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Bulletin N° 420 | Mars 2020

 

 

TURQUIE: LE POUVOIR PRÉFÈRE COMBATTRE LES KURDES QUE LE CORONAVIRUS

Alors que l’épidémie de coronavirus s’étend dans le pays, l’économie turque poursuit sa dégringolade. Le 3 mars, TurkStat a annoncé pour février une inflation de 12,37% par rapport au même mois de 2019, et révélé le 10 un chômage des 15-24 ans à 25% pour décembre dernier, avant d’indiquer le 20 un chômage accru de presque un million en un an, 932.000, pour atteindre 4.469.000 personnes en 2019…

Parallèlement, les autorités de l’alliance AKP-MHP ont réagi à l’épidémie à leur manière habituelle: déni/dissimulation de la gravité de la situation, mensonges quant à leurs capacités de test et surtout répression des lanceurs d’alerte. Malgré l’extension de l’épidémie dans l’Iran voisin, le 9, le ministre de la Santé déclarait encore qu’il n’y avait aucun cas en Turquie, alors que des voyageurs revenant de Turquie étaient testés positifs aux États-Unis (National Interest)… Le 11, il annonçait un premier cas de CoVid, sans préciser ni âge ni lieu. Le 13, un second cas «lié au premier» était annoncé, puis plus tard le même jour, cinq autres. Le même jour était annoncée la fermeture des écoles et universités, puis le 16, des bars et night-clubs et les liaisons aériennes avec neuf, puis six pays supplémentaires suspendues. Le lendemain, 29 autres cas étaient annoncés, pour un total de 47. L’Union des médecins de Turquie (TTB), qui regroupe la grande majorité des médecins du pays, avertissait que le nombre réel de cas de contamination était certainement plus élevé que les chiffres officiels. Le 18, la Turquie a connu son premier mort alors que le nombre de cas officiellement recensés doublait en 24 heures pour atteindre 98, avant de bondir encore en fin de journée à 191, où on annonçait un second décès…

Alors qu’il devenait clair que le virus circulait bien plus largement que ce que prétendait le pouvoir, celui-ci réagissait en réprimant. Après une enquête contre elle ouverte par l’Université d’Ankara, le Docteur Güle Çınar était contrainte de publier le 19 une lettre d’excuses après avoir averti qu’il pouvait y avoir des milliers de contaminés parmi les pèlerins turcs de retour d’Arabie Saoudite. Le même jour, 33 barreaux demandaient conjointement, pour éviter une épidémie dans les 375 prisons surpeuplées du pays, la libération de certains des 270.000 prisonniers, par la suspension des détentions ou leur exécution en résidence surveillée. Le 23, alors que les vols vers 68 pays étaient suspendus, le gouvernement annonçait bien un programme de désengorgement des prisons touchant 100.000 prisonniers, mais en excluait tous ceux détenus pour «terrorisme, drogue et agression sexuelle», ce qui indiquait qu’il entendait garder incarcérés tous ses opposants politiques abusivement convaincus de terrorisme… Le projet de loi concerné a été critiqué le 25 par une nouvelle déclaration commune de 14 barreaux qui ont appelé à relâcher également les prisonniers politiques.

Ce n’est que le 23, en annonçant 1.236 cas et 30 décès, que le ministre de la Santé a indiqué pour la première fois le nombre de tests de dépistage pratiqués : 20.345. Le 30, on comptait 168 morts et plus de 10.000 cas.

Si la Turquie n’a pu déployer massivement les tests de dépistage, elle a par contre réprimé massivement les lanceurs d’alerte! Le 23, des dizaines de Kurdes ont été arrêtés à Bingol et à Suruc, et 316 inculpations ont été lancées suite à des messages concernant l’épidémie sur les réseaux sociaux, au point qu’İsmet Çiğit, rédacteur en chef d’un journal local de Kocaeli, déclarait à Bianet que face aux intimidations de l’État, il se limiterait maintenant à reproduire les déclarations officielles… Plusieurs usagers des réseaux sociaux ayant critiqué la gestion sanitaire du gouvernement ont aussi été arrêtés à Adana (WKI). Le député HDP de Kocaeli et médecin Ömer Faruk Gergerlioğlu a fait l’objet d’une enquête pour «avoir provoqué la peur et la panique au sein du public» après avoir annoncé qu’un détenu de Sincan âgé de 70 ans avait été diagnostiqué positif. Le 30, une enquête pour « incitation à la haine » a été ouverte contre la députée HDP de Diyarbakir Remziye Tosun: elle avait participé à une tournée en voiture dans les quartiers de Sur et Yenişehir au cours de laquelle des annonces avaient été diffusées par haut-parleur pour inciter les gens à rester chez eux… et dans lesquelles le gouvernement était mis en cause pour son peu d’empressement à protéger la population (Bianet). La journaliste Nurcan Baysal a aussi fait l’objet d’une enquête pour « incitation à la haine » suite à ses articles sur la gestion de l’épidémie à Diyarbakir et dans les provinces kurdes du pays. Au même moment, le syndicat des médecins TTB a pointé la responsabilité des autorités dans la propagation du virus en raison de ses erreurs, notamment ne pas avoir mis en place de quarantaine générale face au développement de la maladie en Iran et n’avoir pratiqué aucun test sur les près de 20.000 pèlerins revenus d’Arabie Saoudite…

Aussi le 31, vingt-sept organisations, dont le CPJ (Committee to Protect Journalists), ont appelé à la libération des journalistes et défenseurs des droits de l’homme emprisonnés. En fin de mois, selon le ministère de l’Intérieur, des dizaines de villages et de zones dans 18 provinces turques se trouvaient en quarantaine en raison de l’épidémie, mais ni à Ankara ni à Istanbul, grands centres urbains pourtant probablement les plus affectés…

Dans cette situation difficile, le parti «pro-kurde» HDP, pourtant en butte à la répression, n’a eu de cesse de protéger au mieux les citoyens selon ses capacités en tant que parti d’opposition. Le 13, le député HDP de Mardin Tuma Çelik a demandé dans une question parlementaire au ministre de la Santé que l’information sur le virus soit diffusée dans les langues régionales, kurde, arabe et syriaque, à destination des personnes âgées, à risque, qui ne comprennent pas toujours bien le turc. Le 13, le porte-parole du HDP a appelé le gouvernement à distribuer produits d’hygiène et désinfectants gratuitement aux plus pauvres. Le HDP a par ailleurs décidé le même jour d’annuler les festivités de Newrouz. La Commission «Justice et droits de l’homme» du HDP a aussi demandé la libération des prisonniers âgés, malades, des mères avec des enfants et des mineurs pour leur éviter l’infection. Depuis sa cellule, Selahattin Demirtaş a appelé les gens à la solidarité et à la coopération, ainsi qu’entre l’État et les organisations de la société civile, ajoutant que «la société doit être sûre qu’on ne lui dissimule rien». Le 25, le Vice-coprésident HDP pour l’économie Garo Paylan a dévoilé un programme économique alternatif à celui du gouvernement, critiqué pour faire passer les intérêts du monde des affaires avant ceux de la protection des citoyens les plus démunis, comme les bas salaires ou les chômeurs: «Qui protège [le programme du gouvernement] ?  Les ‘un-pour-cent’ […]. 99 des 100 milliards du package vont aux riches, les 1% ». Le HDP a demandé notamment l’arrêt durant l’épidémie du paiement des loyers, des intérêts des crédits bancaires, des charges d’eau et d’électricité, que l’aide aux entreprises soit conditionnée à l’interdiction des licenciements, le maintien des salaires à ceux devant cesser le travail avec soutien à 50% par l’État, des indemnités chômage sans conditions, et le versement d’un salaire domestique aux femmes devant s’occuper de leurs enfants en raison de l’arrêt de l’école…

Le développement de l’épidémie n’a pourtant pas fait cesser la répression. Le 9, le co-maire démis de Diyarbakir ,Dr. Selçuk Mızraklı, a été condamné à neuf ans de prison pour terrorisme. Le 12, la co-maire de Cizre, Berivan Kutlu, a été incarcérée dans un raid à son domicile. Le 23, les maires HDP de cinq municipalités kurdes ont été incarcérés. Le ministère de l’intérieur a indiqué que huit maires HDP avaient été démis pour des soupçons d’appartenance à un groupe terroriste et remplacés par des administrateurs. Selon le communiqué, quatre maires ont été détenus et un mandat d'arrêt lancé contre un cinquième, tandis que trois autres font l'objet d'une enquête. Le HDP a déclaré : «Nos bâtiments municipaux à Silvan, Ergani, Lice, Eğil et Batman ont été bouclés et perquisitionnés. Lors de raids domiciliaires, nos co-maires de Batman Mehmet Demir et Songül Korkmaz, le co-maire de Silvan Naşide Toprak, celui d'Ergani Ahmet Kaya, d’Eğil Mustafa Akkul, le co-maire démis de Yenişehir Belgin Diken, les co-maires adjoints de Batman Şehriban Aydın et Salih Çetinkaya, les co-porte-parole du Conseil municipal de Batman Şükran Çelebi et Recep Yargı ont été incarcérés». Les élus HDP du district de Güroymak (Bitlis) et des villes de Gökçebağ (Siirt) et Iğdır (Halfeli) ont aussi été démis et remplacés. L’administrateur nommé en remplacement du maire de Batman s’est empressé de faire retirer les pages en kurde du site web de la municipalité… La commission des affaires étrangères du HDP a dénoncé ces destitutions en déclarant : «Au lieu de lutter contre le coronavirus, l'AKP lutte contre les Kurdes».

En presqu’exactement un an depuis les dernières municipales, le gouvernement turc a maintenant destitué un total de 40 élus. La coordination Hasankeyf, qui lutte contre le barrage qui a commencé à noyer la ville, a déclaré le 24 que l’installation d’administrateurs pro-AKP à Batman était directement liée au barrage d’Ilisu, les élus destitués ayant plusieurs fois exprimé leurs inquiétudes quant aux conséquences sociales et sanitaires du projet, notamment en raison du déversement d’eaux usées non traitées dans la retenue et des possibles déplacements massifs de population déracinée: «L'administrateur a été nommé en moins de 12 heures après que la municipalité de Batman ait décidé de reporter le paiement des factures d'eau»…

D’autres nouvelles ne devraient pas passer inaperçues malgré un espace médiatique très largement occupé par l’épidémie: près de cinq ans après le meurtre du bâtonnier de Diyarbakir Tahir Elçi, le 28 novembre 2015, quatre suspects ont été inculpés le 27 mars, dont trois officiers de police (le quatrième suspect est aussi accusé d’avoir tué deux autres policiers); plusieurs journalistes ayant couvert en début de mois la situation des réfugiés à la frontière avec la Grèce, dont le reporter de la chaîne kurde d’Irak Rûdaw Rawin Sterk, ont été arrêtés pour «propagande terroriste». A noter aussi l’hospitalisation de force le 11 de deux artistes de Grup Yorum en grève de la faim chez eux, Helin Bölek et İbrahim Gökçek, et l’arrestation le 12 pour «terrorisme» d’au moins neuf avocats à Urfa et Diyarbakir.

Enfin, le 9, le philanthrope et homme d’affaires Osman Kavala a été visé par une nouvelle inculpation, si possible encore plus grotesque que toutes les précédentes: il est cette fois accusé d’«espionnage». Le pouvoir turc commence clairement à être à court d’inventions pour le maintenir en détention…

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IRAN: L’ÉPIDÉMIE DE COVID 19 SÉVIT DANS TOUT LE PAYS

Exacerbées par la corruption et les sanctions frappant le pays, les difficultés économiques que rencontrent les Iraniens affectent particulièrement les provinces périphériques, délaissées par le pouvoir. Ainsi au Kurdistan d’Iran, le nombre de jeunes gens n’ayant d’autre choix que de travailler comme porteurs transfrontaliers, ou kolbars, ne cesse d’augmenter. Selon Mabsur Muradi, député de Mariwan, le chômage au Kurdistan d’Iran tourne autour de 50%, avec une inflation de plus de 45%. Le KHRN (Kurdistan Human Rights Network) a indiqué qu’en 2019, 57 de ces kolbars avaient été abattus par les garde-frontières ou les forces de sécurité, 29 autres étant morts dans des accidents, chutes, avalanches ou mines, parfois en tentant d’échapper à la police, et 66 ont été blessés. Avec la crise, des gens viennent maintenant de villes éloignées de jusqu’à 150 km de la frontière pour occuper ce travail dangereux, devenu illégal en 2017. En 2020, 8 porteurs ont déjà été tués et plus de 20 blessés, et 40 autres victimes d’accidents. À présent, les porteurs sont aussi confrontés à l’épidémie du coronavirus, à cause de laquelle le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak voisin a fermé ses frontières avec l’Iran (Al-Monitor). La première semaine de mars, il y a déjà eu un mort et un blessé parmi les porteurs, et deux d’entre eux ont chuté dans un ravin au Hawraman, et encore un est mort et un blessé la semaine suivante, tandis qu’un autre mourait de froid près de Khoy (WKI).

Concernant l’épidémie, si le 2 mars le ministre iranien de la Santé Alireza Raissi a annoncé une augmentation vertigineuse du nombre de cas avec 1.501 cas positifs et 66 morts, de nombreux témoins parlent de chiffres encore plus élevés. Au moins 16 Kurdes ont été diagnostiqués positifs et une femme de 55 ans est décédée le 1er mars à Saqqez. Le Dr. Abdolreza Fazel, responsable de l’agence de santé de la province de Golestan, a compté 594 cas, seulement dans sa province, et un député du Gilan, Imanabadi, a indiqué que les hôpitaux étaient saturés à Rasht: ceci rend peu crédibles les chiffres nationaux (Radio Farda), qu’Imanabadi a d’ailleurs qualifiés de «plaisanterie» (Le Monde). À Ouroumieh, selon l’organisation kurde Hengaw pour les droits de l’homme, un prisonnier est décédé du CoVid dans sa cellule, et des familles de détenus ont manifesté devant les prisons pour demander la libération sur parole de leurs proches (WKI). Le 8, le New York Times faisait remarquer que le pays comptait alors le plus grand nombre de décès hors de Chine, dont un conseiller principal du Guide suprême, un des vice-présidents du pays, 23 membres du Parlement, le vice-ministre de la Santé et plusieurs autres hauts fonctionnaires. Rappelant la qualité du système de santé iranien, le journal remarquait que de nombreuses vies auraient pu être sauvées si le pouvoir avait adopté une autre attitude que le déni.

Même selon les chiffres officiels, il a été rapidement clair le 9 que l’épidémie connaissait une explosion quand 237 morts ont été annoncés, sur 7.161 cas: 595 nouveaux cas avaient été diagnostiqués en 24 heures, alors que les autorités refusaient toujours de révéler le nombre de décès à Téhéran, Qom, premier foyer identifié, et au Gilan. Hengaw a rapporté au moins 44 décès dans les provinces kurdes de Kermanshah, Ilam, Kurdistan et Azerbaïdjan occidental. Les prisonniers d’Ouroumieh sont entrés en grève devant l’inaction de l’administration pénitentiaire. Le site pro-Rouhani Entekhab a annoncé plus de 2.000 morts et appelé le ministère à dévoiler les vrais chiffres. Devant des estimations sans sources et si éloignées les unes des autres, Radio Farda a tenté un calcul à partir de chiffres provenant de déclarations de diverses autorités provinciales et est parvenue pour le 9 au matin à entre 477 et 519 décès. Il semble que les autorités fassent baisser les chiffres en ne comptabilisant que les décès confirmés par les médecins légistes et non ceux provenant des hôpitaux, dont le nombre pourrait être de deux à trois fois plus élevé, d’autant plus que le nombre de corps à examiner dépasserait les capacités des médecins… Le 16, toujours à partir de données régionales, Radio Farda a calculé qu’au moins 1.300 personnes étaient mortes et 32.000 admises dans les hôpitaux de 30 provinces sur les 31 du pays, soit grossièrement le double des chiffres officiels (853 morts et 15.000 cas). Parallèlement, la chasse à ceux qui osaient critiquer la gestion de l’épidémie sur les réseaux sociaux a débuté, comme en témoigne l’arrestation le 12 (rapportée le 16 par Courrier International) de Mohammad Mokhtari, capitaine de l’équipe de foot de Damash, emmené par l’Etelaat, le service de renseignement des Gardiens de la révolution (pasdaran) à l’hôpital Razi de Rasht, où on lui a dit: «Tu fais un live sur Instagram. Tu filmes tous les Gardiens et les bassidjis qui y travaillent et tu les remercies. Ensuite, tu t’excuses [de les avoir critiqués]». L’hebdomadaire rapporte aussi qu’un ancien membre du conseil de la ville de Shiraz, Mehdi Hojati, a lui aussi été mis en détention depuis le 12 mars pour ses critiques.

Le 18, le Washington Kurdish Institute (WKI) rapportait un nombre de 102 morts dans l’ensemble du Kurdistan d’Iran, de source Hengaw (provinces d’Ilam, Kermanshah, Kurdistan et Azerbaïdjan Occidental), et annonçait que suite à l’explosion du nombre de cas dans la prison d’Ouroumieh, les prisonniers condamnés à cinq ans ou moins et ayant déjà accompli 15% de leur peine étaient relâchés. Toutes les festivités de Newrouz étaient annulées. Le 21, on annonçait officiellement pour tout l’Iran 966 nouveaux cas pour un total de plus de 20.000 et 1.566 morts dont 123 en 24 h – Radio Farda comptait toujours plus du double avec 46.972 cas, dont 16.000 pour Téhéran seulement… Le 24, le nombre de morts au Kurdistan s’établissait à 227 au moins (WKI).

Le 30, cent personnalités iraniennes vivant hors du pays ont directement mis en cause dans une lettre ouverte le Guide Suprême Ali Khamenei dans l’extension prise par l’épidémie, l’accusant d’avoir transformé celle-ci en «désastre national» dans le seul but de maintenir le taux de participation aux législatives. Le texte, qui dénonçait le refus du Guide d’allouer à la lutte contre l’épidémie le milliard de dollars demandé par le président Rouhani, critiquait aussi celui-ci pour son alignement avec Khamenei dans la dissimulation de la gravité de la maladie et l’attribution de celle-ci à un «complot étranger». Parmi les signataires, on trouvait par exemple l’ancien consultant à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Behrouz Bayat.

En fin de mois, le régime s’est résolu à placer un certain nombre de prisonniers en liberté provisoire en raison de l’épidémie, mais a exclu du dispositif tous les prisonniers politiques condamnés à de lourdes peines. Parmi les prisonniers maintenus dans des conditions d'insalubrité extrême dans les prisons et confrontés au danger de contracter le coronavirus dans un environnement fermé, figurent également des milliers de manifestants arrêtés lors des protestations de novembre et janvier. Beaucoup d'entre eux sont même privés de tout contact avec leur famille. Des émeutes ont éclaté dans plusieurs prisons du Kurdistan, et à Mahabad et Saqqez, 80 prisonniers ont pu s’échapper selon le Kurdistan Human Rights Association (KMMK). À Mahabad, les forces de sécurité et les pasdaran ont tué deux prisonniers et en ont blessé trois autres. Selon Hengaw, on comptait alors 315 morts dans tout le Kurdistan d’Iran.

En parallèle, la répression des dissidents, activistes et critiques du régime en général s’est poursuivie. Le 1er mars, l’Etelaat a arrêté sept Kurdes à Piranshahr pour «coopération avec des partis kurdes d’opposition». D’autres activistes ont été arrêtés au Kurdistan, ainsi qu’une femme membre de l’organisation des «Mères pour la Paix» de Dehgolan, Zainap Ismaeli, dont le fils a été tué par Daech alors qu’il combattait au sein des YPG au Rojava. Des centaines de Kurdes se trouvent encore en prison, notamment à Saqqez et Piranshahr, et on demeure sans nouvelles de beaucoup d’entre eux, mis au secret. À Sanandadj, Sirwan Rahimi, un Kurde défenseur de l’environnement, a été condamné à treize mois de prison. Trois autres défenseurs de l’environnement, Arman Wafai, Faradin Karimi et Afshen Shekholislami, arrêtés lors des manifestations de novembre, ont été condamnés à trois mois de prison pour «coopération» avec le PJAK. À Mazandaran, l'éminent auteur kurde Mozhgan Kawsi a été condamné à sept mois et 15 jours de prison pour «propagande contre la République islamique». Le 18, Hengaw a estimé qu’en 2019 le pouvoir avait arrêté pas moins de 3.000 Kurdes pour des accusations liées à des activités politiques (WKI). Plusieurs prisonniers politiques kurdes se trouvent en grève de la faim à Ouroumieh. L’un pour protester contre le refus de l’administration pénitentiaire de lui accorder une libération conditionnelle, d’autres pour demander leur reconnaissance comme prisonniers politiques, alors qu’ils sont incarcérés avec des condamnés de droit commun.

Les minorités religieuses continuent aussi à être ciblées par la répression, comme les Baha’is, dont la religion n’est pas reconnue en Iran, et dont trente ont été convoqués le 14 mars au tribunal de Shiraz (HRANA).

Enfin, rappelons que si le chercheur français Roland Marchal a été libéré le 21 mars, très probablement dans le cadre d’un échange de détenus négocié entre la France et l’Iran avec l’ingénieur iranien Jalal Rohollahnejad, accusé d'avoir contourné des sanctions américaines contre l'Iran et libéré l’avant-veille par Paris, sa compagne et collègue Fariba Adelkhah demeure emprisonnée en Iran; sa vie inspire de graves inquiétudes.

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ROJAVA: NOUVEAUX RAPPORTS SUR LES EXACTIONS TURQUES, LES AUTORITÉS S’INQUIÈTENT DEVANT LA PERSPECTIVE DE L’ÉPIDÉMIE

Le mois de mars a fort mal commencé pour les militaires turcs en Syrie. Après un mois de février au cours duquel les tensions n’ont cessé de monter entre Russes et Turcs, le 27 février, au moins trente-trois militaires turcs ont été tués à Idlib par une frappe aérienne. Même si le ministère turc de la Défense s’est empressé d’annoncer qu’il avait en représailles neutralisé 309 soldats du régime, le président Erdoğan s’est clairement retrouvé acculé. Tentant de forcer les Occidentaux à le soutenir, il a lancé un nouveau chantage dès le 28 en ouvrant ses frontières aux migrants voulant entrer en Europe, et ordonné le 1er mars de nouvelles frappes sur Idlib. La Syrie a annoncé en réponse la fermeture de son espace aérien aux avions et aux drones (dont la Turquie fait grand usage), maintenant susceptibles d’être abattus sans sommation. Les ministres de l'Union européenne ont officiellement «fermement» rejeté « l'usage de la pression migratoire à des fins politiques» par la Turquie. L’UE pourrait cependant accepter de mettre en place de nouvelles mesures d’aides à la Turquie pour gérer des réfugiés qu’elle n’est pas prête à accepter (il y en a près de quatre millions en Turquie, contre seulement quelques dizaines de milliers en Europe hors Allemagne), mais elle a refusé au président turc l’assistance militaire qu’il réclamait pour sa campagne syrienne, dans laquelle il s’était lancé de manière totalement unilatérale. La Russie demeurait donc incontournable pour M. Erdoğan. Malgré de nouveaux affrontements entre djihadistes soutenus par la Turquie et militaires syriens appuyés par la Russie, les patrouilles communes turco-russes se sont poursuivies le 2 à l’Est de Kobanê. Le 7, Erdoğan s’est rendu à Moscou, où il a conclu avec son homologue russe un nouveau cessez-le-feu tout aussi fragile que les précédents.

Durant toute cette période, des familles déplacées d’Idlib ont continué à arriver dans la zone contrôlée par l’Administration autonome du Nord-Est syrien (AANES) et les Forces démocratiques syriennes (FDS). Depuis le début de la crise d’Idlib, un total de 1.500 familles a ainsi trouvé refuge au Rojava.

Le 15, les patrouilles conjointes russo-turques prévues dans l’accord de Moscou ont commencé le long de l’autoroute M4 (voie Alep-Lattaquieh) à Idlib. Elles ont cependant dû être interrompues en raison du rejet de la population locale et d’une partie des groupes d’opposition. Elles se sont poursuivies près de Kobanê, mais accompagnées cette fois d’hélicoptères russes.

Ces divers accords n’ont pourtant pas empêché les djihadistes au service de la Turquie de poursuivre tout le mois leurs attaques contre les FDS dans plusieurs villages près d’Ain Issa et de Tell Tamr. N’ayant pu atteindre son objectif de créer une «zone de sécurité» s’étendant tout au long de la frontière, de Kobanê à l’Irak, la Turquie a dû se contenter d’une zone plus restreinte, entre Tel Abyad et Ras el Ayn, et n’a pu en obtenir l’évacuation complète des FDS. Mais la situation est tout de même grave pour celles-ci, mises sous pression par Damas et la Russie pour accepter l’intégration dans l’armée syrienne et cesser leurs rapports avec les Américains… Cette perspective est à peine plus réjouissante que l’occupation turque, alors que le parti Ba’th apparaît n’avoir rien appris de ces dernières années et demeure sur sa ligne nationaliste arabe vis-à-vis des Kurdes: le 5, le Président syrien a qualifié dans une interview sur une chaîne russe le «problème kurde en Syrie» d’«illusion» et de «mensonge», reprenant également la vieille propagande selon laquelle les Kurdes vivant dans le nord du pays sont en réalité originaires de Turquie. Ce prétexte a été utilisé par le pouvoir syrien depuis les années 60 pour justifier toutes les discriminations politiques, linguistiques et culturelles imposées aux Kurdes dans le pays, y compris la perte de la nationalité d’une partie d’entre eux. Autre point abordé par Assad, la présence américaine: il a exclu toute négociation avec les Kurdes tant que ceux-ci conservent des contacts avec les Américains, qualifiés d’«occupants». Les responsables de l’AANES ont rapidement dénoncé ces déclarations, et, pour démontrer l’inanité des affirmations d’Assad, le chef d’une tribu kurde de Derbassiyeh a publié sur internet la carte d’identité de son grand-père, né dans cette ville en 1872. L’AANES a également rejeté la responsabilité de la situation de division actuelle de la Syrie sur le régime pour avoir choisi de répondre aux revendications exclusivement par la force militaire… Le porte-parole de la co-présidence du Conseil exécutif de l'AANES, Bedran Çîya Kurd, a suggéré que ces déclarations de Bachar Al-Assad contenaient peut-être un message à la Turquie pour lui proposer un accord sur la base de la répression des aspirations kurdes… Lundi 9, Erdoğan avait affirmé avoir offert à Poutine et à Trump de gérer le pétrole du Nord-Est syrien, actuellement contrôlé par les FDS.

Sur le plan sanitaire, la situation du Rojava demeure très inquiétante. Au 12 mars, il n’y avait certes encore aucun cas de CoVid dans la zone contrôlée par l’AANES, mais le système de santé est dans un état tel qu’il ne pourrait résister si l’épidémie arrivait… Sept, puis neuf centres de quarantaine ont été ouverts, les entrées aux frontières sont limitées depuis fin février, et des examens médicaux de base pratiqués sur les arrivants. Le 14, les écoles ont été fermées et tous les évènements publics annulés. Mais avec le seul centre de tests, qui se trouvait à Serê Kaniyê (Ras al-Ain), mis hors-service après l’occupation de la ville par la Turquie, l’AANES doit maintenant envoyer les cas à tester à Damas… Le régime y met de la mauvaise volonté, et selon Thomas McClure, un chercheur du Rojava information Centre, en quatre mois, seuls quatre personnes ont pu être testées… Le 18, la frontière avec le Kurdistan d’Irak a été fermée. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), il y a eu au moins 62 cas dans la partie du pays contrôlée par le régime, probablement en raison de l’importante présence de milices iraniennes (Kurdistan-24).

Le 23, quelques heures après que Damas ait annoncé un premier cas de CoVid et fermé écoles, parcs et restaurants, l’administration autonome a annoncé un confinement avec couvre-feu de deux semaines dans toute la zone qu’elle contrôle. L’inquiétude n’a cessé de croître en raison du nombre de personnes déplacées, plus de 100.000, s’y trouvant dans de mauvaises conditions. La coprésidente de l'Autorité sanitaire, Raperin Hassan, a déclaré à Al-Monitor dans un entretien téléphonique: «Nos moyens sont vraiment très limités. Nous n'avons que deux hôpitaux de taille normale avec 200 lits chacun, qui ne sont pas entièrement en service, sept ventilateurs, et aucun kit de test. Nous avons un besoin urgent d'aide». Des appels à l’aide lancés vers l’OMS, les Américains et Damas n’ont pas donné de résultats tangibles, a-t-elle ajouté. Enclavé depuis la décision de l’ONU en janvier de restreindre l’arrivée de l’aide, le Rojava connait aussi une pénurie de médicaments (La Croix). Le 25, les FDS ont appelé à une trêve militaire en Syrie, en soutien à l’appel à un cessez-le-feu humanitaire planétaire lancé l’avant-veille par le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutteres. Il n’y avait toujours aucun cas de CoVid au Rojava à cette date, mais selon McClure, cela ne devrait pas générer un optimisme démesuré: cela est probablement dû au fait que l'administration ne dispose d’aucun kit de dépistage… (Kurdistan-24)

Le 31 mars, aucun cas de CoVid n’avait encore été détecté dans les zones contrôlées par l’AANES, alors qu’on en comptait neuf dans le reste du pays.

Parallèlement, plusieurs rapports ont jeté la lumière sur les exactions commises en Syrie notamment à l’encontre des Kurdes. Dans un rapport publié le 2 mars, qui couvre la période allant de juillet 2019 au 10 janvier 2020, la Commission d’enquête internationale sur la Syrie (COI), créée en 2011 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, fait état des rapports de familles kurdes déplacées et d’autres civils qui accusent les rebelles syriens soutenus par Ankara d’avoir commis des exécutions et des pillages, et d’avoir confisqué des propriétés. La COI pointe en particulier l’exécution sommaire le 12 octobre de la responsable politique kurde Hevrin Khalaf et de son chauffeur par des rebelles pro-Turcs. Les enquêteurs de l’ONU pointent également une frappe aérienne, le 12 octobre, sur un convoi civil de 80 véhicules, incluant des familles avec enfants et des journalistes. Onze personnes ont été tuées et 74 blessées. Ils dénoncent le ciblage d’« objets nécessaires à la survie de la population civile », avec des frappes près de la station d’eau d’Aluq qui ont interrompu l’approvisionnement en eau de 460.000 personnes (AFP).

Alors que le rapport de la COI pointe aussi la responsabilité de Moscou dans des crimes de guerre liés à des frappes aériennes en Syrie, notamment deux frappes aériennes à Idlib et dans la campagne de Damas, en juillet et août dernier, qui ont fait plus de 60 morts, il est à relever que c’est une commission d’enquête… russe, qui de son côté accuse la Turquie de nettoyage ethnique à Afrin, parlant de «changements fondamentaux» dans le district. Le rapport en question, publié le 3 par le «Centre russe pour la réconciliation en Syrie», établi en 2016 suite à un accord russo-turc, indique que les forces turques et leurs mercenaires syriens ont déplacé quelque 250.000 Kurdes d'Afrin, mais aussi 135.000 de Sarê Kaniyê (Ras al-Ain) et Gire Spi (Tel Abyad), pour les remplacer par des Turkmènes. À Afrin, une vaste campagne de changement démographique se poursuit depuis près de deux ans. Une grande partie de sa population kurde d'origine vit désormais dans des camps de déplacés dans les villes voisines de Tell Riffat, Shahba et Sherawa. Dans un entretien sur Rûdaw, Bachar Amin, membre du Conseil national kurde syrien (ENKS, dans l’opposition à l’administration du Rojava), a confirmé l’évaluation du centre russe. Selon Amin, l’ENKS a tenté d’évoquer ce changement démographique lors de réunions avec des responsables américains, russes et français, qui en réponse ont appelé à l'unité intra-kurde et suggéré qu’ils pourraient jouer le rôle de garants pour tenter de faire cesser ce processus. Mais on peut rester sceptique sur l’efficacité de remontrances faites à Ankara, alors que selon un autre rapport, celui-là de l’organisation des droits de l’homme d’Afrin, publié mi-mars, la population kurde d’Afrin, autrefois très largement majoritaire, serait déjà tombée à 18%, et une véritable politique de turquisation s’y poursuit, y compris dans l’éducation: enseignement du turc à l’école, changement des noms de rues pour des noms turcs, portraits omniprésents du président turc… Par ailleurs, 6.200 personnes ont été enlevées, et le sort de 3.400 victimes d’enlèvement est toujours inconnu. Enfin, les femmes ont eu particulièrement à souffrir de l’occupation d’Afrin, avec un nombre indéterminé de viols et d’agressions…

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IRAK: TOUJOURS EN CRISE POLITIQUE, LE PAYS AFFRONTE L’ÉPIDÉMIE; LE KURDISTAN SE CONFINE

Ce mois de mars a débuté avec la démission d’un Premier ministre irakien, celui récemment désigné, le retrait d’un autre, son prédécesseur, et s’est terminé sur des rumeurs de renonciation de son successeur… Plus que jamais, l’Irak semble échouer à sortir de sa crise politique. Devant cette situation, les Kurdes évitent de prendre parti, plutôt préoccupés de l’épidémie qui sévit chez leur voisin iranien…

Le 1er mars, le Premier ministre désigné Mohammed Tawfiq Allawi a finalement renoncé à former un gouvernement. Il avait déjà échoué à trois reprises à obtenir la confiance du parlement, notamment parce que les Kurdes, les sunnites et une partie des chiites avaient fait bloc contre lui en boycottant les sessions parlementaires. Ils étaient en désaccord sur la manière dont il avait sélectionné ses ministres, sans les consulter. Le 2, le président irakien Barham Saleh a tenu des réunions avec les leaders de différents blocs du parlement pour tenter de choisir un nouveau candidat au poste. Le même jour, le Premier ministre intérimaire Adil Abdul-Mahdi, prédécesseur d’Allawi, a annoncé qu’il renonçait à la plupart de ses responsabilités gouvernementales, à l’exception de celles liées à son rôle de chef des armées. Devant l’absence d’un gouvernement constitué, le conseiller financier du premier ministre a appelé le 9 à adopter un «budget d’urgence» permettant au moins de gérer a minima la chute des prix du pétrole… Si ceux-ci se maintenaient sous les 30$, a-t-il prévenu, le déficit, initialement prévu à 50 milliards de dollars, pourrait doubler. Le 10, les partis chiites ont établi un comité de sept membres chargé de sélectionner un candidat au poste de Premier ministre. Le 18, le président irakien a nommé l’ancien gouverneur de Najaf, Adnan al-Zurfi , lui demandant selon la constitution de former un cabinet d’ici un mois. Le 21, le bloc Hikma a annoncé que les réunions entre leaders chiites n’avaient pas abouti à un accord sur ce candidat, les coalitions «État de droit» et «Fatah» demeurant opposées à al-Zurfi «de manière irréductible». Il semble que l’opposition vienne en particulier des cercles pro-iraniens, notamment les milices. Les leaders de la Région du Kurdistan, quant à eux, n’ont pas pris de position officielle. Le 29, Al-Zurfi a tenté de surmonter cette opposition en qualifiant les milices Hashd al-Shaabi (Unités de mobilisation populaire) de «force irakienne légitime», mais il n’est guère certain que cela suffise face à des opposants qui voient en lui «l’homme des Américains»…

Pendant que la classe politique irakienne tentait de s’accorder sur un Premier ministre, les manifestations – et les violences contre les manifestants – se poursuivaient. Le 1er mars, 83 manifestants au moins étaient blessés dans des heurts avec les forces de sécurité à Bagdad. Le 4, la Haute Commission irakienne des Droits de l’homme annonçait 160 blessés, aussi dans la capitale. Les 8 et 9 mars, de nouveaux affrontements dans le centre de la ville faisaient trois morts parmi les protestataires et provoquaient 58 blessés, dont 11 membres de la sécurité.

Parallèlement, les tensions face à la présence militaire américaine ont continué à augmenter. Le 1er mars, deux roquettes ont frappé la Zone verte sans faire de victimes, puis deux autres attaques ont frappé le camp Taji, près de la capitale, la première le 11, avec 15 roquettes qui ont tué deux Américains et un médecin militaire britannique, et une autre 14, avec 25 roquettes, ne faisant que des blessés. Les États-Unis ont annoncé avoir lancé en représailles une série de frappes contre plusieurs implantations de la milice pro-iranienne Kata’ib Hizbollah, soupçonnée des attaques précédentes, et qui ont fait des victimes civiles et militaires irakiennes. L’Irak s’est plaint auprès du Conseil de sécurité et du Secrétaire général des Nations Unies. Le 27, une nouvelle roquette a frappé la Zone verte, sans faire de victimes. En fin de mois, les troupes américaines ont évacué deux bases situées près de Kirkouk et Mossoul, qu’elles ont rendues aux militaires irakiens, et ont transféré les soldats vers Erbil et dans la base d’Ain-Assad, à la frontière syrienne, en un redéploiement «prévu de longue date», selon un porte-parole.

Profitant du chaos, les djihadistes de Daech ont poursuivi leurs attaques dans les territoires disputés entre Kurdistan et Bagdad, notamment dans les secteurs de Kirkouk, Touz Khourmatou, Diyala… Le 3, le ministre kurde des Pechmergas s’est plaint que le ministère de la Défense irakien n’était «toujours pas prêt à travailler ensemble» avec ceux-ci dans des opérations anti-terroristes communes, révélant qu’une réunion organisée dans ce but le 24 février n’avait pu aboutir à un accord. Le 8, deux marines américains trouvaient la mort dans une opération anti-Daech menée en commun avec les militaires irakiens à Touz Khourmatou. Le 16, un attentat à la moto piégée a blessé sept civils, dont un enfant, dans un marché bondé de cette même ville. Un cimetière de la communauté religieuse kurde des Kakaïs a aussi été attaqué à Gwer. De nombreuses familles de cette communauté, systématiquement visée par les djihadistes qui les considèrent comme hérétiques, avaient déjà préféré quitter leurs demeures dans la région de Daqouq (Kurdistan-24).

Dans le nord, les affrontements ne cessent d’augmenter d’intensité entre combattants kurdes du PKK et militaires turcs, qui ont depuis 2019 occupé plusieurs villages du Kurdistan d’Irak. Le 9, la région de Balakayati a été visée par des frappes aériennes turques, sans faire de pertes. Depuis le début de l’opération turque anti-PKK «Griffes», des centaines de villages kurdes ont dû être évacués et plus de trente civils ont été tués dans des frappes turques. Le 23, les militaires turcs ont neutralisé deux membres du PKK dans la province de Dohouk. Le 25, deux militaires turcs ont été tués et deux autres blessés par une attaque au mortier sur Haftanin, suscitant des frappes de représailles dans lesquelles huit combattants auraient été tués ou capturés selon l’état-major turc.

Parallèlement, la Région kurde, qui avait déjà fermé ses frontières avec l’Iran et ordonné la fermeture de ses établissements d’enseignement le 25 février, bien avant d’autres pays de la région, s’est progressivement mise en ordre de bataille contre l’épidémie du CoVid-19. Les premiers cas, au nombre de quatre, ont été annoncés à Suleimaniyeh le 1er mars (des voyageurs récemment revenus d’Iran), et le premier décès le 4. Un cinquième cas a été détecté à Kirkouk, puis un autre à Erbil. Le gouvernement a alors fermé tous ses bureaux, avant de décréter 48 heures de couvre-feu le 14. On comptait alors 28 cas dans l’ensemble du Kurdistan d’Irak. Les autorités kurdes ont interdit pour deux semaines tout voyage vers le reste de l’Irak, où on comptait alors 93 cas et dix décès, et interdit grands rassemblements et événements sportifs (La libre Belgique). Le Premier ministre Masrour Barzani a appelé la population à respecter les mesures de sécurité sanitaire et demandé aux propriétaires d’être conciliants pour les loyers en raison de cette «situation extraordinaire». Alors que le nombre de cas montait à 34, le couvre-feu a été étendu le 15 de 72 heures supplémentaires.

Le 18, alors qu’on comptait dans tout l’Irak 154 cas confirmés, dont 17 à Bagdad, onze décès et 41 guérisons, le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) a de nouveau étendu le couvre-feu, cette fois de cinq jours, jusqu’au 23 mars. Le 19, on comptait 39 cas au Kurdistan, un décès, et neuf guérisons, un nombre qui avait bondi à 85 le 24, avec un second décès. Le GRK a étendu le couvre-feu jusqu’au 1er avril. En fin de mois, on était à 161 cas, toujours avec deux décès, et le couvre-feu avait été étendu au 11 avril.

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