on voue généralement au pire, la démocratie peut commencer quand chacun fait le calcul par son vote qu'il a plus à gagner qu'à perdre en en faisant reculer l'échéance.
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