Les députés turcs ont adopté le 3 août à l'aube un train de réformes cruciales, dont l'abolition de la peine de mort et l'octroi de certains droits culturels aux Kurdes, dans l'espoir de satisfaire aux conditions posées par les Quinze pour que leur pays rejoigne l'Union européenne. L'ensemble des réformes démocratiques a été approuvé, à main levée, en bloc, lors d'un vote final, à l'issue de 16 heures de débats parfois houleux. Les ultranationalistes du parti de l’Action nationaliste (MHP) arguaient que des droits élargis pour les minorités risqueraient de relancer un conflit kurde quasiment éteint qui a fait quelque 36.500 morts en 15 ans dans les provinces kurdes.
L'abolition de la peine de mort - excepté en temps de guerre ou de menace de guerre - avait reçu dès le 2 août un soutien inattendu au Parlement, faisant tomber d'autres tabous. Cette mesure sauve définitivement la tête d’Abdullah Ocalan et d’une cinquantaine d’autres condamnés à mort.
La diffusion de programmes audiovisuels en langue kurde est désormais autorisée, ainsi que l'enseignement privé du kurde. Le texte sur la langue kurde a été approuvé à l'issue d'un vote préliminaire, au cours d'une session parlementaire marathon qui s'est ouverte le 2 août. “ Les programmes peuvent être conçus dans les différentes langues et dialectes que les citoyens turcs utilisent dans la vie de tous les jours ”, dit le texte de loi.
Le Parlement a également étendu la liberté d'expression et d'association, limité la répression des manifestations publiques et élargi les droits des instances religieuses non musulmanes, qui pourront désormais acquérir des biens immobiliers. Des poursuites pour critique d'institutions d'Etat, dont l'armée, ont été supprimées et l'emprisonnement pour délit de presse aboli. D'autre part, les députés ont introduit des mesures strictes sur l'immigration clandestine.
L'abolition de la peine de mort, était, avec l'octroi de droits culturels à la minorité kurde, l'un des principaux impératifs politiques exigés par les Européens. “ Le Parlement a aboli la peine de mort, le plus grand obstacle pour une adhésion de la Turquie à l'UE, un vote historique ”, s'est réjoui le journal populaire Sabah, s'exclamant à la Une “ Merci! ”. “ Nous n'avons pas raté le train de l'UE (...) Le Parlement turc a ouvert un peu la porte de l'UE à un moment où les espoirs s'évanouissaient ”, écrivait le journal libéral Radikal.
Le dernier rapport d'évaluation publié fin 2001 par la Commission européenne créditait Ankara d' “efforts substantiels » pour satisfaire aux critères d'adhésion à l'Union, mais jugeait “considérables ” ceux restant à consentir.
Les députés turcs ont été soumis à de fortes pressions pour adopter les réformes. Une horloge a été installée symboliquement devant les portes du Parlement par un groupe de pression favorable à l'adhésion à l'UE pour décompter les minutes jusqu'au sommet européen de Copenhague, consacré en décembre 2002 à l'élargissement de l'Union.
“ La Turquie a répondu à tous les critères politiques avec cette série de réformes que nous allons mettre en œuvre. Personne ne peut prétendre le contraire ”, a déclaré le 4 août le Premier ministre, Bulent Ecevit. “ La Turquie attend à présent de l'Union européenne son intégration dès que possible ”, a-t-il ajouté au lendemain de l'adoption de ces réformes démocratiques. M. Ecevit a paru confiant sur le fait que ces réformes permettraient d'offrir à son pays de meilleures perspectives pour l'ouverture rapide de négociations en vue de son adhésion à l'UE. “ Nous n'avons aucune lacune en ce qui concerne le respect des critères politiques de l'Union ”, a déclaré M. Ecevit, ajoutant : “ Je ne doute pas que nos amis occidentaux le remarqueront eux aussi lorsqu'ils examineront en détail la série de réformes adoptées par le Parlement ”. “ Je ne veux même pas envisager cette possibilité, mais si nous échouons à fixer une date (pour les négociations), nous ferons ce qui est nécessaire pour y parvenir ”, a-t-il ajouté, sans fournir d'autres précisions.
L'UE a salué l'adoption de ces mesures, mais a précisé qu'elle “ surveillerait étroitement ” la manière dont elles seraient appliquées. La coopération d'Ankara dans la réunification de Chypre et son feu vert à l'accès de la Force européenne de réaction rapide aux moyens militaires de l'Otan sont également de première importance, tout comme les délicates réformes que devrait envisager la Turquie pour réduire l'influence politique de ses généraux. Cependant même si ce membre stratégique de l'Otan réussissait à remplir toutes ces conditions - ce qui semble bien improbable en année électorale -, il n'est pas certain qu'une date d'ouverture des discussions d'adhésion puisse être fixée, en raison des réticences de plusieurs Etats de l'UE. Le candidat de l'opposition conservatrice, Edmund Stoiber, favori des législatives allemandes du 22 septembre, s'est déclaré, en mai, hostile à l'entrée de la Turquie dans l'UE, un point de vue que partagent en privé nombre de responsables politiques d'Europe occidentale. L'ancien ministre espagnol des Affaires étrangères Josep Piqué a fait naître les espoirs turcs en déclarant au dernier sommet de l'UE, en juin à Séville, que de “ nouvelles décisions ” concernant la candidature d'Ankara seraient prises à Copenhague. Mais d'autres dirigeants européens se sont empressés de dire que la Turquie était encore loin de répondre aux critères européens concernant la démocratie, les droits de l'Homme, les droits des minorités, la liberté d'expression et le contrôle de l'armée par les civils. Un responsable européen a estimé que la Turquie restait une “ semi-dictature militaire ”, un point de vue largement partagé à Bruxelles.
Publiquement, la Commission européenne a qualifié de “ décision courageuse ” les réformes adoptées, mais elle a rappelé que l'application de ces réformes était aussi importante que leur adoption. Le commissaire européen à l'Elargissement, Gunter Verheugen, a souligné que ces réformes n'auraient pas été possibles sans “ la perspective européenne développée par l'UE pour la Turquie ” lorsqu'elle a fait officiellement d'Ankara un candidat, en 1999. Mais ce magnétisme ne fonctionnera durablement que si les Turcs décèlent de la part de l'UE une volonté sincère d'admettre un jour leur pays. “ Nous avons réussi, maintenant c'est votre tour ! ”, titrait le 4 août le quotidien turc Sabah à l'adresse de l'UE. Recep Tayyip Erdogan, chef de file du parti de la justice et du développement (AKP- islamiste), en tête des intentions de vote dans les sondages, ne disait pas autre chose en affirmant : “ Nous jugerons la sincérité de l'Union européenne sur sa prochaine initiative ”.
En revanche, les ultra-nationalistes turcs ne cachent pas leur opposition aux réformes et le vice-Premier ministre, Devlet Bahceli, dont le parti d'action nationaliste (MHP) constitue la plus importante formation au Parlement, a annoncé dans une déclaration retransmise à la télévision le 4 août qu'il demanderait à la Cour constitutionnelle d'annuler les réformes. Il a estimé que le vote du Parlement en faveur de ces mesures était “ dangereux et irréfléchi ”. “ Ceux qui ont fait du zèle pour lui (M. Ocalan) épargner le châtiment qu'il mérite ont porté atteinte à notre pays ”, a déclaré M. Bahceli à ses partisans rassemblés dans la province anatolienne de Kayseri. Ces réformes vont “ pulvériser l'unité et l'existence de la nation turque ”, a-t-il ajouté.
Les Kurdes, dans leur grande majorité, saluent ces mesures positives en direction de la reconnaissance de leur langue mais restent très prudents. D’abord, il n’est pas exclu que la Cour constitutionnelle dominée par des magistrats nationalistes annule la loi. De plus, on ignore comment ces droits vont pouvoir être exercés alors que la Constitution et le code pénal contiennent de nombreuses dispositions répressives et que des institutions comme le Haut Conseil de l’audiovisuel vont régenter cet espace de liberté promis. On ne sait pas non plus quelle sera la politique de la majorité qui se dégagera des élections du 3 novembre prochain. On se souvient qu’en 1991, déjà, le Premier ministre Demirel avait déclaré que “ la Turquie reconnaît désormais sa réalité kurde ”. On connaît la suite de cet effet d’annonce qui, à l’époque, avait aussi suscité beaucoup d’espoirs en Turquie et en Europe.
Le peuple kurde vient de perdre l’un de ses amis les plus prestigieux et fidèle, Laurent Schwartz, décédé, le 4 juillet 2002, à Paris à l’âge de 87 ans. Savant de renommée internationale, le professeur Schwartz était aussi un grand militant des causes anti-colonialistes et défenseur des minorités opprimées.
Il fut, au milieu des années 1970 parmi les tout premiers intellectuels français à prendre la défense du peuple kurde et de son droit à l’autodétermination. En 1974, il participa, avec d’autres intellectuels français dont Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Maxime Rodinson, Pierre Vidal-Naquet, Edgar Morin, Bernard Dorin et Gérard Chaliand, à la création d’une association France-Kurdistan. Cette association, par ses publications et ses interventions dans les media, a largement contribué à faire connaître la question kurde en France. Elle est restée active jusqu’à l’ouverture, en février 1983, de l’Institut kurde. Les intellectuels français qui avaient jusque-là apporté leur soutien au peuple kurde dans le cadre de cette association, acceptèrent, pour poursuivre leur action, de devenir des membres du comité de parrainage de l’Institut. À ce titre, le professeur Schwartz suivait de près nos activités, nous prodiguant conseils et encouragements, restant très solidaire de la cause, de la défense de la diffusion, et de la culture kurde assurée par l’Institut.
Ami des Kurdes, il fut aussi défenseur d’autre causes anti-coloniales dont au moins une, celle de l’indépendance d’Algérie, lui a valu de sérieux démêlés avec les autorités français.
Né le 5 mars 1915 à Paris, Laurent Schwartz, est l’un des mathématiciens français contemporains les plus connus. À 35 ans à peine, ce normalien agrégé de mathématiques et docteur ès sciences a été récompensé par la plus haute distinction pour un mathématicien, la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel, pour ses travaux sur les distributions. Il s’est également distingué très tôt par ses engagements politiques, signant par exemple en 1960, le manifeste des 121 intellectuels proclamant le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, alors même qu’il était professeur à l’Ecole Polytechnique, grande école au statut militaire. Révoqué par le ministre des armées, Pierre Messmer, qui considéra que son poste serait « contraire au bon sens et à l’honneur », il avait rétorqué : « Si j’ai signé la déclaration des 121, c’est en partie pour avoir vu depuis plusieurs années la torture impunie et les tortionnaires récompensés. Mon élève Maurice Audin a été torturé et assassiné en juin 1957, et c’est vous, monsieur le ministre, qui avez signé la promotion du capitaine Charbonnier au grade d’officier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel… Venant d’un ministre qui a pris de telles responsabilités, les considérations sur l’honneur ne peuvent que me laisser froid ».
Issu d’une famille de droite, Laurent Schwartz était pourtant un anti-colonialiste et internationaliste convaincu, désenchanté devant la politique de « non-intervention » pratiquée en France par le gouvernement de Léon Blum face à la montée en puissance du nazisme, aux purges staliniennes et à la guerre civile en Espagne. Au-delà de la figure emblématique de l’universitaire, Laurent Schwartz, jouera pleinement de son influence pour mobiliser et lutter contre les oppressions et les guerres coloniales, d’abord l’Algérie, puis la guerre de Vietnam, l’intervention en Afghanistan, en Tchétchénie, mais aussi le Kurdistan…
Alors que les analyses des spécialistes vont bon train sur une éventuelle intervention américaine, que celle-ci suscite des clivages au sein de l’administration américaine, des interrogations au Congrès, des objections plus ou moins affichées dans les chancelleries européennes, les diverses composantes de l’opposition irakienne multiplient réunions, conférences et sommets pour débattre de la coordination de leurs efforts afin de contribuer au renversement du régime irakien et préparer l’après-Saddam. Ainsi, les 13 et 14 juillet, la capitale britannique a accueilli quelques 200 opposants irakiens, plus d’une soixantaine d’anciens hauts gradés militaires mais aussi des partis kurdes, chiites et sunnites tout comme une forte délégation américaine, représentant le Pentagone et le département d’Etat. « Nous poursuivons nos plans pour faire tomber le régime oppressif » a déclaré le général Tawfiq al-Yassiri, un des organisateurs de la réunion qui espère encourager les défections au sein de l’état-major irakien. Un conseil militaire en vue de renverser Saddam Hussein a d’ailleurs été créé.
La réunion a également été marquée par la présence du prince Hassan de Jordanie, oncle du roi Abdallah II, évincé de la succession au trône par son frère le roi Hussein mais qui est également le cousin de Fayçal II, dernier monarque irakien, renversé et assassiné en 1958. Amman qui refuse officiellement de servir de base à une quelconque attaque américaine contre Bagdad, a toutefois déclaré que le prince n’était pas mandaté par le gouvernement.
Mais c’est la réunion au sommet du 9 août à Washington des dirigeants des principales organisations de l’opposition irakienne qui a retenu l’attention. Organisée par le gouvernement américain, cette réunion a permis des échanges jugés « substantiels et sérieux » entre les plus hauts responsables du Département d’Etat et du Pentagone et les principaux dirigeants irakiens sur les perspectives de changement en Irak. Le vice-président américain Dick Cheney a, par le biais de la vidéo-conférence, participé aux débats et réitéré « la détermination de l’administration américaine à renverser la dictature de Saddam Hussein ». Cependant on ne semble guère en savoir plus sur la stratégie américaine ni sur les moyens de provoquer ce changement de régime ni sur la période d’après-Saddam. En tout cas, en rassemblant les principaux dirigeants irakiens et en les recevant avec ostentation, Washington a voulu, au moins, donner plus de crédibilité à son discours interventionniste.
Les deux principales formations politiques kurdes, le parti démocratique du Kurdistan et l’Union patriotique du Kurdistan étaient représentés à cette réunion respectivement par Hashyar Zibari et Mohsin Dizayee, d’une part, et Jalal Talabani et Barham Salih, d’autre part. Avant de s’envoler pour Washington, M. Talabani, chef de l’UPK, avait tenu à rendre, les 6 et 7 août, une visite de deux jours à Ankara où il s’est entretenu avec le sous-secrétaire d’Etat turc aux affaires étrangères ainsi qu’avec des responsables militaires.
Outre le Congrès national irakien représenté par son président, Ahmed Chalabi, le conseil suprême de la révolution irakienne, importante fraction politico-militaire chiite basée à Téhéran a également participé au sommet de Washington, très vraisemblement avec le feu vert de ses protecteurs iraniens.
De son côté, le Sénat américain a procédé fin août à une série d’auditions d’experts pour s’informer sur l’opportunité et les conséquences d’une intervention militaire américaine en Irak.
Selon le quotidien américain USA Today daté du 5 août, citant des responsables des services de renseignement américains, le président irakien Saddam Hussein tente de persuader les Kurdes de rester neutres en cas d'attaque des Etats-Unis contre son pays. “ Saddam a eu recours à des intermédiaires ces dernières semaines dans le nord de l'Irak pour lancer un appel aux rebelles qu'il terrorise depuis des années ”, a rapporté USA Today, se basant sur des informations obtenues auprès de ces responsables.
Afin d’obtenir la neutralité des Kurdes, qui représentent environ 28 % de la population irakienne et luttent pour un statut fédéral, Saddam Hussein les aurait assurés qu'ils pourraient continuer à bénéficier d'une certaine autonomie, à enseigner le kurde à leurs enfants, à prélever des taxes et à obtenir une part des recettes pétrolières du pays.
Le Parlement turc réuni en séance plénière a décidé de fixer la date des élections législatives anticipées au 3 novembre afin de mettre un terme à une crise politique susceptible de nuire aux efforts de redressement économique du pays. Les députés ont approuvé la proposition de loi fixant la date du scrutin par 449 voix pour, 62 contre et trois abstentions. Ces élections anticipées se dérouleront au moment où Ankara tente d'arracher une date pour l'ouverture de négociations sur son adhésion à l'Union européenne et alors que les Etats-Unis pourraient lui demander son soutien en cas de prochaine offensive militaire contre le voisin irakien.
Opposé à la tenue d'un scrutin anticipé et affaibli par la maladie, le Premier ministre, Bulent Ecevit, a perdu une bataille contre ses alliés de la coalition gouvernementale, en particulier contre le Parti d'action nationaliste (MHP), favorable à la proposition de loi. Hospitalisé à deux reprises depuis début mai, Ecevit a vu les divisions au sein de son alliance tripartite s'accentuer en son absence. Après des démissions en cascades de députés et de ministres affiliés à son parti, parmi eux le vice-Premier ministre, Husamettin Ozkan et Ismail Cem, le populaire ministre des affaires étrangères, suivi finalement de Kemal Dervis, le ministre turc de l’économie, la coalition du Premier ministre a survécu, mais le parti de la Gauche démocratique (DSP) a perdu la majorité au Parlement. Ismail Cem, s'est présenté en héraut d'une Turquie “rénovée ” et résolument européenne, le 12 juillet, en lançant un nouveau parti politique social-démocrate. À la tête de la diplomatie turque depuis 5 ans, une durée record dans ce pays gouverné par des coalitions instables, Ismail Cem s'est taillé une réputation de partenaire privilégié et apprécié des chancelleries européennes. Il avait notamment obtenu pour la Turquie, au sommet européen d'Helsinki en décembre 1999, le statut de candidat à l'intégration de l'Union.
Les Quinze doivent publier en octobre prochain un rapport sur les progrès faits par Ankara sur la voie d'un renforcement de ses institutions démocratiques et des droits de l'Homme. Les mouvements pro-européens souhaitent faire avancer les réformes avant cette date afin d'obtenir un satisfecit de l'UE et décrocher, en décembre, une date précise pour l'ouverture des négociations sur l'adhésion.
Le régime iranien, et plus particulièrement sa faction dure, a été secoué par la démission de l’Ayatollah Tahéri, l’un des proches compagnons de l’imam Khomeiny, qui dirigeait depuis trente ans la prière de vendredi de la ville d’Ispahan. Dans une lettre datée du 11 juillet, l’ayatollah Tahéri a justifié sa démission en dénonçant la « corruption généralisée », « l’incompétence des autorités et la défaillance des structures politiques » du pouvoir. Le principal dignitaire religieux de la ville d’Ispahan, a également dénoncé « la dépossession du Parlement de ses pouvoirs au profit de structures non élues », « des arrestations et des emprisonnements troublants et, derrière tout cela, un peuple et un pays ridiculisé ».
Fait sans précédent, l’ayatollah Tahéri a pris ouvertement parti pour l’ayatollah Montazéri, l’ex-dauphin de l’ayatollah Khomeyni, disgracié et mis en résidence surveillée depuis 1989, et fustigé « ceux qui dans le pouvoir instrumentalisent la religion » en les qualifiant d’« alliés de groupes de fascistes ».
Par ailleurs, pour la première fois depuis trois ans, le « corps des Gardiens de la Révolution islamique », les fameux Pasdarans, créé en 1979, sont ouvertement intervenus dans le jeu politique en publiant un communiqué contre les réformistes moins de deux jours après une manifestation anti-américaine le 19 juillet en se disant « prêts à défendre les valeurs de la révolution ».
La Turquie devra verser au total près de 24.000 euros à Mme Ulku Ekinci, dont le mari, un avocat d’Ankara suspecté de sympathies pour le nationalisme kurde, a été assassiné en 1994, a indiqué le 16 juillet la Cour européenne des droits de l'homme.
Celle-ci a estimé que les autorités turques n'avaient pas mené “ d'enquête adéquate et effective ” sur les circonstances du décès de cet avocat. En revanche, la Cour n'a pas reconnu, comme le soutenait Mme Ekinci, que son mari avait été tué dans des circonstances engageant la responsabilité des autorités turques, en raison de l'absence “ d'éléments de preuve suffisants ”. Son frère le Dr. Tarik Ziya Ekinci, a été député de Diyarbakir et secrétaire général du parti ouvrier de Turquie dans les années 1960.
Yusuf Ekinci, membre d'une grande famille kurde, a été retrouvé mort le 25 février 1994 le long d'une autoroute dans la banlieue d'Ankara. Son corps avait été criblé de onze balles. Selon son épouse, ce meurtre est l'un des quelques 400 assassinats “ perpétrés par des auteurs non identifiés ” cette même année et dont l'existence a été établie par Amnesty International et la Fondation turque des droits de l'homme.
Yusuf Ekinci, qui avait été “ dans une certaine mesure actif sur le plan politique jusqu'en 1990 ”, a été tué dans des circonstances analogues à celles de l'un de ses clients assassiné un mois auparavant, Behçet Canturk, un homme d'affaires soupçonné de financer le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et figurant à ce titre sur la fameuse liste Çiller d’une centaine de personnalités kurdes à éliminer sans procès. Selon la Cour européenne, un rapport commandé par le gouvernement turc et publié en 1998 “ donnait à penser que des agents de l'Etat étaient effectivement impliqués dans le meurtre ” de cet homme d'affaires. Un rapport préparé en 1998 à la demande du nouveau Premier ministre, Mesut Yilmaz, par l’Inspection générale de ses services avait établi que ces meurtres avaient été approuvés par les hautes autorités de l’Etat et Mme Çiller s’était publiquement félicitée de ces « actions patriotiques ».
Par ailleurs, la Cour européenne, a, le 9 juillet, condamné la Turquie pour “ violation de la liberté de la presse ” dans l’affaire Karatas. En juillet 1995, Seher Karatas, l’éditrice et la rédactrice en chef du bi-mensuel Gençligin Sesi (la Voix de la Jeunesse), avait été condamnée par la Cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul pour un article intitulé “ On doit s’orienter vers le système lui-même ”, sur le fondement de l’article 312 du code pénal turc sanctionnant “ l’incitation du peuple à la haine et à l’hostilité au moyen d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale et à une région ”. Le Gouvernement turc soutient que le ton sur lequel a été écrit l’article n’est pas celui de la critique mais celui de l’agression verbale contre le régime établi.
La Cour européenne “ relève que l’article litigieux, dans son ensemble, présente un appel destiné à la jeunesse pour que celle-ci se joigne à la classe ouvrière dans sa lutte contre le chômage et la misère, et elle ne voit rien qui puisse passer pour un appel à la violence, au soulèvement ou à toute autre forme de rejet des principes démocratiques ”.
La Cour souligne que “ le fait qu’un tel appel politique passe pour incompatible avec la législation répressive de l’Etat turc ne le rend pas contraire aux règles démocratiques. Sous cet angle, cet appel, même s’il englobe un appel à “ la grève et à la résistance générales ”, ne se distingue guère de celui lancé par des mouvements politiques dans d’autres pays membres du Conseil de l’Europe ”. Aucun passage n’indiquait que l’article litigieux préconisait la poursuite de la violence, souligne la Cour, qui condamne la Turquie pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour conclut également à la violation de l’article 6§1 de la Convention, puisque la requérante avait répondu devant une Cour de sûreté de l’Etat comprenant un officier de carrière appartenant à la magistrature militaire.
La Turquie est condamnée à verser à la requérante 4500 euros pour dommage moral et 2000 euros pour frais et dépens.
La Turquie, régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour des violations de la liberté d'expression des Kurdes, s'est une nouvelle fois engagée le 11 juillet à faire plus pour garantir ce droit. Dans une déclaration jointe à une affaire réglée à l'amiable, les autorités turques s'engagent “ à opérer toutes les modifications du droit et de la pratique internes nécessaires dans ce domaine ”. Dans cette affaire, l'Etat turc a accepté, dans le cadre d'un règlement à l'amiable, de verser 7.000 euros à un ressortissant turc condamné à un an de prison pour avoir prononcé “ un discours sur les problèmes du peuple kurde et (...) sur les solutions possibles à y apporter ”. “ L'ingérence incriminée dans le cas d'espèce (...) constitue une illustration supplémentaire ” du fait que “ le droit et la pratique turcs doivent d'urgence être mis en conformité avec les exigences résultant de l'article 10 de la Convention ” (liberté d'expression), explique la Turquie.
Enfin, le 16 juillet, la Cour européenne a communiqué que la Turquie a reconnu sa responsabilité dans les mauvais traitements infligés à un militant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et à une militante de gauche et a accepté d'indemniser les victimes.
Au terme d'un accord amiable, un militant du PKK âgé de 37 ans recevra environ 32.000 euros pour préjudice, après avoir été torturé en janvier 1994 dans les locaux de la Direction de la sûreté d'Istanbul. Une jeune femme de 29 ans, membre de l'organisation illégale Dev-Sol (Gauche Révolutionnaire), victime de mauvais traitements lors de sa garde-à-vue à Istanbul en avril 1993, recevra du gouvernement turc une indemnité totale de près de 30.500 euros.
Dans une déclaration quasi-identique pour les deux cas, le gouvernement “ regrette la survenance, comme en l'espèce, de cas individuels de mauvais traitements infligés par les autorités à des personnes en garde-à-vue, malgré la législation turque existante et la détermination du gouvernement d'empêcher de tels incidents ”. Le gouvernement “ s'engage à édicter les instructions appropriées et à adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir l'interdiction de pareilles formes de mauvais traitements ”.
De son côté, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a vivement critiqué les violations persistantes des droits de l'Homme en Turquie. La réforme de la formation de la police, engagée depuis trois ans, “ n'a encore donné aucun résultat visible et concret ”, a regretté l'exécutif de l'organisation dans une résolution.
Le secrétaire adjoint américain à la Défense, Paul Wolfowitz, a exprimé lors de sa visite à Ankara les 16 et 17 juillet la détermination de son pays à renverser le régime de Saddam Hussein en Irak, recherchant le soutien de son allié stratégique turc, réticent à des frappes militaires.
Le responsable américain a cependant indiqué aux autorités turques que le gouvernement des Etats-Unis n'avait pas encore pris de décision concernant l'Irak ni demandé à Ankara d'en prendre une, lors d'une conférence de presse avant son départ de Turquie. “ Je ne suis pas venu avec une idée précise de ce que devrait être le rôle de la Turquie (dans une éventuelle opération militaire contre l'Irak, ndlr) ni avec la décision d'une opération, car nous n'avons nous-mêmes pas pris de décision ”, a-t-il déclaré au terme de deux jours d'entretiens avec les responsables civils et militaires turcs. “ Nous ne sommes pas venus chercher une décision du gouvernement turc, mais profiter des points de vue de la Turquie ”, a-t-il ajouté “ Le régime irakien, hostile aux Etats-Unis et suppôt du terrorisme, est un danger que nous ne pouvons nous permettre d'affronter indéfiniment. Mais résoudre ce problème implique une série de décisions que le président (George W.) Bush n'a pas encore prises ”, a ajouté M. Wolfowitz.
La Turquie a, de son côté, expliqué à M. Wolfowitz, accompagné du numéro trois du département d'Etat (ministère américain des Affaires étrangères), Marc Grossman, et du général Joseph Ralston, commandant des forces américaines en Europe, pourquoi elle voulait éviter une option militaire : sa hantise de la création d'un Etat kurde dans le cas de l'éclatement de l'Irak et les répercussions défavorables pour son économie en crise. Elle a également réclamé de son allié-clé un mécanisme de consultation plus étroit. “ Nous ne voulons pas de surprise. Nous leur avons dit de nous consulter à chaque étape de leur décision et de ne pas se contenter de nous informer la veille d'une éventuelle opération ” militaire, a précisé un responsable turc sous couvert de l'anonymat. Les autorités ont en outre demandé au numéro deux du Pentagone la possibilité d'effacer la dette de la Turquie découlant des ventes d'armes américaines, se chiffrant à plus de 4 milliards de dollars.
Cengiz Candar, éditorialiste du journal islamiste Yeni Safak, relève que la position d'Ankara consiste désormais davantage à “ réclamer des garanties économiques et politiques des Etats-Unis qu'à s'opposer à des frappes ”. Selon lui, la décision du gouvernement de coalition du Premier ministre turc Bulent Ecevit de convoquer des élections anticipées en novembre pourrait permettre d'avoir un gouvernement stable à Ankara avant le lancement au début de l'année prochaine d'une opération contre l'Irak.
Les menaces américaines contre l'Irak se précisent alors que la Turquie a, ces dernières années, accru ses efforts pour revitaliser son commerce avec son voisin. Le volume commercial entre les deux pays avant la guerre du Golfe s'élevait à 4 milliards de dollars par an. Actuellement, il est de 2 milliards de dollars par an. Ankara chiffre à environ 40 milliards de dollars ses pertes liées à l'embargo multiforme imposé contre l'Irak.
Du 6 au 10 juillet 2002 plus de 300 parlementaires des 55 Etats différents se sont réunis au Bundestag à Berlin pour la 11ème session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le débat, axé sur l’aspect politique, économique et humanitaire de la lutte internationale contre le terrorisme, a été suivi par une déclaration finale. Par ailleurs, un rapport élaboré par Svend J. Robinson pour la Commission de la démocratie, des droits de l’homme et des questions humanitaires, intitulé “ Faire face au terrorisme : un défi à l’échelle planétaire pour le XXIème siècle ”, a été adopté.
Le Rapport déplore qu’ “ en Turquie, les maires HADEP sont victimes d’un harcèlement permanent, tel le maire de Hakkari, qui a été accusé d’activités subversives pour avoir publié un calendrier en anglais et en kurde ”. Il souligne également que “ la langue kurde reste interdite à la radio et dans l’enseignement, et [que] la députée Leyla Zana est toujours en prison ”.
« À Van, les forces de sécurité ont arrêté environ 500 étudiants pour avoir signé une pétition dans laquelle ils revendiquaient le droit de faire leurs études en kurde. Comme l’a dit l’avocat des droits de l’homme Osman Baydemir dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre, “ le gouvernement croit qu’il peut faire tout ce qu’il veut maintenant, et que l’Occident laissera faire“ ”, indique le rapport.
Dans son projet de résolution, le rapporteur “ encourage les Etats participants à contribuer aux efforts internationaux pour mettre fin aux injustices existant de longue date au Moyen-Orient, ce qui inclut le respect intégral des droits des Palestiniens et des minorités kurdes, et du droit pour tous les Etats de la région de vivre dans la paix et la sécurité”.
Pour prendre le pouls de la population, à trois mois des élections anticipées, le quotidien Milliyet a décidé de parcourir la Turquie avec quelques-uns de ses journalistes en vue. L’étape du 13 août les a ainsi conduit dans la province kurde de Batman. “ L’économie ou l’identité ? ”, “ Les habitants de Batman préfèrent le parti HADEP et suffoquent à cause de la violence et des interdictions ”, titre le quotidien.
“ Au cours de la conversation avec la population de Batman, on a entendu dire que des équipes en civil interpellaient des jeunes distribuant des roses aux commerçants. Les jeunes se sont alors indignés en disant : “ Comme vous pouvez le constater, la démocratie ne reste qu’au stade de la parole ”, écrit le journaliste Derya Sazak dans son article. “ Nous voudrions nous réjouir pour le vote des réformes pour l’Union européenne. Il paraît qu’on a aboli la peine de mort, et qu’on autorise l’enseignement et la diffusion en langue kurde. Comment cela s’appliquera concrètement ? Nos voix seront-elles comptabilisées régulièrement aux élections ? ” s’interrogent encore les jeunes.
Le journaliste poursuit en disant qu’ “ en réalité, le HADEP a aussi des problèmes. Par exemple, les maires de Batman et de Siirt, ont dû démissionner à la demande de la direction générale du HADEP… Elu à Batman aux cours des dernières élections municipales, Abdullah Akin, un avocat de Diyarbakir, n’a pas été en mesure de s’intégrer dans la population. Cela étant, le choix des candidats décidés par la direction-même n’est pas un problème propre au HADEP mais se retrouve dans tous les partis. ” Derya Sazak constate, d’autre part, que les partis islamistes , de la Justice et du développement (AK) comme celui du Bonheur (SP), devraient également être pris en considération. “ À Batman, le nom du parti SP est aussi souvent évoqué que celui de AK. La raison réside dans la possibilité d’une alliance avec le HADEP… Les journaux locaux ont d’ailleurs titré “ Selamaleykum Heval !” [ndlr : Salam, bonjour chez les musulmans et Heval, ami en kurde]. Le journaliste conclut par le constat suivant “ À Batman, il y a près de 100 000 jeunes, et quelques centaines de cafés-internet. Malheureusement pas une salle de cinéma ! Les jeunes attendent qu’il y ait une université à Batman. Le chômage est le problème numéro un. La raffinerie TPAO [ndlr : société turque de pétrole] ne fait qu’administrer et aujourd’hui le pétrole n’arrive plus à nourrir la population. Le commerce transfrontalier est interdit. La crise économique a ruiné les commerçants et les agriculteurs. On impose un quota sur le tabac et dans les villages qui ont été évacués pour des raisons de terreur, l’élevage est mort. On importe du bétail de l’Iran. La terreur est finie mais la pauvreté sévit à Batman ”.
La journaliste Serpil Yilmaz approfondit son analyse de la situation économique de Batman : “ c’est la province la plus touchée par le déclin de l’économie publique… Alors qu’il y a deux mois 11 000 personnes étaient employées dans la raffinerie de Batman, aujourd’hui ils sont 3000. Payés 800 marks alors que la moyenne était de 3000 marks. L’agriculture se concentre sur la production de tabac et de coton à Batman. Avec le quota appliqué sur le tabac, les 45 000 familles qui vendaient une à deux tonnes de tabac par an à l’Etat, ne peuvent en vendre que 200 kg… Selon les données, sur les 600 000 habitants, 45 000 sont sans emplois…” Taha Akyol, quant à lui, note que “ pendant qu’il est en train de discuter des problèmes économiques et de la crise, un commerçant se lance : “ L’économie est importante mais notre identité passe avant tout ”.
“ 5000 familles ont envoyé une demande au Parlement turc pour avoir le droit de retourner dans leur village. Les parlementaires ont simplement répondu “ Est-ce que c’est interdit ? ils peuvent retourner ” écrit par ailleurs S. Yilmaz. Le point le plus dramatique à Batman étant le nombre de suicides chez les femmes, selon elle “ en 2000, il y a eu 33 suicides et grâce (soi-disant) à l’ouverture des centres de soutien pour les femmes … ce nombre est descendu à 18 ”. Le journaliste Can Dundar déplore également le phénomène du suicide et écrit que le nouveau centre commercial de 4 étages à Batman est équipé de filets de protection pour lutter contre les suicides. “ Que peut expliquer plus que cela l’humeur d’une ville ? ”.
Alors que le Danemark a pris le 1er juillet le relais de la présidence semestrielle de l'Union européenne qui doit conclure impérativement un accord sur les conditions d'élargissement de l'UE au sommet de Copenhague, en décembre 2002, le commissaire européen chargé de l’élargissement, Gunter Verheugen, a déclaré au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, qu’aucun calendrier ne pourra être fixé à la Turquie pour son adhésion à l’UE.
En recevant à Copenhague le président de la Commission européenne, Romano Prodi, et tous les commissaires, M. Rasmussen a “ émis l'espoir que les dix pays candidats seront prêts pour entrer dans l'UE ”. [ndlr : la Turquie onzième candidat à l’UE] M. Rasmussen a mis une nouvelle fois en garde “ contre tout petit retard dans les négociations d'adhésion qui résulterait en un report de plusieurs années de cet élargissement ”, faisant référence à l'agenda très chargé de l'UE dans les années à venir. Il a indiqué que “ l'Union européenne présentera au tout début novembre sa position commune aux pays candidats, et qu'il restera à mener des négociations intenses avec ces pays jusqu'au sommet de Copenhague ” des 12 et 13 décembre. Ce sommet pourrait même être prolongé d'un ou deux jours, au besoin.
La Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Istanbul a condamné le 31 juillet l’éditeur Abdullah Keskin, directeur de la maison d’édition AVESTA, à 5 mois de prison commuée à 830 466 000 livres turques d’amende pour la publication du livre de Jonathan Randal “ After such knowledge.What forgivness ?-My encounters with Kurdistan ”. La cour a considéré que le livre a “ visé l’unité indivisible de la nation et de l’Etat ” en parlant du Kurdistan.
Le livre en question a déjà paru en plusieurs langues- persan, kurde, anglais, arabe- L’ancien correspondant de guerre du Washington Post, qui est reconnu pour son professionnalisme et est appelé à témoigner par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, s’est donc vu incriminé et condamné par la justice turque.
La campagne d’arabisation forcée irakienne s’est récemment étendue aux étudiants kurdes de l’université de Mossoul. Selon l’hebdomadaire Gulan du 25 juillet, « les étudiants kurdes originaires de Mossoul, de Kirkouk et d’autres zones encore restées sous le contrôle de Bagdad, et inscrits à l’Université de Mossoul pour l’année scolaire 2001-2002, ont été obligés de payer une importante somme d’argent et n’ont reçu aucune allocation mensuelle ». L’hebdomadaire ajoute que « les étudiants non-Arabes de l’université de Mossoul… ont été informés qu’ils devaient tous changer leurs identités, leurs noms et les remplacer par des noms arabes, mais aussi adhérer au parti Ba’ath. Ils ont été menacés de ne pas avoir le droit de s’inscrire à l’université pour l’année 2002-2003 »
L’hebdomadaire Gulan ajoute que « les Palestiniens et Yéménites forment 30 % des étudiants de l’université de Mossoul et ils disposent de tous les droits et facilités d’accès… aussi bien que 400 dollars de don et 100 000 dinars irakiens d’allocation mensuelle ».
Par ailleurs, Gulan souligne que « les étudiants non-Arabes, comprenant les Kurdes et les Turkomans, ne sont pas acceptés pour des spécialisations, telles que les masters ou les doctorats, et cela quelles que soient les notes obtenues… »
Selon des estimations non officielles, dans les dix dernières années, plus de 260 000 Kurdes et 5000 Turkomans ont été exilés des zones kurdes restées sous le contrôle de Bagdad vers la région contrôlée par les Kurdes. Il n’y a, par contre, aucun chiffre pour les Kurdes déplacés vers le Sud de l’Irak.
Mlle Semra Basyigit, membre du Parti-front de libération révolutionnaire du peuple (DHKP-C / marxiste-léniniste), âgée de 24 ans, est décédée le 31 juillet des suites de la grève de la faim, entamée depuis plus d’un an pour protester contre les prisons de type-F.
Le 10 août, une cinquante-troisième victime, Mlle Fatma Bilgin, 30 ans, est décédée dans un hôpital d'Ankara un an environ après avoir rejoint le mouvement de grève de la faim. Les protestataires jeûnent à tour de rôle, et n'absorbent que des liquides sucrés et salés ainsi que des vitamines pour se maintenir en vie.
Fatma Bilgin purgeait une peine de douze ans de prison pour appartenance au Front-Parti de Libération du Peuple Révolutionnaire (DHKP-C), à la tête du mouvement de protestation dans les prisons turques. Ce mouvement avait été lancé en octobre 2000 par des centaines de détenus d'extrême-gauche contre la mise en service de prisons de haute sécurité où des cellules de une à trois personnes remplaçaient de vastes dortoirs pouvant contenir plusieurs dizaines de prisonniers. Les protestataires avancent que le nouveau système expose les détenus aux mauvais traitements des forces de sécurité et accroît leur isolement.
Le bilan de la grève de la faim inclut aussi des sympathisants extérieurs qui ont rejoint le mouvement par solidarité avec les détenus.
Sur la base d’un accord signé le 3 juillet, le gouvernement régional kurde d’Erbil devrait payer sept millions de dinars par mois [1$ vaut environ 17 dinars kurdes] au Département d’électricité de Suleymanieh pour l’achat de 80 megawatts.
L’électricité utilisée dans la ville d’Erbil, peuplée de 800 000 habitants, est principalement générée par les barrages de Dokan et de Darbandi Khan, qui sont sous le contrôle de l’administration de Suleymaniyeh.
Selon le quotidien turc Milliyet du 5 juillet, la Turquie s’apprête à signer avec le Département d’Etat américain un contrat de commande de 150 avions de guerre nouvelle génération, des F-35, de fabrication américano-britannique, d’un montant de 6 milliards de dollars (soit 40 millions de dollars par avion), payable avant 2013 et livrés à partir de 2015 jusqu’en 2030.
L’état-major turc compte également confirmer sa commande de 30 nouveaux avions F-16 d’un montant d’un milliard de dollars mais demande aux Etats-Unis son soutien dans la vente de ses anciens F-16.
Le programme F-35 avec un projet de vente de 5000 avions constitue le plus vaste projet militaire concernant les avions à réaction.
Malgré l’injection de 16 milliards de dollars par le FMI, la Turquie a le plus grand mal à faire face à une crise économique sans précédent qui touche toutes les couches de la société, mais vraisemblement pas l’armée turque.
L'écrivain, universitaire et journaliste turc de gauche, Fikret Baskaya, a été libéré de prison le 27 juin après avoir purgé une peine d'un an pour un article sur le problème kurde. M. Baskaya, 62 ans, a été accueilli par des défenseurs des droits de l'Homme à la sortie de sa prison de Kalecik, près d'Ankara.
M. Baskaya, un universitaire spécialiste de l'économie, qui a purgé dans le passé vingt mois de prison entre 1993 à 1995 pour sa défense des droits des Kurdes, avait été condamné à 16 mois de prison pour “ propagande séparatiste ” par une Cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul pour un article publié en 1999 dans le journal Ozgur Bakis qui a cessé de paraître depuis.
La chaîne de télévision kurde, KurdSat, a, le 4 juillet, annoncé que l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) avait repoussé dans les villages de Girda Drozna, Tapi Safa, Tapa Kurra et Shashka, proches de la frontière iranienne, une attaque massive d’Ansar al-Islam, un groupe armé kurde islamiste. Selon un communiqué des forces militaires de l’UPK, huit peshmergas ont été tués et six autres blessés au cours des affrontements. Le site internet arabophone Ayobi.com, citant des sources d’Ansar al-Islam, annonce la mort de 40 combattants de l’UPK et de nombreux autres blessés.
Les autorités turques ont, le 30 juillet, levé l’état d’urgence (OHAL) appliqué depuis 23 ans dans les provinces kurdes de Tunceli (Dersim) et de Hakkari. La décision est devenue effective à 17h00, heure locale. La population locale devrait légalement bénéficier du régime ordinaire alors que le régime dérogatoire avait été pour la première fois imposé le 26 avril 1979, soit 8 ans d’état de siège et 15 ans d’état d’urgence. Sur le terrain, les deux provinces sont déclarées “ mucavir il ” (province périphérique) et la super-préfecture régionale de l’état d’urgence aura encore la compétence pour quatre mois concernant les questions de sécurité.
Les autorités turques attribuent au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) l’assassinat dans la province de Tunceli de 21 instituteurs et l’incendie de 35 écoles de village, en soulignant que, jusqu’en 1999, l’enseignement n’avait pas été rétabli dans les écoles fermées.
Par ailleurs, la province de Tunceli a vu l’évacuation forcée de 151 villages et de 800 hameaux par les forces turques, selon les données officielles. Durant ce régime dérogatoire, un embargo alimentaire, organisé selon un arrêté préfectoral a été imposé à la région. Des produits alimentaires, en premier lieu la farine, ont été rationnés par les commissariats environnants et les voyages ont été organisés en convoi. Ce système n’a été levé qu’en 1999. Un jeune âgé de 24 ans n’a pu connaître, en l’espèce, qu’un régime d’exception à Tunceli et à Hakkari.
Can Dundar, journaliste au quotidien turc Milliyet, écrit le 1er août dans ses colonnes : “ L’année dernière on m’avait raconté : Un enfant âgé de 8 ans, originaire de Hakkari, emmené à Ankara pour raison de santé, a demandé avec étonnement à son père : “ Où sont donc les chars, papa ? ”… Un jeune instituteur originaire d’Izmir mais enseignant à Hakkari racontait également que “ ici les enfants ne peuvent pas construire de jeu pendant les récréations… Ils ont grandi sous des lois interdisant les réunions, et donc de ce fait ils ne jouent pas en groupe ”. Umut, un jeune qui a grandi sans jamais savoir ce que c’est que de vivre dans un régime “ ordinaire ”, explique, irrité, que les responsables n’avaient même pas autorisé la célébration du baccalauréat…”
Toujours à propos de Hakkari, le journaliste ajoute que “ il n’y a pas de médecin spécialiste dans la ville, les habitants manquent cruellement d’ophtalmologue et d’oto-rhino-laryngologiste. Il n’y a ni cinéma et ni théâtre… La seule librairie de la ville a fermé l’année dernière… La municipalité est au bord de la faillite… À cause des dettes contractées les années précédentes, 80 % de ses revenus sont automatiquement envoyés pour le recouvrement. Depuis 13 mois, les fonctionnaires ne sont pas payés… Un exemple des relations entre la municipalité et l’Etat : L’année dernière le président est allé à Hakkari. Le maire HADEP, Huseyin Umit, a voulu l’accueillir. Invité par le préfet, il s’est rendu auprès de l’unité militaire où l’avion présidentiel aurait dû atterrir. Un lieutenant l’a reconduit à la porte en disant qu’il ne pouvait pas entrer.”
“ Hakkari, malgré la pauvreté qui y sévit, a beaucoup d’espoir en une vie sans OHAL. Malgré l’inscription sur la montagne à l’entrée de la ville “ un peuple, une langue ”, ici on attend la décision d’Ankara pour l’enseignement de la langue maternelle et la diffusion (en kurde)… ” conclut Can Dundar.