Sitôt la Constitution instituant le fédéralisme en Irak adoptée, le président kurde Massoud Barzani a entrepris une tournée diplomatique aux Etats-Unis et en Europe. Répondant à l’invitation officielle du président américain qui tenait à remercier du rôle crucial qu’il a joué dans le processus d’élaboration et d’adoption de la Constitution irakienne, notamment en servant de médiateur entre Arabes sunnites et Chiite, il s’est d’abord rendu à Washington où il a été très chaleureusement reçu à la Maison Blanche par George Bush le 25 octobre. L’arrivée de Massoud Barzani à la Maison Blanche en costume traditionnel kurde et le mot de « président » utilisé par George Bush à l’adresse de son interlocuteur, l’usage de la langue kurde, ont déclenché de nombreux commentaires. Les Kurdes, toutes tendances confondues, ont été ravis de cette reconnaissance diplomatique du Kurdistan, de sa langue et de son président, alors que certains y ont vu le signe que Washington donnait sa bénédiction à la création d’une entité kurde séparée dans l’Irak. Pourtant, le président américain s’est voulu rassurant sur l’unité d’un Irak partagé entre Kurdes, Sunnites et Chiites, ajoutant que la nouvelle Constitution approuvée le 15 octobre dernier et les élections prévues en décembre permettraient à chacun de « faire entendre sa voix pour l’avenir du pays ». De son côté, M. Barzani a exprimé au président Bush sa « sympathie » pour les familles des soldats américains morts au combat, en Irak, pour « libérer d’autres peuples ». Au cours de son voyage de quatre jours à Washington, le président Barzani a eu de nombreuses autres rencontres de haut niveau. Il a ainsi été reçu par le vice-président, Dick Cheney, le Secrétaire d’Etat, Condoleeza Rice et le secrétaire à la défense, Ronald Rumsfeld. Les média américains, kurdes et proche-orientaux ont accordé une large place à cette visite hautement symbolique.
La presse turque a servi de en caisse de résonance pour les craintes des autorités d’Ankara. Dans un éditorial du Turkish Daily News intitulé « Un Peshmerga dans le Bureau Ovale » Yusuf Kanli estime qu’il s’agit là « d’une manifestation de la forte volonté politique des Etats-Unis de favoriser les aspirations des Kurdes irakiens à un Etat ». Washington « récompense » les dirigeants kurdes irakiens pour leur « loyauté » et leur « collaboration » dans la guerre en Irak. Les Etats-Unis, déplore Yusuf Kanli, ont réservé un « traitement présidentiel » à un leader kurde irakien, « qui n’a eu de cesse de répéter qu’il rêvait de la création d’un Kurdistan indépendant ». Il souligne que « les drapeaux kurdes ont remplacé le drapeau irakien jusqu’au poste-frontière de Habur » avec la Turquie, l’administration de Barzani semblant « déterminée à ne pas autoriser que le drapeau irakien flotte dans la région placée sous contrôle kurde ». Et l’éditorialiste de rappeler, en quelques mots, la position très inconfortable d’Ankara dans cette affaire: « Toujours à la recherche d’une vraie politique irakienne, la Turquie s’efforce de montrer sa solidarité envers les Etats-Unis, et en même temps de maintenir une image d’indépendance pour séduire les américano-sceptiques en Europe, le monde arabe et les autres; mais une Turquie qui espère, néanmoins, que l’adoption de la nouvelle Constitution “ ouvre la voie ” à toutes les communautés en Irak, et que le prochain Parlement élu sera le reflet de l’ensemble des composantes du pays. Des autorités d’Ankara, enfin, qui préviennent que leur patience va s’épuiser, laissant entendre par-là même qu’elles pourraient recourir à des actions unilatérales contre les terroristes dans le nord de l’Irak. ».
Le célèbre chroniqueur turc Mehmet Ali Birand convient dans les colonnes du même journal que la rencontre Bush-Barzani « marque le début d’un nouveau processus historique ». « Une nouvelle page s’est ouverte dans l’histoire du problème kurde. Le plus important à présent, c’est de savoir ce que la Turquie va écrire sur cette nouvelle page », souligne M. Birand.
Après cette visite très remarquée à Washington, le président Barzani a, le 31 octobre, été reçu au 10 Downing Street par le Premier ministre britannique, Tony Blair. Ce dernier a félicité M. Barzani en exhortant qu’il est plus facile de travailler dans la paix et de vivre au Kurdistan et que la région est en avance au niveau socio-économique. Il a ainsi montré en exemple la région en ajoutant que « c’est une démonstration de ce que peut être la région dans la paix ». Le président Barzani a également rencontré le ministre britannique de la Défense avant de s’envoler en Allemagne où il a été longuement reçu par Mme Angela Merkel. Celle-ci a assuré M. Barzani du soutien de son pays au processus démocratique en Irak et au développement du Kurdistan.
Le 14 novembre, c’est le Pape Benoît XVI qui a reçu en audience le président du Kurdistan irakien, M. Masoud Barzani, alors qu’il avait reçu, le 10 novembre, le président irakien Jalal Talabani. M. Barzani a offert un tapis mural représentant Jésus Christ tout spécialement confectionné par les ateliers kurdes. Le Pape l’a remercié et lui a exprimé la reconnaissance du Vatican pour les autorités du Kurdistan pour leur traitement exemplaire des minorités chrétiennes. La veille, le président Barzani avait été reçu par le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi.
Au terme de ce périple fructueux, la délégation du Président Barzani, comprenant le Premier ministre du Kurdistan ainsi que Berhem Salih, ministre du plan irakien et membre de la direction de l’Union patriotique du Kurdistan, a regagné Erbil, où elle a informé le Parlement et l’ensemble des partis politique des résultats de cette visite qualifiée d’historique par les média kurdes.
À la suite de cette visite, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Italie ont décidé d’ouvrir « dès que possible » des consulats dans la capitale kurde Erbil. Ils devraient être suivis de Suède, de République tchèque, des Pays-Bas, de Corée du Sud et de Russie.
Par ailleurs, le président sénégalais a dépêché un émissaire spécial au Kurdistan pour inviter le président Barzani au Sénégal dans la perspective d’établissement des relations politiques et économiques entre les deux pays.
Le Sénégal est le premier pays d’Afrique à engager ainsi une ouverture diplomatique en direction du Kurdistan.
Le président irakien s’emploie à nouer les fils du dialogue avec ses voisins et d’obtenir leur soutien pour la stabilisation de la situation en Irak. Il a effectué une visite de trois jours en Iran où il a été reçu le 21 novembre, par son homologue Mahmoud Ahmadinejad, qui l'a assuré que Téhéran soutenait le processus de démocratisation en cours en Irak. « Un Irak développé, indépendant, populaire sera le meilleur ami de la nation iranienne. Nous soutenons totalement le processus politique que l'Irak connaît et qui garantira son intégrité territoriale, son indépendance et son progrès », a déclaré le président iranien. « Je suis certain que la partie iranienne nous fournira toute l'aide nécessaire pour éradiquer le terrorisme » frappant l'Irak, avait indiqué M. Talabani, à l'issue de son entretien avec M. Ahmadinejad. « Nous avons discuté de politique et de coopération économique et sécuritaire », a souligné le chef de l'Etat irakien, en évoquant des échanges de gaz et pétrole, une possible liaison ferroviaire entre Bassorah dans le sud de l'Irak et Khorramshar en Iran, ainsi que la facilitation du voyage de pèlerins iraniens vers des lieux saints chiites en Irak. L'Iran, deuxième producteur de pétrole de l'Opep, « est prêt à mettre à la disposition de l'Irak son expérience dans les domaines pétrolier, gazier, pétrochimique et électrique », avait répondu M. Ahmadinejad, en accueillant M. Talabani.
Jalal Talabani a rencontré le lendemain l`ayatollah Ali Khamenei, dirigeant suprême de l`Iran, qui a exhorté le président irakien à chercher à obtenir un calendrier pour le retrait des troupes américaines d`Irak, affirmant que la présence américaine faisait du tort à ce pays. À l’issue de sa rencontre avec son homologue iranien, le président Talabani a affirmé avoir reçu l’engagement que l’Iran l’aiderait à mettre fin au terrorisme qui touche son pays. Le président irakien, qui était accompagné des ministres irakiens de l'Electricité et de la Planification, a également rencontré plusieurs autres dirigeants iraniens et a expliqué que sa visite visait à renforcer les relations politiques et commerciales entre les deux voisins. Accompagné de son conseiller à la sécurité, Mouaffak al Roubaïe, le président irakien s'est déclaré certain d'obtenir la coopération de l'Iran dans le domaine de la lutte antiterroriste.
Mais les questions de sécurité affectant l'Irak restent un sujet sensible dans les relations de ce pays avec l'Iran. De nombreux responsables irakiens, soutenus en cela par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, accusent Téhéran d'ingérence dans les affaires irakiennes, au bénéfice des poseurs de bombes. En visite à Moscou le 21 novembre, le chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, a ainsi « demandé à la Russie (...) d'user de son autorité pour nous aider à trouver un accord avec certains de nos voisins pour régler une série de questions liées à la sécurité ».
Elu en avril, Jalal Talabani est le premier chef d'Etat irakien à effectuer une visite officielle en Iran depuis celle de Abdel Rahman Aref, président de l'Irak entre 1966 et 1968. Le Premier ministre irakien, Ibrahim Jaafari, s'est rendu en juillet en Iran. Le prédécesseur de M. Ahmadinejad à l'époque, Mohammad Khatami, avait alors qualifié cette visite de « tournant dans les relations historiques des deux pays », devant permettre de « panser les plaies et de réparer les dégâts causés par Saddam (Hussein) à la coopération commune ». Il faisait référence à la guerre ayant opposé l'Iran et l'Irak de 1980 à 1988 et qui avait fait environ un million de morts, selon une estimation communément admise. Les relations entre les deux pays se sont nettement réchauffées depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, et a fortiori après le succès des listes chiite et kurde aux élections générales irakiennes de janvier, car nombre des dirigeants actuels de l’Irak ont vécu des années d’exil en Iran.
Par ailleurs, le chef d’Etat irakien était le 14 novembre à Vienne où il a ouvert une conférence sur « L'islam dans un monde pluriel » en présence notamment de son homologue afghan Hamid Karzaï. A côté du secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique, le Turc Ekmeleddin Ihsanoglu, plusieurs spécialistes du dialogue interreligieux entre chrétiens et musulmans participaient à la conférence. Le patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, chef spirituel de l'orthodoxie, l'archevêque de Vienne, le cardinal Christoph Schönborn, le rabbin américain Arthur Schneier et les ministres des affaires religieuses égyptien, Mahmoud Zakzouk, et marocain, Ahmed Taoufiq, étaient également présents. Avant le début de la conférence, M. Talabani s'est rendu au monastère catholique de Heiligenkreutz, au sud de Vienne accompagné de son épouse Hero.
A l'approche des élections législatives en Irak, le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a effectué le 12 novembre une visite surprise à Bagdad pour y rencontrer les dirigeants irakiens et appeler à la « réconciliation » nationale. Kofi Annan, qui effectuait sa première visite en Irak depuis le renversement du régime de Saddam Hussein, a rencontré le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari, le vice-Premier ministre Roj Nouri Shawech, l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui, des dirigeants politiques et communautaires ainsi que des employés des Nations unies.
Kofi Annan a profité de ce déplacement pour apporter son soutien à la conférence de réconciliation nationale que la Ligue arabe propose d'organiser au Caire. « La réconciliation est absolument vitale en Irak », a déclaré le patron de l'ONU en précisant que son organisation soutenait tous les efforts destinés à ramener la paix dans le pays. Toutefois, les chiites ont réaffirmé leur réticence à l'égard d'une conférence à laquelle seraient invités tous les groupes sunnites. Ainsi, le chef du principal parti chiite irakien, Abdul-Aziz al-Hakim, a expliqué à Kofi Annan que sa formation ne souhaitait pas la présence d'anciens proches de Saddam Hussein, de membres de l'ancien régime et de mouvements religieux sunnites radicaux soupçonnés de soutenir les attentats suicide qui visent les civils dans le pays. Cette position a déjà été exposée par d'autres responsables chiites et kurdes irakiens qui se méfient de la Ligue arabe, de crainte qu'elle ne favorise les sunnites. En effet, la plupart des pays arabes sont à majorité sunnite, ce qui n'est pas le cas de l'Irak et de ses 60% de chiites. De son côté, le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari, a déclaré à Kofi Annan que les autorités irakiennes souhaitaient que l'ONU les aide à organiser les élections du 15 décembre, en promouvant la démocratie et « en améliorant l'efficacité des forces de sécurité irakiennes » dans leur lutte contre les insurgés sunnites.
M. Annan s'est indigné de la poursuite de la violence dans le pays en parlant de l'attentat qui a tué dans la matinée quatre femmes sur une place de marché et blessé quarante civils. « Aucune idéologie ne peut justifier les meurtres », a-t-il déclaré.
La visite de Kofi Annan fait suite à l’enquête indépendante menée par Paul Volcker sur la gestion du programme pétrole-contre-nourriture qui permettait à l’Irak de Saddam Hussein d’acheter des produits de première nécessité. Le rapport accuse plus de 2.200 sociétés et personnages politiques influents dans le monde d'avoir profité d'environ 1,8 milliard de dollars (1,5 md euros) de fonds détournés par le régime irakien dans le cadre du programme destiné à contrebalancer les effets de l'embargo imposé après la première guerre du Golfe en 1991.
Renault VI, Peugeot, et près de 180 autres entreprises implantées en France sont accusées par la commission Volcker d'avoir, sciemment ou non, versé des dizaines de millions de dollars de dessous-de-table au régime de Saddam Hussein, en violation de l'embargo international qui frappait l'Irak avant la guerre de 2003. Selon des documents obtenus par les enquêteurs, dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture », l'entreprise Renault VI (Renault véhicules industriels, devenu Renault Trucks, désormais une filiale de Volvo Group) aurait à elle seule payé plus de 6,5 millions de dollars de pots-de-vin. Le constructeur Peugeot est de son côté soupçonné d'avoir illégalement versé près de 7 millions de dollars.
A la suite des conclusions de ce rapport, le ministre indien des Affaires étrangères Natwar Singh, accusé d'avoir bénéficié du détournement du programme pétrole-contre-nourriture a, le 7 novembre, perdu son portefeuille. Natwar Singh et le Parti du Congrès au pouvoir y sont cités en tant que « bénéficiaires non contractuels ». Une commission indienne indépendante, présidée par R.S. Pathak, un ancien juge de l'Inde et de la Cour internationale de justice, a été formée pour enquêter sur l’implication du ministre et du parti du Congrès dans le scandale. La commission de l'ONU a accusé le parti du Congrès d'avoir bénéficié de quatre autres millions de barils de pétrole dans le cadre d'une autre transaction. Une autre compagnie pétrolière indienne, Reliance Petroleum, serait également impliquée.
Avant l'Irak, M. Annan s’était rendu à Koweït dans le cadre d’une tournée dans la région qui l'a notamment mené en Jordanie frappée par un triple attentat suicide sanglant revendiqué par la branche irakienne du réseau terroriste Al-Qaïda. La visite à Bagdad de M. Annan intervient au lendemain de celle de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, venue plaider en Irak pour une participation de tous les Irakiens au processus politique, notamment des Arabes sunnites, à cinq semaines des élections législatives. Le 10 novembre, le ministre des Affaires étrangères britannique Jack Straw avait précédé Mme Rice à Bagdad et avait aussi apporté le soutien de son pays aux autorités irakiennes, qui doivent affronter des violences quotidiennes.
L’attaque la plus sanglante visant les Kurdes chiites, appelés Faylis, a été perpétrée dans la ville de Khanaqin lors la prière du vendredi 18 novembre où deux kamikazes se sont fait exploser dans deux mosquées chiites. Particulièrement meurtrier, le bilan s'établit à 74 morts et une centaine de blessés, selon Kamran Ahmed, directeur de l'hôpital général de Khanaqin. Un des témoins a indiqué que les terroristes se sont mêlés aux fidèles et ont activé leurs bombes pendant les prêches, à quatre minutes de distance. Les deux mosquées visées, la Husseynia al-Mazraa et celle du Mehdi ont subi de graves dommages. Le toit de l'une d'elles s'est effondré sur les fidèles. Aucune mesure particulière de sécurité n'était en vigueur autour des mosquées. Peu avant ces attentats, une voiture piégée a explosé près de la banque de Khaneqin, selon une source du ministère de l'Intérieur. Ces attentats terroristes qui ont endeuillé le Kurdistan ont également provoqué de nombreuses réactions à l’étranger, notamment à Washington et à Londres. De son côté, la France a réagi aux attaques contre les mosquées de Khanaqin, en parlant d' « attentats odieux ». Paris « condamne avec la plus grande fermeté ces actes terroristes », a souligné le porte-parole du ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Par ailleurs, un attentat suicide a fait 22 morts et 26 blessés le 22 novembre au soir dans la ville de Kirkouk Un véritable traquenard a été tendu à la police. Accourus dans une rue commerçante à la suite d'une première explosion et de l'assassinat d'un collègue, les policiers ont été surpris par un kamikaze qui a foncé dans la foule à bord d'une voiture piégée. Selon le ministère de l'Intérieur, quatre policiers figurent parmi les morts aux côtés de femmes et d'enfants. Cinq policiers ont été blessés. Les victimes ont dû être enterrées séparément pour éviter d'offrir une cible collective aux kamikazes. Le 2 novembre, un civil avait été tué et neuf ont été blessés, dans un attentat à la voiture piégée dans un quartier résidentiel à majorité kurde et chrétien de Kirkouk. « Une voiture piégée a explosé à 15H45 (12H45 GMT) au passage d'un convoi américain dans le quartier d'Almaz, faisant un mort et neuf blessés parmi les passants. Le convoi a continué sa route sans dommages », avait déclaré le général de police Moanès Ishak. Plusieurs commerces avaient été détruits dans cet attentat survenu dans la partie nord de la ville.
Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a affirmé dans un entretien le 18 novembre avec la chaîne d'information turque NTV que les Kurdes n'auraient pas d'autre choix que de proclamer leur indépendance si une guerre civile éclatait en Irak. Interrogé à Rome sur l'éventualité d'une indépendance des Kurdes d'Irak, une hantise de la Turquie et des pays de la région qui abritent les Kurdes, M. Barzani a répondu : « que Dieu nous préserve » d'une guerre civile, « mais si d'autres se battent entre eux et s'il y a un éclatement (de l'Irak), alors nous n'aurons pas d'autre option ». Soulignant que le droit à l'indépendance est un « droit naturel et légitime » des Kurdes, M. Barzani a cependant estimé que, pour le moment, son peuple n'avait pas d'autre revendication que l'application de la nouvelle Constitution pour avancer vers un Irak « démocratique, fédéral et pluraliste ».
L’Institut kurde de Paris, en partenariat avec le ministère de la culture du Kurdistan et le Gouvernement régional du Kurdistan irakien, a organisé les 19 et 20 novembre une conférence sur le thème de la « démocratisation du Moyen-Orient : problèmes et perspectives ». Cette conférence s’est tenue à Erbil, au Parlement du Kurdistan irakien. Outre le président du Parlement, M. Adnan Mufti et le ministre kurde de la culture, M. Sami Shoresh, d’éminentes personnalités arabes et kurdes irakiennes et une cinquantaine d’intellectuels, d’universitaires, de journalistes et d’hommes politiques de pays du Moyen-Orient et d’Europe ont participé à ce débat réparti sur plusieurs thèmes. La traduction simultanée, une première au Kurdistan, en kurde, arabe, anglais et français ainsi que pour certaines interventions en turc et en allemand ont permis à cette assemblée cosmopolite de communiquer et d’échanger.
La conférence, qui s’est tenue quelques semaines après le référendum sur le projet de Constitution irakienne, a eu pour but de permettre à ceux qui, à des titres divers, s’intéressent à la démocratisation du Moyen-Orient d’échanger leurs opinions, de s’informer directement du processus politique en cours en Irak et de nouer des liens avec ses acteurs. Elle a visé également à répondre à la soif d’échanges et de débats d’idées des intellectuels kurdes et irakiens. La conférence qui s’est déroulée sur deux jours a rassemblé plus de 400 participants et les médias locaux, Kurdistan TV ou étrangers, tels que BBC, France-culture ou encore le quotidien québécois Le Devoir ont accordé une large place à l’événement.
La conférence a été inaugurée par un discours d’ouverture de M. Adnan Mufti, président du Parlement du Kurdistan qui a souhaité la bienvenue aux intervenants et a présenté la composition du Parlement élu le 31 janvier 2005. Le ministre kurde de culture, Sami Shoresh a ensuite accueilli par un discours les participants et a exposé les attentes de la conférence. Kendal Nezan, a, quant à lui, dressé le tableau de la situation et exprimé le souhait d’attirer l’attention de l’opinion publique occidentale sur l’expérience démocratique au Kurdistan en faisant l’état des lieux au Moyen-Orient.
La première table ronde sur le thème de la « question de la démocratie au 21ème siècle » a été dirigée par Dr. Khaled Salih, universitaire kurde de Suède et a réuni Dr. Awat Asadi, du Centre d’études kurdes, Navend, basé à Bonn, en Allemagne, M. Bastiaan Belder, député hollandais du Parlement européen, Dr. Hamit Bozarslan, historien et sociologue à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales, Prof. Andreas Buro, académicien allemand et Mme Juliette Minces, sociologue, spécialiste de l’islam. Les intervenants ont développé la relation entre la paix et la démocratisation et ont dressé l’état des lieux.
Le ministre des droits de l’homme du Kurdistan, Dr. Mohammed Ihsan, a présidé la seconde table ronde de la matinée intitulée « le rôle de la société civile et les média ». Le journaliste allemand Jurgen Hoppe, un des spécialistes de la question kurde et Christian Rioux, journaliste au quotidien québécois Le Devoir, ont exposé leur point de vue sur la relation entre le pouvoir et les média et la place accordée à la liberté de l’expression et de la presse en démocratie. Ces points ont été développés par M. Yavuz Onen, président de la Fondation turque des Droits de l’homme qui a expliqué son expérience en Turquie. Le débat a été élargi par l’intervention de Mme Eva Weil, psychologue et ex-directrice de la Bibliothèque Sigmud Freud, de Paris, qui a parlé du trauma et de la transmission et s’est interrogée en partant de son travail sur l’après deuxième guerre mondiale et du cas de l’extermination des Juifs : « faudrait-il attendre que les témoins, victimes et bourreaux aient disparu ou soient sur le point de disparaître pour que l’Histoire puisse se construire ? ». Elle a conclu en soulignant que « pour les survivants, la reconnaissance par la société de ce qu'a été leur expérience représente aussi l'authentification ou encore la preuve de la réalité de ce qui s'est passé ».
« Le rôle de la démocratie dans les sociétés plurielles, ou comment gérer la diversité dans une démocratie », a été l’intitulé de la troisième table ronde, dirigée par Prof. André Poupart, constitutionnaliste québécois qui a effectué une comparaison entre les deux Constitutions alors que les Kurdes citent très souvent l’expérience canadienne comme en exemple fédéral à suivre. « À défaut de solution, les expériences étrangères peuvent servir de modèles plus ou moins adaptés à l’expérience kurde ou, simplement, de stimulant à l’élaboration de solutions originales », a-t-il déclaré. Cette intervention a été développée par M. Aureli Argemi Roca, directeur du Centre international pour les minorités ethniques et l’étude des nations (CIEMENS) qui a exposé l’expérience catalane. Dr. Mirella Galletti, historienne italienne, a pour sa part expliqué le fonctionnement du système italien des régions et de leur autonomie et Mme Gülten Kaya, éditrice de musique, a parlé de la place accordée à la diversité dans la création en Turquie.
Cette première journée a été conclue par une table ronde sur « le rôle des diasporas ». Prof. Ilhan Kizilhan, psychologue et enseignant à l’Université de Constance, en Allemagne, a été le modérateur de ce dernier débat. Prof Kizilhan a mis en relief l’interaction et l’influence de la diaspora kurde en Europe sur le développement et la démocratie en Irak et a donné la parole aux différents responsables d’organisations kurdes en Europe. Mme Aso Agace, directrice de Hînbûn, Centre international pour l’information et l’éducation des femmes, à Berlin, Mme Lily Baravi, directrice de l’Institut kurde de Montréal, pour Québec, M. Keya Izol, ancien président de la Fédération des associations kurdes, pour la Suède, M. Akil Marceau, vice-président du Département des droits de l’homme de l’Institut kurde de Paris, pour la France et M. Mozaffar Shafei, ancien directeur du Kurdish cultural centre, pour l’Angleterre, sont intervenus pour le débat.
Le lendemain, les débats se sont articulés autour de quatre tables rondes. La première conduite par le journaliste français, Marc Kravetz, a réuni sur le thème du « Moyen-Orient », Mehmet Ali Aslan, ancien président du parti ouvrier de Turquie, M. Salah Badraddine, politicien syrien et Dr. Magnus Norelle, expert à l’Agence de recherche de la Défense suédoise.
La seconde table ronde, intitulée « processus politique en Irak » a réuni autour de Dr. Najmaldin Karim, président de l’Institut kurde de Washington, Mme Nasreen Barwari, ministre irakienne des municipalités et des travaux publics, Dr. Khaled Salih et le philosophe chaldéen Dr. Ehprem Isa Yousif.
« L’expérience du Kurdistan d’Irak » a été exposée autour d’une troisième table ronde dirigée par Dr. Fuad Hussein, vice-président de l’Institut kurde de Paris. Deux membres du gouvernement kurde y ont pris la parole. M. Yonan Hozaya, ministre de l’Industrie, a pu expliquer la situation des Chrétiens au Kurdistan et M. Abdul Aziz Taieb, ministre de l’éducation nationale, a dressé le tableau de l’enseignement au Kurdistan, tableau complété par l’intervention du président de l’Université de Salahaddin, Dr. Mohammed Khosnaw et Dr. Nebez Majid, président de l’Université de Koya. M. Kharki Alti Parmak, membre de l’Assemblée nationale du Kurdistan a pu également expliquer la situation et la position des Turcomans et Dr. Nuri Talabani, député de l’Assemblée nationale a complété le débat sur l’expérience du Kurdistan dans les domaines législatif et constitutionnel. Il a également évoqué la question non encore réglée de Kirkouk. Les débats particulièrement riches de cette table ronde ont permis aux invités étrangers de s’informer aux meilleures sources des réalités du Kurdistan.
La dernière table ronde sous le titre « des démocraties occidentales et la démocratisation du Moyen-Orient » a été dirigée par le président de l’institut kurde de Paris, Dr. Kendal Nezan. La table-ronde a réuni Mme Lotta Hedstroem, membre du Parlement suèdois, Mme Nina Larsson, du parti libéral suèdois, M. Munther al-Fadhal, membre arabe du Parlement irakien, le journaliste français spécialiste de la question kurde M. Chris Kurschera, M. Harry Schute, expert américain en matière de sécurité et M. Pierre Serne, représentant le parti Vert français.
Au cours du déroulement de la conférence des échanges avec l’auditoire et les participants des tables rondes ont pu largement avoir lieu. Les participants venant de l’étranger on été invités à dîner par le Premier ministre du Kurdistan avant d’être reçus le lendemain par le président Barzani.
Le mois de novembre a été particulièrement meurtrier en Irak avec une hausse de plus de 50 % du nombre d'Irakiens morts dans les violences. Ce total est ainsi passé de 407 en octobre à 666. La grande majorité des victimes, 548, sont des civils. Le nombre de blessés est également en forte augmentation en novembre, passant de 520 à 734, selon les chiffres des ministères de la Santé, de l'Intérieur et de la Défense. Durant ce mois, les autorités font état de 24 attentats à la voiture piégée, 30 attaques à l'explosif et au mortier, 58 attaques aux armes de différents calibres dont trois menées par des kamikazes portant des ceintures d'explosifs.
En octobre, 27 attaques à la voiture piégée avaient été enregistrées ainsi que deux perpétrées par des kamikazes. Le nombre d'insurgés tués en novembre a été de 273, tandis qu'il y a eu 1364 arrestations, contre 282 tués et 493 arrestations en octobre.
Depuis le 1er janvier 2005, 5446 Irakiens - 3862 civils, 1154 policiers et 430 soldats - ont péri dans les violences dans le pays, selon les statistiques des trois ministères. En outre 1662 insurgés ont été tués par les forces de sécurité depuis le début de l'année.
Face à cette persistance de la violence, le président américain George W. Bush, s'est prononcé le 30 novembre contre toute idée de calendrier de retrait des troupes américaines présentes en Irak (160.000 aujourd'hui), s'attirant aussitôt de vives critiques de l'opposition démocrate. Lors d'un discours attendu, le président Bush a souligné à l'Académie navale d'Annapolis que le niveau des troupes américaines en Irak dépendait des conditions sur le terrain. Dans un document diffusé par le Conseil à la sécurité nationale, la Maison Blanche se borne à envisager une possible modification du niveau des troupes en 2006 en fonction des progrès des forces irakiennes pour contrôler leur pays. « Certains demandent un calendrier de retrait (...) Mais je pense qu'ils ont tort », a fait valoir le président. « Je ne me satisferai de rien de moins que la victoire complète ». La mission sera achevée « quand les forces de sécurité irakiennes pourront assurer la sécurité de leurs propres citoyens, et quand l'Irak ne pourra plus être un refuge pour les terroristes qui préparent de nouveaux attentats contre notre pays », a-t-il ajouté.
Autre signe de la persistance de la violence, cinq Occidentaux ont été enlevés les 25 et 26 novembre, alors que les rapts visant les étrangers avaient connu un déclin dernièrement. La télévision qatariote Al-Jazira a diffusé mardi une brève vidéo, datée du 27 novembre, tournée par un groupe se présentant comme les Brigades des Epées du droit et montrant, retenus en otages, deux Canadiens, un Britannique et un Américain travaillant pour l'ONG chrétienne Christian Peacemaker Teams. La télévision publique allemande ARD a indiqué quant à elle que son bureau à Bagdad avait reçu une cassette de revendication de l'enlèvement d'une archéologue allemande, Suzanne Osthoff, 43 ans, et de son chauffeur irakien.
Par ailleurs, selon un rapport des Nations unies publié le 14 novembre, plus de 30.000 civils ont été tués en Irak depuis le début du conflit en mars 2003.
Selon ce document de cinq pages rédigé par la Mission d'assistance des Nations unies en Irak, les assassinats au hasard et les actions terroristes ont tué ou blessé 26.000 personnes depuis 2004. De plus, 23.394 personnes sont détenues en Irak, dont 11.559 par la force multinationale, selon ce document, qui cite des « sources ouvertes ». L'enquête, qui couvre la période du 1er septembre au 31 octobre, explique que l'ONU a plusieurs fois soulevé la question des médecins emprisonnés et des bâtiments médicaux occupés lors des opérations militaires menées en octobre dans la province d'Anbar. « De telles activités sont contraires aux lois internationales relatives aux conflits armés et constituent dans tous les cas un déni des lois garantissant les droits de l'Homme », affirment les rédacteurs du rapport. Ils suggèrent également que les forces armées américaines font un usage trop important de la force lors de leurs opérations. Le coût payé par les populations civiles lors de ces opérations doit conduire à « une nouvelle réflexion sur la nature du conflit et sur la proportionnalité de l'emploi de la force », soulignent-ils.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté le 8 novembre à l'unanimité une résolution autorisant le maintien jusqu'à la fin de l'année 2006 de la force multinationale sous commandement américain en Irak. Le gouvernement irakien avait demandé aux 15 Etats membres du Conseil d'approuver cette résolution, nécessaire à la prolongation du mandat de cette force de 178.000 militaires au-delà du 31 décembre 2005, date à laquelle un nouveau gouvernement démocratique doit entrer en fonctions à Bagdad. La résolution adoptée autorise le gouvernement irakien à mettre fin quand il le souhaite à la présence militaire étrangère. Le Conseil de sécurité peut également revenir sur cette présence, quand bon lui semble, jusque fin 2006. Les autorités irakiennes doivent pour leur part continuer à verser leurs revenus tirés du pétrole dans un fonds géré par un organisme indépendant. Ce compte et l'organisme de surveillance ont été créés en mai 2003 par le Conseil de sécurité afin de garantir que les forces étrangères sur place ne détournent pas à leurs profits les ressources pétrolières irakiennes.
Le secrétaire d'Etat adjoint américain pour les Affaires européennes et eurasiennes, Daniel Fried, a, le 14 novembre, déclaré de son côté que l'Allemagne et les autres pays européens qui se sont opposés à la guerre en Irak devraient contribuer davantage à la stabilisation de ce pays et soutenir ses nouvelles institutions démocratiques. Les Etats-Unis ne réclament pas à l'Allemagne l'envoi de troupes en Irak, a précisé Daniel Fried. L'Europe devrait toutefois davantage soutenir « l'un des régimes les plus démocratiques » du Proche-Orient, a-t-il ajouté.
Le tribunal de La Haye a entamé, le 21 novembre, le procès d'un négociant en produits chimiques, Frans van Anraat, accusé de complicité de génocide pour avoir fourni dès 1984 des produits utilisés par le régime de Saddam Hussein, notamment lors du massacre de Kurdes à Halabja en 1988. Frans van Anraat a invoqué son droit au silence lorsque les juges ont tenté de l'interroger sur le dossier. « Il ne s'agit pas d'un manque de respect envers vous ou à l'égard de ce tribunal, mais j'invoque mon droit à garder le silence », a-t-il déclaré. F. van Anraat est poursuivi pour crimes de guerre et génocide. Il est accusé d'avoir livré les produits chimiques nécessaires au régime de Saddam Hussein pour fabriquer des armes chimiques. Agé de 63 ans et arrêté en décembre 2004, il est la première personne jugée pour ce massacre. «Il est accusé d'avoir livré du matériel brut nécessaire à la fabrication des armes chimiques de Saddam Hussein. L'utilisation de ces armes par le régime de Bagdad a conduit à la mort de milliers de personnes en Iran et en Irak», a déclaré le procureur Fred Teeven à l'ouverture du procès. «Il est complice de graves crimes internationaux», a-t-il ajouté.
Dans une motion préliminaire, la défense a demandé à la cour de se déclarer incompétente et de remettre son client en liberté, arguant que le procès n'est pas équitable et que le principal suspect dans ce dossier, Saddam Hussein, devait être jugé sur la base des mêmes accusations, en Irak. « Le fait que deux tribunaux jugent un tel crime pourrait conduire à un doute juridique. D'un point de vue pratique, le tribunal néerlandais pourrait juger que les accusations sont fondées alors que le tribunal spécial irakien pourrait juger le contraire », a déclaré l'avocat de la défense, Jan Peter van Schaik. Les juges ont rejeté cette demande. « C'était simplement quelque chose que j'ai fait en passant, ce n'était pas au coeur de mes affaires », avait-il déclaré dans l'émission de la télévision néerlandaise qui a mis son affaire sur la place publique. « Je l'ai appris plus tard, mais c'était déjà trop tard », avait-il indiqué. «Les images de l'attaque au gaz sur la ville kurde d'Halabja ont créé un choc. Mais je n'ai pas donné l'ordre de faire cela. Combien de produits, comme des balles par exemple, fabriquons-nous aux Pays-Bas?», avait déclaré Frans van Anraat dans un entretien au magazine néerlandais «Nieuwe Revu» en 2003.
Le massacre d'Halabja, qui a fait 5 000 morts en une journée, fait partie de la liste des crimes dont est accusé Saddam Hussein, mais ne lui vaut pas encore d'inculpation formelle. L'ancien président irakien et sept autres responsables de son régime sont jugés depuis le 19 octobre pour le meurtre en 1982 de 143 chiites du village de Doujaïl (au nord de Bagdad).
Outre Halabja, il est accusé d'être complice de plusieurs attaques au gaz dans le Kurdistan irakien, dans les villages de Goktapa et de Birjinni, mais aussi en Iran, en 1986 et 1988, pour lesquelles il répond de crimes de guerre. Les inspecteurs des Nations unies ont décrit Frans van Anraat comme l'un des plus importants intermédiaires de Saddam Hussein pour se procurer des armes chimiques. F. van Anraat ne conteste pas la vente de ces produits, mais assure qu'il ignorait leur utilisation finale. « Sans scrupules, l'accusé a livré les substances après 1984 (après l'interdiction d'exporter ces substances vers l'Irak, ndlr), dans des quantités qui excluent une utilisation normale », a déclaré le procureur Fred Teeven lors d'une audience de procédure. Selon le procureur, même après l'attaque contre Halabja, pourtant largement couverte par les média, Van Anraat a poursuivi ses exportations vers l'Irak de matériel destiné à la fabrication d'armes chimiques. L'accusation affirme que l'homme d'affaires était à la tête de onze sociétés basées dans divers pays et qui fournissaient des ingrédients servant à la fabrication du gaz moutarde et d'autres gaz ayant un effet sur le système nerveux.
Visé par une enquête américaine, il avait été arrêté en 1989 en Italie, puis avait fui vers l'Irak où il était resté jusqu'à l'attaque de la coalition conduite par les Etats-Unis en 2003, date à laquelle il s'est réfugié aux Pays-Bas. Les Etats-Unis ont renoncé en 2000 à leur demande d'extradition, sans explication. L'inculpé a été arrêté le 7 décembre 2004 aux Pays-Bas, au moment où il était sur le point de s'enfuir. Sa remise en liberté provisoire lui a été plusieurs fois refusée. La justice néerlandaise peut poursuivre van Anraat pour génocide en Irak, après un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle en matière de crimes de guerre et de génocide, dès lors que les accusés résident aux Pays-Bas. Le procès devrait durer trois semaines, ce qui est exceptionnellement long dans une procédure néerlandaise, qui a peu recours d'ordinaire aux témoins durant les audiences. Dans ce cas, de nombreux témoins seront appelés ainsi que des victimes qui évoqueront à la barre les séquelles qu'ont provoquées ces attaques au gaz et le jugement doit être rendu le 23 décembre. Plusieurs victimes iraniennes et irakiennes des attaques chimiques comptent par ailleurs demander chacune jusqu'à 10000 euros d'indemnités à l'accusé. Frans van Anraat encourt une peine de prison à perpétuité.
Le président syrien Bachar al-Assad a, le 2 novembre, gracié 190 prisonniers politiques afin de contrer les campagnes hostiles contre la Syrie et améliorer l'image de son pays et « dans le cadre des réformes globales qui visent à consolider la cohésion nationale, fondamentale pour le tissu social et les intérêts nationaux » de la Syrie, selon l’agence officielle Sana, qui a annoncé que « de nouvelles mesures en ce sens seront prises ultérieurement ». Parmi les détenus libérés figurent des membres d' « organisations islamistes », dont Azzam Ghareib de la Confrérerie des Frères musulmans --interdite depuis 1980-- le président de l'Organisation arabe des droits de l'Homme Mohammad Raadoun et l'écrivain Ali Abdallah, membre du forum politique « salon Atassi », tous deux incarcérés en mai, a affirmé le militant des droits de l'Homme Anouar al-Bunni. Me Bouni, qui signale qu'en mars dernier 232 détenus avaient été libérés en deux temps en vertu d'un décret présidentiel, précise qu'une centaine de Frères musulmans, figurent parmi les graciés. Treize « salafistes » musulmans, six membres du parti de libération islamique, 20 anciens membres du parti baas irakien, 20 Palestiniens, ont également bénéficié de cette mesure.
Selon Anouar al-Bouni et Ammar Kourbi, porte-parole de l'Organisation arabe des droits de l'Homme, au moins un millier de détenus politiques croupissent encore dans les prisons syriennes. « C'est un pas dans la bonne direction mais insuffisant qui doit être complété par la libération des détenus politiques restants, la levée de l'État d'urgence, le retour au pays des exilés politiques, la dissolution de la Cour supérieure, sorte d'épée de Damoclés, le réglement de l'affaire des Kurdes privés de la nationalité syrienne », affirment les militants des droits de l’homme. « Nous souhaitons une réforme radicale pour clore définitivement le dossier des prisonniers politiques, dont l'annulation de la loi 49 qui inflige la peine de mort aux Frères musulmans, l'amendement de l'article 8 de la Constitution qui investit le parti Baas du rôle de leader de l'Etat et de la société », a souligné M. Kourbi. Cet activiste des droits de l'Homme, hostile « aux mesures cosmétiques », prône « un congrès national rassembleur afin de réaliser la réconciliation nationale ».
Cependant, le militant des droits de l'Homme, Anouar Bounni, a annoncé que les forces de l'ordre syrienne ont le 13 novembre arrêté une dizaine personnes qui protestaient devant la cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception à Damas. Les personnes arrêtées faisaient partie d'un groupe d'une centaine de manifestants, kurdes et syriens, qui protestaient devant le tribunal qui jugeait leurs proches. Ils scandaient des slogans en faveur de « l'unité nationale » et « dénonçaient les tribunaux d'exception » et « la loi d'urgence » en vigueur depuis 1963. Entre-temps, Amir Holilo, membre de l'Union démocratique, formation kurde syrienne interdite, a été condamné par la Cour de sûreté de l'Etat à une peine de deux ans et demi de prison pour appartenance à « une organisation secrète », a indiqué Me Bounni. D'autre part, le tribunal a reporté le procès de quatorze personnes « accusées d'appartenir à une organisation salafiste » (islamique). Toutes ces personnes sont originaires de la région de Outaïbah, à 20 kilomètres à l'est de Damas. Me Bounni a dénoncé « les violations des droits des citoyens » ainsi que « le comportement sauvage » des forces de l'ordre envers les personnes rassemblées devant le tribunal.
Sommée par la résolution 1636 du Conseil de sécurité de coopérer avec la commission d'enquête de l'Onu sur l'assassinat de Rafic Hariri à Beyrouth où l'influence de Damas était alors sans partage, la Syrie a promis sa collaboration tout en dénonçant le caractère « injuste » de la résolution.
Ankara et Téhéran ne manquent cependant pas d’afficher leur soutien à Damas. Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul a entamé le 16 novembre une visite surprise à Damas. « La Turquie ne peut pas rester indifférente aux développements dans la région », a souligné son ministère dans un communiqué. M. Gül s'est entretenu le soir même avec le président syrien Bachar al-Assad. Durant son entretien avec le président syrien, il a appelé la Syrie à coopérer pleinement dans l'enquête sur le dossier Hariri. Le gouvernement syrien est sous pression depuis que le Conseil de sécurité de l'ONU a exigé à l'unanimité le mois dernier qu'il coopère pleinement à l'enquête sur la mort d'Hariri tué par l'explosion d'une bombe le 14 février à Beyrouth. « A Damas, notre ministre se concentrera essentiellement sur la nécessité de se conformer pleinement à la décision de l'ONU », a précisé le ministère turc des Affaires étrangères. Les Etats-Unis partagent le même objectif avec la Turquie sur la question de la Syrie, a déclaré le même jour le porte-parole américain adjoint du département d'Etat Adam Ereli, en réaction à cette visite surprise. « C'est une visite qui a été déterminée, organisée et entreprise par le gouvernement turc », a fait savoir M. Ereli lors d'un point de presse. « Notre point de vue est que la Turquie et nous partageons le même objectif concernant la Syrie », qui consiste à ce que la Syrie arrête ses actes « répréhensibles » allant du soutien des insurgés en Irak à l'ingérence dans les affaires du Liban, a souligné M. Ereli.
Le 14 novembre, c’est le ministre des Affaires étrangères iranien Manouchehr Mottaki qui s’était rendu à Damas pour discuter avec Bachar al-Assad « des évènements au Proche-Orient ». M. Mottaki, dont c'était la première visite en Syrie depuis sa nomination cet été, a également rencontré le Premier ministre Mohammad Naji Otri et le ministre des Affaires étrangères Farouk al-Chareh. Ses entretiens à Damas ont porté sur « les relations bilatérales entre les deux pays amis et les événements dangereux qui interviennent au Proche-Orient », a indiqué l'agence officielle syrienne Sana.
Les premiers forages de prospection pétrolière au Kurdistan irakien ont commencé fin novembre donnant l'espoir à cette région de renforcer son autonomie économique. L’inauguration du puits situé à l’est de la ville de Zakho a eu lieu le 29 novembre en présence du Premier ministre du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani. Le Premier ministre kurde, a parlé de projet « historique ». « Pour la première fois, nous cherchons du pétrole au Kurdistan », a-t-il déclaré lors de la cérémonie officielle. « Ce projet va participer à la croissance économique du Kurdistan et à sa reconstruction », a-t-il affirmé. « L'heure où le peuple kurde n'est plus opprimé et où il profite de ses richesses est enfin arrivée », a estimé M. Barzani. « Nous savons tous que les revenus pétroliers servaient à l'achat d'armes et de gaz, qui étaient utilisés contre les villes et villages irakiens et nous ne permettrons plus cela », a indiqué le Premier ministre. M. Barzani a remercié par ailleurs la Turquie qui a facilité le passage du matériel de la compagnie norvégienne sur son territoire, en direction du Kurdistan.
La compagnie pétrolière norvégienne DNO a annoncé le début du forage du puits Tawke 1, qui devrait durer 60 jours pour atteindre une profondeur de 3.000 mètres dans une zone suspectée de receler trois nappes de pétrole. Un responsable de la compagnie DNO, Magne Normann, a indiqué lors de la cérémonie d’inauguration que le brut présent dans cette région serait du « light oil », de bonne qualité. Selon la compagnie, opérateur du bloc avec une participation de 40%, il s'agit des premiers forages mis en oeuvre sous le régime des Accords de partage de production (PSA) signés avec les autorités kurdes en juin 2004. Les PSA sont des contrats en vertu desquels des compagnies étrangères sont appelées à financer les investissements permettant le forage et l'exploitation des ressources pétrolières d'une zone, moyennant une part de la production future de cette zone. Un responsable de la compagnie pétrolière du Kurdistan, Serbaz Horami, a noté l' « importance de ce projet, pour le développement de l'économie du Kurdistan ». Il a fait état d'autres projets dans le domaine pétrolier, « notamment des contacts avec des compagnies turques ». Selon lui, une compagnie mixte américaine et turque doit commencer bientôt un nouveau forage, et un contrat similaire a été signé avec une compagnie mixte britannique et portugaise.
La mise en œuvre de ces accords intervient après l’adoption de la Constitution irakienne qui confère aux autorités du Kurdistan le droit d’explorer et d’exploiter les richesses naturelles de leur région et de disposer de leurs revenues.
Le Kurdistan revendique le rattachement de la ville pétrolière de Kirkouk. Mais depuis la chute du régime en 2003, ses installations pétrolières sont la cible d'attaques régulières, ce qui perturbe l'exportation du pétrole vers la Turquie et même son acheminement vers les raffineries irakiennes. Pas moins de 290 actes de sabotage ont visé les installations et les oléoducs dans la région, générant une perte à gagner de plusieurs milliards de dollars. La production moyenne de ces gisements se situe entre 500.000 et 650.000 barils par jour (b/j) contre 700.000 à 800.000 b/j avant l’intervention en Irak. Le dernier sabotage, survenu le 20 octobre, a visé un réseau groupé de 16 oléoducs et gazoducs, ce qui a entraîné l'arrêt total du pompage. Un nouvel oléoduc d'un mètre de diamètre, est en construction. Il reliera les champs de Kirkouk aux cuves de stockage au nord de Baïji. Cet oléoduc sera enfoui sous terre sous plusieurs mètres de profondeur de manière à ce qu'aucun engin explosif ne puisse l'atteindre. Les oléoducs actuels longent la route et sont à découvert.
Un peu plus d'un mois après l'ouverture historique des négociations d'adhésion d'Ankara à l'UE, la Commission européenne a, le 9 novembre, présenté son rapport sur les progrès de la Turquie. Dans son rapport d'étape sur le processus d'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, la Commission européenne a accusé la Turquie d'avoir levé le pied sur ses réformes dans les domaines des droits de l'Homme et judiciaires. Bruxelles estime que « le rythme des réformes s'est ralenti en 2005 ». « Si les violations des droits de l'Homme sont en baisse, elles se poursuivent et il est urgent de mettre en oeuvre la législation déjà en vigueur et, dans certains domaines, de prendre d'autres initiatives législatives », poursuit la commission.
L'exécutif européen plaide pour que la Turquie « redouble d'efforts » afin que les auteurs de tortures et de mauvais traitements « ne restent pas impunis ». « Les droits des femmes bénéficient d'une plus grande attention, mais la violence à l'encontre de ces dernières reste très préoccupante », note également la commission. Le commissaire européen en charge de l'Elargissement Olli Rehn a exhorté la Turquie lors d'une conférence de presse à tout mettre en oeuvre pour que toutes les formes de torture soient abolies au cours des deux prochaines années dans le cadre des « priorités à court terme » suggérées par Bruxelles.
Concrètement, les autorités turques sont exhortées d'agir de manière plus décisive contre la torture qui continue de sévir dans le pays, notamment à l'encontre de militants d'extrême gauche et kurdes. La Commission européenne a critiqué à de multiples reprises les entraves à la liberté d'expression, les poursuites judiciaires engagées contre des journalistes et des intellectuels. Le commissaire européen à l'élargissement, Olli Rehn, a notamment réclamé l'annulation des poursuites contre l'écrivain Orhan Pamuk. Il a demandé à la Turquie de modifier sa législation si celle-ci conduisait à la condamnation de l'écrivain pour ses prises de position sur le sort des Arméniens au début du XXe siècle.
La référence aux droits culturels dans le rapport de la commission renvoie à l'autorisation d'enseigner et de diffuser des émissions de radio ou de télévision en langue kurde. Ankara a déjà fait évoluer sa législation en la matière mais Bruxelles réclame davantage. Le rapport fixe à la Turquie quelque 150 objectifs à court terme en vue d'une éventuelle adhésion du pays.
Par ailleurs, la Commission européenne a estimé que la Turquie pouvait être considérée comme une « économie de marché viable », à condition qu'elle poursuive sa stabilisation économique et ses réformes. Cette décision, même assortie de conditions, est une étape importante pour Ankara et une condition sine qua non de son intégration européenne. « La Turquie peut être considérée comme dotée d'une économie de marché viable, pour autant qu'elle maintienne le cap de sa récente stabilisation et de ses réalisations en matière de réforme », a indiqué Bruxelles dans son rapport.
En ouvrant ses portes à la Turquie ainsi qu'aux pays balkaniques, l'exécutif européen veut ainsi envoyer un signal fort aux eurosceptiques, et n'entend pas arrêter le mouvement d'élargissement malgré les non français et néerlandais à la Constitution européenne. « L'élargissement n'est pas une fuite en avant », a déclaré le commissaire européen au développement, Louis Michel, avant cette réunion. « L'alternative, c'est la mort de l'Europe en tant qu'idée ». Le rapport sera examiné par les Vingt-Cinq lors du sommet de décembre à Bruxelles.
La Turquie devra investir jusqu'à 35 milliards d'euros (41,2 milliards de dollars) dans des projets de protection de l'environnement pour se mettre aux normes de l'Union européenne, a déclaré le 8 novembre le ministre turc de l'Environnement, Osman Pepe. Une étude de l'état des mesures de protection de l'environnement dans le pays a conclu que « La Turquie devrait faire des investissements de l'ordre de 30 à 35 milliards d'euros pour pouvoir devenir un membre à part entière de l'Union européenne », a indiqué le ministre dans une interview à la télévision. M. Pepe a déclaré qu'Ankara s'était donné pour but de satisfaire pleinement aux normes environnementales de l'UE d'ici 2023-24. Le plus difficile à régler dans le processus d'harmonisation portera sur la gestion des eaux usées et les émissions industrielles de gaz, a-t-il ajouté. « Nous sommes un pays qui jette 65% de ses déchets dans la mer et qui y jette 65% de ses eaux usées sans les épurer », a-t-il poursuivi.
Par ailleurs, la Turquie annonce un ensemble de réductions fiscales drastiques dans l'espoir d'attirer les investissements étrangers dans un contexte de rivalité accrue entre pays émergents. « La baisse des taux d'imposition aidera la Turquie à mieux affronter la concurrence de ses voisins et des pays de l'Union européenne dans les investissements internationaux », a déclaré le 29 novembre le Premier ministre Tayyip Erdogan au cours d'une réunion de son parti Justice et développement (AKP). Des économistes se sont félicités de cette mesure, qui devrait entrer en application en 2006, soulignant qu'elle renforcera les entreprises turques face à la concurrence et qu'elle ne devrait pas compromettre le dernier plan de relance économique adopté par le pays pour un montant de 10 milliards de dollars avec le soutien du Fonds monétaire international. M. Erdogan a précisé que l'impôt sur les sociétés serait ramené de 30 à 20%, une réduction plus forte que prévu, et que le taux maximum de l'impôt sur le revenu serait abaissé à 30% contre 40% actuellement. Le taux minimum de ce dernier sera maintenu à 15%. Quant à la taxation des investissements étrangers, elle sera ramenée à 28% au total, contre 37% actuellement, a ajouté le chef du gouvernement. Le Premier ministre turc a contribué à sortir son pays d'une grave crise financière en 2001. L'économie turque est maintenant plus vigoureuse qu'elle ne l'a été depuis plusieurs dizaines d'années, avec une croissance qui devrait atteindre encore 5% cette année après 10% en 2004. L'inflation est tombée à moins de 10% pour la première fois en l'espace d'une génération, les ménages ont retrouvé confiance et les privatisations ont repris leur cours. L'OCDE s'attend à ce que la Turquie réalise une croissance d'environ 6% en 2006 et en 2007 à la faveur d'un regain de confiance, dans le pays comme à l'étranger, à la suite de l'ouverture le 3 octobre de négociations en vue de son adhésion à l'Union européenne.
La tension est montée d'un cran à Hakkari, province située à la frontière avec le Kurdistan irakien et l'Iran, depuis un attentat à la bombe survenu le 9 novembre contre une librairie de Semdinli, située dans un complexe commercial, cet attentat considéré par beaucoup comme l'oeuvre de membres des forces de sécurité a fait un mort et plusieurs autres blessés.
Trois personnes -deux gendarmes et un informateur kurde des forces de sécurité- ont été arrêtées après l'attentat. Le procureur de Semdinli, Harun Ayik, a confirmé qu'un individu placé en garde à vue après avoir échappé à un lynchage par la foule qui le soupçonnait d'avoir posé la bombe était un agent de renseignement de la gendarmerie. Le procureur a ajouté que deux sous-officiers de gendarmerie suspectés de participation à l'attentat ont également été interrogés par la police et qu'un troisième le serait pour avoir tiré en l'air durant les incidents. Trois fusils-mitrailleurs avaient été découverts dans la voiture endommagée par la foule en colère de même que des armes et des documents - un croquis de la librairie et une liste de noms, dont celui du libraire, selon la presse. Deux des quatre personnes interpellées lors de ces heurts ont été inculpées pour meurtre et tentative de meurtre. Près de 10.000 personnes se sont réunies le 11 novembre dans cette ville pour assister aux funérailles de l'homme tué par l'explosion de la bombe dans la librairie et de la personne abattue lors des heurts avec la police. Des représentants locaux de partis politiques pro-kurdes ont appelé la population au calme et aucun incident majeur n'a été signalé lors des obsèques. « Etat assassin !», « Etat terroriste ! », a cependant scandé la foule. Des habitants ont érigé des barricades dans plusieurs rues de la ville à l'aide de pylônes électriques pour empêcher le déploiement attendu de renforts de police en provenance de localités voisines. Par ailleurs, des heurts sont intervenus le lendemain à Van entre des centaines de manifestants qui protestaient contre les événements à Semdinli et la police. Les vitres de plusieurs magasins ont été brisées par la foule qui a aussi brûlé une voiture.
Dans la nuit du 1er au 2 novembre, un attentat attribué par les autorités au PKK avait déjà frappé la ville. Une voiture bourrée d'explosifs avait explosé près de la gendarmerie locale, faisant 23 blessés. La puissante déflagration avait provoqué des dégâts matériels considérables dans 67 appartements et magasins avoisinants et soufflé des vitres de plusieurs bâtiments publics. De nombreux blessés, dont la plupart pour des éclats de verre, ont été soignés à l'hôpital de Semdinli. Par ailleurs, une personne a été tuée et une autre blessée lors d'une manifestation pro-kurde à Mersin qui abrite une forte communauté kurde a rapporté le 21 novembre la chaîne de télévision NTV. Une centaine de manifestants s'étaient rassemblés pour protester contre la mort de deux autres personnes, le 15 novembre, dans la province de Hakkari. L'un d'entre eux a été tué par balles lors d'affrontements entre des manifestants, qui lançaient des pierres. Ce décès portait à six le nombre de personnes tuées au cours d'affrontements quasi quotidiens entre manifestants et forces de l'ordre depuis l'attentat à la bombe qui a visé la librairie de Semdinli.
Au cours d'une visite à Hakkari le 21 novembre, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a été accueilli par les slogans hostiles de manifestants. Le Premier ministre turc dont la visite accompagnée de ses ministres de l'Intérieur et de la Justice n'avait pas été annoncée d'avance, a exhorté la population locale au calme. Il s'est rendu le 20 novembre au soir dans la province voisine de Van et s'est rendu dans la matinée à Semdinli, localité d'environ 15.000 habitants d'où il est passé dans la bourgade proche de Yüksekova. « J'appelle mes concitoyens à agir avec modération. Nous ne pouvons rien gagner avec la haine et la violence », a déclaré M. Erdogan lors d'un discours prononcé sur une place devant plusieurs centaines d'habitants de Semdinli, retransmis en direct à la télévision. M. Erdogan a réaffirmé que son gouvernement était déterminé à élucider cet attentat. « Nous allons poursuivre cette affaire jusqu'au bout (...) toute la lumière sera faite », a-t-il notamment promis lors de sa visite entourée d'importantes mesures de sécurité. Le gouvernement turc a finalement procédé le 23 novembre à la mutation du gouverneur de Hakkari après que des émeutes se soient multipliées dans sa circonscription. Le gouverneur Erdogan Gürbüz a été nommé dans la province de Tokat (nord), où il remplace Ayhan Nasuhbeyoglu, lui même muté à Hakkari.
Depuis l'attentat de Semdinli, l’armée turque a lancé des opérations de répression des manifestations qui ont causé un vif émoi dans les provinces kurdes. Ces violences soulignent la montée des tensions dans le Kurdistan défavorisé après une période de calme relatif consécutive à l'annonce par le PKK d'un cessez-le-feu unilatéral, maintenu de 1999 à 2004.
Des députés et des journaux ont rapproché les événements de Semdinli d'un scandale survenu à la fin des années 1990, qui avait révélé des collusions entre les forces de sécurité combattant les Kurdes, des chefs de clans locaux, des politiciens et la mafia. Des membres des forces de sécurité se livraient à des exécutions extra-judiciaires, aux enlèvements et au trafic d'armes et de drogue. Intervenu à Semdinli pour calmer la population, le maire de la commune voisine de Yüksekova, Salih Yildiz, membre du Parti démocratique du peuple (Dehap, pro-kurde), a attribué l'attentat à une nébuleuse luttant contre les Kurdes en marge de l'action officielle de l'Etat. « Il s'est produit ici un événement qui ressemble à Susurluk », a, le 10 novembre, déclaré l'édile, selon CNN-Türk, faisant référence à ce scandale survenu près de la ville de Susurluk et qui avait mis en évidence des liens entre les forces de sécurité, des groupuscules d'extrême-droite et la mafia. « Des bombes de provocation », titrait le quotidien Radikal, reprenant des accusations portées par le député d'opposition Esat Canan, du Parti républicain du peuple (CHP), qui évoquait la possibilité d'un attentat perpétré par « l'Etat profond », expression désignant en Turquie une collusion entre les services secrets et la mafia. Le président de la commission parlementaire des droits de l'homme Mehmet Elkatmis a pour sa part indiqué qu'une délégation de députés allait se rendre à Semdinli pour enquêter.
Trois militants kurdes iraniens ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour « appartenance à des groupes contre-révolutionnaires et activités contre le régime de la République islamique », ont rapporté le 27 novembre les journaux iraniens. La Cour suprême iranienne a confirmé les peines prononcées par le tribunal de Mahabad contre Reza Amini, Halmet Azarpour et Abdollah Mohammadi, condamnés à 20 ans de prison pour le premier et 15 ans de prison pour les deux autres. Les trois hommes ont été reconnus coupables « d'appartenance au Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI), interdit en Iran, et de propagande contre la République islamique ». Aucune information n'a été donnée sur la date de leur arrestation.
Par ailleurs, les gardes-frontières iraniens ont tué un combattant kurde et en ont capturé un autre après l'avoir blessé lors de nouveaux affrontements dans la province d'Azerbaïdjan occidental (nom officiel de la partie septentrionale du Kurdistan iranien), a rapporté le 12 novembre l'agence estudiantine Isna. Mohammad-Sadegh Mohsenpour, gouverneur de la capitale provinciale, Ouroumiyeh, a affirmé que les deux combattants appartenaient au PEJAK, un groupe lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui ont, pour partie, trouvé refuge dans la région kurde transfrontalière aux confins de la Turquie, de l'Irak et de l'Iran.
Les provinces kurdes d'Iran, essentiellement réparties sur les provinces administratives du Kurdistan, de Kermanshan et de l'Azerbaïdjan occidental et de l’Ilam ont connu ces derniers mois des troubles suite à la mort d'un jeune homme recherché par la justice et abattu en juillet 2005 lors de son arrestation, selon la police. La ville historique kurde de Mahabad, capitale de l’éphémère République kurde, d’ailleurs connu le 20 novembre au matin de nouveaux troubles après la mort par balle d'un jeune kurde. Selon le communiqué de la police, cité par l'agence officielle Irna, des troubles auraient commencé après qu'un policier eut tué par balle un Kurde qui aurait attaqué avec un couteau un autre membre des services de l'ordre. Cent vingt policiers iraniens ont été tués et 64 autres blessés dans des affrontements en moins de six mois, avaient indiqué en septembre l'hodjatoleslam Akbar Feyz, chef de la justice de la province d'Azerbaïdjan occidental.
Les journaux iraniens ont, le 25 novembre, annoncé une prochaine visite de travail en Turquie du ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, première visite d'un haut responsable iranien à Ankara depuis l'arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad. La Turquie et l'Iran, qui se sont accusés pendant des années de soutenir les opposants de l'autre, ont récemment renforcé leur coopération.
Le Parlement iranien a placé le président dans une situation embarrassante le 23 novembre en rejetant son troisième candidat pour son poste de ministre du Pétrole. Mohsen Tasalouti, qui travaille depuis 11 ans dans la pétrochimie mais n'est pas connu sur la scène politique, s'est vu reprocher son manque d'expérience pour diriger un ministère qui contrôle une industrie générant 80% du revenu public de l'Iran. C'est la première fois depuis la révolution islamique de 1979 que le Majlis refuse trois propositions, et le revers est d'autant plus cinglant pour le président Ahmadinejad que l'Assemblée nationale est dominée par les ultra-conservateurs de son camp. Les deux premiers candidats étaient des proches du président: Ali Saïdlou, rejeté en août pour manque d'expérience, et le général Sadegh Mahsouli, chef des Gardiens de la révolution sans expérience dans le pétrole. En attendant, le ministère du Pétrole est dirigé par Kazem Vaziri, vice-ministre sous la présidence précédente de Mohammad Khatami.
Par ailleurs, pour la première fois, un des hauts personnages du régime islamique est monté au créneau hier pour dénoncer les « purges » pratiquées sous le nouveau président. L’ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani, actuellement président du conseil de discernement et un des dirigeants iraniens les plus influents, a, le 16 novembre, clairement signifié que les purges en cours faisaient le jeu des « ennemis » de la République islamique, une lourde charge dans la rhétorique officielle. «Certains aujourd’hui (...) remettent en cause les actions menées par le passé, ils appliquent une politique de purge, ils ont engagé une politique de bannissement général et de mise à l’écart des personnalités compétentes », a déclaré celui qui fut lui-même président de 1989 à 1997, malgré le rappel à l’ordre des détracteurs du président par le numéro un iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, deux jours plus tôt. « Il faut soutenir le gouvernement », avait déclaré le Guide suprême devant les imams de prière à Téhéran. « J'entends des critiques injustes contre le gouvernement et le président », avait indiqué l'ayatollah Khamenei dans une intervention sans précédent si peu de temps après l'installation d'un chef de l'exécutif. « Il faut laisser le temps au président et le soutenir pour qu'il puisse accomplir son action », avait souligné le Guide en saluant l'identité « révolutionnaire » d'un gouvernement « béni ».
Trois mois après son entrée en fonctions le 3 août, M. Ahmadinejad n'est donc toujours pas parvenu à compléter son gouvernement et à imposer son autorité au parlement. Un député conservateur comme Elias Naderan accuse ouvertement le président de se soucier davantage d'affinités personnelles que de compétences individuelles, et de recruter ses collaborateurs dans l'armée idéologique (les Gardiens de la Révolution), dont il est issu, à la municipalité de Téhéran, dont il a été maire, ou à l'université, où il a enseigné.
Les voix s'élèvent de plus en plus fortes pour reprocher au président de privilégier la pureté islamique et révolutionnaire au réalisme. L'idée annoncée de ramener à un chiffre les taux d'intérêt des prêts bancaires et des rendements de placements a causé un choc. Les officiels s'inquiètent d'une fuite des capitaux que d'aucuns disent inédite depuis la Révolution. La bourse de Téhéran ne cesse de régresser. Le président procède dans son administration à un remaniement aux allures de purge, changeant les chefs des six grandes banques publiques, remplaçant les gouverneurs de province, rappelant des dizaines d'ambassadeurs. L'Iran compte à l'étranger 98 représentations diplomatiques et 15 consulats, selon les Affaires étrangères. Ce serait donc près du tiers au moins des chefs de missions iraniennes qui changeraient dans les prochains mois. Les ambassades d'Iran à Paris et à Londres ont confirmé le départ de leurs chefs, officiellement nommés par le prédécesseur de M. Ahmadinejad.
Selon le quotidien danois Berlingske Tidende (conservateur), daté du 21 novembre, les Etats-Unis ont vivement exhorté le Danemark à fermer une chaîne de télévision kurde qui émet à partir de son territoire et considérée par la Turquie comme le porte-parole du PKK. Ankara avait demandé à plusieurs reprises aux autorités danoises d'engager une action contre Roj-TV, qui diffuse ses programmes vers l'Europe et le Proche-Orient depuis Copenhague, l'accusant d'être liée au PKK, inscrit par l'Union européenne et Washington sur la liste des organisations terroristes. « Nous appelons vigoureusement le gouvernement danois à fermer Roj-TV, Mesopotamia-TV et MBMG (qui coopèrent avec elles) et à geler leurs avoirs » indique une note confidentielle adressée au ministère des Affaires étrangères, dont Berlingske Tidende a révélé le contenu.
Roj TV, qui émet depuis mars 2004 à partir du territoire danois, a failli récemment créer une crise diplomatique entre Copenhague et Ankara après que le Premier ministre turc, Recep Ayyip Erdogan, eut refusé de prendre part à une conférence de presse à Copenhague à cause de la présence d'une journaliste de cette chaîne. Le chef du gouvernement danois, Anders Fogh Rasmussen, invoquant la liberté d'expression, n'a pas voulu interdire l'accès de ce point de presse à Roj TV, qui « n'a pas enfreint la législation danoise ». Mais la police enquête néanmoins sur d'éventuelles relations de la chaîne avec le PKK. Utilisant les mêmes arguments qu'Ankara, la note américaine à Copenhague souligne que le Danemark ne doit pas être « un refuge » pour une telle chaîne. Pour Washington, les problèmes de la Turquie avec le PKK sont dûs au soutien que ce mouvement reçoit en Europe. « Alors que la plupart des attaques du PKK ont eu lieu en Turquie, le PKK est profondément dépendant de sources européennes en ce qui concerne le financement, le soutien organisationnel, le recrutement et les opérations de propagande », souligne cette note. « A la lumière de la menace que représente le PKK pour nos alliés en Turquie et dans d'autres endroits en Europe, nous voudrions bien coopérer avec le Danemark et le gouvernement turc pour combattre ce problème », souligne encore Washington.
La Turquie avait, le 5 novembre, violemment critiqué le refus du Danemark de retirer son autorisation à la chaîne de télévision kurde. « Ils (les Danois) n'interdisent pas une chaîne de TV qui accorde son soutien au terrorisme ethnique », avait déclaré à Stockholm le ministre turc de la Justice Cemil Cicek. « Ceci est contraire à la législation de l'Union européenne. Personne ne devrait jouer aux trois singes », avait ajouté le ministre.
Le conseil de tutelle de la radio et télévision danoise a conclu au début de l'année que les émissions de la chaîne ne contenaient pas d'incitation à la haine et demandé à la police d'enquêter sur d'éventuelles relations de la chaîne avec le PKK. La Turquie est parvenue par le passé à faire interdire deux chaînes de télévision dont le siège se trouvait en Europe: MED-TV dont l'autorisation d'émettre a été retirée par la Grande-Bretagne et son héritière MEDYA-TV que la France a refusé d'autoriser à émettre.
Des réfugiés kurdes iraniens, oubliés de la guerre Irak-Iran (1980-1988), ont été relogés dans le Kurdistan irakien après avoir fui l'insécurité et la misère d'un camp précaire de la province sunnite d'Al-Anbar. « Certaines familles ont fui le camp de Tach, à la frontière entre l'Irak et la Jordanie, sans que les Nations unies le sachent », indique Dindar Zebari, chargé de la coordination avec les organisations internationales pour le Parti démocratique du Kurdistan (PDK). « Elles ont rejoint la province de Souleimaniyeh », sous administration kurde et « ont été installées dans la région », a-t-il ajouté. D'autres réfugiés ont été envoyés à Erbil où un camp a été ouvert le 10 novembre pour les accueillir. « Au total, 350 personnes venant de Tach ont été placées dans un camp appelé Kawa », au sud de la ville d'Erbil, déclare le même responsable.
Dans le camp de toile situé dans une plaine au sud d'Erbil, 84 personnes se sont installées dans des tentes fournies par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). « A cause de la dégradation des conditions de sécurité en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003, notre vie à Tach s'est transformée en enfer », raconte l'un des nouveaux arrivés. « En deux ans, une vingtaine de réfugiés ont été tués par des hommes armés et les habitants du camp n'ont pas été épargnés par les descentes de l'armée américaine », affirme Askar Wali, âgé de 29 ans. « Nous avons aussi été la cible d'hommes armés qui n'ont pas hésité à nous dépouiller de nos maigres biens et j'ai perdu un oeil dans une explosion à Ramadi (capitale de la province d'Al-Anbar) où je m'étais rendu à la recherche d'un travail », ajoute un autre réfugié de 25 ans. Ces deux réfugiés faisaient partie des milliers de Kurdes iraniens qui ont fui le conflit entre l'Irak et l'Iran. Après la chute du dictateur irakien, certains ont regagné l'Iran, tandis que d'autres ont vainement tenté de se rendre en Jordanie, mais sont restés coincés à la frontière, dans le désert qui sépare les deux pays.
Pour empêcher toute agression contre les réfugiés, la police kurde a installé un poste à l'entrée du nouveau camp, près d'Erbil. « Le poste a été ouvert dès l'ouverture du camp pour protéger les personnes qui sont ici et résoudre les conflits qui peuvent surgir entre elles », a affirmé un policier Mamend Hussein Khadr. Selon le responsable kurde, Dindar Zebari, les Etats-Unis et le HCR ont aidé l'installation au Kurdistan des réfugiés iraniens qui ont fui la province d'Al-Anbar. « La décision de les installer ici a été motivée par des considérations humanitaires et a été approuvée par le Conseil des ministres » à Bagdad, a-t-il indiqué.
Dans le nouveau camp, beaucoup de réfugiés rêvent de trouver refuge dans un pays d'Europe, à l'instar de 220 d'entre eux qui ont quitté le camp de Tach pour la Suède après que le gouvernement de Stockholm eut accepté en décembre 2004 de les accueillir. Pour le moment, les autorités kurdes disent avoir l'intention d'en installer 2.000 dans la province d'Erbil et 1.500 dans celle de Souleimaniyeh.
Par ailleurs, le ministère britannique de l'Intérieur a annoncé que quinze Irakiens déboutés du droit d'asile en Grande-Bretagne ont été renvoyés le 20 novembre vers le Kurdistan irakien. « Le gouvernement a annoncé son intention de débuter les retours forcés vers l'Irak en février 2004 », a déclaré un porte-parole du ministère de l'Intérieur. « Tous ceux déplacés ont été informés par avance de cette action et ont reçu une assistance pour les aider à se réinstaller en Irak, (ce qui) leur permet de contribuer à la reconstruction de leur pays ». Le 17 novembre, la chaîne de télévision Channel 4, citant des documents du ministère de l'Intérieur, avait affirmé qu'une quinzaine de réfugiés devait être renvoyés vers la ville kurde d'Erbil. Londres a décidé en février 2004 de reprendre les rapatriements forcés mais cette décision n'avait pas encore été appliquée en raison d'une situation jugée trop dangereuse en Irak. Quelque 7.000 Irakiens demandeurs d'asile se trouveraient en Grande-Bretagne. Jusqu'à présent, leur retour en Irak n'a été effectué que sur la base du volontariat.
Le romancier turc Orhan Pamuk a, le 7 novembre, reçu le « prix Médicis » du roman étranger pour « Neige », une des deux principales distinctions françaises récompensant un roman étranger. Roman à suspense et livre politique, Neige est un plaidoyer pour la laïcité, une réflexion sur l’identité de la société turque et la nature du fanatisme religieux. Cette fiction, parue en Turquie en 2002, raconte l’histoire d’un jeune poète-journaliste turc, Kerim, quittant son exil allemand pour enquêter dans la petite ville de Kars sur «plusieurs cas de suicide de jeunes femmes portant le foulard». Dans cette ville en pleine effervescence en raison de l’approche d’élections à hauts risques, Kerim enquête. Jusqu’au soir où la représentation d’une pièce de théâtre dirigée contre les extrémistes islamistes se transforme en putsch militaire et tourne au carnage. «Avec Orhan Pamuk est honoré un écrivain qui, plus qu’aucun autre poète contemporain, suit les traces historiques de l’Occident dans l’Orient et celles de l’Orient dans l’Occident», selon l’Association des libraires allemands. Il a notamment écrit la Maison du silence, le Château blanc, le Livre noir et Mon nom est rouge, subtile réflexion sur la confrontation entre Orient et Occident dans l’Empire ottoman à la fin du XVIe siècle.
Cité pour le Nobel, Orhan Pamuk, dont l’œuvre est traduite en une vingtaine de langues, a été inculpé par une cour d’Istanbul pour «insulte délibérée à l’identité turque» pour des propos tenus dans un magazine suisse sur le massacre des Arméniens en 1915. Son procès doit débuter le 16 décembre. Il risque de six mois à trois ans de prison, selon son éditeur turc Iletisim. Il est menacé d’un nouveau procès pour avoir nui à l’image de l’armée dans un entretien en octobre au journal allemand Die Welt. Né en 1952 dans une famille bourgeoise et francophile d’Istanbul, Orhan Pamuk, fervent défenseur de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, a reçu de nombreux prix étrangers dont le prestigieux Prix de la paix des libraires allemands en octobre 2005.
La Commission européenne qui a publié le 9 novembre un rapport d'étape mi-figue mi-raisin sur les préparatifs de la Turquie à l'adhésion à l'UE, a cité l’exemple d’Orhan Pamuk. Dans un style très diplomatique, la Commission n'y va toutefois pas par quatre chemins en exigeant purement et simplement « un amendement [au code pénal turc] pour pouvoir préserver la liberté d'expression en Turquie ». Bruxelles rappelle que cinq autres intellectuels ont été condamnés en 2005 pour « insulte à la nation » et montre du doigt l'article 301 du code pénal turc qui serait, selon Bruxelles, « mal interprété par certains juges et procureurs ». Une interprétation contraire à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Samia Aziz Mohammed, députée kurde élue en janvier 2005 au Parlement irakien, ancienne réfugiée au Danemark, a reçu le « Prix de la liberté » du parti libéral danois au pouvoir, lors de la réunion annuelle de cette formation, à Odense, ont annoncé le 28 novembre ses initiateurs. Samia Aziz Mohammed, 58 ans, est membre de l'Assemblée nationale irakienne depuis les élections de janvier dernier. Réfugiée pendant 14 ans au Danemark, où elle a obtenu la nationalité danoise, la lauréate a remercié, dans son discours, « les troupes danoises (déployées en Irak) qui nous soutiennent et contribuent à instaurer la paix et la démocratie ».
Le président du jury de sélection, Carl Holst, a mis en exergue, pour sa part, « le caractère particulier de la récipiendaire, animée d'idéaux de liberté et de démocratie, qui a choisi de quitter une vie très sécurisante au Danemark pour retourner en Irak, vers une vie incertaine ».
Le Prix 2004 avait été décerné à la députée néerlandaise d'origine somalienne Ayaan Hirsi Ali, scénariste du film critique de l'islam, « Submission », du réalisateur assassiné Theo van Gogh.
L'Iran refuse de négocier avec les Européens à propos de son programme nucléaire sous la menace d'un envoi de son dossier au Conseil de sécurité de l'Onu, a déclaré le 29 novembre Javad Vaïdi, chef des négociateurs nucléaires iraniens dans un entretien à l'agence de presse Mehr. M. Vaïdi a également insisté sur le fait que les négociations avec les Européens devront porter uniquement sur les conditions de l'enrichissement d'uranium en Iran même, selon cette agence semi-officielle proche des conservateurs. « Si, lors de la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), on évoque la menace de l'envoi du dossier iranien au Conseil de sécurité, des négociations n'ont aucun sens », a déclaré M. Vaïdi. « Tant que la résolution du 24 septembre du Conseil des gouverneurs (qui laisse la porte ouverte à une saisine du Conseil de sécurité) est maintenue comme une épée (de Damoclès) au-dessus de la tête de l'Iran, la poursuite des négociations n'est pas profitable », a-t-il insisté.
Réuni à Vienne les 24 et 25 novembre, l'exécutif de l'AIEA a décidé de surseoir à un éventuel renvoi de Téhéran devant le Conseil de sécurité afin de donner une chance à une médiation russe, dont l'objet serait d'enrichir l'uranium iranien en Russie. Mais comme l'a rappelé M. Vaïdi: « l'Iran acceptera seulement un plan qui garantira le droit de l'Iran à fabriquer du combustible nucléaire sur son territoire ». Il a ajouté que l'Iran rejettera tout plan qui visera à « le priver totalement ou partiellement du cycle du combustible nucléaire ». En marge de cette réunion, des diplomates et des responsables des services de renseignement ont affirmé que l'Iran s'apprêtait à relancer des activités dans son usine de Natanz, mise en sommeil depuis le début des négociations avec les Européens en 2003. L'Iran n'a dévoilé cette usine souterraine d'enrichissement d'uranium à Natanz qu'après la révélation de son existence par des opposants en exil en août 2002.
Des diplomates européens à Berlin ont indiqué le 28 novembre qu'il existait une « disponibilité » de principe de l'Union européenne pour entamer des « pourparlers exploratoires » en vue d'une éventuelle nouvelle phase de négociations, mais à la condition que l'Iran s'abstienne de toutes mesures unilatérales. Les Etats-Unis et l'Union européenne soupçonnent l'Iran de chercher à se doter d'un arsenal nucléaire sous le couvert d'un programme civil, ce que dément Téhéran. La République islamique affirme vouloir seulement produire de l'électricité.
La Ligue arabe a, le 19 novembre, réuni pour trois jours une centaine de responsables irakiens au Caire afin de préparer la tenue d'une « conférence d'entente inter-irakienne » à Bagdad, en 2006. Mais l'ambiance houleuse était à l'image des profondes tensions en Irak. Quelques heures après le début des travaux, les délégués chiites et kurdes claquaient la porte de la réunion, rendus furieux par les propos d'un délégué chrétien Ibrahim Menas al-Youssefi, ancien baasiste. A la tribune, ce dernier avait accusé les autres représentants irakiens d'être à la solde des Etats-Unis et dénoncé un processus politique en Irak illégitime et orchestré par Washington. Les ministres arabes des Affaires étrangères présents, en particulier le Saoudien Saud al-Fayçal, ont dû intervenir pour convaincre les députés kurdes et chiites de revenir à la réunion, qui a pu reprendre ses travaux une heure après l'incident, à la suite des excuses du délégué chrétien.
En ouverture de la réunion, le président irakien Jalal Talabani avait d'emblée prévenu que les membres des insurgés et les fidèles de Saddam Hussein ne pouvaient être inclus dans le processus politique. « Tout Irakien en dehors de ce petit cercle est un partenaire dans le nouvel Irak. Chacun doit avoir la même chance de contribuer à sa reconstruction et à la formation de sa démocratie ». De son côté, le secrétaire-général de la Ligue arabe, Amr Moussa avait appelé les pays de la région, et le reste de la communauté internationale à « protéger l'Irak contre le danger d'un glissement vers la sédition où la guerre civile est dans l'intérêt des Arabes ». « Personne ne gagnera à transformer l'Irak en champ de bataille pour les conflits et les tensions régionaux et internationaux », a ajouté le chef de la Ligue arabe. Mais avant même le début de la réunion, Amr Moussa prévenait qu'il ne fallait pas espérer de grandes avancées, mettant en garde contre des « attentes élevées ou exagérées ».
Le chef du plus grand parti chiite, le Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (CSRII), Abdul-Aziz al-Hakim, a d'ailleurs refusé de se rendre au Caire, où il a envoyé une délégation de moindre importance. Le vice-Premier ministre Ahmed Chalabi a également refusé l'invitation au Caire, tout comme le président de l'Assemblée nationale irakienne, Hashim al-Hassani, un sunnite. Dès le départ, les chiites, qui dominent le gouvernement de transition, se sont montrés sceptiques vis-à-vis de la conférence de réconciliation. La majorité chiite se méfie de la Ligue arabe, dont les 22 membres étaient majoritairement opposés à l'intervention militaire américaine en Irak en mars 2003 et se sont gardés ensuite d'intervenir dans la transition politique. L'organisation est accusée par les chiites de parti pris en faveur de la minorité sunnite. Le mois dernier, lors de sa première visite en Irak depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, Amr Moussa avait été vivement critiqué par les dirigeants chiites, qui accusent la Ligue arabe de tarder à agir et de ne pas condamner suffisamment les attentats menés par les insurgés.
Les chiites refusent de voir au Caire des responsables arabes sunnites issus du régime de l'ex-président Saddam Hussein ou de groupes favorables aux insurgés irakiens. La Ligue arabe a accepté d'exclure ceux qui sont impliqués dans des atrocités contre les Irakiens, parmi les invités, figurent les représentants de quatre partis sunnites clés.
Un nouveau parti pro-kurde a, le 9 novembre, déposé ses statuts au ministère turc de l'Intérieur. Le parti pour une société démocratique (DTP) rassemble de nombreux politiciens kurdes et devrait bénéficier de l’héritage et de l’électorat du DEHAP qui fait l’objet d’une procédure judiciaire visant à son interdiction. Les fondateurs de cette nouvelle formation, la 49e du pays, se sont réunis le 10 novembre pour élire les instances dirigeantes. Le parti a deux co-présidents, Ahmet Türk, ancien député de Mardin, membre du parti de la Démocratie (DEP-dissous), et Mme Tugluk, une avocate, connue pour avoir fait partie de la défense d’Abdullah Ocalan. « Nous oeuvrerons pour la paix », a déclaré Mme Tugluk. « Il y a un conflit kurde qui est d'actualité dans notre pays. Le DTP accorde de l’importance au règlement de cette question par voie de dialogue », a-t-elle encore déclaré aux journalistes devant le ministère de l'Intérieur.
Deux des quatre ex-députés du parti de la démocratie (DEP) qui ont purgé dix ans de prison pour « collaboration avec le PKK », figurent parmi les fondateurs. Les travaux de création du parti avaient débuté après leur libération. Mme Tugluk a expliqué que ces quatre personnalités dont Mme Leyla Zana, une militante des droits des Kurdes, étaient frappées par une interdiction d’activistes politiques et que Hatip Dicle et Selim Sadak étaient devenus fondateurs pour « voir si des poursuites seraient engagés contre eux ».
La Cour européenne des droits de l'homme a, le 22 novembre, jugé que la Turquie avait violé la liberté d'expression d'une avocate condamnée en 1997 pour « diffusion de propagande séparatiste par voie de presse ». La Cour a estimé qu'Ankara avait violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et alloué 7.500 euros pour préjudice moral à la requérante.
En avril 1995, dans le cadre d'un entretien avec la revue bimestrielle Medya Günesi, Eren Keskin avait qualifié de « guerre » et de « barbarie » les actions des autorités turques dans le Kurdistan, rappelle la Cour dans son arrêt. Deux ans plus tard, elle était condamnée par la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul à un an et quatre mois d'emprisonnement, une peine finalement réduite à un an, un mois et dix jours. En 1999, le procureur sursit à l'exécution de cette peine, en vertu d'une loi sur les infractions commises par voie de presse. « Les motifs retenus par les juridictions internes ne sauraient être considérés en eux-mêmes comme suffisants pour justifier l'ingérence dans le droit de la requérante à la liberté d'expression », a estimé la Cour. « La condamnation est disproportionnée aux buts visés et, dès lors, non nécessaire dans une société démocratique », a poursuivi la Cour, condamnant en outre la Turquie pour « procès inéquitable » en raison de la présence d'un magistrat militaire au sein la Cour de sûreté de l'Etat ayant jugé la requérante.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie pour avoir infligé deux ans de prison à un responsable politique local accusé « d'incitation à la haine ». La Cour a, le 8 novembre, estimé que la Turquie avait violé l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'homme et alloué quelque 3000 euros au requérant, Haydar Kaya, président de la section départementale d'Ankara du Parti de la main-d'œuvre à l'époque des faits. En 1997, il avait fait une déclaration publique condamnant notamment la politique de l'Etat turc et mettant en cause certaines personnalités politiques et militaires qu'il qualifiait de « putschistes » et de « bandes ». Une condamnation « disproportionnée aux buts visés et, dès lors, non nécessaire dans une société démocratique », selon les juges de Strasbourg.
Le Haut tribunal pénal irakien qui juge l'ancien dictateur Saddam Hussein et sept hiérarques de son régime a ajourné le 28 novembre le procès au 5 décembre. Le tribunal a fait cette annonce à la reprise de l'audience en début d'après-midi après une suspension d'environ une heure. Le collectif de défense de Saddam Hussein avait annoncé, la veille, son intention de demander un ajournement du procès. Saddam Hussein et sept hauts responsables de son régime sont jugés pour le massacre de 148 chiites à Doujaïl au début des années 1980.
La seconde audience depuis l'ouverture du procès le 19 octobre devant ce tribunal qui siège dans la Zone verte, secteur ultra-protégé de Bagdad, avait débuté à 12H17 (09H17 GMT), en présence de tous les accusés, de leur équipe de défense et de conseillers juridiques internationaux, dont l'ancien secrétaire américain à la Justice Ramsey Clark. Le dictateur déchu a été le dernier parmi les accusés à entrer dans la salle du tribunal. Il était vêtu d'une veste à l'occidentale et portait un Coran dans une main. Il a salué ses co-accusés qui avaient revêtu la dichdacha, robe traditionnelle arabe, et avaient la tête recouverte du keffieh. Les principaux co-accusés sont Taha Yassine Ramadan (ancien vice-président), Barzan Ibrahim al-Hassan al-Tikriti (demi-frère), Awad Ahmed al-Bandar (ancien juge du tribunal révolutionnaire et adjoint du chef du cabinet de Saddam Hussein). Les quatre autres sont des anciens responsables du parti Baas dans la région de Doujaïl, Abdallah Kadhem Roueid, Mezhar Abdallah Roueid, Ali Daeh Ali et Mohammed Azzam al-Ali.
Le Haut tribunal siège dans l'ancien quartier général du parti Baas et est présidé par le juge Rizgar Amin. Ce dernier indique dans un hebdomadaire allemand qu'il a songé à délocaliser le procès dans le Kurdistan où la sécurité aurait pu être mieux assurée. « Je me suis demandé si on ne devait pas déménager le tribunal dans les territoires kurdes », a affirmé le juge kurde dans le magazine Focus paru le 28 novembre. « Un procès doit avoir lieu dans des conditions de sécurité les plus normales possibles mais la situation ces derniers temps en Irak n'est pas normale », a-t-il insisté. Il a également assuré ne pas être motivé par « la colère » alors que certains l'accusent de vouloir régler ses comptes et ceux du peuple kurde avec Saddam Hussein au cours de ce procès. « Nous sommes un tribunal (...) Il n'y a pas pour nous de colère d'aucune sorte », a affirmé Rizgar Amin.
Des mesures de sécurité draconiennes ont été imposées à toute personne - magistrats, avocats, journalistes - entrant dans le bâtiment. Les journalistes ne peuvent détenir autre chose qu'un carnet de note « sans composant métallique », même les crayons étant fournis sur place. Les avocats de la défense sont arrivés parmi les premiers dans la salle d'audience. Khalil al-Doulaïmi, le principal avocat de l'ancien dictateur, était en tête du collectif de défense. A la suite de l'assassinat de deux d'entre eux depuis l'ouverture du procès le 19 octobre, les avocats de la défense avaient décidé de boycotter le tribunal, avant de revenir récemment sur leur décision. Le procès a continué à déclencher les passions chez les adversaires comme chez les partisans de l'ancien dictateur.
A Doujaïl, quelque 200 habitants ont manifesté en appelant à l'exécution de Saddam Hussein. Les manifestants, dont de nombreux parents de victimes, portaient des photos des habitants assassinés et des banderoles proclamant: « Maudits soient Saddam et le baassisme ! » et « Nous appelons à l'exécution du dictateur Saddam ». De nombreux barrages des forces de sécurité irakiennes ont été mis en place aux entrées de Doujaïl. Au contraire, à Tikrit, fief du dictateur déchu, plusieurs dizaines de personnes ont manifesté pour demander sa libération. Les manifestants, en majorité des étudiants, ont brandi des photos de l'ancien dictateur et lancé des slogans hostiles au gouvernement d'Ibrahim Jaafari: « Dieu est le plus grand! O Arabes, le procès est injuste ». Saddam Hussein risque, avec ses co-accusés, la peine de mort par pendaison à l'issue de ce procès devant le Haut tribunal pénal institué en décembre 2003 pour le juger, ainsi que les dirigeants de son régime pour des crimes contre l'humanité, génocide ou encore dilapidation des biens de l'Etat.
Allemagne a vendu à la Turquie 298 chars de combat de type Leopard 2 appartenant actuellement à l'armée allemande, a annoncé le 8 novembre un porte-parole du ministère de la Défense. Le contrat de vente, dont le montant n'a pas été précisé, a été signé le même jour par les deux parties, a précisé ce porte-parole.
La vente était jusqu'à présent vivement contestée en raison de la situation des droits de l'Homme en Turquie. Les Verts, membre de la coalition gouvernementale sortante, ont par le passé opposé leur veto aux livraisons de chars vers la Turquie en raison notamment de la situation dans le Kurdistan, et la crainte que des chars déjà livrés aient été ou soient utilisés contre des populations kurdes. L'Allemagne souhaite céder 850 de ses 1.200 chars Leopard 2 dans le cadre de la modernisation de son armée.
Selon la police, quelque 500 militants kurdes, ont, le 29 novembre, manifesté devant le Conseil de l'Europe à Strasbourg pour réclamer la libération d’Abdullah Ocalan condamné à la réclusion à vie en Turquie. Venus d'Alsace mais aussi d'Allemagne et des Pays-Bas, ils se sont réunis pacifiquement en matinée puis dans l'après-midi devant le Conseil de l'Europe derrière des banderoles réclamant la « paix au Kurdistan » et la « libération d'Ocalan ».
En mai dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait confirmé la condamnation de la Turquie pour le procès inéquitable d'Abdullah Ocalan et recommandé la tenue d'un nouveau procès. Condamné à mort en 1999, la peine du chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour « trahison et séparatisme » avait été commuée en réclusion criminelle à perpétuité le 3 octobre 2002. Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe tient fin novembre sa dernière réunion de l'année pour surveiller l'exécution des arrêts de la Cour européenne concernant plusieurs centaines d'affaires. Il étudie ainsi les réponses données par la Turquie sur plusieurs affaires, mais la condamnation d'Ankara par la CEDH s'agissant d'A. Ocalan ne figure pas à l'ordre du jour. Pour qu'il puisse bénéficier d'un nouveau procès, le condamné doit en faire la demande. L'intéressé a indiqué, par la voix de ses avocats, qu'il refuserait d'être jugé de nouveau en Turquie tant que l'impartialité des cours turques ne serait pas assurée.
À Erevan, près d'un millier de Kurdes d'Arménie avaient, le 9 novembre, manifesté pour exiger la libération d’Abdullah Ocalan et protester contre la politique d'Ankara visant le peuple kurde. Les manifestants avaient défilé au centre de la capitale arménienne avec pour slogans « Liberté à Ocalan » et « Paix au Kurdistan », avant de conclure leur action devant le siège de la représentation de l'ONU à Erevan. « Nous sommes très préoccupés par le sort de notre leader en prison (…) Nous condamnons également la politique de la Turquie (visant les Kurdes) et nous voulons que notre action de protestation attire l'attention de la communauté internationale (…) Nous frappons souvent aux portes de l'ONU, mais nous ne recevons rien que des promesses », a indiqué le dirigeant du Comité Kurdistan d'Arménie Therkez Rach, à la tête d'une communauté comptant entre 60.000 et 80.000 personnes, selon les estimations. À Chypre, un Kurde a le même jour tenté de s'immoler par le feu devant la représentation de la Commission européenne demandant justice pour Abdullah Ocalan. L'homme, âgé de 42 ans, souffre de brûlures au 2ème degré sur 18% de son corps. Quelque 150 Kurdes participaient à cette manifestation pour demander un procès juste pour leur leader Ocalan et dénoncer des violations des droits de l'Homme en Turquie. Les manifestations ont remis une pétition à un responsable de la représentation de l'UE à Chypre.
À Diyarbakir, une dizaine de personnes ont été blessées dans des heurts le 13 novembre entre la police et des manifestants à la fin d'un rassemblement de plus 10.000 personnes pour prôner une solution pacifique au problème kurde. La manifestation organisée par des ONG locales et des partis pro-kurdes sous le thème « démocratie et paix » s'est déroulée sous un strict dispositif de sécurité sur une place du centre-ville de la ville. Les manifestants à Diyarbakir ont scandé des slogans en kurde en faveur d’Abdullah Ocalan. La police anti-émeutes a fait usage de gaz lacrymogènes et de bâtons pour disperser un groupe de plusieurs centaines de personnes qui ont voulu organiser une marche à la fin du rassemblement. Dix personnes ont été blessées dans les heurts et la police a procédé à une dizaine d'interpellations.
Les autorités turques empêchent depuis plusieurs semaines les avocats du chef du PKK d'avoir accès à leur client. Selon Me Aysel Tugluk, les autorités ont « avancé des prétextes comme de mauvaises conditions météorologiques ou d'autres choses » pour refuser la demande des avocats de se rendre à Imrali par bateau, seule voie d'accès à cette île dont Ocalan est le seul détenu. Les avocats n'ont pas rencontré Ocalan depuis le 1er juin dernier. Dans un premier temps c'étaient les défenseurs qui avaient renoncé à se rendre à la prison en dénonçant des pratiques « anti-démocratiques » des autorités turques qui avaient enregistré leur entrevue avec Ocalan. « Mais nous avons décidé de parler à notre client pour évoquer sa défense », a expliqué Me Tugluk. Pour la première fois depuis plus de deux mois A. Ocalan a, le 2 novembre, reçu la visite de sa soeur et de son frère.
L'instabilité dans le Kurdistan s'est accrue à la suite de l'annonce en juin 2004 par le PKK qu'il mettait fin à une trêve unilatérale de cinq ans. Quatre gendarmes ont été blessés par l'explosion d'une mine télécommandée dans la province de Sirnak, a rapporté le 26 novembre l'agence de presse Anatolie, citant des sources de sécurité locales. La mine a été déposée sur une route, à huit kilomètres de la garnison de gendarmerie de la bourgade de Maden. La veille, des combattants kurdes présumés auraient attaqué à la roquette antichar un poste de police à Idil, province de Diyarbakir. Le 10 novembre, un combattant kurde du PKK a été tué par l'explosion d'une mine qu'il aurait tenté de poser dans la province de Tunceli, a affirmé le gouverneur de Tunceli Mustafa Erkal. Deux gendarmes turcs, un supplétif de l'armée et un combattant kurde ont été tués lors de l'attaque, dans la nuit du 1er novembre, d'un poste de gendarmerie dans la province de Sirnak. Quatre autres militaires ont été blessés durant l'assaut, mené par le PKK près de la ville d'Uludere, ont précisé ces sources, ajoutant qu'une vaste opération de sécurité était en cours pour traquer les combattants.
Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül a, le 1er novembre, évoqué une « nouvelle ère » avec les Etats-Unis dans la lutte contre les combattants kurdes de Turquie retranchés dans les montagnes du Kurdistan irakien. « Je peux vous annoncer que nous avons entamé un nouvelle ère », a-t-il indiqué, lorsqu'on lui demandait, lors d'une conférence de presse, si l'allié américain avait accepté d'agir contre le PKK face aux vives critiques d'Ankara. Sans vouloir donner plus de détails, le ministre a promis que les résultats de cette coopération seraient prochainement rendus publics. « Nous ne pouvons toute de suite récolter les fruits de la coopération contre le terrorisme », a-t-il ajouté. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait récemment averti que la Turquie était à bout de patience et lancé un nouvel appel aux Etats-Unis et à l'Irak afin qu'ils contrôlent le PKK qui attaquent la Turquie à partir des montagnes du Kurdistan. Ankara a menacé à plusieurs reprises de mener des incursions dans cette zone pour écraser les militants armés du PKK qui y ont trouvé refuge. Au grand dam d'Ankara, Washington a refusé de prendre des mesures militaires contre le PKK au Kurdistan irakien, mettant en avant l'instabilité de cette région.
Un conseil de surveillance des Nations unies a recommandé que les Etats-Unis remboursent à l'Irak 208 millions de dollars de factures apparemment abusives payées à une filiale de Halliburton. Le Conseil international de surveillance pour le développement de l'Irak a mené un audit sur la fourniture de produits pétroliers et le rétablissement des infrastructures pétrolières de l'Irak par Kellog, Brown and Root, filiale de Halliburton. Il a contesté des factures d'un montant de 208 millions de dollars, sur lesquelles des auditeurs militaires avaient déjà émis des doutes. Dans une déclaration publiée le 5 novembre sur son site internet, le Conseil « recommande que les montants payés aux entreprises et dont le bien fondé ne peut être prouvé soient promptement remboursés ». Cathy Mann, porte-parole de Halliburton, a fait valoir que l'audit mettait en doute la qualité des documents fournis à l'appui de la facture, pas la facture proprement dite. « Il serait dès lors totalement faux de dire ou d'insinuer qu'un quelconque de ces coûts encourus par le client sont abusifs », a-t-elle souligné.
Le Conseil de surveillance est habilité à formuler des recommandations mais elles n'ont pas force contraignante. Le compte pétrolier irakien, appelé Fonds de développement pour l'Irak, a été, tout comme le Conseil de surveillance, instauré par le Conseil de sécurité des Nations unies pour superviser la gestion des ressources naturelles de l'Irak sous le régime d'administration civile du pays par les Etats-Unis. Le Conseil de surveillance a été prorogé après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement provisoire irakien, le 29 juin 2004. En mai, le Conseil a noté « avec regret » que des auditeurs du Pentagone avaient tenté de lui dissimuler plus de 200 millions de dollars de factures apparemment abusives concernant des contrats payés avec l'argent du pétrole irakien et attribué sans appel d'offre à Halliburton, une entreprise dont le vice-président Dick Cheney a autrefois été PDG. Les auditeurs du Pentagone ont remis au Conseil des documents fortement remaniés en expliquant qu'ils avaient supprimé des passages pour protéger des secrets commerciaux. La divulgation ultérieure d'une version non remaniée a montré que les suppressions avaient été opérées pour dissimuler des factures contestables. Dans sa récente déclaration, le Conseil de surveillance indique que « le processus de justification de ces dépenses se poursuit ».
Un rapport rédigé par des militants américains et britanniques et publié le 22 novembre affirme que les multinationales continueront à piller les ressources pétrolières de l'Irak si la population irakienne ne proteste pas contre ces pratiques. Le pétrole est exploité en Irak en vertu d'un Accord de partage de production (APP), encouragé par Washington et Londres, qui génère pour les compagnies pétrolières de conséquents retours sur investissement mais prive l'Irak de 194 milliards de dollars, selon le rapport intitulé « Le pillage des richesses pétrolières irakiennes ». « Sous l'influence des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, des hommes politiques et des technocrates puissants du ministère irakien du Pétrole font pression pour confier tous les champs (pétrolifères) non exploités aux multinationales, afin qu'ils soient exploités en vertu des accords de partage de production », déclare Greg Muttitt, l'auteur du rapport. Greg Muttitt est chercheur au sein du collectif Platform, une organisation basée à Londres qui étudie les conséquences sociales et environnementales de l'exploitation du pétrole.
Des APP sont en vigueur depuis des années dans des pays comme la Russie, le Nigeria ou les Emirats arabes unis, permettant aux compagnies pétrolières internationales de réaliser d'importants profits. Dans son rapport soutenu par des associations caritatives et des groupes de réflexion, Muttitt estime que la motivation première de la politique de « sécurité énergétique » poursuivie par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en Irak est de s'assurer le contrôle de ce pays du Golfe fournisseur de pétrole. D'après le rapport, les pertes causées par l'APP pour l'Irak se chiffreraient de 2.800 à 7.400 dollars par habitant sur les 30 années de durée de vie d'un tel plan. En comparaison, le PIB irakien est aujourd'hui de 2.100 dollars par personne. Le rapport recommande à Bagdad de recourir aux investissements directs du gouvernement, d'emprunter aux banques ou aux agences multinationales et d'obtenir des investissements étrangers via des contrats plus flexibles et équitables. Mais de nombreux analystes estiment aussi que les APP, le type de contrat le plus recherché dans l'industrie pétrolière, permettront à l'Irak de développer rapidement ses immenses réserves pétrolières - les troisièmes plus importantes au monde après celles de l'Arabie Saoudite et de l'Iran -, tout en accélérant la reconstruction du pays et le retour des investisseurs. D'après eux, ces contrats sont les seuls susceptibles d'attirer les experts étrangers eu égard à l'instabilité du pays. Comme on pouvait le prévoir, les conclusions du rapport de Muttitt ont provoqué la colère des responsables irakiens et occidentaux du secteur pétrolier. « Cela ne vaut rien », s'insurge un responsable occidental. « L'APP est un moyen répandu de protéger le pays producteur et de créer des conditions optimales pour le gouvernement hôte et les compagnies pétrolières internationales ».
Par ailleurs, le programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE) a réuni jusqu'au 8 novembre la quatrième conférence des donateurs impliqués dans le projet de réhabilitation des marais du sud de l'Irak afin d'en faire le bilan et de coordonner les actions à venir. Monique Barbut, directrice de la division Technologie du PNUE, trois ministres irakiens et des représentants des autorités locales du sud du pays participent à la réunion présidée par le directeur exécutif du PNUE, Klaus Töpfer.
Grâce à l'action entreprise au début de 2004, l'eau a fait son retour sur 40% de la surface des marais, qui avaient été asséchés à plus de 90% par le régime de Saddam Hussein après le soulèvement chiite dans la région en 1991, a souligné M. Töpfer lors d'une conférence de presse. Les efforts se concentrent désormais sur l'accès à l'eau, sa filtration et sa potabilisation ainsi que sur les infrastructures sanitaires, afin de permettre aux populations de revenir s'installer dans les marais qu'elles avaient fuis. Selon le ministre irakien des Ressources hydrauliques, Latif Rachid, environ 70.000 personnes qui s'étaient réfugiées dans les villes ou en Iran voisin ont regagné leur région. « Mais il est impossible pour nous d'encourager d'autres à le faire car nous n'avons aucune infrastructure à leur offrir: ni route, ni eau, ni électricité, ni services de santé », a-t-il expliqué. Le dessèchement des marais par le régime baasiste, qui a procédé à des drainages massifs et à la construction d'une trentaine de barrages sur le Tigre et l'Euphrate, avait réduit la surface des marais de 9.000 km2 dans les années 70 à 760 km2 à la chute du régime en 2003.
De son côté, le gouvernement japonais a, le 24 novembre, décidé d'annuler environ 710 milliards de yens (7,8 milliards de francs) de créances qu'il détient sur l'Irak. Cela représente 80 % de la dette de Bagdad à l'égard de Tokyo. Cette décision correspond à l'accord du Club de Paris conclu en novembre 2004. Elle a été rendue publique à l'occasion d'une rencontre à Tokyo entre le ministre nippon des Affaires étrangères Taro Aso et son homologue irakien Hoshyar Zebari. Les deux ministres ont échangé des notes sur cet agrément nippo-irakien, fondé sur la déclaration du Club de Paris faite en novembre 2004 qui demandait une annulation de 80 % des dettes de l'Irak. Environ un tiers de la dette irakienne est détenue par des membres du Club de Paris. Le Fonds monétaire international (FMI) estime le montant global de la dette irakienne à quelque 120 milliards de dollars, en excluant les réparations dues au Koweït pour l'invasion de 1990 et la Guerre du Golfe de 1991.
La Fédération turque de football (TFF) a dénoncé le 28 novembre une référence à la langue kurde dans la section pour la Turquie dans l'Almanach 2006 de la Fédération internationale de football (FIFA), demandant qu'elle soit supprimée. Le nouvel almanach présente le kurde comme l'une des deux « langues officielles » de la Turquie, selon un communiqué de la fédération. Le document rappelle que la Constitution turque ne reconnaît qu'une langue officielle, le turc. « Réagissant immédiatement à cette édition, la Fédération turque de football a envoyé une lettre au président de la FIFA, M. (Joseph) Blatter, demandant la correction de cette erreur qui est une question vitale concernant l'unité nationale » turque, précise le communiqué. Le président de la TFF a évoqué une « erreur » de la part de la FIFA qui devrait être corrigée.
La FIFA a également ouvert une enquête sur l’accueil haineux réservé à l’équipe suisse lors d’une rencontre le 16 novembre à Istanbul. Des images vidéo contenues dans les bandes des caméras de surveillance du stade ont montré des scènes de castagne dans le tunnel et les vestiaires du stade d'Istanbul. La presse suisse, qui parle d’un « des matches les plus honteux entre nations qui ne sont pas en guerre », accuse ouvertement un coup monté par l'entraîneur turc Fatih Terim, des dirigeants de la Fédération turque de football et des mafieux. La FIFA va exiger ces bandes des Turcs et elle affirme que si elles ont disparu, les sanctions seront aggravées d'autant. Les événements ont eu lieu après le coup de sifflet final du match en barrage de qualification au Mondial-2006. Les joueurs suisses se sont engouffrés en courant dans le couloir menant aux vestiaires, essayant d'éviter les projectiles lancés par les supporteurs turcs. Des photos publiées dans la presse turque ont montré l’entraîner adjoint de l’équipe turque, Mehmet Özdilek faisant un croche pied sur la pelouse au milieu de terrain suisse Valon Behrami à la fin de la rencontre, suivi d'un coup de pied donné au technicien par le suisse Benjamin Huggel. La fédération turque de football (TFF) a, le 22 novembre, annoncé la démission de Mehmet Özdilek, l'un des deux entraîneurs adjoints de l'équipe turque de football, après son implication dans les incidents. La TFF, son président, Levent Biçakçi, et Fatih Terim restent sous le feu des critiques. Le ministre des Sports Mehmet Ali Sahin a annoncé qu'une enquête serait ouverte par des inspecteurs dépendant du bureau du Premier ministre à l'encontre de la Fédération et que, si nécessaire, il pourrait limoger son président.
Selon la presse suisse, Fatih Terim, engagé pour qualifier la Turquie, a usé de tous ses réseaux pour parvenir à une qualification pour la coupe du monde. Au cours d’une réunion décisive le 13 novembre à l'Hôtel Konrad d'Istanbul, en présence de l'adjoint de la police d'Istanbul, il a été décidé de déstabiliser les Suisses dès leur arrivée à l'aéroport.
Un autre dirigeant de la Fédération turque, Davut Disli, s'est assuré la collaboration de deux hommes d'affaires peu reluisants, associés au nom du chef mafieux turc Sedat Peker. Des badges rouges pour l’accès au stade ont été délivrés à deux hommes, Aydin et Kiratli, accusés aujourd’hui d'avoir violenté ou fait violenter les cameramen présents dans le « tunnel de la honte ». Les cameramen qui ont peur de témoigner aujourd’hui ont rapporté que l’entraîner turc et le gardien Volkan ont défoncé la porte des arbitres et qu’un des mafieux a fait trébucher le Suisse Grichting avant qu'il ne prenne un coup de pied dans les testicules.
Dans une interview au Matin dimanche le 20 novembre, l'ambassadeur de Turquie en Suisse Alev Kiliç a déclaré qu’il avait « eu honte » lorsqu'il a vu que les footballeurs suisses avaient dû fuir dans les vestiaires à l'issue du match Turquie-Suisse et qu'il attendait «plus de sens de l'hospitalité» de la part du peuple turc. Il a aussi critiqué la presse de son pays. L'ambassadeur de Turquie à Berne a été déçu de voir les panneaux hostiles aux Suisses dans l'aéroport d'Istanbul, une attitude qu'il qualifie de «honteuse et inacceptable». A la question de savoir ce qu'il pensait de la presse turque qui clamait que le premier but avait été marqué à l'aéroport, il a répondu: «C'est ordurier. Un match se gagne sur le terrain». Le diplomate ne pense pas cependant que la Turquie doit s'excuser officiellement.
Pour sa part, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a précisé au Matin dimanche que si l'enquête de la FIFA devait démontrer que des officiels turcs étaient impliqués dans les débordements du match, alors «elle s'engagera aussi officiellement».
La ministre suisse des affaires étrangères n'a pas adressé de note de protestation à Ankara et n'a pas non plus convoqué l'ambassadeur de Turquie à Berne. Elle avait écrit à son homologue turc pour lui faire part de son étonnement et de sa préoccupation suite aux événements lors de l'arrivée de l'équipe suisse à l'aéroport d'Istanbul.