La Presse Canadienne
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ISTANBUL — La Turquie a marqué samedi les 25 ans écoulés depuis la première attaque des séparatistes kurdes, les responsables gouvernementaux appelant à la réconciliation bien que la paix soit encore un voeu pieux.
Si la guerre a baissé d'intensité depuis les années 90, le conflit kurde continue de peser sur la modernisation de la Turquie et de faire obstacle à sa candidature à l'Union européenne.
La répression par Ankara de la rébellion kurde est au coeur de la mauvaise réputation de la Turquie en matière de respect des droits de l'homme. Et elle a souvent éclipsé le rôle important de modèle régional et de médiateur joué par Ankara: membre de l'OTAN, contributeur aux forces présentes en Afghanistan, médiateur entre la Syrie et Israël notamment.
Le 15 août 1984, les séparatistes kurdes du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) attaquaient pour la première fois des unités de l'armée et de la police dans le sud-est, à Eruh et Semdinli, s'enfuyant vers leurs bases arrière du nord irakien.
Depuis lors, le conflit a fait quelque 40.000 morts. A l'origine le PKK ambitionnait la création d'un Kurdistan séparé dans le sud-est du pays, mais il a a évolué vers la défense de droits culturels et démocratiques pour une minorité victime de discrimination d'Etat.
Les Kurdes sont 20% des 75 millions d'habitants que compte la Turquie, et majoritaires dans le sud-est anatolien.
Alors que les militants kurdes organisaient samedi des célébrations à Eruh, avec musique traditionnelle et concert en plein air, le président du parlement, Mehmet Ali Sahin, a lui appelé à la réconciliation dans un discours télévisé. Il a exhorté à "renoncer à tous les préjugés", et réfuté les arguments des nationalistes turcs, pour lesquels donner plus de droits aux Kurdes reviendrait à "diviser la Turquie".
De son côté, le ministre de l'Intérieur Besir Atalay rencontrait les représentants de 20 ONG à Ankara, pour les convaincre d'adhérer à un plan de paix que le gouvernement turc doit encore annoncer.
"Le temps est venu pour une solution radicale" afin de mettre fin au conflit, déclarait vendredi le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan: "La Turquie doit faire face à ce problème et le résoudre par les moyens démocratiques".
De son côté, le chef du PKK emprisonné, Abdullah Ocalan, devrait faire parvenir ses propositions de paix au gouvernement via ses avocats.
Reste à savoir comment convaincre les combattants séparatistes de rendre les armes. Le PKK exige notamment l'amnistie pour ses principaux dirigeants, une amnistie qui risque de ne pas être acceptée par nombre de Turcs.
Le gouvernement islamiste modéré au pouvoir à Ankara a déjà pris des mesures de conciliation, principalement culturelles, envers les Kurdes: en janvier, la première chaîne de télévision en continu en kurde a vu le jour, et Erdogan a prononcé quelques mots dans la langue autrefois interdite. Le gouvernement s'est engagé à présenter une initiative de paix, mais le principal obstacle en semble aujourd'hui les objections de l'opposition nationaliste. Le dirigeant du Parti de l'action nationale Devlet Bahceli jugeant que les membres du PKK sont des criminels qui cherchent à diviser la Turquie selon des critères ethniques.
Parmi les initiatives destinées à faciliter la réconciliation, des députés du parti de la Justice et du Développement, au pouvoir, ont évoqué notamment des mesures symboliques fortes: renommer des milliers de villages kurdes ayant aujourd'hui des noms turcs, élargir l'éducation en langue kurde, et supprimer les références à l'appartenance "turque" dans la définition de la nationalité.
De Christopher Torchia (CP)