|
Liste
NO: 10 |
1/8/1995 LE PARLEMENT EUROPÉEN EXIGE LA LIBÉRATION DES DÉPUTÉS ET DES CITOYENS KURDES EMPRISONNÉS EN TURQUIEDans une résolution, adoptée le jeudi 21 septembre, en session plénière, le Parlement européen a exigé la libération de tous les députés et les prisonniers de conscience kurdes emprisonnés en Turquie pour avoir défendu les droits de l'Homme dans leur pays. Les eurodéputés ont particulièrement mis l'accent sur le cas de Mehdi Zana, ancien maire de Diyarbakir, capitale du Kurdistan turc, en prison depuis plus de 16 mois pour avoir témoigné, le 3 décembre 1992, devant la sous-commission des droits de l'Homme du Parlement européen, de la situation dramatique de son peuple. Dans son discours, M. Mehdi Zana avait rappelé aux eurodéputés que le seul fait d'évoquer l'existence du peuple kurde constituait un crime en Turquie. Il n'a pas été démenti par les autorités turques qui l'ont condamné à 4 ans de prison pour ce témoignage. Cette résolution est intervenue le jour du réexamen par la cour de cassation à Ankara de la condamnation de Mme. Leyla Zana et de sept autres députés kurdes à de lourdes peines allant jusqu'à 15 de prison. M. Hasip Kaplan, un des avocats des députés kurdes, a fait remarquer aux juges de la Cour de cassation qu'au cours des quatre audiences devant la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara il n'avait eu en tout et pour tout que trois minutes et demie pour défendre ses clients et que "si la Haute Cour confirmait le verdict de la Cour de Sûreté de l'État à l'encontre des députés démocratiquement élus à la Grande Assemblée Nationale Turque, elle rendrait l'existence même de cette Assemblée illégale". LEYLA ZANA. PRIX NOBEL DE LA PAIX ?A l'approche de l'annonce du verdict de l'Institut Alfred Nobel pour l'attribution du Prix Nobel de la Paix 1995 attendu pour le 13 octobre, spéculations et pronostics vont bon train à Oslo. Se faisant l'écho de fébrilité, le quotidien populaire Dagbladet du 24 septembre a publié un long article sur ce sujet. Selon les informations de ce journal parmi les 120 candidatures enregistrées pour le prestigieux Prix, 5 se détachent largement du lot et sont données favorites: la parlementaire kurde emprisonnée Leyla Zana; l'ancien président américain Jimmy Carter; le russe Serge Kovaliev, président de la commission des droits de l'Homme; le dissident chinois Wei Jings Heng et Carlos Belo l'archevêque d'Est-Timor. L'unique femme, parlementaire persécutée en raison de sa défense de la paix et de la démocratie, Leyla Zana dont la candidature a été présentée par des députés norvégiens issus de tous les partis politiques représentés au Parlement d'Oslo, jouit d'une grande popularité en Norvège. Ainsi, la lettre qu'elle a envoyée de sa prison à Mme. Gro Harlem Brundtland, premier ministre, l'appelant à l'aide "pour trouver une issue pacifique à la guerre du Kurdistan et mettre un terme à la tragédie kurde " a trouvé un très large écho dans les médias. Cité par les radios et la télévision, commenté par les responsables politiques, cet appel à l'aide a été repris par les principaux quotidiens du pays: Aftonposten, Dagbladet et Arbeiderbladet. Le secrétaire d'État à la Chancellerie, M. Morten Wetland, a déclaré à la presse que "cette première lettre à Mme. le premier ministre allait être très soigneusement étudiée" et que "le gouvernement norvégien examinerait les moyens de répondre favorablement à cet appel". En Turquie les médias contrôlés par le gouvernement commencent d'ores et déjà à critiquer la Norvège et à mettre en garde le jury du Prix Nobel. A Diyarbakir, circonscription de Leyla Zana, les citoyens kurdes sont forcés par l'armée et la police à signer une pétition affirmant que "Leyla Zana ne les représente pas" et qu'elle "n'est pas digne du Prix Nobel". Pendant ce temps en Autriche, au cours d'une cérémonie en présence du chancelier Vraniteky, le prix Bruno Kreisky des droits de l'Homme décerné conjointement à Leyla Zana, à Serge Kovaliev, à Ken Saro-Wiwia (Nigérie) et à Sumaya Farhat-Nasser (Palestine) a été remis aux lauréats ou à leurs proches. Au nom de Leyla Zana c'est un de ses avocats qui a reçu le Prix. VERS UN AJOURNEMENT DU TRAITÉ D'UNION DOUANIÈRE AVEC LA TURQUIE ?Après la visite à Ankara de M. Carlos Gonzales Carnero, rapporteur du Parlement européen, et son constat pessimiste sur les perspectives de démocratisation et de réforme en Turquie dans un avenir proche, les instances dirigeantes de l'Union européenne envisageraient de plus en plus l'hypothèse d'un ajournement de 6 mois ou d'un an du traité d'union douanière. En l'état actuel des choses un débat éventuel sur cette question devant le Parlement européen, prévu en principe pour décembre, aboutirait à un rejet car les autorités turques n'ont pas fait les gestes de démocratisation attendus par les eurodéputés, dont notamment la libération des députés kurdes l'abrogation de l'article 8 de la loi dite anti-terreur. Une mission de la Troïka européenne formée de directeurs des affaires politiques des ministères des Affaires étrangères d'Italie, d'Espagne et de France s'est rendue le 17 septembre à Ankara pour faire le point avec les dirigeants turcs. La crise politique qui sévit actuellement à Ankara rend le dialogue euro-turc, déjà très difficile, de plus en plus aléatoire. Le Conseil d'association d'Union européenne-Turquie qui se réunit le 30 octobre à Bruxelles devrait prendre une décision à ce sujet. Entre-temps, le 26 octobre la Cour de cassation turque aura rendu son arrêt dans l'affaire des députés kurdes emprisonnés. LE SÉNAT AMÉRICAIN SE MONTRE TRÈS CRITIQUE À L'ÉGARD DE LA POLITIQUE KURDE DE LA TURQUIEDans un rapport rendu public le 17 septembre, préparé par la Commission des Relations Extérieures du Sénat américain, le gouvernement turc est très critiqué dans sa politique à l'égard des Kurdes. En effet, selon le rapport, en prônant la violence et la répression comme seuls mécanismes de règlement de la question kurde, la Turquie n'a fait qu'encourager les sentiments séparatistes et jeter une partie de la population dans les bras du PKK. Le rapport note par ailleurs qu'au lieu de trouver une solution politique et d'engager le dialogue avec les représentants kurdes, qui ne prônent pas la violence, la Turquie s'est livrée à une politique répressive et à une campagne militaire afin d'éradiquer ce qu'elle appelle "une menace à son unité territoriale". Quant à la menace intégriste sur le pays, le rapport relève que " le gouvernement turc encourage et même sponsorise les activités islamiques dans l'espoir de se rallier la population et de contrer les velléités séparatistes" mais " une telle stratégie peut se retourner contre elle et conforter les extrémismes islamiques dans leur position". AMNESTY INTERNATIONAL JUGE LES RÉFORMES DE DÉMOCRATISATION INSUFFISANTES.Dans un communiqué de presse, le 20 septembre, l'organisation non-gouvernementale basée à Londres, Amnesty International, tout en critiquant les méthodes du PKK, trouve que la Turquie a déçu les attentes relatives à l'amélioration de son bilan de violation des droits de l'Homme. AI note que "les autorités turques disposent du pouvoir, des moyens et de l'infrastructure nécessaires pour entamer un véritable changement; pour cela il lui faut une réelle volonté politique." Pour que la Turquie soit en harmonie avec les conventions internationales en matière de droits de l'Homme, qu'elle a par ailleurs signées, les différentes recommandations des organisations intergouvernementales et des Comités des experts des Nations unies et du Conseil de l'Europe et de son propre Haut Comité consultatif des droits de l'Homme, elle doit se conformer à trois mesures "simples et pratiques" : - Abolition ou réforme de l'article 8 de la loi anti-terreur en vertu duquel des prisonniers de conscience sont incarcérés et condamnés jusqu'à 5 ans de prison. - Accès aux procédures juridiques normales de tous les prisonniers. - Réduction de la période de la mise en garde-à-vue et comparution devant les juges permettant aux prisonniers d'échapper à la torture et aux "disparitions" pendant leur détention. UN ÉCRIVAIN CONDAMNÉ À DEUX ANS DE PRISON ET UNE CORRESPONDANTE AMÉRICAINE DU REUTER, BASÉE À ISTANBUL, RISQUE LE MÊME SORTUn écrivain kurde, Recep Marasli, a été condamné à deux ans de prison en vertu de l'article 8 de la loi anti-terreur pour avoir écrit un article analysant la guerre au Kurdistan turc, le 28 septembre M. Marasli, qui a déjà passé 11 ans dans les prisons turques pour ses écrits est l'un des prisonniers de conscience adoptés par Amnesty International. Le zèle répressif de la justice turque s'exerce désormais à l'encontre des journalistes étrangers. Ainsi, une journaliste américaine travaillant pour l'agence de presse Reuter, Aliza Marcus, 33 ans, risque six ans de prison pour "incitation à la haine" en vertu de l'article 312 du code pénal turc. Ce que les juges turcs reprochent à la journaliste américaine c'est une dépêche écrite en anglais, le 25 novembre 1994 à Diyarbakir, dans laquelle la journaliste écrit que "l'évacuation forcée et la destruction des villages kurdes au sud-est de la Turquie constituent un point central de la campagne militaire contre les rebelles du PKK, qui dure maintenant depuis dix ans". La journaliste, pour son article, avait cité les villageois et les organisations des droits de l'Homme. Mme. Marcus comparaîtra devant les juges turcs le 12 octobre prochain. Toujours dans cette chronique judiciaire, on vient d'apprendre que la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul rendra son verdict le 1er décembre dans le procès de l'écrivain Yachar Kemal accusé de "propagande séparatiste» dans un article paru dans l'hebdomadaire allemand, Der Spiegel, le célèbre romancier, âgé de 72 ans et dont le nom est souvent cité pour le Prix Nobel de la littérature, persiste dans sa dénonciation de la guerre du Kurdistan et joue un rôle majeur dans les actions en faveur du dialogue et de la paix. PLUSIEURS DÉPUTÉS KURDES DÉMISSIONNENT DU PARTI RÉPUBLICAIN DU PEUPLE (CHP)L'éclatement de la coalition gouvernementale a aussi pour conséquence l'effondrement d'un Parti auquel nombre de Kurdes avaient adhéré dans l'espoir de la réalisation de ses promesses de démocratisation et de "la reconnaissance de l'identité kurde". Au terme de 4 années d'expérience gouvernementale ces illusions se sont dissipées, le SHP et son successeur le CHP n'ayant réalisé aucune de leurs promesses majeures et ayant donné leur caution de gauche à un gouvernement engagé dans une guerre à outrance pour régler militairement le problème kurde. La vague de démissions initiée en 1992 par Ahmet Turk, Leyla Zana et leurs collègues qui fondèrent plus tard leur propre parti vient d'aboutir au départ de tout derniers députés kurdes de ce parti. En quelques jours M. Erdal Koyuncu, député de Siirt, Mahmut Uyanik, député de Diyarbakir, Mehmet Dönen, député de Hatay, Muzaffer Demir, député de Mus et l'ancien ministre d'État Salih Sümer, député de Diyarbakir ont démissionné du CHP. L'un des derniers partis "intégrateurs", le CHP n'a désormais pratiquement plus de présence dans les provinces kurdes. BAYKAL: L'ÉTAT EST AUX MAINS DE L'ÉXTRÊME-DROITE ET DESDans un rapport "explosif" dont le quotidien Hurriyet du 22 septembre a publié des extraits, le nouveau leader du Parti Républicain du Peuple (CHP), M. Deniz Baykal déclarait que l'État est livré "aux cadres des extrémismes intégriste et nationaliste". Selon une étude réalisée par son parti dans les 76 départements du pays, 34% des directeurs de la Sûreté sont du parti de l'action nationaliste (extrême-droite fascisante) du colonel Turkes, 14% dont fondamentalistes islamiques, 11% des libéraux et seulement 4% des sociaux-démocrates. 36% des préfets sont des fondamentalistes ou des extrémistes de droite et 45% des sous-préfets sont issus des lycées religieux souligne M. Baykal. Devant l'incapacité du Premier ministre d'assurer la neutralité politique de l'État, M. Baykal avait décidé de mettre fin à la coalition. Du procureur général Nusret Demiral au chef de la police d'Istanbul Menzir, certaines de ces figures de l'extême-droite nationaliste soutenues par l'armée et agissent comme un véritable État dans l'État sont connues de l'opinion publique. Selon M. Baykal ce n'est là que la partie visible l'iceberg du noyautage de l'État au nom de la surenchère nationaliste. Dans les provinces kurdes tout l'appareil militaire et civil de l'État est contrôlé par les partisans affirmés de l'extrême-droite. |