Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, s'est, le 12 mars, rendu en Arabie Saoudite, à l'invitation du roi Abdallah, pour une visite de plusieurs jours, au cours de laquelle il a discuté avec les responsables saoudiens de la situation politique et de la sécurité en Irak. L'Irak a rouvert le 14 février son ambassade à Ryad, fermée depuis décembre 1990, peu avant l'opération américaine « Tempête du désert » déclenchée pour libérer le Koweït, envahi par les troupes de Saddam Hussein.
Par ailleurs, le Premier ministre du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, a, le 22 mars, de nouveau soulevé la question du référendum sur l'avenir de la ville de Kirkouk, en rappelant que « la patience des Kurdes n'est pas illimitée ». « Notre peuple se sent engagé envers l'Irak, mais notre patience n'est pas illimitée. En tant que dirigeants, nous avons de plus en plus de mal à expliquer à notre peuple pourquoi nos demandes ne sont toujours pas satisfaites », a déclaré M. Barzani.
Pour le Premier ministre kurde, qui s'exprimait à l'occasion de l'inauguration d'une usine de traitement des eaux, Bagdad n'a pas satisfait aux quatre demandes du peuple kurde. « Nous voulons un partage équitable des ressources du pays, une solution démocratique pour la question de Kirkouk, la possibilité de partager les fonds de la reconstruction et le respect des droits politiques et démocratiques », a-t-il énuméré. « Ce qui a été pris par la force doit être rendu pacifiquement et démocratiquement », a souhaité M. Barzani, à propos de la ville de Kirkouk. De son côté, Ashti Hawrami, le ministre kurde de l'énergie, a, le 23 mars, affirmé dans une interview au Financial Times, que le Kurdistan irakien veut augmenter fortement la présence des compagnies pétrolières étrangères sur son sol d'ici la fin de l'année. « Nous sommes en pourparlers avec de nouvelles compagnies », a affirmé le ministre. « Nous espérons que les opérateurs préféreront venir (au Kurdistan) pour s'y établir que d'investir dans le reste de l'Irak », a poursuivi le ministre. Selon le ministre, « il existe 15 compagnies avec lesquels nous voulons aboutir ». « Si nous en obtenons 10 autres, je serais très satisfait », a-t-il poursuivi. Une loi pétrolière qui doit être étudiée par le parlement irakien dans les deux mois à venir prévoit que l'industrie de ce secteur soit gérée par un Conseil fédéral du pétrole et une entreprise pétrolière nationale indépendante. Les revenus devraient être reversés dans un fonds fédéral et redistribués aux différentes provinces sur la base de leur population, soit environ 18% à 20% pour les Kurdes.
Kirkouk a été victime d'une politique d'arabisation forcée sous le régime de Saddam Hussein. L'article 140 de la Constitution irakienne prévoit la tenue d'un référendum controversé avant le 31 décembre 2007, pour décider de l'avenir de la région. Les autorités turques font tout leur possible pour empêcher la réalisation de ce référendum. Le chef de la diplomatie turque Abdullah Gül, a, le 4 mars, déclaré lors d’une réunion des ministres arabes des affaires étrangères au Caire que « les développements à Kirkouk pourraient avoir un effet négatif sur la région, alors qu'une réconciliation dans cette ville aurait des répercussions positives ». Le ministre a lancé un appel à la « préservation de l'unité de l'Irak, parce qu'un Irak divisé provoquerait une onde de choc à travers la région ».
Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, les violences interethniques y sont fréquentes. Le 19 mars, trois voitures piégées et deux bombes ont fait 18 morts et 37 blessés dans des explosions de manière quasi simultanée dans différents quartiers de la ville.
La conférence sur la sécurité en Irak à Bagdad le 10 mars a rassemblé les délégations de 17 pays et organisations internationales, des représentants des pays voisins de l'Irak et des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Le gouvernement du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a aussi invité la Ligue arabe et l'Organisation de la conférence islamique. Il s'agit de la conférence internationale la plus importante à Bagdad depuis le sommet de la Ligue arabe en 1990, trois mois avant l'invasion du Koweït sur l'ordre de Saddam Hussein.
L'organisation d'une telle rencontre, en présence de représentants de la Syrie et de l'Iran, que Washington accuse d'alimenter la violence en Irak, constitue un tournant, le Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki ayant jusque-là estimé qu'il revenait à l'Irak seul de régler ses problèmes. Les Etats-Unis accusent des agents iraniens de faire entrer en contrebande armes et explosifs destinés aux milices chiites en Irak, et utilisées contre leurs soldats. Et la Syrie fait figure pour Washington de principal point d'infiltration des combattants arabes venus rejoindre en Irak les groupes sunnites liés au réseau terroriste Al-Qaïda. Les relations sont également tendues avec l'Arabie saoudite, les responsables chiites irakiens accusant le royaume de financer les mouvements extrémistes sunnites, et avec la Turquie qui voit d'un mauvais œil l’autonomie du Kurdistan irakien. Pour le président irakien Jalal Talabani, la solution aux problèmes de l'Irak passe par la volonté commune des Etats-Unis, de l'Iran et de la Syrie de lutter ensemble contre les infiltrations de combattants en Irak. L'administration américaine n'a ainsi pas écarté des discussions bilatérales sur l'Irak avec Téhéran et Damas en marge de la conférence. L'ambassadeur des Etats-Unis en Irak Zalmay Khalilzad a donc expliqué avoir eu un échange de vues avec la délégation iranienne, « directement et en présence de tiers »: évoquant une « première étape », il s'est refusé à toute précision, parlant juste de contacts « constructifs, destinés à résoudre des problèmes », et portant uniquement sur l'Irak.
La sécurité était maximale pour cette réunion au ministère des Affaires étrangères, en dehors de l'hyper-protégée « zone verte » de Bagdad. Á l'ouverture de cette réunion, le Premier ministre Nouri al-Maliki, a déclaré que « l'Irak est devenu un champ de bataille en première ligne ». Le pays « a besoin de soutien dans cette bataille qui ne menace pas que l'Irak, mais qui se propagera à tous les pays dans la région », a-t-il ajouté. Il a également lancé une mise en garde voilée à l'Iran et à la Syrie, sans les nommer, affirmant que l'Irak « n'accepte pas que son territoire et ses villes deviennent le champ où se règlent les querelles régionales et internationales ». Au cours de cette conférence, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a appelé les voisins de l'Irak à cesser leurs ingérences dans le pays. L'ambassadeur américain Zalmay Khalilzad s'est félicité des discussions avec les Iraniens, tout en demandant aux voisins de l'Irak, dont l'Iran, de mettre fin à l'infiltration de combattants ou d'armes dans le pays. Le représentant iranien, le vice-ministre des Affaires étrangères Abbas Araghtchi, a rejeté les accusations américaines et affirmé l'Irak avait besoin, « pour assurer la paix et la stabilité (...) d'un calendrier de retrait des troupes étrangères ».
Tous les participants ont exprimé dans une déclaration de clôture « leur soutien à la souveraineté irakienne et le principe de non-ingérence ». Le porte-parole de la diplomatie iranienne Mohammad Ali Hosseini a, le 11 mars, affirmé à Téhéran que la conférence était un « bon premier pas », sans évoquer les échanges qui y ont eu lieu entre Américains et Iraniens. Quant au ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, il a estimé sur CNN que cette conférence, qualifiée de « succès majeur » pour son pays, avait tenté de « briser la glace » avec l'Iran, afin d'établir « un climat propice à des discussions ». Cette conférence d'une journée aura débouché sur la proposition d'une réunion de suivi « élargie » et à haut niveau, qui pourrait inclure les pays du G-8 et d'autres le mois prochain. Les délégués ont aussi décidé de mettre sur pied des commissions spécialisées, notamment sur l'aide aux déplacés ou encore la distribution de carburant et les ventes de pétrole. La rencontre a également été un forum où a été évoqué un éventail d'inquiétudes, entre celles des régimes arabes qui réclament plus de place pour la minorité sunnite dans l'équilibre politique irakien et s'inquiètent de la domination chiite, ou celles des Américains accusant Damas et Téhéran de fournir des armes à la résistance et de laisser les jihadistes étrangers entrer en Irak via leur territoire. Ou encore celles de la Turquie, opposée à un référendum sur l'avenir de Kirkouk.
Des centaines de milliers de Kurdes de Turquie ont célébré le 21 mars le nouvel an kurde, le Newroz, encadrés par d'imposants dispositifs de sécurité qui n'ont pourtant pas empêché des incidents de se produire, provoquant une cinquantaine d'interpellations. Des heurts ont ainsi marqué les festivités à Mersin, une ville du sud du pays qui compte une forte communauté de Kurdes immigrés. Un millier de manifestants, pour la plupart des jeunes, se sont heurtés aux forces de l'ordre après les festivités. Plus d'une vingtaine d'entre eux ont été interpellés et il a y eu des blessés, lors de l'intervention musclée de la police. La police a procédé en outre à une trentaine d'interpellations dans d'autres villes, notamment dans les provinces kurdes. A Diyarbakir, plus de 100.000 personnes se sont rassemblées dès les premières heures de la matinée sur la Place des Foires, lieu traditionnel des festivités, dansant aux mélodies des chansons folkloriques. Les festivités étaient organisées par le principal parti pro-kurde, le DTP (Parti pour une société démocratique). Des milliers de policiers soutenus par des véhicules blindés ont été déployés aux abords pour assurer l'ordre sur les lieux. La police a tiré en l'air lorsque la foule a lancé des pierres contre des agents qui avaient interpellé un groupe de jeunes. Trois femmes ont été blessées par des jets de pierres dans un autre incident. A Istanbul, ils étaient quelque 50.000, selon la police, à se réunir sur un terrain vague de Zeytinburnu, dans la partie européenne de la ville. Comme le veut la tradition, les gens, dont des femmes portant des vêtements traditionnels, ont sauté sur les feux ou les pneus brûlés.
Les Kurdes de Turquie, plus de 15 millions de personnes, profitent habituellement du Newroz pour réclamer des droits fondamentaux et afficher pour nombre d'entre eux leur soutien aux séparatistes du PKK. Depuis plusieurs années, des célébrations officielles sont également organisées par l'Etat turc pour cette antique fête païenne qui marque aussi l'arrivée du printemps et est célébrée en Iran et dans les communautés musulmanes d'Asie centrale. En 1992, le 21 mars avait été marqué par des affrontements sanglants entre le PKK et les forces de sécurité, faisant une cinquantaine de morts. Plus récemment, en 2002, deux personnes avaient été écrasées par un véhicule de la police qui réprimait une manifestation à Mersin.
Au Kurdistan irakien, jour férié, le 21 mars est célébré officiellement. Aussi, des festivités ont-elles été organisées aux quatre coins du pays avec des concerts et des danses folkloriques. Les familles ont également profité des congés pour aller pique-niquer et célébrer l’arrivée du printemps.
En Europe, la diaspora a également organisé des célébrations. A Londres, le maire, Ken Livingston a officiellement reçu les représentants des différents centres kurdes. « Le Newroz est une opportunité pour apprendre davantage sur les différentes communautés de Londres et je veux souhaiter à tout le monde un heureux Newroz » a déclaré le Maire de Londres. Plus d’une trentaine d’écoles et de collèges à Londres et dans sa périphérie étaient mobilisés pour les célébrations qui avaient débuté au début du mois avec « les journées de jeux des enfants ». Quelques dizaines de milliers de londoniens ont assisté aux concerts d’Hackney, point d’orgue des festivités rassemblant plus de 50 000 personnes. Á Paris, l’Institut kurde a célébré comme chaque année le Newroz en présence des responsables politiques kurdes et français. Le musicien de renom, Sivan Perwer a animé la soirée avec son groupe venu spécialement pour les festivités.
Le parquet de Bursa, province dont dépend l'île-prison d’Imrali où Abdullah Ocalan, chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) purge une peine de prison à vie, a, le 12 mars, indiqué que le rapport de l'Institut de médecine légale d'Istanbul qui a procédé à des prélèvements sur ce dernier a révélé qu'il n'a pas été empoisonné. « Il a été déterminé avec certitude que les allégations d'empoisonnement sont totalement sans fondement », de source judiciaire. Un groupe de spécialistes s'était rendu au début de la semaine précédente à Imrali pour des tests (urine, selles, sang, cheveux) sur le prisonnier. Les avocats d'Abdullah Öcalan ont rendu public le 1er mars à Rome les résultats d'analyses faites sur des cheveux du prisonnier, qui établissent selon eux que leur client souffre d'un empoisonnement vraisemblablement dû à l'ingestion de métaux toxiques - du chrome et des doses de strontium extrêmement élevées. Les défenseurs d'Abdullah Öcalan ont fait analyser six cheveux de leur client, sans préciser son identité, par un toxicologue français, Pascal Kintz, qui a indiqué y avoir identifié des doses de chrome « sept fois supérieures à la moyenne » ainsi que des doses de strontium extrêmement élevées. L'interprétation de cette analyse a été confirmée par deux laboratoires à Oslo et Rome, ont-il affirmé. Me Giuliano Pisapia, l'un des défenseurs italiens du dirigeant kurde, a affirmé qu'il souffrait « d'un empoisonnement progressif » et a exclu que cet état soit dû à l'environnement. L'un de ses avocats turcs, Mahmut Sakar, a demandé que l'ONU, le Conseil de l'Europe ou son comité pour la prévention de la torture prennent l'initiative d'envoyer une « délégation médicale indépendante » pour procéder à un examen médical du condamné. Cemil Ciçek, ministre de la Justice, avait déclaré : « c'est un mensonge. La Turquie ne s'est jamais abaissée à un tel niveau ». Des représentants du Conseil de l'Europe ont à plusieurs reprises rendu visite au chef du PKK et trouvé son état de santé satisfaisant, mais ont recommandé un allègement de son isolement. Le Conseil de l'Europe a déclaré le 16 février dernier ne rien avoir « trouvé à redire » au rejet par la Turquie de la demande par Abdullah Öcalan d'un nouveau procès.
Le général à la retraite Hursit Tolon, qui fut en charge d'Imrali, a pour sa part expliqué dans les colonnes du journal Sabah que les mesures de sécurité dans cet établissement pénitentiaire spécial rendaient impossible tout empoisonnement. «Pas un cheveu ne peut sortir» ou entrer sans autorisation, a-t-il expliqué. Tout contact physique avec Abdullah Ocalan est interdit, a-t-il encore précisé, même de lui serrer la main. Et quand ses avocats lui rendent visite, ils s'assoient à bonne distance sous surveillance constante. Il a expliqué également que toute la nourriture consommée par le prisonnier était testée et que les soldats assurant sa garde mangeaient la même chose. Le procureur de Diyarbakir a quant à lui demandé l'ouverture d'une enquête sur les avocats ayant évoqué cet empoisonnement, Mes Mahmut Sakar et Irfan Dundar.
« Si ces allégations sont vraies, ça veut dire qu'un meurtre prémédité est en train d'être commis consciemment », a déclaré lors d'une conférence de presse à Ankara Aysel Tugluk, la vice-présidente du Parti de la Société Démocratique (DTP). « Öcalan a une influence sur la population kurde », a-t-elle ajouté. « Si quelque chose de mal se produit, ceux qui ont des sympathies pour lui vont réagir (...) la Turquie sera confrontée à des dangers très graves ». Des groupes de sympathisants du PKK ont affronté la police le 11 mars dans plusieurs villes kurdes et turques. Dans la ville portuaire de Mersin (sud), des manifestants ont tenté de bloquer des rues d'un quartier périphérique avec des conteneurs de poubelles et des pneus enflammés en protestation. Après des échanges de jets de pierre et de grenades lacrymogènes, des unités de policiers anti-émeutes ont donné l'assaut aux barricades avec le soutien de véhicules blindés. La veille, des inconnus masqués avaient jeté un cocktail Molotov contre un bus municipal avant d'être repoussés par un policier en civil qui a tiré en l'air. L'incident n'avait pas fait de victimes. Des incidents se sont également produits à Urfa, où un groupe de manifestants a jeté un cocktail Molotov sur une pelleteuse. A Istanbul, une centaine d'individus masqués ont investi les rues du quartier périphérique d'Esenler, sur la rive européenne de la métropole, et jeté des cocktails Molotov sur des véhicules en stationnement, brûlant trois voitures. De plus, des milliers de Kurdes ont défilé en Europe, dont plus d'un millier de Kurdes le 3 mars à Marseille pour protester contre l'empoisonnement d’Abdullah Öcalan et réclamer sa libération. Ils se sont rendus devant les représentations de l'Union européenne et du Parlement européen à Marseille. Des manifestants kurdes ont également investi brièvement le 1er mars le siège européen des Nations unies à Genève afin de protester. Déjouant la vigilance des gardiens de l'ONU, une vingtaine d'hommes ont escaladé les barrières protégeant l'enceinte du bâtiment et pénétré dans la cour principale avant d'être interpellés par la sécurité.
Par ailleurs, l'armée turque a, le 11 mars, découvert les cadavres de sept combattants kurdes du PKK et en a abattu un huitième, selon les sources locales de sécurité. Les corps des membres du PKK, qui portaient encore leurs armes, ont été trouvés au cours d'une opération de ratissage dans une zone rurale de la province de Diyarbakir, ajoutant que les militants n'avaient pas été tués lors de combats avec les forces de sécurité. L'hypothèse d'un règlement de comptes ou d'une exécution au sein du groupe armé a été émise par les autorités turques. Un combattant kurde a par ailleurs été abattu par l'armée dans la province voisine de Mardin lors de combats dans une zone rurale proche de la localité de Nüsaybin. Deux soldats ont, le 20 mars, été blessés par l'explosion d'une mine posée dans la province kurde de Bitlis. L'engin a explosé alors que les soldats menaient une opération de ratissage dans une zone rurale, selon le gouverneur de la province Mevlut Atbas. Les sources de sécurité turque avaient, le 1er mars, déclaré qu’un enfant de huit ans avait été tué par l'explosion d'un objet non identifié dans la province de Siirt. Yusuf Aydinalp avait découvert l'objet dans un champ proche de sa maison, dans le village de Belenoluk, et joué avec, provoquant son explosion. D’autre part, les autorités turques ont, le 30 mars, annoncé la découverte des corps de deux combattants kurdes abattus lors de combats avec les forces de sécurité dans la province de Sirnak.
De plus, une explosion a fait le 29 mars un mort et dix blessés dans un hôtel de luxe en Turquie, selon un bilan annoncé par les médias du pays. C'est une bonbonne de gaz qui a explosé dans la cuisine de l'établissement situé dans la cité balnéaire de Belek près d'Antalya dans le sud de la Turquie. Un groupe armé kurde responsable de plusieurs attentats à la bombe en Turquie a menacé d'attaquer des cibles touristiques dans le pays et conseillé aux touristes européens d'éviter de s'y rendre, selon l'agence pro-kurde Firat. Le groupe des Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), dans un communiqué publié le 4 mars sur le site internet de Firat, fait état de l'arrestation le mois dernier de 15 Kurdes soupçonnés d'être des membres en France et en Belgique et accuse les pays européens de s'en prendre aux Kurdes pour sauvegarder leurs intérêts économiques en Turquie. La Turquie accuse le TAK d'être une organisation de façade du PKK tandis que le PKK affirme qu'il s'agit d'un groupe dissident sur lequel il n'exerce aucun contrôle.
Depuis le déclenchement de la guerre le 20 mars 2003, la Force multinationale dirigée par les Etats-Unis a perdu environ 3.500 hommes en Irak, dont une majorité d'Américains. Par ailleurs, selon un décompte du site internet Irak Body Count, au moins 60.000 civils irakiens ont été tués depuis le début de l'intervention militaire. En octobre 2006, la revue britannique Lancet chiffrait pour sa part à plus de 600.000 le nombre de civils tués. Les forces de sécurité irakiennes ont également payé un lourd tribut puisque, selon les autorités, près de 12.000 policiers sont tombés depuis le renversement de Saddam Hussein. Le quatrième anniversaire de la guerre en Irak coïncide pour George W. Bush avec une épreuve de force avec le Congrès. Les démocrates veulent assortir la loi d'un calendrier de retrait d'ici à l'automne 2008. Le président américain a, le 19 mars, appelé les Américains à la patience et a déclaré que le moment n'était pas venu de « plier bagage et de rentrer à la maison », face à une réprobation sans cesse grandissante de la guerre engagée en Irak. Lors d'une vidéo-conférence, M. Bush, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki et le commandant américain en Irak, le général David Petraeus, sont convenus que la réussite du plan de sécurité de Bagdad prendrait « des mois, et non pas des jours ou des semaines ».
Le Sénat américain a, le 29 mars, adopté un texte appelant à un début du retrait des troupes américaines d'Irak, malgré la menace d'un veto présidentiel. La proposition de loi, adoptée par 51 voix contre 47, demande à M. Bush d'entamer le retrait des troupes dans un délai de 120 jours et fixe l'objectif -non contraignant- de mettre un terme aux opérations de combat d'ici au 31 mars 2008. Il prévoit également une enveloppe de 122 milliards de dollars (91 milliards d'euros) pour financer les opérations militaires américaines en Irak et en Afghanistan. Le texte constitue un désaveu inhabituel pour un président américain en temps de guerre. Le plus cinglant infligé à ce jour par le Sénat à l'administration Bush sur la guerre en Irak, qui a fait plus de 3.200 morts parmi les soldats américains et coûté 530 milliards de dollars (262 milliards d'euros) depuis mars 2003. Mais M. Bush a la possibilité de lui opposer son veto. Ce vote suit celui de la Chambre des représentants qui a approuvé un texte similaire. Le vice-président irakien Tarek al-Hachemi a, le 24 mars, jugé devant la presse à Tokyo où il achevait une visite de quatre jours au Japon qu’un retrait rapide des troupes américaines d'Irak ne servirait pas les intérêts irakiens ni occidentaux. Un retrait immédiat risquerait d'aboutir « au chaos et le chaos à la guerre civile », a-t-il prévenu.
Voici le bilan des morts par nationalité depuis 2003:
Le dernier rapport trimestriel du Pentagone sur la situation en Irak intitulé « Stabilité et sécurité en Irak » publié le 14 mars révèle que le nombre d'attaques durant le dernier trimestre de 2006 a atteint un niveau jamais égalé depuis 2003. Durant les trois derniers mois de 2006, Bagdad a enregistré 45 attaques par jour. En décembre, le nombre de morts a grimpé à 1300 contre moins de 100 en janvier 2006, selon le rapport. Faisant écho à un récent rapport des services de renseignement américains, le document juge que le terme de « guerre civile » ne permet pas de saisir la complexité du conflit, qui inclut des violences confessionnelles, mais aussi des attaques contre les forces de la coalition et des délits de droit commun. En conclusion, le rapport indique que le nombre d'attaques entre le 1er janvier et le 9 février 2007 a dépassé les 1000, contre une moyenne hebdomadaire de 900 au cours des six derniers mois de 2006.
Les militaires américains s'inquiètent du recours de plus en plus fréquent à des bombes capables de percer les blindages et qui, selon les autorités américaines, sont fabriquées en Iran. Ces bombes ont tué plus de 170 militaires américains en Irak depuis 2004. En dépit des opérations à Bagdad impliquant plus de 90.000 militaires irakiens et américains, les violences se poursuivent dans la capitale. Le plus meurtrier depuis le lancement du nouveau plan de sécurité s’est produit le 29 mars où près de 60 personnes ont été tuées dans un double attentat suicide sur un marché du nord-est de Bagdad.
Le nombre d'Irakiens tués dans des violences a légèrement baissé en février mais reste trois fois plus important qu'à la même période en 2006. Le nombre de civils tués était en février de 1.646, en baisse de 8% par rapport à janvier (1.992), avec une moyenne de 59 morts par jour, selon un bilan obtenu à partir de chiffres des ministères de la Défense, de l'Intérieur et de la Santé irakiens. Ce chiffre, en légère baisse par rapport aux mois précédents, est cependant trois fois plus élevé qu'en février 2006, quand 548 civils ont été tués et quelque 500 blessés. La spirale des violences confessionnelles s'était justement accélérée à partir de ce mois là, notamment après l'attentat qui avait détruit un mausolée chiite dans la ville sunnite de Samarra (125 km au nord de Bagdad), le 22 février. Ces données ont été publiées tout juste deux semaines après le lancement, le 14 février, du nouveau « plan de sécurité » pour Bagdad, où fouilles, barrages et opérations de ratissage se sont multipliés. La situation à Bagdad est « épouvantable », a estimé pour sa part Timothy Carney, le coordinateur américain pour la reconstruction en Irak, dans un entretien à la radio publique américaine NPR. En juin 2003 « on pouvait se balader dans sa propre voiture, aller au restaurant (...) On sentait de la détermination, la certitude que les choses allaient de l'avant. Quand je suis revenu en février (2007), j'ai trouvé la situation épouvantable au niveau de la sécurité », a-t-il témoigné.
Au mois de mars, à l'approche d'une des grandes fêtes de l'islam chiite, les attaques visant les pèlerins chiites se sont intensifiées. Le 6 mars, deux kamikazes se sont fait sauter au milieu de la foule des pèlerins chiites qui attendait de passer un barrage à Hillah, à 95km au sud de Bagdad, faisant au moins 120 morts et 190 blessés, l'un des plus sanglants depuis le début de l'année. Les victimes étaient en route pour Kerbala, à 80km au sud de la capitale irakienne, en prévision de la fête de l'Arbaïn. Les chiites marquent à cette occasion la fin du deuil de 40 jours après le martyre de l'imam Hussein, petit-fils du prophète et fils d'Ali à la bataille de Kerbala au VIIe siècle, commémoré, lui, lors de la fête de l'Achoura, la plus importante du calendrier chiite. De plus, trente Kurdes chiites irakiens ont, le 7 mars, été tués dans une attaque suicide à Baladruz (100 km à l'est de Bagdad), au lendemain de cet attentat particulièrement sanglant à Hilla. Un kamikaze est entré dans un café du quartier Mandeli fréquenté par des jeunes et s'est fait exploser, selon la police. Le quartier est majoritairement composé de Kurdes chiites, les « faïlis ». Selon un militaire américain, l'explosion a également blessé une quarantaine de personnes qui déambulaient dans le marché avoisinant. Par ailleurs, un double attentat au camion piégé commis le 27 mars à Tal Afar, dans le nord-ouest de l'Irak, s'élève à 85 morts et 183 blessés. Le plus gros des deux camions contenait entre 3 et 4,5 tonnes d'explosif, ce qui en fait l'une des bombes les plus importantes depuis le début de l'intervention américaine. Quelques heures après cet attentat qui visait, semble-t-il la communauté chiite, 70 sunnites ont été exécutés en représailles, selon le bilan établi par les forces irakiennes. Le premier ministre irakien Nouri Al Maliki a ordonné l'ouverture d'une enquête sur la présence éventuelle de policiers parmi les auteurs du massacre.
D’autre part, le Haut Commissariat de l'Onu aux réfugiés va renforcer sa présence dans ses différentes missions en Irak, où 50.000 personnes quittent chaque mois leur domicile, selon Antonio Guterres, le responsable du HCR. L'agence estime que deux millions d'Irakiens ont fui le pays depuis le déclenchement, il y a quatre ans, de l'intervention anglo-américaine. Par ailleurs, on dénombrerait 1,7 million de déplacés à l'intérieur de l'Irak. « Nous allons établir une présence internationale à Bagdad et renforcer les activités de nos sept antennes dans ce pays », a déclaré le 31 mars Antonio Guterres après un entretien à Bagdad avec le Premier ministre irakien, Nouri al Maliki, et plusieurs membres de son gouvernement. Quelque 712.000 Irakiens ont perdu leur domicile en 13 mois de violences intercommunautaires déclenchées par l'attentat de février 2006 contre la Mosquée d'or de Samarra.
A l'occasion d'une visite qui met fin à deux ans de gel des contacts de haut niveau entre l'Union européenne (UE) et Damas, le porte-parole de la diplomatie européenne Javier Solana a demandé le 14 mars à la Syrie de contribuer davantage à apaiser les tensions au Liban et en Irak. Au cours de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, Oualid al Moualem, et le vice-président Farouk al Chara, Javier Solana a exhorté la Syrie à combattre le trafic d'armes transfrontalier entre leur pays et le Liban, et à favoriser une stabilisation de l'Irak. Les autorités de Bagdad accusent la Syrie d'héberger un grand nombre d'anciens agents des services de renseignement de la défunte armée irakienne. Il a ensuite rencontré le président al-Assad.
Par ailleurs, le quotidien russe Kommersant, relève dans son édition du 6 mars que le journaliste russe Ivan Safronov, mort en tombant du quatrième étage de son immeuble à Moscou, enquêtait sur des ventes d'armes russes à la Syrie et à l'Iran. Cet ancien colonel, qui écrivait sur l'armée et l'espace, avait indiqué avoir des « reçu des informations » concernant la vente de chasseurs Soukhoï-30 à la Syrie et de systèmes de batteries anti-aériennes S-300 à l'Iran qui « devaient passer par le Bélarus afin que l'Ouest n'accuse par Moscou d'armer des Etats voyous », selon Kommersant. Ivan Safronov avait appelé ensuite fin février d'Abou Dhabi où il couvrait le plus grand salon d'armement du Moyen-Orient, l'IDEX-2007, en disant « avoir la confirmation irréfutable » de ces informations, poursuit le quotidien. De retour à Moscou, il avait parlé à des confrères de « la signature par la Russie et la Syrie de contrats portant sur des systèmes anti-aériens Pantsir C1, des chasseurs MiG-29 et des missiles (tactiques) Iskander », ajoute Kommersant.
En mai 2006, la revue britannique spécialisée Jane's avait affirmé qu'un contrat de vente de missiles S-300SP de Moscou à Minsk avait en fait pour but de vendre indirectement ces armes à Téhéran. Dans la foulée, le ministère russe de la Défense avait assuré que le Bélarus ne vendrait pas de missiles S-300 à l'Iran. Après Kommersant, l'Union des journalistes de Russie (SJR) a émis des doutes sur la thèse du suicide et a annoncé qu'elle envisageait de mener sa propre enquête sur la mort d'Ivan Safronov. La justice russe a ouvert une enquête pour « incitation au suicide » après la mort du journaliste.
En tournée d'adieu au Kurdistan irakien le 23 mars, l'ambassadeur des Etats-Unis a été qualifié par les dirigeants kurdes de « frère d'armes » ayant participé à leur libération. Pour l'ensemble du pays, l'héritage de Zalmay Khalilzad semble plus contrasté. A l'approche de son départ prévu dans le courant de la semaine, Khalilzad se dit fier de son rôle dans le renversement de Saddam Hussein, aussi bien en coulisses avec les exilés irakiens avant l'intervention américaine de 2003, qu'en tant qu'ambassadeur pendant 21 mois. « J'aimerais que la situation soit différente », a déclaré Khalilzad lors de son déplacement au Kurdistan. « Elle n'est pas aussi bonne que ce que je souhaiterais, mais je crois que les dirigeants irakiens doivent prendre les décisions qui s'imposent, notamment les dirigeants sunnites et chiites. Les compromis doivent être trouvés. »
Lors d'une réception organisée le 24 mars par le Premier ministre Nouri al Maliki, Khalilzad a pris des accents idéalistes, évoquant la « grande idée » de la démocratie et de la prospérité, une vision aussi réaliste pour le Proche-Orient que pour l'Amérique à ses yeux. Il a aussi jugé que les Etats-Unis avaient eu tort de laisser Saddam Hussein au pouvoir après la première Guerre du Golfe en 1991. « J'ai le sentiment que nous avons fait le mauvais choix en imposant à l'Irak les sanctions et Saddam », a-t-il déclaré. Interrogé sur son avenir lors de son déplacement au Kurdistan, Khalilzad a répondu: « Je glisse toujours une lettre de démission dans un tiroir quand je commence un travail. »
D'après ses collaborateurs, Khalilzad se démène pour tenter d'arracher des compromis avant son départ. Il fait la navette entre les dirigeants irakiens afin de trouver des accords sur une loi pétrolière et sur des amendements à la législation interdisant aux membres du Parti Baas de postuler à des emplois dans la fonction publique.
Le gouvernement irakien prépare un projet de loi destiné à faire revenir dans le jeu politique et social les anciens du parti Baas dissous de Saddam Hussein, au nom de la réconciliation nationale, dans l'espoir de faire baisser les violences. « Tout en gardant en mémoire l'ampleur des crimes commis contre tous les Irakiens par l'ancien régime et les chefs du parti Baas, nous présentons la loi de “transparence et réconciliation“ pour construire un pays ouvert à tous les Irakiens qui veulent un Irak libre et démocratique, sans divisions confessionnelles, racisme et discrimination », selon le projet de loi. Concrètement, la loi va permettre à un certain nombre d'anciens membres du Baas, le parti au pouvoir sous l'ancien président Saddam Hussein, de postuler à des emplois publics, y compris l'armée, et de participer à la vie politique. La débaassification, entamée aussitôt après le renversement du régime de Saddam Hussein le 9 avril 2003, trois semaines après l'intervention américaine de l'Irak, a visé des centaines de milliers d'anciens adhérents du parti unique, et pas seulement les anciens cadres de cette formation. Selon de nombreux observateurs, cette politique a non seulement privé l'administration et l'armée de nombreux cadres expérimentés, mais elle a aussi poussé vers l'insurrection les militants n'ayant plus d'avenir sous le nouveau régime.
Le nouveau projet de loi prévoit la création de comités ayant le pouvoir de réembaucher ou d'octroyer des pensions à d'anciens baassistes. Ces comités vont ainsi rendre plus flexibles les interdictions d'exercer pour certains anciens cadres du parti dissous. « Ceux qui ont été cible de l'épuration pourront retrouver leurs anciens emplois, s'ils ne faisaient pas partie des cadres dirigeants de l'ancien régime et s'ils ne sont pas impliqués dans des activités criminelles », a résumé l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, Zalmay Khalilzad. Cette politique s'inscrit dans la stratégie des Etats-Unis visant à isoler l'organisation terroriste Al-Qaïda des groupes armés sunnites composés d'anciens baassistes. Pour Hassan al-Sounaïd, député chiite du Dawa, le parti du Premier ministre Nouri al-Maliki, cette loi, qui devrait « être adoptée rapidement », « permettra de réduire le cycle de la violence si les Baassistes reviennent ». « Le Baas a des professionnels qui savent faire marcher l'administration, savent travailler pour l'Etat. Aujourd'hui, l'administration est mal gérée. On aurait pu bénéficier des gens de l'ancien régime dès le départ. Ce sera dur de les ramener. C'est une bonne mesure mais elle vient tard », regrette toutefois le député kurde Mahmoud Othman. Mais du côté des députés sunnites, Omar Abdel-Sattar Mahmoud, du Parti islamique, n'attend pas grand-chose de la loi: « Le Baas a déjà été éradiqué. Nous sommes plus intéressés par la fin du terrorisme et de l'ingérence des pays voisins ».
Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Ryan Crocker, a prêté serment le 29 mars lors d'une cérémonie à l'ambassade américaine à Bagdad au cours de laquelle il a appelé le gouvernement irakien à œuvrer pour l'unité d'un pays en proie aux violences intercommunautaires. Agé de 57 ans, parlant couramment l'arabe, M. Crocker, qui succède à Zalmay Khalilzad -nommé par le président Bush au poste d'ambassadeur des Etats-Unis aux Nations unies-, a admis qu'il allait assumer, avec ce poste, la « mission la plus délicate de politique étrangère » des Etats-Unis.
Le général commandant les forces terrestres turques Ilker Basbug a, le 10 mars, affirmé que l'armée turque pouvait agir « à tout moment » contre les combattants kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) établis dans le Kurdistan irakien. « Les actes terroristes commis en Turquie sont directement influencés par les développements se produisant en Irak », a déclaré le général lors d'une visite à Diyarbakir. « La République turque est un Etat souverain. Quand les nécessités militaires le requièrent, elle peut à tout moment prendre toute mesure qu'elles jugera appropriée contre l'organisation terroriste séparatiste dans le nord de l'Irak », a-t-il poursuivi. L'officier, venu « évaluer la situation » dans les provinces kurdes à l'approche du printemps, s'est adressé à la presse après une visite à un hôpital militaire où sont soignés des victimes de combats récents avec le PKK. Selon des sources de sécurité, deux « gardiens de village », une milice armée par l'Etat turc pour contrer le PKK, ont été tués le 9 mars dans le secteur de Besta, dans la province de Siirt, et un combattant kurde a été abattu le 8 mars dans la zone montagneuse de Sirnak.
Le général Basbug a évalué à entre 1.100 et 1.200 le nombre de combattants kurdes restés en Turquie pendant l'hiver et à entre 3.500 et 3.800 ceux des camps du PKK dans le Kurdistan irakien. Ankara montre une impatience croissante devant la réticence des responsables américains et irakiens à agir contre le PKK. Les Etats-Unis ont déconseillé à la Turquie d'intervenir militairement contre le PKK en territoire kurde d’Irak, craignant qu'une telle opération ne déstabilise une région restée relativement calme.
De son côté, Yahya Rahim Safavi, un commandant des Gardiens de la révolution, cité le 28 février, par l'agence iranienne Mehr, avait menacé d'une incursion militaire le Kurdistan d'Irak. « Nous nous réservons le droit de les pourchasser au-delà des frontières (iraniennes) » avait-il averti. De violents affrontements opposent les soldats iraniens et les combattants du Parti pour une vie libre au Kurdistan (PEJAK), l'aile iranienne du PKK. Forts de quelques milliers d’hommes, les combattants kurdes ont établi des camps militaires sur les hauteurs de Qandil, la chaîne montagneuse qui sépare l'Irak de la Turquie et de l'Iran. Depuis la trêve avec la Turquie, décrétée unilatéralement par le PKK, le 1er octobre 2006, les combattants kurdes se sont concentrés sur le « Front Est », en Iran, en multipliant les embuscades, opérations de sabotages et attaques d'hélicoptères. Le 1er mars, l'armée iranienne a annoncé un nouveau bilan : plus de 40 morts dans les rangs des combattants kurdes au cours des sept derniers jours, dont 17 le 28 février, contre 7 morts côté iranien.
La cinquième réunion du Comité des donateurs pour le Fonds international de reconstruction de l'Irak (IRRFI) a entamé ses travaux, le 19 mars à Istanbul, en présence de représentants de 19 pays donateurs. Intervenant à l'ouverture de cette réunion, le ministre irakien du Plan et du Développement, Ali Baban, a souligné que la stabilité et le rétablissement de l'ordre en Irak seraient dans l'intérêt de la Turquie et de l'ensemble des pays voisins, précisant que la stabilité du pays passe inévitablement par la consolidation des assises économiques. Le Comité IRRFI, dont l'objectif est d'aider les pays donateurs à rassembler les ressources et coordonner leur soutien à la reconstruction et au développement de l'Irak, a été mis en place 2004 par les Nations unies et la Banque mondiale. Jusqu'à présent 26 donateurs ont promis plus de 1,4 milliard de dollars pour assurer, à court et moyen termes, un financement répondant aux priorités d'investissement en Irak.
Le ministre irakien du Plan a plaidé pour un rôle accru de son gouvernement dans la gestion de la reconstruction de l'Irak. « Le gouvernement irakien devrait se voir attribuer un rôle plus important dans le choix des projets et l'administration des fonds. Nous vous demandons d'être à l'écoute, davantage que par le passé, des priorités du gouvernement irakien », a expliqué Ali Baban à la vingtaine de représentants de pays et d'organisations internationales réunis à Istanbul. Selon M. Baban, près de 80% des 10 milliards de dollars (7,5 mds d'euros) d'investissement inscrits au budget irakien cette année iront aux forces armées, signe du poids de l'insécurité sur le pays. Pour le ministre, les principaux défis à relever pour l'économie nationale sont ceux de l'inflation, du chômage et des services publics.
Les Etats-Unis comptaient initialement financer la reconstruction par les revenus du pétrole, mais la production n'a guère progressé par rapport à son niveau d'avant-guerre, handicapée par la violence et l'obsolescence de ses infrastructures. Ali Baban espère donc que le Parlement irakien adoptera bientôt un projet de loi destiné à répartir équitablement les recettes du pétrole entre les groupes religieux et ethniques du pays. Le ministre des Ressources hydrauliques, Latif Rachid, a ajouté que l'Irak avait besoin de 30 milliards de dollars (22,5 mds d'euros) d'ici 2015 pour financer des barrages et réservoirs ainsi que la réhabilitation des marais et d'autres projets de remise en état. Les vastes zones marécageuses du sud du pays avaient été asséchées par Saddam Hussein après la première guerre du Golfe en 1991. Asséchés pour des motifs politiques sous Saddam Hussein, les marais du sud de la Mésopotamie, un écosystème unique ainsi qu'un important bassin économique dont 90% de la superficie avait disparu, renaissent mais font face à de nouvelles menaces. Aujourd'hui, 40% des marais ont repris leur forme initiale, après avoir bien failli disparaître sous Saddam Hussein. En asséchant les marais avec des barrages et des canaux de dérivation, à partir de 1991, l'ancien président irakien faisait d'une pierre deux coups: il réprimait la population chiite du sud du pays, qui lui était majoritairement hostile, tout en rendant fertiles certaines terres non exploitées. Ces terres étaient alors données en « récompenses » aux membres du parti Baas au pouvoir.
Par ailleurs, au moment où la guerre en Irak entre dans sa cinquième année, l'intervention a déjà avalé près de 500 milliards de dollars (378 mds d'euros) et le montant total pourrait atteindre voire dépasser les 1.000 milliards (60 mds d'euros). La facture s'avère bien plus élevée que ne l'avait prévu l'administration du président George W. Bush, mais cela ne représente pas 1% du produit intérieur brut (PIB) américain, contre 9% et 14% respectivement pour la guerre au Corée (1950-53) et le Vietnam (1964-75). Seulement, la guerre en Irak, comme en Afghanistan, est financée par des enveloppes s'ajoutant au budget fédéral -un mode de paiement moins contrôlé par le Congrès et habituellement réservé aux situations exceptionnelles, comme l'ouragan Katrina. L'administration a réintégré les dépenses irakiennes au budget fédéral régulier pour 2008, non sans avoir d'abord demandé une rallonge de 100 milliards de dollars (75,6 mds d'euros) pour 2007.
En outre, les dépenses ne cesseront pas avec le départ des troupes d'Irak, souligne Linda Bilmes, de la Kennedy School of Government à l'Université d'Harvard. Elle estime le coût total des programmes d'assistance aux anciens combattants d'Irak et d'Afghanistan à 350 milliards de dollars (265 mds d'euros) pour les premiers et 700 milliards de dollars (529 mds d'euros) pour les seconds, sachant que les chances de survie des soldats blessés sont meilleures qu'auparavant. Et Linda Blimes d'évaluer, avec le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, le coût réel de la guerre en Irak à plus de 2.000 milliards de dollars (1.500 mds d'euros), en tenant compte des dépenses passées et futures mais aussi de l'impact économique, sur le prix du pétrole par exemple. Mais quel aurait été le prix de l'inaction?, s'interroge Steven Davis, enseignant en commerce à l'université de Chicago. Avec deux de ses collègues, il a évalué à environ 14,5 milliards de dollars (11 mds d'euros) par an ce qu'il en aurait coûté de maintenir le dispositif de survols des zones d'exclusion et d'inspections du désarmement en place pendant dix ans, soit le dixième de la guerre d'Irak.
Sedat Yurttas, un responsable du parti pour une Société démocratique (DTP), a, le 7 mars, été condamné par un tribunal de Diyarbakir à six mois de prison ferme pour « apologie » d’Abdullah Öcalan, qu'il a appelé « Monsieur Öcalan ». Il est le deuxième dirigeant de cette formation non représentée au parlement, à être condamné pour le même motif. La veille, Ahmet Türk, chef du DTP, avait également été condamné à six mois de réclusion pour avoir fait « l'apologie » d'A. Öcalan. Lors d'une déclaration faite à Diyarbakir, M. Türk, un ancien député sous les bannières d'une autre formation, avait dénoncé l'isolement carcéral de « Monsieur Öcalan ». M. Yurttas était accusé d'avoir « publiquement fait éloge du crime et du criminel » en appelant le chef du PKK « Monsieur Öcalan » lors d'une intervention sur la chaîne kurde Roj TV basée au Danemark. Son avocat devrait faire appel de la sentence à l'instar de celui de M. Türk.
De plus, Sirin Tekik, Dicle Manap et Celallettin Padir, tous membres du DTP, ont, le 3 mars, été arrêtés pour « propagande en faveur du PKK » et incarcérés jusqu'à leur procès, selon le tribunal de Batman. Le tribunal a également délivré un mandat d'arrêt à l'encontre du responsable du DTP pour la province de Batman, Ayhan Karabulut, également accusé de propagande. Ces arrestations font suite à des perquisitions le 1er mars dans les locaux du DTP à Batman. Avant la perquisition, le bureau du DTP à Batman avait publié un communiqué dénonçant les arrestations de trois de ses responsables dans la province voisine de Diyarbakir suite à des déclarations jugées menaçantes. Le DTP a été fondé en novembre 2005 avec l'objectif déclaré de tenter de résoudre le conflit kurde par des moyens pacifiques. Mais ses militants sont régulièrement accusés et poursuivis par Ankara d'être des instruments du PKK.
Par ailleurs, près d'une centaine de femmes ont été arrêtées et inculpées le 8 mars pour avoir, au cours d'une manifestation à l'occasion de la Journée internationale des Femmes, crié des slogans pro-kurdes et notamment en faveur d’Abdullah Ocalan. Le tribunal de Cizre, dans la province kurde de Sirnak, a inculpé 92 femmes, dont 31 ont été placées en détention. Ces femmes, dont des membres du principal parti kurde, le Parti pour une Société démocratique (DTP), avaient bloqué la rue principale de Cizre et refusé de se disperser quand la police en a donné l'ordre.
Des policiers ont, le 30 mars, évacué de force seize Kurdes de Turquie qui observaient à Montpellier une grève de la faim depuis 29 jours pour obtenir la régularisation de leur situation, selon un membre du comité de soutien aux grévistes. Les grévistes de la faim, quatorze hommes et deux femmes, âgés de 22 à 48 ans, tous sans papiers et travaillant au noir, en France pour certains depuis plus de dix ans, demandent « une régularisation de leur situation à titre humanitaire et un droit au travail ». « Au lieu de cela, on leur a proposé une autorisation provisoire de séjour sans droit au travail » qui peut être retirée à tout moment, a expliqué le comité de soutien.
La tension est montée d'un cran dans le local où se trouvaient les grévistes de la faim lorsque des policiers ont apporté une lettre du préfet pour chacun d'entre eux, a précisé le comité de soutien. Dans la lettre, le préfet, Michel Thénault, prenait acte « de la fin du mouvement » affirmant que la préfecture allait avoir le temps nécessaire à l'examen de leur situation et précisant qu'en attendant, ils étaient « autorisés à rester sur territoire français ». Selon le comité de soutien, des grévistes ont lancé des projectiles dans le local, faisant éclater des vitres. Des policiers ont pris position autour du local et les grévistes de la faim, très faibles, ont été transportés à l'hôpital, sous les cris de « régularisation immédiate » des membres du comité de soutien et d'habitants du quartier.
La police turque a, le 25 mars, arrêté un dirigeant d'un parti ultranationaliste, qui sera interrogé dans le cadre de l'enquête sur le meurtre du journaliste arménien Hrant Dink, assassiné il y a deux mois devant les locaux de son journal à Istanbul. La police a interpellé Yasar Cihan, un dirigeant local du parti de la grande unité (BBP- islamiste et ultra nationaliste) dans la ville de Trabzon. L'arrestation intervenait quelques heures après que le patriarche Mesrob II, plus haut dignitaire religieux de la communauté arménienne orthodoxe de Turquie, a critiqué les autorités pour ne pas avoir trouvé les commanditaires du meurtre.
Hrant Dink a été abattu devant les locaux de son journal, Agos, à Istanbul, le 19 janvier dernier. Le meurtre de ce rédacteur qui avait plusieurs fois été poursuivi en justice pour « insulte de l'identité turque » avait suscité l'indignation de la communauté internationale et le débat au sein de la société turque sur la liberté d'expression et la place des mouvances ultranationalistes. Le parquet a inculpé 10 personnes dans cette affaire, dont certains anciens membres du mouvement des jeunes de la grande unité (BBP). Ce n’est pas la première fois que ce parti dont les membres servent souvent d’indics pour la police turque, se trouve impliqué dans des meurtres politiques.
Par ailleurs, le Tribunal de police de Lausanne a, le 9 mars, condamné le président du Parti des travailleurs turcs (IP) à 90 jours-amende (100 francs par jour) avec sursis et à une amende de 3000 francs. La Cour a suivi le réquisitoire du parquet. Son verdict est une première que l'Association Suisse-Arménie, qui s'était constituée partie civile, attendait depuis longtemps. Si des instances politiques ont déjà reconnu le génocide des Arméniens, la justice suisse ne s'était pas encore prononcée dans ce sens jusqu'à aujourd'hui. Durant les deux jours d'audience, les thèses les plus radicalement opposées se sont affrontées. Dogu Perinçek, son avocat et ses témoins ont tous affirmé qu'il était faux de parler de génocide parce qu'il n'y a pas eu en 1915 en Turquie d'élimination planifiée de la population arménienne. Pour le procureur et la défense des Arméniens, le génocide est un fait avéré sans le moindre doute. La motivation raciste de Dogu Perinçek est également évidente car il reprend à son compte l'idéologie qui a entraîné dans la mort entre 1 et 1,5 million de personnes.
De plus, le catholicos Karékine II, chef de l'Eglise orthodoxe orientale arménienne, a, le 27 mars, annoncé qu'il ne se rendrait pas à la cérémonie d'inauguration d'une église arménienne restaurée en Turquie malgré l'invitation des autorités turques. « Etant donné que l'église restaurée sera transformée en musée (...) et que la cérémonie sera laïque et non dans la tradition de l'église apostolique arménienne, la Sainte Etchmiadzine (siège de l'église arménienne) ne prendra pas part à cette cérémonie », souligne l'église dans un communiqué.
L'église de la Sainte Croix a été bâtie sur l'île d'Akhtamar sur le lac Van au Xe siècle. Abandonnée après le génocide des Arméniens sous l'empire ottoman en 1915-1917, elle a été restaurée par les autorités turques. Le catholicos ainsi que le ministre de la Culture arménien ont été invités à cette cérémonie dans un geste sans précédent alors que les deux pays n'entretiennent pas de relations diplomatiques. « Ces actes ne peuvent pas être considérés comme une mesure positive sur la voie du rapprochement entre les peuples arménien et turc », estime l'église orthodoxe arménienne. La frontière turco-arménienne a été fermée en 1993 au plus fort de la guerre du Nagorny Karabakh au cours de laquelle des indépendantistes arméniens ont pris le contrôle de près d'un cinquième du territoire d’Azerbaïdjan turcophone, allié d'Ankara.