Une cour néerlandaise qualifie les massacre des Kurdes irakiens de "génocide"

Info- LE MONDE [23 décembre 2005]

 L'homme d'affaires néerlandais Frans Van Anraat a été condamné, vendredi 23 décembre, à La Haye à quinze ans de prison pour complicité de crimes de guerre pour avoir fourni des produits chimiques au régime de Saddam Hussein, qui ont été utilisés lors des attaques au gaz contre des populations kurdes d'Irak dans les années 1980.

Des photos de plusieurs Kurdes victimes de massacres en Irak, exposées devant le palais de justice de La Haye, lundi 21 novembre. | AP/FRED ERNST
AP/FRED ERNST
Des photos de plusieurs Kurdes victimes de massacres en Irak, exposées devant le palais de justice de La Haye, lundi 21 novembre. Si Frans Van Anraat a été acquitté de complicité de génocide, la cour a néanmoins jugé que les massacres contre les Kurdes pouvaient bien être qualifiés de "génocide". Le tribunal a notamment insisté sur les événements d'Halabja en mars 1988, un massacre qui a fait 5 000 morts en une journée.

Van Anraat était poursuivi par le tribunal de La Haye en vertu d'un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle pour juger les personnes suspectées de crimes de guerre et de génocide dès lors qu'elles résident aux Pays-Bas.

QUATRE "GÉNOCIDES" OFFICIELS

C'est la première fois qu'une cour qualifie de génocide la répression des Kurdes perpétrée par le régime baassiste irakien. Les institutions internationales, sous l'égide de l'ONU, reconnaissent officiellement quatre génocides. Le génocide des juifs et des Tziganes commis par les nazis en Europe est le premier à avoir été reconnu comme tel par le tribunal de Nuremberg en 1945. Le génocide des Arméniens, commis par l'Empire ottoman, a été reconnu dans une résolution de la sous-commission des droits de l'homme de l'ONU en août 1985. Le génocide des Tutsis au Rwanda commis par les Hutus du régime Habyarimana a été reconnu par le Conseil de sécurité des Nations unies par la résolution 955, en 1994. Enfin, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a qualifié de génocide le massacre de 8 000 Bosniaques par les Serbes à Srebrenica.

Le jugement de La Haye ne devrait pas avoir de répercussion juridique directe sur le procès de Saddam Hussein, mais pourrait peser dans les débats. Pour Heikelina Verrijn Stuart, une juriste ayant suivi les différentes audiences du procès Van Anraat, "le tribunal irakien devra surtout prendre en compte le droit international tel qu'établi par les juridictions internationales, notamment les tribunaux ad hoc, et non la jurisprudence néerlandaise".

L'ancien dictateur est actuellement jugé avec ses anciens lieutenants par un tribunal spécial irakien pour le massacre de 148 chiites en 1982. Il devrait ensuite être jugé pour plusieurs massacres dans lesquels il est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, notamment le gazage des Kurdes d'Halabja.

Avec AFP