tags: NO: 134-135 | Mai-Juin 1996
UN voulant régler trop vite ses comptes avec sa rivale Tansu Çiller, le Premier ministre turc Mesut Yilmaz a provoqué la chute prématurée de sa coalition gouvernementale. Aux abois après sa mise en cause dans deux affaires de corruption dans l’attribution de marchés publics et un scandale de détournements de fonds secrets du gouvernement, Tansu Çiller craignant d’être déférée devant la Haute Cour de justice a décidé, le 3 juin, de retirer le soutien de son parti de la Juste Voie (DYP) à la coalition gouvernementale en accusant son partenaire M. Yilmaz de "vilenie" et de "déloyauté". Le 8 juin, lors du vote de la motion de censure déposée par le Refah (parti de prospérité) islamiste, le DYP a joint ses voix à celles de l’opposition entraînant ainsi la chute de l’éphémère cabinet Yilmaz et en plongeant le pays dans une nouvelle crise gouver-nementale. La veille de ce scrutin, ne se faisant guère d’illusions, Mesut Yilmaz avait présenté sa démission.
Les choses ont commencé à se gâter sérieusement début mai. Après l’affaire TEDAS, l’ancien Premier ministre turc a cette fois-ci été accusé d’avoir tiré des bénéfices, évalués à plusieurs millions de dollars, lors la vente des actions de TOFAS, société automotive d’État. Une motion de création d’une commission parlementaire pour enquêter sur cette affaire a été votée le 9 mai par 376 députés sur 519. Les appels pathétiques de Mme. Çiller auprès de D. Baykal et de B. Ecevit, son discours devant le Parlement clamant son innocence et invoquant "la Justice de Dieu" n’ont pu convaincre que 144 députés, pour l’essentiel membres de son propre parti, qualifié ironiquement de "Parti du Salut de Tansu".
Objet de deux enquêtes parlementaires pour corruption et irrégularités dans l’attribution des marchés publics, l’ancien Premier ministre turc se trouve aussi impliqué dans une sombre affaire de fonds secrets. Peu de temps avant de quitter son poste, Mme. Çiller aurait retiré 500 milliards de livres turques (environ 6, 6 millions de dollars). Son successeur M. Yilmaz affirme qu’après enquête auprès des organismes d’État qui sont les récipiendaires habituels de ces fonds (police politique, état-major des armées, ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères) il s’avère qu’aucun d’entre eux n’a reçu la moindre part de cette somme assez considérable pour la Turquie. Le président Demirel dit ignorer tout de cette affaire. Mme. Çiller invoque le secret défense et affirme que sa révélation va "entraîner la chute du régime et de la Turquie" traite Mesut Yilmaz d’"homme de boue et d’individu peu fiable et irresponsable", tandis que plupart des commentateurs de la presse l’accusent de détournements de ces fonds à des fins personnelles.
Au delà du caractère délétère de ce règlement de comptes à la turque, on découvre la croissance exponentielle de ces fonds secrets depuis l’accession au pouvoir de Mme. Çiller en juillet 1993. Selon le Milliyet du 14 mars, ces fonds sont passés de 5,2 milliards de livres en 1993 à 234, 1 milliards en 1994, 610 milliards en 1995 et à 6, 1 trillions de livres (80 millions de dollars) en 1996 ! Une croissance concomitante avec le développement de "la guerre spéciale" au Kurdistan. Outre les chefs de police et les commandants servant dans les provinces kurdes, les escadrons de la mort chargés de l’assassinat des civils kurdes suspects de "séparatisme" émargeraient à ces fonds. La "sale guerre" du Kurdistan a infesté les principaux rouages de l’administration militaire et civile turque après avoir corrompu le système de valeurs et la morale civique du pays.
LE président du Parti populaire de la démocratie (HADEP), Murat Bozlak, ainsi que 38 autres dirigeants de cette formation légale pro-kurde ont été arrêtés dans la nuit du 23 au 24 juin à Ankara. Ces dirigeants sont collectivement tenus responsables de "la profanation du drapeau turc lors du 2ème Congrès du HADEP le 23 juin". Ce jour-là un individu cagoulé avait décroché le drapeau turc accroché sur le mur de la salle du congrès et l’avait remplacé par un drapeau du PKK. Plusieurs dirigeants du HADEP avaient parlé de "provocation policière" et exprimé "leur regrets et leurs excuses au peuple turc".Cependant, les médias nationalistes ont développé une vaste campagne demandant "le châtiment des traîtres et l’interdiction de leur parti". Les principaux dirigeants nationaux et régionaux du Hadep ont été arrêtés à la sortie même de la salle du congrès par l’imposant dispositif policier déployé et placés en garde-à-vue dans les locaux de la Section anti-terroriste de la Sûreté d’Ankara. Parmi eux figure notamment l’ex-député DEP de Mus, Sirri Sakik, qui condamnant devant les caméras de la télévision l’offense au drapeau turc, avait déclaré qu’il fallait respecter les symboles et le drapeau de chaque peuple, les siens, comme ceux d’autrui. C’est cet "autrui" qui lui a valu d’être arrêté et poursuivi pour "séparatisme". S. Sakik était déjà resté en prison de mars en décembre 1994 dans le cadre du procès intenté à Leyla Zana et à ses collègues députés du DEP.
Lors de ces événements une délégation de députés européens se trouvait à Ankara dans le cadre d’une réunion du groupe inter-parlementaire Parlement européen-Turquie, dont les réunions avaient été suspendues depuis 1994 en signe de protestation contre l’arrestation des députés kurdes du DEP. Mme. Claudia Roth, présidente des Verts européens qui se trouvait à Ankara à l’occasion de la rencontre du groupe inter-parlementaire, a déclaré: "Jamais je n’ai été témoin de telles brutalités et violences contre les droits élémentaires de l’homme", et a ajouté que "ces derniers événements pèseront sur les discussions avec les Turcs". Par ailleurs, un groupe d’une dizaine d’assaillants "inconnus" a ouvert le feu sur les délégués du HADEP sur leur chemin de retour, aux environs de la ville de Kayseri, faisant trois morts parmi les délégués et une attaque à la bombe contre un local du parti à Izmir a eu lieu. D’autres scènes de frénésie nationaliste à travers les grandes métropoles turques ont eu lieu: des milliers de manifestants d’extrême droite, drapés du drapeau national turc, ont défilé dans les rues. Les chaînes de télévisions, au lieu d’apaiser cette situation extrêmement tendue, ont affiché sur leurs écrans le drapeau turc durant tout leur programme du lundi. Dans les provinces kurdes la police et les unités spéciales arrêtent régulièrement les autocars et les voitures, font descendre les passagers et leur font embrasser de force le drapeau turc pour les humilier.
LA tension monte dange-reusement entre la Syrie et la Turquie qu’opposent de nombreux litiges: le partage des eaux du Tigre et de l’Euphrate, le soutien de la Syrie au PKK, la revendication par la Syrie du Sandjak d’Alexandrette aujourd’hui en territoire turc (Cette province a été cédée en 1939 par la France alors puissance mandataire en Syrie). Le 15 juin, la Syrie a massé des troupes en plusieurs secteurs de sa frontière avec la Turquie en y déployant 40 000 soldats. Du côté turc de cette frontière longue de 877 km, l’armée turque est omniprésente dans le cadre de son interminable guerre contre le PKK. Dans ce climat de plus en plus tendu , de nombreuses explosions ont eu lieu en Syrie depuis début juin, dont la dernière visait le frère du président syrien. Les Syriens attribuent ces attentats aux services secrets turcs et à l’arrivée de la nouvelle équipe au gouvernement en Israël. A la recherche des "coupables", les autorités syriennes ont procédé à l’arrestation de 600 personnes au sein de la minorité turkmène, une minorité jusqu’à présent paisible mais que désormais la Syrie semble considérer comme une 5ème colonne turque. Damas a porté son contentieux avec Ankara devant la Ligue arabe et devant le Sommet arabe qui s’est tenu les 22-23 juin au Caire. Les Etats arabes ont exprimé leur "grave préoccupation" face au récent accord de coopération militaire turco-israélien et "son danger pour la paix et l’équilibre régional" et mis en garde la Turquie contre toute incursion militaire en territoire syrien. De son côté, selon le Turkish Daily News du 22 juin, Washington "a prévenu la Syrie contre le risque d’une confrontation avec l’armée américaine si l’escalade de la tension le long de la frontière de la Turquie, qui est une alliée de l’OTAN, provoque une guerre".
Le 27 juin, le ministre des Affaires étrangères égyptien a indiqué que son pays était "prêt à jouer un rôle pour la résolution des problèmes turco-syriens". "Tout pacte engendre d’autres pactes semblables" a dit M. Amr Moussa à propos de l’accord turco-israélien qui a également suscité une vive réaction de l’Irak et de l’Iran.
À la suite de ces diverses interventions la guerre turco-syrienne n’a pas eu lieu cette fois, mais les problèmes multiples qui opposent les deux pays s’accumulant et s’aggravant le risque d’une confrontation ultérieure subsiste toujours.
Dans une résolution votée, le jeudi 19 juin, le Parlement européen, qui rappelle à la Turquie ses engagements vis à vis de la Déclaration de Barcelone et de la Convention européenne des droits de l’homme, dont la Turquie est un des signataires, exige la libération de Mme. Zana, Prix Sakharov de la liberté de l’esprit et de ses trois autres collègues parlementaires. Par ailleurs, les législateurs européens se disent "préoccupés" par la poursuite des opérations militaires turques dans les régions kurdes et le refus de la Turquie de rechercher des voies d’un règlement pacifique de la question kurde et "invite le gouvernement turc à mettre fin à ses opérations militaires dans le Sud-Est du pays et à entamer des négociations avec l’ensemble des organisations kurdes en vue de débloquer la situation". Les euro-députés dans cette résolution font un examen critique global de la situation des droits de l’homme alarmante dans laquelle se trouve aujourd’hui la Turquie. Ils se disent vivement préoccupés par la condamnation du Dr. Seyfettin Kizilkan, président de l’ordre des médecins de Diyarbakir, par la Cour de sûreté de l’État à plus de trois ans de prison ainsi que les persécutions à l’encontre de l’écrivain Yachar Kemal, du sociologue Ismail Besikci, et le traitement réservé aux prisonniers politiques, qui sont en grève de la faim contre les mesures liberticides récemment adoptées par le ministre de la justice, ancien chef de la sécurité d’Istanbul et surnommé "le super-tortionnaire". Le PE demande, en outre, aux autorités turques de reconnaître les droits de tous les Kurdes vivant dans le pays et de faciliter le rapatriement de tous les Kurdes déplacés et de permettre à la Croix-Rouge internationale de visiter les prisons et les prisonniers politiques. Il presse le Conseil des ministres européen "à inscrire la question kurde à l’ordre du jour de l’OSCE et à rechercher tous les moyens qui permettront d’encourager les initiatives visant à régler les questions des droits de l’homme et des Kurdes en Turquie".
Depuis 1994, les résolutions des institutions européennes se suivent et se ressemblent sans impact notable sur les dirigeants turcs. Rappelons, à titre d’exemple récent, la résolution adoptée le jeudi 25 avril, à Strasbourg, où les parlementaires des 39 pays que compte le Conseil de l’Europe, affirment notamment qu’"à la suite de la décision de la Cour suprême turque du 26 octobre 1995, deux des six parlementaires du DEP, qui ont été condamnés à une peine de 15 ans de prison en 1994, ont été libérés. Cependant, le maintien en détention des quatre autres demeure une grave violation des droits de l’homme, et constitue la négation même de la démocratie parlementaire. Une grâce présidentielle ou une nouvelle loi d’amnistie confirmerait l’engagement de la Turquie vis-à-vis de la démocratie". L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont la Turquie fait partie, attend en outre "des autorités turques qu’elles déclarent la recherche d’une solution pacifique au problème kurde comme l’une de leurs plus grandes priorités politiques ". Tout en se félicitant des quelques réformes adoptées par la Turquie, l’Assemblée parlementaire estime "cependant, l’article 8 révisé de la loi de 1991 contre le terrorisme continue de poser de graves questions sous l’angle des droits de l’homme. En conséquence, l’Assemblée demande à nouveau la suppression de l’article 8 ainsi que de dispositions analogues figurant dans d’autres textes de loi".
UNE mission de 5 membres de cet organisme du Conseil de l’Europe chargé de faire respecter la Convention européenne par la prévention de la torture, dont la Turquie est signataire, a effectué a à partir du 6 mai une visite d’inspection de 3 jours en Turquie. Cette mission dirigée par M. Claude Nicoloy a enquêté sur les conditions de garde-à-vue dans les commissariats turcs, sur les méthodes d’interrogatoire de la police turque ainsi que sur les conditions de détention pénitentiaire. La mission a également eu des entretiens avec le Premier ministre, avec les ministres de l’intérieur et de la Justice ainsi qu’avec le Directeur général de la Sûreté et le commandant en chef de la gendarmerie.
Au cours de son entrevue du 7 mai avec la mission, le Premier ministre turc a notamment affirmé: "malgré tous nos soins, en raison des conditions créées par la lutte contre le terrorisme des cas de torture peuvent malheureusement avoir lieu. Cependant, avec la levée de l’état d’urgence dans la région les cas de torture vont diminuer". M. Yilmaz a également ajouté que le nouveau cabinet n’avait pas de poste de ministre chargé des droits de l’homme car "chaque ministre est désormais en charge des droits de l’homme".
Le rapport élaboré au terme de cette visite reste en principe confidentiel, mais en 1992, le Comité européen, consterné par l’ampleur et le caractère de routine de l’usage de la torture en Turquie avait décidé de rompre cette règle de confidentialité et de rendre public son rapport. Le Comité européen est un organisme officiel formé de représentants nommés par les États cosignataires de la Convention.
Quelques jours après cette visite, le 22 mai, la branche anglaise d’Amnesty International a lancé une campagne pour dénoncer la pratique de la torture dans le monde par la publication d’un rapport intitulé "Un clin d’oeil sur l’enfer". Le rapport dénonce la torture dans 40 pays et se focalise sur 5 pays, dont la Turquie, présentés comme "des cas d’exemple".
Alors que les diplomates occidentaux déclarent que la situation des droits de l’homme est en amélioration croissante depuis les années 80, les organisation de défense des droits de l’homme turques sont d’un avis différent. Akin Birdal, président de l’Association turque des droits de l’homme "ne voit pas de lumière au bout du tunnel". Et ajoute "Il n’y a rien qui porte à croire que les choses ont changé. En réalité, cela devient pire. Des gens qui doivent être punis pour des crimes atroces, ils deviennent parlementaires et même ministres". Par ailleurs, les Centres de Soins mis en place par la Fondation turque des droits de l’homme pour venir en aide aux victimes de la torture sont déclarés illégaux par les autorités et leurs responsables sont poursuivis par la justice turque.
Parallèlement à la torture, qui est donc une pratique routinière en Turquie, les exécutions sommaires et les disparitions continuent également de sévir. Quelques exemples signalés par la presse au cours des dernières semaines :
Un jeune Kurde âgé de 19 ans, Mehmet Senyigit, arrêté le 21 avril par 4 policiers en civil, alors que, rentrant de son travail, il se rendait de à son domicile situé dans un faubourg de Diyarbakir a été trouvé mort le lendemain dans la morgue de l’Hôpital d’État de cette ville. Selon la version officielle, il aurait été abattu lors d’un raid du PKK contre un poste de police. Les témoins oculaires de son arrestation et la famille de la victime contestent avec véhémence cette version officielle. Son père affirme que son fils n’a jamais touché une arme dans sa vie, qu’il avait un travail régulier dans une manufacture de la ville et qu’il rejetait la violence. "Comment en l’espace d’une nuit a-t-il pu, sans entraînement ni formation militaire devenir un guérillero du PKK et attaquer en plein centre-ville un poste de police ?" demande-t-il au parquet, en soulignant que "de nombreux témoins avaient vu son arrestation par des policiers en civil, le 21 avril, au soir". Il a demandé à l’Association turque des droits de l’homme de porter cette affaire devant la Commission européenne des droits de l’homme.
Quelques jours plus tard, une jeune fille kurde, Hazal Sevim, âgée de 17 ans, a été exécutée par les forces de sécurité dans le village de Sirya, dans la province de Siirt. Présentée comme une militante du PKK alors qu’elle n’est qu’une simple bergère nomade qui venait de garder son troupeau et rentrait dans son village, elle a été surprise par une patrouille de commandos qui a tiré sur elle à bout portant.
De même, un homme âgé de 45 ans, Nazim Balik, marié et père de 10 enfants, a été abattu dans la soirée du 17 mai vers 21h dans le quartier Xaçort de Van par des policiers. Son cadavre criblé de balles a été retrouvé le lendemain dans le sous-sol de son immeuble. Selon le quotidien Özgür Politika du 21 mai qui cite les témoignages des voisins, N. Balik rentrait d’une visite chez l’une de ses filles et pour se protéger des tirs d’une patrouille de police il s’est réfugié dans le sous-sol de l’immeuble. Les policiers l’ont poursuivi et abattu sur place. La victime n’avait pas de casier judiciaire ni activité politique. Pour sa défense, la police de Van a affirmé qu’il n’avait pas répondu aux sommations de la patrouille et que celle-ci avait trouvé son comportement "suspect".
Le 14 mai un lycéen, Irfan Agdas, 17 ans, vendeur de l’hebdomadaire Kurtulus a été abattu à bout portant par des policiers en civil dans la banlieue Alibeyköy d’Istanbul. D’après les témoins cités par le quotidien Politika du 16 mai, vers 20h deux policiers en civil munis d’armes automatiques ont d’abord pourchassé le jeune vendeur de cette publication turque légale sur environ 150 m, puis ils lui ont tiré dans le dos. Alors que des passants tentaient de venir en aide à ce jeune gisant dans son sang au milieu de ses journaux éparpillés, les policiers les ont dispersés sous la menace de leurs armes puis jeté le blessé dans leur véhicule pour le conduire à l’hôpital. I. Agdas n’a pas survécu à ses blessures. Après ce meurtre perpétré devant tant de gens plusieurs centaines d’habitants du quartier sont descendus dans la rue aux cris de "police assassine! " Mais les panzers de la police ont encerclé tout le secteur et imposé le couvre-feu.
Le 5 juillet, rentrant à son village de Besevler dans la province de Dersim (Tunceli), Hüseyin Saltik, 60 ans, a été passé par les armes par une patrouille de soldats, vers 21h30, qui ont apparem-ment tiré à vue sans se donner la peine d’arrêter et d’interroger ce "suspect" surpris sur une route de campagne. Les autorités locales n’ont donné aucune explication pour ce meurtre.
AU cours d’une table ronde organisée, le 21 mai, par le Comité des questions géopolitiques de la Douma russe, plusieurs intervenants officiels ont plaidé en faveur d’un soutien russe à la cause kurde. L’un d’eux, Alexandre Nevzorov, du ministère des Affaires étrangères, a déclaré: "Nous devons, dans nos relations avec la Turquie, être capables de bien nous servir de la cause kurde et empêcher, grâce à cette carte, toute ingérence turque dans nos affaires intérieures". Le général russe Yuri Efrémof a été plus précis: "Quand à l’état-major de l’URSS nous travaillions sur les plans d’un conflit éventuel avec la Turquie, membre de l’OTAN, nous considérions déjà les Kurdes comme un allié possible en raison de la forte oppression de ce peuple par le régime turc. Il doit également en être de même maintenant. Le Kurdistan tel qu’on en voit les frontières naturelles sur les cartes doit devenir un État indépendant. Les Kurdes ne disposent pas actuellement d’armes efficaces mais ils ont en abondance de forces humaines. Bien qu’ils mènent une guerre de guérilla, ils doivent également recevoir des armes lourdes. Nous devons régler la dispute opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan et tirer à nos côtés ces deux États. Nous pourrons alors fournir aux Kurdes une aide en armes via l’Arménie. Car aider les Kurdes c’est nous aider nous-mêmes. Les États-Unis nous font signer le traité de START-1 La Turquie peut, dans le cadre de l’OTAN, contrôler le Caucase avec un porte-avions naviguant en Mer Noire. Nous pouvons l’en empêcher grâce aux Kurdes".
Au cours de ce débat de 3 heures ont également pris la parole le général Andreï Malakov, de l’état-major du ministère russe de la Défense, Vladimir Pavlovitch, du ministère des relations économiques extérieures et le professeur M. Lazarev de l’Institut d’orientalisme. Aucun de ces officiels n’a voulu répondre à la question directe d’un député: "Les Turcs, dans le cadre de plans secrets de l’OTAN, sont en train de franchir le Caucase et parvenir à nos frontières. Et voilà que nous vendons, nous aussi, des hélicoptères au gouvernement turc pour bombarder les Kurdes. Notre gouvernement envisage-t-il de fournir aux Kurdes des armes efficaces ?" L’organisateur du débat, le député Mitrofanov, président du Comité géopolitique du Parlement, a finalement pris sur lui d’y répondre par ce mot: "Le marché aux armes ne reste pas vide. Si ce n’est nous qui vendons, d’autres vont le faire. Si les Kurdes en veulent nous pouvons leur vendre également des armes!".
C’est la première fois depuis la fin de l’URSS que dans une réunion tenue au Parlement même avec la participation des officiels l’éventualité d’un soutien russe aux Kurdes de Turquie est publiquement évoqué. En faisant l’impasse sur les légitimes revendications d’identité et de culture des Kurdes et en accordant un soutien inconsidéré à leur allié turc les Occidentaux finiront peut-être par jeter une fraction des Kurdes dans les bras de la Syrie, de l’Iran et de la Russie.
LA conférence onusienne sur les établissements humains s’est achevée vendredi 14 juin, après près de deux semaines de discussions ayant pour thème principal "l’homme dans la ville du XXIème siècle". La nouveauté de cette conférence sur l’Habitat était la participation aux discussions officielles des collectivités locales et des organisations non-gouvernementales de la société civile. Le sommet de chefs d’États et de gouvernements n’a pas atteint les espoirs des organisateurs. Celui-ci a été boudé par les principaux chefs d’État développés peu enclins à fréquenter ostensiblement les dirigeants turcs et n’a pu réunir qu’une quinzaine de participants de rang modeste. Fidel Castro, qui a fait le déplacement d’Istanbul, a finalement été la principale vedette de ce "sommet".
Le choix du lieu de la conférence a dès le départ suscité une polémique; il a été contesté par plusieurs États et par la plupart des ONG. Deux choix s’offraient aux candidats au départ pour Istanbul: Boycotter une conférence axée sur les établissements humains alors que le pays hôte, la Turquie, mène une campagne massive d’évacuation et destruction de villes et villages kurdes dans sa guerre au Kurdistan, ou participer à la conférence et montrer sa désapprobation en dénonçant sur place la politique turque envers le peuple kurde. Ou encore, comme le firent une trentaine d’ONG locales, tenir "une conférence alternative" en marge de la conférence officielle, qui a été dispersée rapidement et violemment par la police turque.
Du début à la fin la Conférence Habitat II s’est tenue dans une atmosphère très tendue. Déjà, lors du discours inaugural du Secrétaire général de l’ONU, M. Boutros Boutros-Ghali, les médias turcs ont réagi violemment et crié au scandale, parce que M. Ghali qui, par deux fois, dans son discours officiel d’ouverture a désigné le pays hôte par "La République fédérale de Turquie". Lapsus révélateur? ou une méconnaissance de M. Ghali de la structure étatique de la Turquie? Ce qui reste évident c’est que tout au long de la conférence l’accent a été mis sur la décentralisation et le rôle à jouer par les collectivités locales dans la gestion d’un environnement permettant à "la personne humaine" de s’épanouir. Est-ce que le Secrétaire général a tenu, par ce "dérapage linguistique", à communiquer sa pensée intime sur la Turquie de demain? Hypothèse d’autant plus plausible que son discours a dû être rédigé, lu et relu par plusieurs conseillers de M. Ghali. Les politiciens turcs ont en tout cas crié au scandale et attribué à M. Ghali "l’intention de diviser la Turquie", car c’est un "anti-musulman". Les médias turcs qui avaient mené des campagnes outrancières contre Mme. Mitterrand, Nelson Mandela et Edward Kennedy pour leur défense des Kurdes se sont cette fois-ci déchaînés contre le Secrétaire général de l’ONU.
Voici quelques faits majeurs relevés par l’envoyé de l’Institut à cette Conférence internationale:
Cette statistique est donnée par le "super-préfet" de Diyarbakir cité par le quotidien turc Milliyet du 27 mai. Selon ce haut responsable turc, d’après les données dont disposent ses services, "918 villages et 1767 hameaux ont été évacués par les forces de sécurité pour des raisons d’ordre militaire". Certains de ces villages sont totalement détruits d’autres le sont en grande partie ou partiellement. Les ONG locales citent généralement le chiffre de plus de 3000 villages évacués et détruits.
Les élections municipales partielles tenues le 2 juin dans 41 localités traduisent un net progrès des Islamistes. Dans les villes ayant le statut de préfectures, le Refah obtient 34,3% des suffrages contre 17,9% à l’ANAP de Mesut Yilmaz et seulement 6,5% au DYP de Mme. Çiller. Avec 8,6% des voix le DSP de Bulent Ecevit et le CHP de Deniz Baykal (5,6%) voient également leur audience s’effondrer. Dans les sous-préfectures, le Refah obtient 36,9% contre 23,3% pour l’ANAP; le DYP obtient 13,2%, le DSP 9,3% et le CHP 6,5 %. Ce n’est que dans des toutes petites communes dépendant lourdement des subsides gouvernementaux pour leur survie que les deux partis de la coalition gouvernementale font des scores honorables avec 28,6% des voix pour le DYP et 22,6% pour l’ANAP du Premier ministre.
Un groupe de 98 intellectuels turcs et kurdes qui s’étaient volontairement associés, comme coéditeurs, à la publication du livre "Liberté de pensée et d’expression" a comparu, le mercredi 22 mai, devant la Cour N° 3 de Sûreté de l’État d’Istanbul. Déjà, au mois d’avril, un groupe de 99 de ces intellectuels, parmi lesquels figuraient les romanciers Yachar Kemal et Orhan Pamuk, le syndicaliste Munir Ceylan et le chanteur Zülfü Livaneli et d’autres noms connus du monde littéraire et artistique, avaient comparu devant la Cour de Sûreté de l’État. Leur cas a été examiné le vendredi 31 mai. Ce procès a été reporté au 22 juillet. Un message de soutien et de solidarité du PEN-Club signé par, entre autres noms littéraires connus, les dramaturges Edward Albee et Arthur Miller et les romanciers Norman Mailer et Susan Sontag et le philosophe Sir Isaiah Berlin leur a été envoyé. On peut lire dans ce message : "Il ne peut y avoir de liberté d’expression dans un pays ou des écrivains de l’envergure de Yachar Kemal sont poursuivis. Il n’y aura pas non plus de liberté de presse lorsque des journalistes qui veulent faire des articles sur certains sujets tabous, tel que l’oppression de la minorité kurde, sont menacés de prison et même de mort."
Lors de l’audience du 22 mai, de nombreux intellectuels ont mis l’accent sur la liberté de pensée et d’expression en Turquie et affirment que leur action, volontaire, visait à élargir les frontières de la liberté d’expression. Les juges turcs n’entendaient pas les choses de cette oreille. Pour eux, cette action porte atteinte à l’intégrité territoriale et tombe de ce fait sous le coup de l’article 312 du Code pénal turc qui sanctionne "toute incitation à la haine raciale" et le tristement célèbre article 8 de la loi dite anti-terreur. Lors de cette audience, protégés par les caméras, certains intellectuels ont tenu à s’exprimer en toute liberté devant leurs juges. Extraits des ces déclarations : "Je prendrai part à toute initiative de défense de la liberté de pensée. Une des qualités de l’être humain est justement sa capacité de penser". Tandis qu’un syndicaliste disait "Je me considère comme un rouage dans une usine à pensées, je ne peux me séparer de la chaîne en arrêtant de penser sous prétexte que mes idées ne sont pas du goût d’un juge". Alors qu’une dame disait: "moi, j’ai du mal à expliquer à mon enfant de 8 ans comment le fait de penser peut être en soi un crime."
La police turque a effectué le 5 mai à 23 h une descente au domicile à Diyarbakir du Dr. Seyfettin Kizilkan, médecin en chef de l’Hôpital de la Sécurité sociale et président, depuis 1994, de la Chambre des médecins des provinces kurdes de Diyarbakir, Mardin, Siirt, Batman et Sirnak, et l’a placé en garde-à-vue sous l’accusation de "possession illégale d’armes à feu et de grenades". Ce médecin connu et apprécié par son humanisme et son pacifisme a été écroué le 7 mai par la Cour de Sûreté de l’État de Diyarbakir. Détenu au secret "pour des raisons de confidentialité de l’enquête préliminaire" ce médecin de 43 ans, père de 3 enfants, a été présenté par les médias proches de la police et de l’armée comme "un suppôt du terrorisme". M. Kizilkan est connu pour ses dénonciations de la torture et ses critiques des conditions de santé publique et d’hygiène déplorables des centaines de milliers de paysans kurdes déplacés peuplant les faubourgs de Diyarbakir. Il était l’un des principaux interlocuteurs des observateurs étrangers en visite dans la région. De ce fait son arrestation a soulevé une vague d’indignation et de protestation au sein des ONG de Turquie ainsi que parmi les médecins allemands car la Chambre de Diyarbakir est parrainée par son homologue de Berlin. Dans un communiqué rendu public le 7 mai, le conseil d’administration de la Chambre des médecins des 5 provinces kurdes réaffirme sa confiance totale à son président et dénonce "la grossière manipulation policière visant à faire taire un éminent représentant de la société civile". Le même jour, les représentants des syndicats, des associations et des organisations professionnelles de Diyarbakir ont publié un communiqué commun affirmant leur soutien au Dr. Kizilkan "respecté pour ses états de services en tant que médecin, par sa personnalité humaniste et démocrate et par ses opinions universelles". Dénonçant le complot policier, ils demandent que "leurs domiciles soient perquisitionnés en présence du procureur de la République et des avocats" afin d’éviter de grossiers montages policiers visant à arrêter les personnes jugées indésirables. La police turque a une longue tradition de placer, lors des perquisitions, des "documents compromettants", des armes ou des stupéfiants dans les appartements des opposants politiques qu’elle veut arrêter et criminaliser.
Le 17 juin le docteur Seyfettin Kizilkana été condamné à 3 ans 9 mois de prison par la Cour de Sûreté de l’État de Diyarbakir pour "aide et soutien au PKK". Il a rejeté les accusations policières à son encontre et dénoncé la parodie d’une justice qui le condamne sans avoir apporté aucun élément de preuve. Ce médecin, qui exerce depuis 23 ans dans des hôpitaux d’État, se voit en outre condamné à 3 ans d’interdiction de tout emploi public. En attendant la confirmation de sa peine par la Cour d’appel turque, le docteur Kizilkan a été remis en liberté par les juges en service commandé qui par ce procès ont voulu intimider les derniers et courageux représentants de la société civile kurde.
Pour célébrer la journée de la liberté de la presse, le 3 mai, le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) a rendu publique une liste de 10 dirigeants déclarés comme "ennemis de la presse". "Chacune de ces personnes est activement impliquée dans l’éradication de toute presse indépendante" a déclaré M. William Orme Jr, directeur du "CPJ". Le nom de Mesut Yilmaz, actuel premier ministre turc, figure sur cette liste d’ennemis de la presse à côté de celui d’Abu Abdul Rahman, dirigeant du Groupe islamique armé en Algérie, et du président du Nigeria le général Sani Abacha. Selon les statistiques du CPJ, 51 journalistes de nationalité turque se trouvaient dans les prisons turques à la fin de l’année dernière "tout simplement parce qu’ils exercent leurs fonctions". Ce chiffre a valu à la Turquie d’être en tête d’une autre liste du CPJ, rendue publique en janvier dernier, comme "le pays le plus répressif envers les journalistes" qui, dans l’exercice de leur métier, écrivent des articles relatifs à la guerre du Kurdistan.
M. Manfred Kanther, ministre allemand de l’Intérieur, a présenté le 24 mai à Bonn le rapport annuel du Bureau fédéral de la protection de la Constitution (service de renseignements). Selon ce rapport "le PKK avec 8900 membres est le groupe de terreur étranger le plus dangereux en Allemagne". Malgré son interdiction, cette organisation aurait élargi son audience en recrutant en un an près de 2000 membres nouveaux et mis sur pied de nouvelles associations pour mener ses activités. Le rapport évoque aussi l’existence de "18 autres organisations extrémistes kurdes ayant environ 65O membres". Le document évalue à environ 40 mille le nombre de Turcs d’Allemagne affiliés à des "organisations extrémistes" dont l’audience se répartit comme suit: extrême gauche: 3720; extrême droite: 6000; mouvement intégriste musulman: 29400. La plus importante organisation intégriste est Milli Görüs (vision nationale) qui compte 26200 membres et dispose d’un réseau de 500 associations légales. Le PKK est la seule "organisation extrémiste" interdite en Allemagne. Les membres de toutes ces "organisations extrémistes" réunies représentent environ 2,7 % de la communauté turque et kurde d’Allemagne.
Dans un rapport détaillant les violations de la Turquie de ses engagements contractés vis à vis de la Commission européenne des droits de l’homme, l’organisation non gouvernementale américaine, Human Rights Watch/Helsinki (HRW), examine le non-respect par la Turquie de sa propre législation et celle de la Convention européenne des droits de l’homme, dont la Turquie est membre signataire depuis 1954. La Turquie s’est donc depuis cette date engagée à se conformer à l’article 25 de la susdite Convention qui stipule: "La Commission peut être saisie d’une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d’une violation des droits reconnus dans la présente Convention...Les Hautes parties contractantes ayant souscrit une telle déclaration s’engagent à n’entraver par aucune mesure l’exercice efficace de ce droit". Depuis 1991, au moins 778 citoyens de nationalité turque ont fait recours à la Commission, très souvent pour des violations liées à la guerre du Kurdistan.
Toutefois, les citoyens qui ont porté plainte, surtout ceux qui habitent les régions kurdes sous état d’urgence, après avoir épuisé les moyens de recours internes, déclarent être la cible de persécutions, d’intimidations et de mauvais traitements da la part des autorités turques, pour avoir exercé leur droit de recours en vertu de l’article 25 de la Convention européenne. Les requêtes portent souvent sur la détention par les forces de sécurité, perquisition des maisons, menaces de mort téléphoniques anonymes et directes, des "conversations amicales" avec les officiers et la torture. Lors d’une rencontre entre les responsables de HRW et les membres Secrétariat de la Commission, ceux-ci ont déclaré que la plupart des violations de l’article 25 par la Turquie concernent une seule région en particulier: les requêtes émanant du Sud-Est du pays. Quant à la version turque de ces faits; dans une interview accordée par le représentant du gouvernement turc à la Commission au magazine Nokta, du 1-7 janvier 1995, il dit "Nous voulons faire partie de l’Europe. Nous reconnaissons le droit de recours individuels devant la Commission européenne des droits de l’homme. Nous reconnaissons l’autorité de la Cour européenne, à Strasbourg....On se voit comme des Européens...Pour nous, il n’y a pas de différence entre (l’autorité de) la Cour de Strasbourg et celle de la Cour de Kadikoy à Istanbul. Il n’est pas possible de dire je mange des hamburgers, je m’habille en jeans, je bois du Nescafé, mais je n’accepte pas tous les articles de la Convention européenne des droits de l’homme".
La mafia turque est un véritable Etat dans l’État en Turquie affirme le quotidien Milliyet du 10 mai qui établit la liste de 40 domaines d’activité où elle sévit. Selon le quotidien, la Pieuvre a un budget annuel de 200 trillions de livres (environ 15 milliards de FF.) et elle emploie dans l’ensemble du pays 23.000 tueurs à gages. Le journal publie également les tarifs en vigueur en 1994: blesser quelqu’un à la jambe ou le blesser avec un couteau est facturé 2000 FF; le passage à tabac avec brisure d’un bras ou de doigts: 1000 FF; simple menace verbale: 400 FF. Quant au meurtre, il coûte environ 200.000 FF. La mafia turque tire la majeure partie de ses ressources du trafic de stupéfiants et de l’obtention, par menace ou corruption, de marchés de construction ainsi que du recouvrement des chèques et créances non honorés des entreprises ou des particuliers. Pour obtenir son dû, il est courant en Turquie de s’adresser à la Mafia qui, en échange de ses services, retient 50% de la somme recouvrée. La mafia entretient également des relations suivies avec la classe politique à tous les nivaux ainsi qu’avec la police, la justice et la haute hiérarchie militaire. Ces relations ne sont pas toujours occultes. Inci Baba, l’un des parrains illustres de la Mafia turque, a accompagné à plusieurs reprises M. Demirel dans ses voyages à l’étranger et à sa mort le président turc a un moment songé à publier un décret gouvernemental pour autoriser sa famille à ériger un mausolée à la mémoire de cet Al Capone local qui avait porté assistance financière et "protégé" M. Demirel après le coup d’Etat militaire de 1980. (cf. aussi pp. 45-47 du Bulletin, Turkey: The Mafia Republic).