Le processus de réconciliation nationale au Kurdistan irakien est entré dans une phase décisive avec la réunion, le 4 octobre, de l’Assemblée nationale du Kurdistan en session plénière. Cette assemblée élue en mai 1992 au suffrage universel avait dû, dans la période d’affrontements inter-kurdes de 1994-1996, interrompre ses travaux. Depuis, en raison du boycott de la plupart des députés de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), elle se réunissait en formation restreinte, avec la participation d’une soixantaine de ses 105 membres.
Après une longue série de réunions et des mesures de normalisation, les dirigeants des deux principaux partis kurdes, à l’approche d’importantes échéances politiques en Irak, ont finalement décidé qu’il était temps de mettre de l’ordre dans la maison kurde.
Une réunion au sommet entre M. Barzani et J. Talabani avait, le 8 septembre, permis d’aplanir les derniers obstacles et de fixer au 4 octobre la date de la session plénière du Parlement du Kurdistan. Cette date hautement symbolique marque le dixième anniversaire de la proclamation par le Parlement du fédéralisme comme solution au problème kurde en Irak et comme système politique pour l’Irak d’après-Saddam.
Préparée avec minutie, la réunion plénière du Parlement a eu lieu le 4 octobre à Erbil en présence des personnalités étrangères et kurdes de marque et d’un grand nombre de journalistes-des média internationaux. Après une allocution d’ouverture du Dr. Roj Schawesh, président du Parlement, un message de félicitation et d’encouragement du secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, a été lu. Ensuite, c’est Mme Danielle Mitterrand qui s’est adressée aux députés kurdes pour les féliciter de leur cohésion retrouvée et les encourager à redoubler d’efforts pour la construction d’un avenir de paix et de démocratie pour leur peuple. « Si vous êtes unis, si vous agissez en démocrates, vous aurez la sympathie et le soutien de l’opinion publique internationale » a-t-elle ajouté, avant de saluer les progrès remarquables faits par les Kurdes dans le domaine de développement de leur pays depuis sa visite de 1992.
Intervenant à son tour, le président du PDK, Massoud Barzani, a rappelé la gravité et l’importance historique de cette journée, réitéré son attachement à la primauté du Droit et de la Loi, souligné le rôle fondamental du Parlement comme l’unique lieu de légitimité démocratique habilitée à statuer sur les questions de gouvernement du pays. Au nom de son parti et en son nom personnel, il a présenté des excuses au peuple kurde pour les affrontements internes de la période de 1994-1996. Si le Parlement et le peuple ne nous accordent pas le pardon j’admets d’avance le jugement d’un tribunal impartial sur les responsabilités des uns et des autres dans la guerre fratricide a-t-il conclu au milieu des applaudissements des députés.
Ensuite, c’est le secrétaire général de l’UPK, Jalal Talabani qui a pris la parole pour évoquer également l’importance historique de cette journée, la confiance enfin retrouvée entre les principales forces kurdes et leurs dirigeants. Il a tenu à remercier M. Barzani de son rôle « très positif » dans le difficile dialogue qui a permis la réconciliation. Présentant à son tour ses excuses pour la guerre fratricide, il a affirmé que cette page noire était désormais définitivement tournée, que les Kurdes n’auraient plus jamais recours aux armes pour régler leur litiges.
Après les interventions de deux représentants du Haut comité de la paix, qui ont fait l’historique de leurs travaux en concluant que « cent années de négociations valent mieux qu’une journée de guerre fratricide », la présidence du Parlement a procédé à la cérémonie de serment des 29 suppléants qui vont remplacer les députés décédés, démissionnaires ou partis à l’étranger (28 de la liste de l’UPK et 1 du PDK). Ainsi reconstitué le Parlement compte 51 députés du PDK, 49 de l’UPK et 5 Assyro-chaldéens.
Au cours de cette session historique, les députés ont ratifié à l’unanimité l’accord de paix de Washington. Ils ont aussi décidé de fixer à 9 mois la prolongation de leur mandat. D’ici là, le Parlement aura notamment à adopter une nouvelle loi électorale et un projet de fédéralisme ainsi que des mesures législatives urgentes dans des domaines divers. Des élections pour le renouvellement du Parlement devraient avoir lieu avant fin juin 2003.
Symboliquement, et pour sceller le nouveau climat de réconciliation, le Parlement a tenu, le 8 octobre, une réunion exceptionnelle à Suleimaniyeh, en présence de M. Barzani et de J . Talabani. Ensuite il siégera régulièrement à Erbil, capitale politico-administrative de la région du Kurdistan irakien.
La réunion du Parlement du Kurdistan a suscité beaucoup d’espoirs dans la population kurde d’Irak et des pays voisins. Elle a trouvé de larges échos dans les média internationaux. En revanche, elle a provoqué de vives réactions en Turquie.
La Turquie a multiplié ses menaces depuis que les deux principales formations kurdes contrôlant le Kurdistan irakien, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), ont organisé le 4 octobre une session plénière de leur Parlement, pour la première fois depuis six ans. Face à une possible attaque des Etats-Unis en Irak, la Turquie hésite entre son soutien traditionnel à son allié américain et sa hantise non moins traditionnelle des Kurdes. « L'établissement d'un Etat kurde indépendant près de nos frontières serait inacceptable », a martelé le 6 octobre le Premier ministre turc Bulent Ecevit. « Nous allons bien observer ce qui se passe dans le nord de l'Irak et nous prendrons les mesures nécessaires si le moindre changement négatif apparaissait », a déclaré le Premier ministre lors d'une interview sur la chaîne de télévision TV8. À la question de savoir si ces « mesures » pourraient inclure une opération militaire, M. Ecevit a répondu : « J'espère que non, mais si cela s'avère nécessaire, (cette option) pourrait être envisagée, bien-sûr ». M. Ecevit a également commenté avec circonspection le message du secrétaire d'Etat américain Colin Powell au Parlement des Kurdes d'Irak se félicitant de l'accord intervenu entre le PDK et l'UPK. « Je ne sais pas dans quelle intention ce message a été envoyé. Mais si cette initiative a été prise avec, pour objectif, la création d'un Etat indépendant, nous ne la saluerons pas et nous ne la considèrerons pas comme un acte amical. Mais je ne crois pas que telle était son intention », a conclu le chef du gouvernement turc.
La Turquie, tout en affirmant son attachement à l'intégrité territoriale de son voisin n'hésite pas à revendiquer un droit de regard sur le Kurdistan irakien et le droit d'y défendre les intérêts de la minorité turcomane. « Les ressources naturelles de l'Irak ne sont pas des ressources qui peuvent être octroyées à tel ou tel élément du peuple irakien », affirmait récemment le ministre turc des Affaires étrangères Sukru Sina Gurel selon lequel il faut empêcher les Kurdes de s'approprier les riches puits de pétrole de la région de Kirkouk. « Comme nous l'avons fait à Chypre, nous prendrons le moment venu ce qui nous revient de droit à Mossoul et Kirkouk », affirmait plus énergiquement encore le 6 octobre le président du Parlement turc, l'ultranationaliste Omer Izgi. « La Turquie devrait prendre l'initiative et ses forces armées prendre le contrôle du nord de l'Irak, plus ou moins jusqu'au 36e parallèle » avant toute opération militaire américaine, avance pour sa part le général à la retraite et spécialiste de géopolitique Armagan Kuloglu. Ceci permettrait « d'endiguer l'afflux de réfugiés, de garantir la sécurité des Turcomans et d'empêcher les Kurdes de devenir économiquement forts en prenant la région de Mossoul et de Kirkouk », ajoute-t-il, estimant que 30.000 à 40.000 hommes suffiraient à la tâche. « La Turquie perdra beaucoup si elle ne prend pas une part active » au renversement du président irakien Saddam Hussein, estime aussi le général à la retraite Cevik Bir. Et d'ajouter : « la Turquie devrait se préparer à une opération qui semble inévitable ».
Dans un entretien au journal Milliyet publié le 9 octobre, Bulent Ecevit a de nouveau qualifié d' « inacceptable » le projet kurde de constitution, affirmant que celui-ci « ignore » l'administration centrale. « Ce projet en l'état est inacceptable (...) Si ce projet qui ignore Bagdad est adopté et officialisé, la Turquie ne l'acceptera pas », a-t-il averti. « Le projet de Constitution prévoit un statut (pour le Kurdistan irakien) proche de l'indépendance », selon M. Ecevit. Le Premier ministre turc s'est montré irrité le 12 octobre par la proclamation d'une « capitale ». « Les choses sont allées trop loin désormais », a déclaré le chef du gouvernement. « Il nous faut discuter de ces questions plus précisément, plus en profondeur, avec ceux qui sont concernés, en premier lieu les Etats-Unis », a souligné M. Ecevit, estimant que l'annonce de la « Constitution » kurde était une « tromperie ». « C'est une situation véritablement inquiétante, une situation que nous ne pouvons pas accepter », a-t-il encore indiqué, promettant de « se saisir du sujet ». « Jusqu'à présent, cette question était plus une question de sécurité » (pour la Turquie), a estimé Bulent Ecevit, « mais ce n'est plus suffisant, nous devons en discuter d'un point de vue politique » avec les Etats-Unis. Milliyet daté du 13 octobre reprenait d’ailleurs à la Une la petite phrase de M. Ecevit : « Nous sommes poussés à la guerre… Au nord de l’Irak, on a dépassé les bornes… La Turquie est conduite malgré elle vers la guerre… »
Le président turc Ahmet Necdet Sezer a déclaré le 27 octobre que la Turquie méritait d'entamer des discussions d'ici l'année prochaine pour entrer dans l'Union européenne, et il a critiqué le refus de Bruxelles de fixer une date.
Le 25 octobre, les participants au sommet de l'Union européenne à Bruxelles avaient salué les réformes démocratiques adoptées par la Turquie à la demande des Quinze mais n'ont pas fixé de date pour les négociations, évoquant le long chemin qui reste encore à parcourir en matière de liberté d'expression, de religion et d'association. « Les résultats (...) n'ont pas répondu à nos attentes », a commenté le président Sezer devant des journalistes avant de partir pour Copenhague, où il devait soutenir la demande d'adhésion de la Turquie à l'UE auprès du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen. S'ils « encouragent » Ankara à « poursuivre le processus de réforme entamé », les Quinze réunis en sommet se sont en effet bien gardés de donner à la Turquie ce qu'elle réclame : une date pour le début des négociations d'adhésion. Du coup, le ministre turc des Affaires étrangères, Sukru Sina Gurel, a annoncé le même jour que son pays « réévaluerait » ses relations avec l'Union européenne si un rendez-vous n'était pas fixé dans l'année. « Si l'Union européenne ne prend pas une décision pour lancer les négociations avec la Turquie en 2003, les relations turco-européennes en souffriront grandement et la Turquie sera contrainte de réévaluer tous les aspects de ses relations avec l'UE », a-t-il déclaré.
Le président turc a, de son côté, déclaré que : « L'adhésion complète à l'Union européenne est notre but (…) Je soulignerai que nous avons établi un socle suffisant (...)pour des discussions en 2003 ». « La décision finale au sujet de la Turquie interviendra en décembre » au sommet de Copenhague, a expliqué, quant-à-lui, le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE.
En août 2002, le Parlement turc a aboli la peine de mort en temps de paix et reconnu quelques droits culturels à la minorité kurde en vue de l'adhésion future de la Turquie à l'UE. Cependant, les réformes n’ont eu aucune application effective jusqu’alors. Les législateurs espéraient répondre aux critères exigés de longue date par Bruxelles avant le sommet de décembre au cours duquel les Quinze devront décider de l'élargissement de l'UE.
Selon un rapport de la Commission de Bruxelles rendu public le 9 octobre, la Turquie « ne remplit pas pleinement les critères politiques » pour engager avec l'Union européenne des négociations sur son adhésion. La Turquie doit mettre en œuvre davantage de réformes avant d’engager avec l'Union européenne des négociations sur son adhésion, souligne le rapport qui exhorte aussi Ankara à placer ses puissantes institutions militaires sous l'entier contrôle des civils. À défaut d'avancer une date pour ouvrir des négociations d'adhésion à l'UE, la Commission encourage Ankara à « faire avancer la cause de sa candidature » en poursuivant ses réformes et propose que l'aide européenne totale à la Turquie (177 millions d'euros par an) « puisse être au moins doublée pour 2006 ».
Les Etats-Unis et leurs partenaires du Conseil de sécurité continuent à travailler d'arrache-pied en coulisses pour éliminer leurs divergences sur le projet de résolution américain qui propose de durcir considérablement le régime des inspections en Irak et laisse peser une menace implicite d'intervention militaire en cas de refus de Bagdad de coopérer pleinement avec les experts de l'ONU. Les réserves les plus vives viennent de la France et de la Russie, qui refusent de donner un « chèque en blanc » à M. Bush pour attaquer l'Irak. La France veut s'assurer que la résolution qui sera adoptée ne renferme aucun élément permettant aux Etats-Unis de déclencher une guerre contre l'Irak, renverser Saddam Hussein et affirmer ensuite que l'Onu avait autorisé cette opération. Or, si Washington accepte de consulter les membres du Conseil avant d'agir militairement, il ne veut pas dépendre d'un vote susceptible de lui lier les mains. Dans sa version initiale, la mouture américaine, soutenue par la Grande-Bretagne, prévoyait de déclarer l'Irak en infraction avec les précédentes résolutions de l'Onu et mettait en garde Bagdad contre de « graves conséquences » en cas d'entraves au travail des inspecteurs. La version amendée du projet de résolution américain indiquerait qu'un refus de l'Irak de se conformer à la nouvelle résolution conduirait à un nouvel examen de la situation par le Conseil de sécurité. Washington refuse toutefois de soumettre d'éventuelles frappes militaires à un vote du Conseil. Washington a par ailleurs affirmé que les dirigeants irakiens devraient rendre compte devant la justice des « atrocités » qu'ils ont commises. « D'une manière générale, le régime (de Bagdad) et ses dirigeants ont clairement commis des atrocités et ils devront rendre des comptes au peuple irakien et à la communauté internationale », a déclaré M. Fleischer, porte-parole présidentiel. Le quotidien américain Washington Post avait d’ailleurs affirmé le 30 octobre que deux magistrats du Pentagone seraient actuellement chargés de rassembler les éléments juridiques permettant de juger les dirigeants irakiens.
Par ailleurs, pour accroître la pression sur l'Irak, les Etats-Unis s'apprêtent à déployer des bombardiers furtifs B-2 sur la base britannique de Diego Garcia, dans l'Océan Indien, et en Angleterre, avait indiqué le 30 octobre un responsable militaire. Le rapprochement de deux B-2 du théâtre éventuel des opérations en Irak permettrait aux forces américaines d'effectuer 12 fois plus de missions que si les avions étaient basés dans le Missouri, sur la base de Whiteman.
De l'avis de diplomates américains et britanniques à l'Onu, rien ne devrait être décidé avant les élections de mi-mandat du 5 novembre aux Etats-Unis. George Bush a par contre signé le 15 octobre la résolution adoptée la semaine dernière par le Congrès américain, qui l'autorise à faire la guerre à l'Irak.
Une délégation officielle kurde irakienne s’est rendue à Ankara pour rassurer la Turquie que les Kurdes d'Irak ne recherchent pas l'indépendance mais un statut fédéral en Irak. Au terme d'un entretien avec des responsables du ministère turc des Affaires étrangères, Nechirvan Barzani, le Premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan basé à Erbil, a, le 24 octobre, déclaré : « Notre objectif n'est pas de mettre en place un gouvernement ou une entité indépendante. Nous souhaitons résoudre ce problème dans le cadre d'un Irak unifié et démocratique ». La visite visait à dissiper la tension marquant les relations entre les deux parties, à examiner l'avenir de l'Irak, l'option fédérale (avec l'Irak) souhaitée par les Kurdes, et les échanges économiques .
Ankara et le PDK, qui avec l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) contrôle le Kurdistan irakien depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991, ont récemment échangé des vives critiques après une campagne de presse turque prêtant au PDK des visées indépendantistes. Depuis leur réconciliation début octobre, et la reprise des travaux du « Parlement unifié » kurde à Erbil, le PDK et l'UPK s'attachent à rassurer leur voisin turc sur le fait qu'ils n'entendent pas proclamer un Etat kurde indépendant en cas d'intervention américaine en Irak. Les deux partis ont toutefois annoncé dans un projet de constitution que la province de Kirkouk, riche en pétrole et toujours sous le contrôle de Bagdad, serait la capitale d'une future région kurde, provoquant l'ire d'Ankara, qui considère cette déclaration comme un pas de plus vers l'indépendance. Pour M. Barzani, il ne s'agit que d'une « proposition, d'un projet » qui doit être discuté avec d'autres groupes de l'opposition irakienne. Il a cependant souligné que « d'un point de vue géographique, Kirkouk est connu pour appartenir à la région du Kurdistan irakien ». Lors de leur rencontre avec les diplomates turcs, les deux parties sont parvenues à « clarifier nombre de questions » provoquées par des « confusions » et des « malentendus », a souligné le Premier ministre kurde, saluant la volonté réciproque de « remettre les liens bilatéraux dans le droit chemin ». Par ailleurs, une délégation de l'UPK a effectué dans le même temps une visite à Damas.
Des responsables nationalistes turcs avaient suggéré que l'armée turque saisisse Kirkouk et la ville voisine de Mossoul avant que les Kurdes ne le fassent. Le ministre turc des Affaires étrangères Sukru Sina Gurel avait accusé le 20 octobre les Etats-Unis de vouloir amener la Turquie à intervenir militairement au Kurdistan irakien, en réactivant la question kurde, avant une éventuelle opération militaire américaine en Irak. « Dans toutes nos réunions, les responsables américains ont affirmé qu'ils ne voulaient pas d'un Etat kurde indépendant dans le nord de l'Irak, mais les événements là-bas montrent qu'un Etat existe de facto », a affirmé le ministre cité par le journal Milliyet. « On se demande si les Etats-Unis n'essayent pas de provoquer Ankara en encourageant cette situation. Par exemple, est-ce qu'ils [les responsables américains] veulent que la Turquie envahisse le nord de l'Irak avant qu'ils interviennent ? C'est peut-être leur but », a-t-il ajouté. M. Gurel a rapidement précisé qu'Ankara n’interviendrait non pas à cause de « provocations et d'encouragements extérieurs », mais qu’en cas de menace contre la Turquie.
La presse turque a annoncé le 25 octobre que la cour de sûreté de l’Etat d’Ankara avait décidé de lancer des poursuites contre cinq fondations allemandes basées en Turquie, accusées « d’espionnage » et de mener « des activités clandestines en vue d’ébranler l’Etat turc » et au moment où le ministre turc des Affaires étrangères était reçu par son homologue allemand à Berlin et que l’Union européenne tenait un sommet relatif à l’élargissement à Bruxelles. L’ambassadeur allemand à Ankara a qualifié l’accusation de « absurde, impropre, et sans fondement » alors que le procureur Nuh Mete Yuksel, soutient que les fondations ont fait « une alliance secrète » avec des groupes ethniques et religieux dans le but de diviser le pays et requiert 15 ans de prison contre les accusés.
Les fondations incriminées sont Konrad Adenauer, Heinrich Boell, Friedrich Ebert et Friedrich Naumann et l’Institut Orient, qui jouissent en Allemagne d’un grand prestige.
L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a appelé le 30 octobre, la Turquie à aider au retour des familles expulsées de leurs villages durant les années de combat intensif. « Il y a très peu de combats depuis la déclaration d'un cessez-le-feu unilatéral par le PKK en 1999 », écrit Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié, « mais seul un mince filet de villageois peut rentrer » chez lui.
L'organisation rappelle que 380.000 personnes furent forcées de quitter leurs habitations, selon des statistiques officielles. Ce chiffre s'élève à « au moins » un million et demi de personnes, essentiellement kurdes, d'après les estimations de diverses organisations non-gouvernementales. Ces expulsions, accompagnées de violences, destructions et même disparitions, furent documentées en 1995 par un rapport parlementaire turc qui en attribua la responsabilité à la gendarmerie, mais ses recommandations ne furent jamais prises en compte, selon le HRW. La Cour européenne des Droits de l'Homme condamna à plusieurs reprises la Turquie pour cette politique, mais les plaignants, dédommagés, n'ont jamais eu la possibilité de rentrer chez eux, souligne le HRW. Quant au « Projet de retour au village et de réhabilitation » du gouvernement turc, il se résume, trois ans après son lancement, à une « étude de faisabilité » sans document écrit, ni budget, et se base sur des chiffres « à la crédibilité douteuse », accuse Human Rights Watch.
L'organisation internationale demande donc au gouvernement turc de divulguer les véritables statistiques sur les retours effectifs, d'annoncer les buts précis de ce programme, d'établir une agence ad hoc et de mettre fin au système des gardiens de village, une milice armée et payée par le gouvernement pour contrôler les villages. Human Rights Watch demande également aux organisations internationales spécialisées dans les problèmes de réfugiés d'intervenir et de proposer leur expertise, et appelle la Banque Mondiale, l'Union Européenne et le gouvernement américain à faire pression sur la Turquie pour trouver une solution au déplacement de « centaines de milliers de personnes ».
La Cour de sûreté d'Ankara a commué le 3 octobre la peine capitale pour « trahison et séparatisme » prononcée en juin 1999 à l'encontre du chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Ocalan. Le Conseil de l'Europe s'est félicité le lendemain de la décision de la Cour de sûreté d'Ankara et a indiqué dans un communiqué : « Cette décision judiciaire de la plus grande portée politique est la suite logique des changements constitutionnels et juridiques ayant consisté récemment à abolir la peine de mort en temps de paix et à aligner plusieurs aspects fondamentaux de la législation turque sur les normes du Conseil de l'Europe », a déclaré le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil Peter Schieder.
La décision de la Cour de sécurité de l'Etat d'Ankara fait suite à l'abolition de la peine de mort en août dernier par les autorités turques afin de se conformer aux critères européens en matière de droits de l'Homme. Au total, une vingtaine de condamnés à mort devraient voir leur peine commuée en prison à perpétuité. Mais l'arrêt de la Cour de sécurité de l'Etat, même s'il n'est qu'une formalité, revêt une forte valeur symbolique dans le pays.
La télévision kurde par satellite Kurdsat a le 15 octobre déclaré que le département de sécurité de Suleimaniyeh avait, à la suite d’une des plus importantes opérations de police, démasqué un important réseaux de contrefacteurs de billets de banque mais aussi des terroristes impliqués dans différentes attaques. L’opération a également permis de saisir de la poudre d’explosif, plus de 16 900 de capsules électriques de TNT et d’autres matériels servant à la fabrication d’engins explosifs. Selon la chaîne, « des sources informées » auraient indiqué que « l’équipement et le matériel des terroristes ont été apportés au Kurdistan de la région restée sous contrôle du gouvernement irakien ».
Un candidat kurde aux législatives du 3 novembre a été brièvement interpellé le 23 octobre dans la ville kurde de Lice pour avoir parlé le kurde lors d'une réunion électorale. Abdulmelik Firat, président du parti pro-kurde des droits et des libertés (HAK-PAR), candidat indépendant aux élections, a été emmené par la police au commissariat de Lice et détenu pendant cinq heures après avoir prononcé un discours électoral lors d'une réunion dans un café de la ville.
Le procureur a demandé qu'il soit arrêté pour avoir violé les lois électorales qui interdisent l'usage d'une langue autre que le turc lors des campagnes électorales, mais le tribunal devant lequel il a comparu a rejeté cette demande et l'a libéré. Le vice-président de HAK-PAR, Fehmi Demir, a dénoncé une campagne de dénigrement des autorités à leur encontre. « Nous allons continuer de parler en kurde au cours de notre campagne », a-t-il notamment déclaré. M. Firat, est le petit-fils du leader d'une des plus grandes insurrections kurdes (1925) qui ont suivi la proclamation de la République turque en 1923. Le mouvement du cheikh Sait fut difficilement réprimé par les forces de sécurité et ses dirigeants, y compris leur chef, pendus. La cour constitutionnelle turque entendra le 31 octobre, les conclusions du procureur Sabih Kanadoglu qui accuse le HAK-PAR de « séparatisme » pour avoir entre autres écrit dans les statuts du parti « les Kurdes et les Turcs », définition portant, selon lui, « atteinte à l’intégrité du territoire ».
Dans un autre incident, moins sérieux, les autorités locales ont lancé une enquête contre un chanteur folklorique turc qui avait chanté une chanson en espagnol lors d'un meeting électoral du parti social-démocrate CHP à Trabzon (nord-est, sur la mer Noire), rapporte le 23 octobre la presse. « Je ne connais pas un mot d'espagnol », a cependant indiqué Volkan Konak au journal populaire Vatan, affirmant avoir « improvisé » la chanson dont les paroles n'ont « aucune signification ».
Selon le quotidien turc Hurriyet du 30 octobre, la province kurde de Diyarbakir fait face à d’importantes complications et incidents en tout genre à quelques jours des élections prévues pour le 3 novembre. Ainsi, de nombreuses cartes d’électeurs ne peuvent être distribuées en raison d’adresses erronées ou par manque de moyen. Abdulkadir Aydinlar, maire du quartier Kooperatifler qui regroupe 27 000 électeurs déclare : « Pour la distribution des cartes nous n’avons que 4 facteurs… lorsqu’il y a une erreur dans l’adresse, ils ne font que déposer la carte à un gardien quelconque qui nous retourne à nous ou encore au comité provincial des élections les cartes non distribuées ». Le maire de Baglar, quartier 5 nisan, Zulkuf Kurt, déclare, quant à lui que près de 100 000 électeurs ne pourront pas voter le 3 novembre à Diyarbakir et souligne avec défiance que seules les listes électorales de Diyarbakir et de Bingol ont été réexaminées par Ankara pour ces élections. « Les listes électorales sont arrivées à Diyarbakir une semaine avant le scrutin… Dans notre quartier, on compte 32 000 électeurs mais dans la nouvelle liste 2 500 ont été effacés, car ce serait des répétions. Or le problème ne se pose pas. Les cartes d’électeurs sont remplies d’erreurs. Il n’y a pas d’adresse, les noms sont mélangés, les prénoms sont modifiés. La plupart ne pourront pas être utilisée le jour des élections, elles ne seront pas acceptées. C’est une grande injustice », dénonce M. Kurt.
Le quotidien publie une carte-type reçue à Diyarbakir par un électeur qui contient de nombreuses erreurs, sur le nom, prénom, mais aussi la date de naissance qui indique 00-00-1900 et le lieu de naissance : Europe !
Dans ce contexte de fraude et de manipulation destinées à réduire au maximum le score des candidats pro-kurdes, la sincérité du futur scrutin semble d’ores et déjà très compromise.
Un sondage d’opinion organisé par une ONG indépendante a recueilli 94,5 % de « Non » à la question « voulez-vous de Saddam Hussein comme président de l’Irak ? ». Le sondage, organisé par l’Institut pour la Démocratie en Irak, une ONG locale basée à Erbil ayant pour but de promouvoir la culture et la société civile en Irak et le quotidien indépendant arabophone Al-Ahali, s’est déroulé dans les trois gouvernorats kurdes de Duhok, d’Erbil et de Suleymaniyeh, sous administration kurde depuis 1991.
Le sondage effectué sur 3 500 femmes et hommes de différentes catégories sociales, de religions, de communautés et d’âges différents, a été réalisé le même jour que le referendum tenu dans le reste de l’Irak, exception faite de la région contrôlée par les Kurdes, portant sur la question de savoir si la présidence de Saddam Hussein pouvait durer sept ans de plus. L’administration irakienne a, le 16 octobre, déclaré Saddam Hussein le vainqueur du référendum avec 100 % des voix recueillies, un score sans précédent même dans les pays totalitaires.
Les forces de sécurité turques ont tué un combattant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et cinq soldats et un civil ont été blessés dans deux accrochages séparés dans le Kurdistan de Turquie, a-t-on appris le 28 octobre de sources locales et officielles.
Un combattant a été tué au cours d'un échange de tirs dans la province de Dersim et un chasseur, égaré dans la zone de combat, a été blessé, selon le gouverneur de la province, Tuncel Erkal. Par ailleurs, selon des sources locales, qui réclament l'anonymat, cinq soldats turcs ont également été blessés dans un accrochage avec des combattants près de la ville de Nazimiye, dans la même province de Dersim.
Un autre accrochage entre militaires turcs et combattants kurdes avait fait, le 22 octobre, trois morts, deux combattants et un soldat, au lieu-dit Yayladere, dans la province de Bingöl. En outre, un soldat avait été blessé au cours de cet accrochage.