Photo de ce vandalisme de l’Etat : le Tolède à la turque
Capitale politico-cuturelle du Kurdistan de Turquie, Diyarbakir, connue dans l’antiquité sous le nom d’Amida, devenue Amed en kurde, est l’une des villes les plus anciennes de la Mésopotamie. Elle est habitée depuis l’époque des Hourrites et des Hittites il y a environ 5500 ans. Importante métropole régionale, construite sur la rive droite du Tigre, elle a été jusqu’à la conquête musulmane, en 638-39, une ville romaine, puis byzantine, stratégique aux frontières de l’empire iranien. Au IVème siècle, sous l’empereur byzantin Constantin II, la ville a été entourée d’imposantes murailles qui restent encore en bon état. Capitale du tout premier Etat kurde des Merwanides au Xème – XIème siècle, elle subit ensuite les invasions turco-mongoles successives et servit de capitale à l’Etat turcoman des Akkoyunlus (Les Moutons Blancs). Passé sous le règne ottoman en 1515, Diyarbakir est restée un centre économique, intellectuel et artistique cosmopolite avec ses quartiers chrétiens (arméniens et syriaques), juif, ses populations kurdes, arabes, voire turques (notamment fonctionnaires et militaires), ses nombreuses mosquées, églises et synagogues.
Son riche passé et son patrimoine historique et architectural exceptionnel ont valu à la capitale politico-cuturelle kurde d’être distinguée par l’UNESCO qui l’a classée sur sa liste du Patrimoine de l’humanité.
Ce joyau de l’histoire subit depuis 2016 un véritable saccage de la part des autorités turques.
A la suite des troubles qui ont opposé les forces spéciales turques armées de chars, d’hélicoptères et d’armes lourdes aux militants kurdes protestant contre le quadrillage militaire de leurs quartiers, le gouvernement turc, par un décret du 21 mars 2016, pris en urgence en Conseil des ministres, a décidé l’expropriation de six quartiers concernés par les troubles. Selon les chiffres officiels, 22 323 habitants de ces quartiers ont été expulsés manu militari. Et les pelleteuses sont entrées en action pour raser complètement ces quartiers « pour des raisons de sécurité » effaçant à jamais leur histoire et une part importante de l’histoire et de la mémoire collective des Kurdes mais aussi des Arméniens et des Syriaques des quartiers.
Le président turc, qui proteste avec véhémence quand quelques familles palestiniennes de Jérusalem sont menacées d’expulsion, assume sans complexe ce crime massif contre le patrimoine historique, en toute impunité, dans le silence de la communauté internationale. Même l’UNESCO n’a pas eu le courage de protester.
En 2016, Le gouvernement turc par la voix du premier ministre de l’époque, Ahmet Davutoglu, avait promis une « plan de reconstruction » qui transformerait ces quartiers saccagés en « nouveau Tolède » qui devrait attirer des touristes du monde entier. Six ans plus tard, on découvre une série de bâtiments d’une affligeante banalité construite selon le mauvais goût officiel turc que l’Union des architectes locale qualifie de « blocs pénitentiaires ». Les ruelles médiévales ont été remplacées par le larges chaussées permettant aux chars de circuler aisément. Des postes de police un peu partout pour rappeler l’occupation militaire turque. Les maisons à étage avec des cours dallées, ornées de bassins et des balcons en fer forgé, des portes et fenêtres ouvragés ont laissé place à d’affreux cubes de béton impersonnels.
Voici les photos des maisons traditionnelles avant leur destruction :
Photos aériennes des quartiers rasés
Voici les photos de ce vandalisme de l’Etat : le Tolède à la turque