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Bulletin N° 149 | Août 1997

 

 

tags: N° 148-149 | juillet-août 1997

LA TURQUIE RECONNAIT L'EVACUATION DE 3185 VILLAGES KURDES DEPUIS 1990

A L'ISSUE d'une visite d'information dans les provinces kurdes, une mission de la Commission d'enquête parlementaire sur les migrations a révélé ces chiffres au cours d'une conférence de presse donnée le 28 juillet à Diyarbakir au siège de l'Association des journalistes du Sud-Est. Le président de cette Commission, Seyit Hasim Hasimi, député de Diyarbakir, a indiqué que ces données officielles ont été communiquées à la mission par la préfecture de la région d'état d'urgence (OHAL). Selon ces données 853 villages et 2332 hameaux ont été complètement évacués de leurs 364742 habitants dans le cadre de &laqno;la lutte contre le terrorisme». Sur cette population déplacée, 11032 paysans ont par la suite été autorisés à regagner 63 villages et 27 hameaux. 87% des paysans déplacés vivent en dessous du seuil de pauvreté. &laqno;Ils ont été dépossédés et n'ont plus aucun lien avec leurs champs, leurs vergers et leurs autres biens restés à l'abandon dans les villages évacués quand ils n'ont pas été détruits et incendiés» a encore ajouté M. Hasimi. &laqno;Les gens ont besoin du pain pour survivre; des épidémies comme la fièvre typhoïde et la jaunisse ont atteint des dimensions effroyables au sein de cette population» a poursuivi le député qui décrit Diyarbakir comme &laqno;la capitale de la misère où on compte 311.000 adultes au chômage contre 127.000 qui ont un emploi plus ou moins stable».

Les destructions de villages se sont poursuivies en juin et juillet dans les provinces de Mardin et de Batman. Dans la province de Dersim (Tunceli) la population accuse l'armée d'incendier les forêts de chênes. Un élu de cette province, le député Orhan Veli Yildirim a accusé, le 5 août 1997, l'armée pour l'attaque aux mortiers contre le village de Karsilar, à l'est de la ville de Tunceli, tuant une femme âgée de 55 ans et blessant trois autres personnes. &laqno;L'armée était responsable de l'attaque. Deux officiers sont même allés s'excuser... Dix jours plus tôt le village avait été la cible d'une attaque aux mortiers pour intimider les villageois» a-t-il déclaré à la presse. Depuis 1994, la province de Tunceli est sous embargo alimentaire imposé par l'armée sous prétexte de &laqno;couper l'aide logistique aux séparatistes». M. Yildrim a affirmé que &laqno;80% des routes (dans la province de Tunceli) sont bloquées à partir de 15h. Toutes nos écoles sont fermées...Notre population persécutée, dans la nuit par les terroristes et dans la journée par l'État». Les autorités locales nient l'existence d'un tel embargo. Le gouverneur militaire de Tunecli déclare néanmoins: &laqno;Il n'y a pas d'embargo à Tunceli. Mais nous envoyons les produits alimentaires aux villages d'une façon contrôlée». Les habitants de Tunceli pour se procurer des produits alimentaires doivent d'abord passer par un poste de commissariat pour déclarer le nombre exact des membres de leurs familles afin d'obtenir un document leur permettant de faire leurs courses. &laqno;Les militaires disent aux habitants: partez, peu importe la destination, mais partez d'ici, et maintenant ils les bombardent» a déclaré Huseyin Ayrilmaz président de l'Association de culture et de solidarité de Tunceli, basée à Istanbul.

Selon le quotidien Hürriyet du 28 juillet on compte actuellement 3 millions d'enfants déplacés en Turquie. Ce qui donne une indication sur l'ampleur des déplacements des populations dus à la guerre du Kurdistan. Pour la première fois depuis le début de la politique de la terre brûlée conduite par l'armée turque dans le Kurdistan, une recherche universitaire vient d'être réalisée sur la population dont les villages ont été évacués, axée sur les enfants. Cette recherche a été conduite par le chercheur Ahmet Bilgili, directeur du département de sociologie de l'université Yüzüncü Yil, à Van. Le chercheur a analysé, durant l'année universitaire 1996, les mouvements démographiques en relation avec la guerre du Kurdistan, dans l'Est de l'Anatolie. A l'issue de cette recherche, il a écrit un rapport intitulé :»Rapport sur les enfants issus de la migration dans l'Est de l'Anatolie».

De larges extraits de ce rapport ont été publiés dans l'édition du 28 juillet du Hurriyet. En ce qui concerne la province de Van, M. Bilgili a mené des enquêtes et des entretiens dans les quatre camps et les trois centres d'habitations en bordure de la ville où sont regroupés les familles déplacées. Il s'est également entretenu avec des élèves, des chefs de familles et des instituteurs. Afin de mieux communiquer avec les enfants, il s'est servi d'interprètes kurdes. La ville de Van, selon le dernier recensement de 1990, comptait 153.000 habitants. Sa population a triplé depuis, passant à 457000 habitants, selon les statistiques de la préfecture. Les subventions attribuées à la maire se font toujours en fonction du dernier recensement. &laqno;Nous avons fixé à 6,6 le nombre d'enfants par famille déplacée. Les familles vivent avec leurs enfants dans des endroits exigus. Si l'on prend en compte leurs parents proches, on se retrouve alors avec une population de 20 à 25 personnes vivant dans le même endroit.» relève le chercheur. L'unique moyen de subsistance traditionnelle était l'élevage; ce moyen n'existant plus en raison de la guerre, les familles se trouvent en situation de détresse. &laqno;Les enfants, tout comme leurs familles, sont obligés de faire des petits boulots comme étalagistes, cireurs, balayeurs et contribuent ainsi au budget de leurs familles. Néanmoins, il n'y a qu'une partie infime d'entre eux qui parvient à trouver ou à faire ce genre de petits boulots» indique encore le rapport.

Diyarbakir, dont la population était de 381 000 il y a encore sept ans, est en tête des villes affectées par la politique de déplacements forcés. Sa population est estimée aujourd'hui à 1,5 millions. La recherche de M. Bilgili conduit à la conclusion que ce sont les enfants qui font les frais de ces déplacements forcés car &laqno;Il n'est pas possible que les enfants se sentent en sûreté au cours de ce processus qui affecte de manière très considérable les enfants vivant sous le régime de l'état d'urgence. Déjà, ils ne comprennent pas le sens des déplacements forcés de l'état d'urgence. Les enfants victimes des déplacements forcés grandissent dans un état d'anxiété et dans un état d'esprit détruisant leur sentiment de confiance». Le chercheur se plaint qu'aucun service d'assistance n'est assuré par les autorités et explique que &laqno;l'enfant s'habitue à l'endroit où il naît et où il grandit. Dans un endroit qui lui est familier, il se sent en sûreté. S'il est détaché de son environnement social et naturel où il a grandi, il éprouve le besoin d'être aidé pour s'habituer à son nouvel environnement. Mais malheureusement il n'existe aucun moyen d'assistance dans notre pays pour venir en aide aux enfants victimes à ce genre de fléau.» Étant donné la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les familles déplacées, le chercheur explique comment celles-ci en arrivent à considérer leurs enfants comme des moyens de subsistance &laqno;A la question (voulez-vous que vos enfants travaillent pour rapporter de l'argent?), 64% des sondés répondent par l'affirmative. A la question (De quoi vivez-vous actuellement?) 15% des sondés répondent (grâce à l'argent gagné par leurs enfants) comme ils ne peuvent trouver de travail eux-mêmes. Il s'avère que la contribution de l'enfant à la famille par sa force du travail devient une nécessité en raison des déplacements forcés». La pauvreté détruit ainsi toutes les structures socio-économiques de la famille.

A l'issue de ses études du terrain le chercheur fait les propositions suivantes pour atténuer l'impact néfaste des déplacements forcés sur les enfants: Les enfants doivent être tenus à l'écart de la sphère politique. &laqno;Il ne faut jamais tolérer la mort et la souffrance des enfants quelle que soit l'ampleur des conflits armés. C'est pourquoi les enfants devraient être tenus à l'écart de toute considération politique. Il faudrait agir d'urgence afin de créer une éthique publique pour la protection des droits des enfants(..) &laqno;Des enseignants de langue maternelle, le kurde, doivent être désignés» . M. Bilgili affirme que le choix d'enseignants kurdophones faciliterait les contacts avec les enfants. Pour ce faire &laqno;ces enceignants devraient absolument passer par une formation spéciale (..)». Enfin le chercheur estime qu'il faut encourager la population à adopter les enfants déplacés.

DES PACIFISTES EUROPÉENS INDÉSIRABLES EN TURQUIE

A L'INITIATIVE de &laqno;l'Appel de Hanover» , une organisation de droits de l'homme basée en Allemagne, un &laqno;train de la paix» devait partir le 26 août de Bruxelles à destination de la capitale kurde Diyarbakir au bord duquel plusieurs membres d'ONG, des représentants d'églises ainsi que des parlementaires européens devaient prendre place. Ce train devait traverser l'Allemagne et arriver à Diyarbakir le 1er septembre, pour la Journée mondiale de la paix. Le ministre allemand de l'Intérieur a interdit la traversée du train en Allemagne car, selon Bonn, cette initiative est soutenue par le PKK, organisation interdite en Allemagne. Ce même motif avait auparavant été avancé par les autorités turques. Le 31 août, une partie des délégués est arrivée par avion à Ankara et a été accueillie par 3000 personnes. Des dizaines de cars sont partis de différentes villes de Turquie pour arriver en même que les délégués européens le lundi 1er septembre à Diyarbakir. Néanmoins les sept cars qui transportaient les délégués ont été stoppés par les militaires turcs sur la route de Diyarbakir dont l'accès leur a été interdit. Ceux qui avaient pris l'avion, ont, dès leur arrivée, été interpellés et refoulés vers Ankara. De même, environ 70 autocars transportant des participants locaux à la manifestation pacifique de Diyarbakir ont été arrêtés sur ordre du préfet de la Région d'état d'exception (OHAL) dans la ville de Birecik, sur l'Euphrate, située à plus de 150 km de Diyarbakir. &laqno;La Turquie est une démocratie, mais les étrangers doivent respecter nos lois qui interdisent des manifestations de cette nature susceptibles de troubler l'ordre public» a déclaré sans ambages ce préfet. Selon le vice-Premier ministre turc, Bulent Ecevit, &laqno;ce genre de manifestations tend à redonner du souffle et de la légitimité aux organisations séparatistes au moment même où notre armée est en train de les éradiquer définitivement. Le gouvernement ne peut tolérer de tels troubles». M. Ecevit prône par ailleurs la mise en oeuvre rapide de son plan de création de &laqno;village-villes» (Köy-Kent) version turque des hameaux stratégiques édifiés dans les années 1980 par Saddam Hussein pour interner les paysans kurdes dont les villages venaient d'être détruits par l'armée. Selon la chaîne d'informations turque NTV, la ville de Diyarbakir se trouvait sous état de siège le 1er septembre: des blindés ont pris position dans les points importants de la ville et un poste de gendarmerie a été installé dans l'aéroport de la ville pour refouler les pacifistes dès leur arrivée. Les responsables du parti pro-kurde HADEP à Diyarbakir ainsi 450 personnes ont été arrêtés par la police.

Après une garde à vue de 24 heures, ils ont été libérés à l'exception de 14 d'entre eux considérés comme des &laqno;meneurs» qui ont été déférés à la Cour de Sûreté de l'État. Les autocars transportant les pacifistes ont également été interdits d'accès à Ankara, sur ordre du préfet. Ceux-ci ont organisé sur place un sit-in. Des diplomates occidentaux se sont alors rendus auprès de leurs ressortissants pour les convaincre de poursuivre leur voyage vers Istanbul. A leur arrivée dans cette ville, les pacifistes ont été accueillis par un impressionnant dispositif policier. La police turque est également intervenue brutalement pour empêcher la tenue, le 3 septembre, à l'hôtel Péra Palas, d'une conférence de presse par des pacifistes européens. Elle a interpellé, à coups de matraques, 18 Européens ainsi qu'un diplomate britannique et cinq journalistes turcs. Pour Jon Benjamin, porte-parole de l'ambassade de Grande-Bretagne, l'arrestation du vice-consul à Istanbul, Neil Frape, est une &laqno;grossière violation du statut diplomatique». Onze Allemands, un Danois, un Suisse, deux Espagnols et un Britannique ont été placés en garde à vue ainsi que Dicle Anter, fils du poète kurde Musa Anter, et Mme. Tomris Ozden, veuve d'un colonel turc tué au Kurdistan.

Depuis le début de la guerre du Kurdistan, toute initiative pour la recherche d'une solution politique et pacifique de la question kurde est systématiquement interdite par les autorités turques. Au mois de mai dernier &laqno;Une conférence internationale pour un règlement pacifique de la question kurde» qui devait se tenir à Ankara à l'initiative d'une trentaine d'organisations internationales les plus représentatives du monde occidental, peu suspectes de sympathies pour le PKK, a également été interdite par les militaires turcs.

LA NOUVELLE COALITION DE MESUT YILMAZ OBTIENT LA CONFIANCE DU PARLEMENT

LA coalition dirigée par Mesut Yilmaz a obtenu le 12 juillet la confiance du parlement, par 281 voix contre 256 avec 2 abstentions sur un ensemble de 550 voix. Cette cession de vote a, à plusieurs reprises, été reportée en raison des échauffourées à coups de poings entre les députés déclenchées lorsqu'un député de la majorité a traité son collègue islamiste de &laqno;maquereau»; un certain nombre de députés ont tiré leurs pistolets sans toutefois faire feu. D'entrée de jeu, le Premier ministre s'est attelé l'application des mesures exigées par l'armée, qui avait forcé à la démission l'ancien Premier ministre Erbakan et a permis à M. Yilmaz de prendre les rênes du pouvoir. Parmi les toutes premières mesures à prendre: une épuration dans l'administration envers les islamistes accusés de noyautage. La deuxième mesure concerne l'éducation dans les écoles religieuses &laqno;Imam Hatip» et exigée elle aussi par l'armée a été approuvée, le 22 juillet, par les différents partis de la coalition; celle-ci permettra la fermeture de centaines d'écoles religieuses. Cette mesure a été qualifiée par l'ancien Premier ministre Erbakan d'»exemple de fascisme pro-laïc». Selon lui, le nouveau gouvernement conduit le pays vers &laqno;le chaos et la confusion».

Par ailleurs, un tribunal militaire turc a ouvert une enquête sur les allégations d'une éventuelle collaboration de l'ancien vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Mme. Çiller avec la CIA. Cette enquête a été ordonnée après des allégations faites par le dirigeant du petit parti ouvrier turc, Dogu Perincek, connu pour ses liens étroits avec l'armée. Celui-ci a affirmé être en possession de documents démontrant que Mme. Çiller travaillait comme un agent de la CIA sous le nom de code &laqno;la rose d'Istanbul» contre un salaire annuel de $100 000. Mme. Çiller avait dans le passé fait l'objet de plusieurs enquêtes parlementaires pour des affaires de corruption. En formant une coalition gouvernementale avec les islamistes, elle avait pu échapper à la justice. L'actuel Premier ministre et rival de toujours de Mme. Çiller semble décidé à la faire condamner. De son côté, l'armée très mécontente d'une tentative d'espionnage de l'état-major organisée par l'ancien ministre de l'Intérieur, une proche de Mme. Çiller, apparaît désireuse de faire payer celle dont elle s'est pendant longtemps servie comme &laqno;mannequin politique».

DES CONGRESSMEN AMÉRICAINS LANCENT UNE CAMPAGNE POUR LA LIBÉRATION DE LA DÉPUTÉE KURDE LEYLA ZANA

A L'INITIATIVE de 4 représentants à la Chambre, Elizabeth Furse, John Porter, Esteban Torres et Frank Wolf, une campagne de sensibilisation sur le sort de Mme. Zana et ses trois collègues parlementaires, en prison depuis mars 1994 et condamnés à 15 ans, a été lancée. Une des accusations retenues par la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara qui les avait condamnés à cette peine de prison, était notamment une intervention de Mme. Zana devant la Commission Helsinki de la Chambre des Représentants. Lors de cette audition, Mme. Zana avait lancé aux Congressmen: &laqno;Soutenez les forces démocratiques (en Turquie) et aidez-les à mener des actions non violentes». Cette campagne a été lancée sous forme d'une lettre qui sera adressée fin septembre au Président Clinton. A ce jour elle a été signée par 102 Congressmen. Cette lettre est libellée comme suit: &laqno;Monsieur le Président, Nous vous écrivons pour attirer votre attention sur la situation dramatique de Leyla Zana. Première femme kurde élue au Parlement turc. Mme. Zana, mère de deux enfants, a été élue pour représenter la ville kurde de Diyarbakir par une écrasante majorité en octobre 1991. Elle a été arrêtée par les autorités turques en mars 1994 dans l'enceinte du Parlement et a été condamnée, selon l'accusation retenue par les autorités turques, pour &laqno;discours séparatistes» qui ne sont fait que dans l'exercice de son droit à la liberté d'expression pour défendre les droits du peuple kurde. Elle a été condamnée à 15 de prison en décembre 1994. Elle est toujours en prison, à Ankara.

Une des pièces à charge retenue contre Mme. Zana était son audition en 1993, ici à Washington, devant Helsinki Commission et le Congrès américain. Nous trouvons scandaleux que bien qu'elle ait été invitée par des membres du Congrès, son audition ait été une des activités qui l'ont conduite en prison.

La recherche de Mme. Zana d'un changement démocratique par des moyens non violents a été honorée par le Parlement européen qui lui a accordé le Prix Sakharov de la liberté de l'esprit en 1995. En outre, Amnesty International et Human Rights Watch se sont montrés concernés par son cas.

Monsieur le Président, la Turquie est un partenaire important des États-Unis, un membre de l'OTAN et un principal récipiendaire de notre aide étrangère mais son mauvais traitement de ses citoyens kurdes et leurs parlementaires démocratiquement élus est inacceptable. La majorité des électeurs de la conscription où Mme. Zana a été élue, lui a donné le mandat de les représenter, mais le gouvernement turc a fait tout son effort pour l'empêcher de le faire. Sa voix ne doit pas être réduite au silence. C'est un moyen parmi d'autres que le gouvernement turc a mis à profit pour poursuivre les gens pour leurs opinions politiques.

Nous demandons que vous et l'Administration souleviez le cas de Mme. Zana avec les autorités turques au plus haut niveau et demandiez son immédiate et inconditionnelle libération, de façon à ce qu'elle puisse de nouveau être accueillie chez- nous.»

AINSI QUE....

L'ANCIEN MAIRE DE DIYARBAKIR MEHDI ZANA CONDAMNÉ À 10 MOIS DE PRISON


La Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul a condamné, le lundi 14 juillet, M. Mehdi Zana à 10 mois de prison et à une amende de $ 540. L'ancien maire de Diyarbakir et époux de Mme. Zana, a déjà passé plus de 15 ans de prison dans les geôles turques (ces années de prison sont relatées dans son livre préfacé par Elie Weisel :La prison N° 5. édition Arléa). La Cour de Sûreté motive sa sentence par le caractère &laqno;séparatiste» d'un livre de poésie écrit par M. Zana, publié par la maison d'édition Belge. L'éditrice du livre, Mme. Aysenur Zarakoglu, a elle aussi été a condamnée à une amende de $ 270. Depuis sa libération en décembre 1995, Mehdi Zana a déjà été condamné à 4,5 ans de prison pour ses écrits. Il vit actuellement en exil en Suède.

UNE DÉLÉGATION DE PLUSIEURS ORGANISATIONS DE DÉFENSE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE REÇUE PAR LES DIRIGEANTS TURCS


Dirigée par le vice président du Comité pour la protection des journalistes, Terry Anderson, cette délégation comprenait Peter Arnet représentant du CNN, Robert Ménard, du Reporters sans frontières et Johann Fitz président de l'Institut international de la Presse, basé à Vienne. Elle a d'abord tenu à mettre en mains propres le Prix international de liberté de la presse à l'éditeur Isik Yurtçu, du journal pro-kurde Özgür Gündem, aujourd'hui interdit, dans sa prison à l'ouest du pays où il purge une peine de prison de 15 ans pour &laqno;propagande séparatiste». Ce Prix a été remis au journaliste turc en présence de nombreux journalistes et du romancier Yachar Kemal qui a déclaré que &laqno;les démocrates de Turquie ne se sentent pas seuls. On devient nombreux et nos actions deviennent agissantes». &laqno;Vous ne luttez pas seulement pour vous mais pour vos collègues persécutés ici aussi» a déclaré T. Anderson lors de la remise du Prix. La délégation a rencontré au cours de sa visite de cinq jours le président S. Demirel, le Premier ministre, le vice Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Lors de sa rencontre avec M. Yilmaz, M. Anderson lui a indiqué qu'»il y a plus de journalistes emprisonnés en Turquie (au nombre 78) que le total des journalistes emprisonnés en Éthiopie, en Chine, au Koweït et en Birmanie». L'ensemble des dirigeants turcs ont promis d'améliorer la situation dans le domaine de la liberté d'expression.

A la veille de cette visite, la presse américaine avait publié des éditoriaux critiques vis-à-vis du régime turc dont celui, percutant, du New York Times qui commence ainsi : &laqno;La Turquie a la distinction honteuse d'emprisonner plus de journalistes que n'importe quel autre pays du monde». Finalement, le 15 août les autorités turques ont libéré M. Yurtçu, sans doute, afin d'éviter de devenir une cible fréquente des critiques de la presse américaine.

SEPT MORTS À LA SUITE DES MUTINERIES DANS DEUX PRISONS TURQUES


Protestant contre les mauvaises conditions de détention et les mauvais traitements, des prisonniers ont déclenché une mutinerie, le lundi 7 juillet 1997, dans la prison de Metris, prison de haute sécurité située dans la partie européenne d'Istanbul. Ancienne prison militaire et construite à l'origine pour accueillir 720 prisonniers, 1274 personnes, pour la plupart des Kurdes et des militants de gauche, sont aujourd'hui entassées dans des cellules surchargées. Après avoir demandé depuis des mois l'amélioration de leurs conditions et devant le refus de l'administration, les prisonniers ont, dans la nuit du 8 au 9 juillet, mis le feu dans leurs matelas en signe de protestation. La police est intervenue avec une extrême brutalité . Bilan: 5 morts et 5 blessés parmi les prisonniers. Pour sa défense, l'administration pénitentiaire affirme qu'elle a demandé l'intervention des équipes spéciales de la police afin d'arrêter les auteurs de l'exécution d'un prisonnier achevé la veille à coups de broche dans une cellule. La deuxième mutinerie est survenue dans la ville d'Alasehir, à l'ouest de la Turquie, et elle s'est soldée par la mort de deux prisonniers. S'exprimant au nom de la plus importante centrale syndicale de Turquie, M. Ridvan Budak a déclaré que &laqno;ceux qui sont responsables de cette brutalité pour mater la mutinerie doivent être traduits en justice». Quant au porte-parole de l'Union des gardiens de prison, Ali Yazici, il a déclaré que &laqno;cela montre à quel point le système est pourri...Ce n'est pas la première fois qu'un tel événement se produit et ce ne sera pas la dernière».

Par ailleurs, six des quarante-huit policiers impliqués dans le meurtre du journaliste Metin Göktepe, du quotidien Evrensel, se sont présentés le 28 juillet au parquet de la ville d'Afyon, en Anatolie de l'Ouest. Il s'agit d'un directeur de la police et de cinq policiers contre lesquels la justice avait lancé des mandats d'arrêt. M. Göktepe avait été arrêté le 8 janvier 1996 par la police alors qu'il couvrait pour son journal les obsèques de deux détenus tués lors de la répression d'une mutinerie dans une prison d'Istanbul. Il avait été battu à mort par les policiers devant de nombreux témoins. Son procès, suivi de près par des ONG occidentales, notamment Reporters sans frontières, a été, à plusieurs reprises, déplacé dans des juridictions de province &laqno;pour des raisons de sécurité». Les policiers impliqués ont jusqu'ici systématiquement refusé de se rendre aux convocations des tribunaux. Lors de la dernière audience de ce procès, tenu le 24 juillet à Afyon, malgré les assurances et les ordres du Premier ministre Mesut Yilmaz les policiers prévenus ne s'étaient toujours pas présentés à la Cour. Après enquête, le nouveau ministre de la Justice a établi que les mandats d'arrêt les visant n'avaient, deux mois après leur lancement, toujours pas été transmis à la Direction de la Sûreté d'Istanbul. Cette affaire devenant très médiatisée à l'étranger, donc gênante pour l'image du gouvernement, celui-ci a ordonné la reddition des policiers les plus lourdement impliqués dans le meurtre de Göktepe.

La police n'a finalement obéi qu'à contre coeur. Dès le lendemain de l'incarcération de ces six policiers, lors d'une manifestation des islamistes sous les murs de l'état-major des armées elle est intervenue avec hargne et brutalité contre des journalistes présents sur les lieux et en a blessé une dizaine, dont 3 grièvement.

Les manifestants islamistes ont brocardé &laqno;l'armée ennemie du peuple», &laqno;son porte-parole Demirel» et &laqno;la marionnette Yilmaz». 55 d'entre eux ont été arrêtés. Les islamistes dénoncent " la mise en fiches systèmatique des citoyens par la Sûreté militaire ".

Au même moment, le général Karadayi, chef d'état-major des armées donnait un briefing sur &laqno;la réaction islamiste et la terreur» au Premier ministre Yilmaz, au vice-Premier ministre Ecevit et à leurs principaux ministres convoqués à l'état-major par les chefs militaires. D'après le Hürriyet du 30 juillet, ces derniers étaient furieux d'entendre sous leurs fenêtres &laqno;les slogans injurieux des islamistes» et reprochaient à la police de ne pas avoir pu disperser la manifestation. Ces briefings organisés à l'état-major militaire constituent dans le système turc une sorte de cérémonie d'adoubement pour le gouvernement civil auquel les généraux indiquent les tâches prioritaires qu'il aura à accomplir. Le briefing du 29 juillet est intervenu quelques jours après la réunion mensuelle du Conseil de sécurité nationale du 25 juillet au cours de laquelle avait demandé aux nouvelles autorités civiles de mettre en oeuvre avec diligence et intégralement toutes les &laqno;mesures anti-islamistes» qu'ils avaient édictées le 28 février et qui ont conduit à la chute du cabinet Erbakan.

LA PROLONGATION DE 4 MOIS DE L'ÉTAT D'URGENCE DANS LES PROVINCES KURDES


a été votée le 9 juillet par le Parlement turc &laqno;conformément aux recommandations du Conseil de sécurité nationale». Seuls certains députés du CHP (parti républicain du peuple) et du Refah ont voté contre cette mesure. La plupart des provinces kurdes se trouvent depuis 1979 sous le régime d'état d'urgence. Depuis la création de la République turque en 1924, le Kurdistan turc aura ainsi été placé pendant 51 ans sous des régimes d'exception, d'état de siège, de loi martiale ou d'état d'urgence!

LE GOUVERNEMENT SUD-AFRICAIN INTERDIT UNE LA VENTE D'ARMES À DESTINATION DE LA TURQUIE


Le journal sud-africain The Sunday Independant a révélé, le 10 août, que le gouvernement a émis son veto sur la vente de 12 hélicoptères Roovialk d'un montant 1.2 milliards rands ($257 millions) à destination de la Turquie. Cette décision avait été prise lors de la réunion de la Commission nationale de contrôle de vente d'armes, le 17 juillet. Laurie Nathan, du Centre pour la résolution des conflits, a déclaré à la presse que &laqno;la Turquie est coupable de commettre des violations des droits de l'homme à l'encontre des réfugiés kurdes et se livre à des bombardements des camps de réfugiés kurdes». Et d'ajouter que &laqno;les Rooivalk pouvaient être utilisés à cette fin». Le gouvernement sud-africain avait levé son embargo sur la vente d'armes à la Turquie en dernier, décrété au printemps 1996 à la suite de l'incursion militaire turque dans le Kurdistan irakien, il vient de le rétablir. Confirmant le rétablissement de l'embargo sud-africain, le président de la Commission susmentionnée, Kader Asmal, a motivé la décision par &laqno;la poursuite des violations des droits de l'homme par la Turquie et son occupation illégale de Chypre». &laqno;Parce qu'il s'agissait d'hélicoptères d'attaque, nous avions à considérer la possibilité de leur utilisation à Chypre et au Nord de l'Irak» a encore ajouté le responsable sud-africain. Cependant, à Washgington après l'aval de la vente controversée de trois frégates à la marine turque, en raison de la campagne menée par les organisations de droits de l'homme et qui était en suspens, le Congrès a finalement approuvé la vente de 4 hélicoptères Hawk. Le pré-contrat de cette vente avait été signé en février dernier portant sur un montant de $ 120 millions. Accusés de la mise en place d'un &laqno;embargo non-déclaré» par Ankara, les Américains ont voulu envoyer un message d'apaisement.