17 juil. 2006
TURQUIE - Forte inflation, dévaluation de la livre turque, fuite des investisseurs et des capitaux étrangers. Les commentaires de la presse turque et internationale sur l'évolution de l'économie turque oscillent entre un ton rassurant et des propos alarmistes.
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a revu ses espoirs à la baisse. Alors que le ministre de l'Economie, Ali Babacan, prévoyait une croissance de l'ordre de 6 % cette année, le gouvernement espère aujourd'hui atteindre les 5 %, rapporte le quotidien turc Turkish Daily News. En effet, une forte inflation s'est développée, culminant à près de 10 % au mois de juin dernier et "faisant perdre à la livre turque près d'un quart de sa valeur depuis fin avril". Toutefois, le gouvernement turc se veut rassurant. Selon l'International Herald Tribune, "Erdogan a expliqué que cette volatilité des cours est la conséquence de facteurs externes, à savoir le resserrement de la politique monétaire des Etats-Unis, de la zone euro et du Japon".
Mais, selon le quotidien américain, "le fantôme de 2001 plane au-dessus de la Turquie". En cette année, une hyperinflation de l'ordre de 68,5 % et un effondrement du PIB à – 9,4 % avaient plongé le pays dans une crise qui s'est soldée par une intervention d'urgence du Fonds monétaire international qui renfloua l'économie turque en lui accordant un prêt de 15 milliards de dollars. Actuellement, "les économistes ont peur que le même schéma ne se répète : la livre continue à chuter, entraînant une crise monétaire de la plus grande envergure et assenant un coup fatal à la croissance du pays. En effet, les risques que court l'économie turque sont un surendettement du gouvernement, un déséquilibre important entre les importations et les exportations et une dépendance sur le court terme vis-à-vis des afflux des capitaux." D'ailleurs, 15 milliards de dollars ont déjà déserté le pays.
Cependant, l'International Herald Tribune juge que les indicateurs du mois de juin "étaient une alarme, pas encore un signal de crise". "La comparaison avec 2001 est exagérée, car la Turquie a fait des changements structurels radicaux et a nettement amélioré la santé de son secteur bancaire." De son côté, le quotidien britannique The Guardian rappelle que – malgré un taux de chômage s'élevant officiellement à 11 %, une inégalité de revenus importante et une forte économie souterraine engendrant 40 % de la production –, l'économie turque semble être en bonne santé et beaucoup mieux armée qu'en 2001. "Depuis 2001, la croissance avoisine les 7,3 % par an, l'inflation est contenue à 8 %, les investissements étrangers sont très importants, le revenu par habitant est supérieur à 5 000 dollars (3 940 euros)." Par ailleurs, même si elle a été vivement critiquée pour sa lenteur à réagir, la Banque centrale a augmenté à deux reprises les taux d'intérêts pour enrayer l'inflation.
En fait, selon le Turkish Daily News, l'avenir de l'économie turque dépendra de plusieurs développements politiques. Tout d'abord, il s'agira des rapports avec les Etats-Unis, ces derniers ayant refroidi leurs relations avec Ankara, car il n'avait pas répondu favorablement à leur demande de soutien concernant la guerre en Irak. La décision du Fonds monétaire international d'accorder une nouvelle tranche de crédit à Ankara sera aussi déterminante. Des signes d'apaisement entre les laïcistes et les islamistes pourraient également inciter les entrepreneurs à investir. Par ailleurs, début août, le Conseil militaire suprême devra décider des retraites qui seront accordées au personnel militaire, y compris aux membres les plus haut placés. Enfin, le quotidien turc estime que l'attitude du Premier ministre Erdogan sera capitale. "Il devra donner des signes clairs aux marchés financiers, notamment en novembre, lors de la convention du parti de la Justice et du Développement (AKP), le parti qui détient le pouvoir."
Enfin, Milliyet fait fi de la prétendue "crise". Il reprend les propos du directeur de Mercedes-Benz, M. Ziegler : "Nous avons connu plusieurs fluctuations depuis quarante ans, mais nous sommes encore ici et nous continuerons quoi qu'il en soit." L'entreprise qui s'attendait à une dévaluation cette année a déjà fait 55 millions d'euros d'investissement. Le quotidien turc se livre ensuite à une description de la vie de l'industriel allemand qui s'est installé à Istanbul il y a quelques années. "Sa femme adore se promener dans les ruelles charmantes d'Istanbul et sa fille, inscrite dans un établissement international, est ravie d'habiter en Turquie." A l'évidence, pour Milliyet, les propos annonciateurs d'une crise ne sont pas inquiétants et il fait bon vivre en Turquie.