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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 102

24/6/1998

  1. LE SOMMET DE CARDIFF: PAS DE RÉELLE AVANCÉE POUR LA TURQUIE
  2. LA CONDAMNATION DES RESPONSABLES DE HADEP INFIRMÉE PAR LA COUR DE CASSATION
  3. LE CENTRE DE DIYARBAKIR DE RÉHABILITATION POUR LES VICTIMES DE LA TORTURE FERMÉ PAR LES AUTORITÉS TURQUES
  4. INTERDICTION DES ONDES POUR PLUSIEURS RADIOS ET CONDAMNATION À UN JOUR DE SUSPENSION POUR DES CHAÎNES DE TÉLÉVISION
  5. R A P P O RT ANNUEL DE L' A M N E S T Y: LA PRATIQUE DE LA TORTURE EST TOUJOURS LARGEMENT RÉPANDUE EN TURQUIE
  6. ATTENTAT CONTRE LE QUOTIDIEN ULKEDE GUNDEM À BATMAN
  7. LE PROCUREUR EN CHARGE DU DOSSIER DE RAGIP DURAN A ÉTÉ ÉLOIGNÉ DE SES FONCTIONS
  8. "ON PREND LE PARLEMENT POUR UN MOINS QUE RIEN"
  9. LE RÉGIME TURC A DU MAL À MOBILISER SES PA RT I S A N S
  10. LA TURQUIE RAPPELLE SON AMBASSADEUR EN SUISSE
  11. DOCUMENT: LE PARLEMENT TURC RECONNAÎT L' ÉVACUATION DE 3 428 VILLAGES ET HAMEAUX KURDES


LE SOMMET DE CARDIFF: PAS DE RÉELLE AVANCÉE POUR LA TURQUIE


Après le camouflet infligé par l'UE à la Tu rquie en décembre 1997 lors du sommet de Luxembourg, qui avait refusé d'intégrer Ankara au "processus d'adhésion" engagé avec 10 pays de l'Europe centrale et orientale plus Chypre, le sommet de Card i ff qui a réuni m a rdi 16 juin 1998 les dirigeants européens, devait amorcer un certain rappro c h e m e n t avec la Turquie. Or, la campagne menée par Paris et Londres n'a pas réellement porté ses fruits, puisque les propositions franco-britanniques ont été bloquées par la Grèce et que la seule avancée soit une référence aux " p ro p o s i t i o n s " que compte faire la Commission européenne pour débloquer l'aide de 375 millions d'écus promise à la Turquie et bloquée par la Grèce depuis des années.

"Nous avons voulu démontrer que la Turquie appartient à la famille européenne (... ) J'espère que les autorités turques ont compris le message de Cardiff" a déclaré Jacques Santer, président de la Commission européenne.

Accueillant avec prudence les résultats du sommet de Cardiff, le ministre turc des affaires étrangères, Ismail Cem, a déclaré: "Je ne peux pas dire que ce soit un grand succès. Mais il y a des développements positifs" . Il a ajouté qu'Ankara tiendrait compte de la bonne volonté manifestée par certains pays de l'UE.

LA CONDAMNATION DES RESPONSABLES DE HADEP INFIRMÉE PAR LA COUR DE CASSATION


La Cour de Cassation turque a, jeudi 18 juin, annulé pour " investigations insuffisantes" l'arrêt condamnant les responsables du Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP), accusé de "soutien à une organisation armée illégale". Murat Bozlak, président d'HADEP et 31 responsables et sympathisants du dit parti, avaient été condamnés le 4 juin 1997 à des peines variant entre quatre ans et six mois et six ans de prison par la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara. 12 autres avait alors été acquittés. M. Bozlak avait été arrêté et placé en détention pendant 10 mois après le second congrès extraordinaire d'HADEP le 23 juin 1996 au cours duquel le drapeau turc avait été enlevé et remplacé par la bannière du PKK par un sympathisant.

La Cour de cassation a confirmé la sentence de 22 ans et 6 mois de prison de Faysal Akcan, le jeune sympathisant qui avait descendu le drapeau turc alors que le procureur Atilla Atalay demandait une plus forte peine.

LE CENTRE DE DIYARBAKIR DE RÉHABILITATION POUR LES VICTIMES DE LA TORTURE FERMÉ PAR LES AUTORITÉS TURQUES


Les autorités turques ont fermé, merc redi 17 juin 1998, le Centre privé de Réhabilitation pour les Victimes de la torture, situé à Diyarbakir, créé par la Fondation des droits de l'homme de Turquie avec le soutien du Conseil International de Réhabilitation pour les victimes de la torture basé à Copenhague. Cinq jours après son ouverture, le centre a reçu l'ordre de fermer ses portes par une quinzaine de policiers sous prétexte que l'autorisation d'ouverture ne serait pas conforme. "Ils ne veulent pas de témoins ni de défenseurs des droits de l'homme au Sud-Est de la Turquie" a affirmé Nazmi Gur de l'Association turque des droits de l'homme d'Ankara.

La plus part des violations de droits de l'homme ont lieu au Kurdistan, où une guerre ravage la région depuis 14 ans. La torture y est également monnaie courante dans les prisons et les commissariats de police.

INTERDICTION DES ONDES POUR PLUSIEURS RADIOS ET CONDAMNATION À UN JOUR DE SUSPENSION POUR DES CHAÎNES DE TÉLÉVISION


Le Haut Conseil audiovisuel turc ( RTUK), l'équivalent du Conseil Supérieur de l'audiovisuel français (CSA) a décidé, au cours de ses réunions des 11 et 16 juin 1998, de condamner plusieurs radios et télévisions. Ainsi, "Metro FM" de Diyarbakir a été interdite d'émission pendant un an à partir du 10 juillet 1998 pour "atteinte à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de la République turque". "Radio Karacadag" à Sanliurfa sera interrompue à partir du 19 octobre 1998 pour une durée d'un an pour "incitation à la violence, à la terreur et à la différenciation ethnique et la diffusion de programmes créant un sentiment de haine au sein de la nation". Le même motif a été invoqué pour "Radio Demokrat" à Izmir et "Radio Arkadas" à Adana qui ont été sanctionnées pour une période de 6 mois. De plus les chaînes de télévision Show TV et ATV ont été interdites des écrans pour un jour, la première pour avoir diffusé des informations avant toute décision juridique définitive et la seconde pour avoir violé les articles relatifs au droit de réponse. Pour finir la chaîne KTV émise à Konya a été condamnée a un jour d'interdiction et Cine-5 et à nouveau son acolyte Show-Tv à un jour de suspension respectivement.

R A P P O RT ANNUEL DE L' A M N E S T Y: LA PRATIQUE DE LA TORTURE EST TOUJOURS LARGEMENT RÉPANDUE EN TURQUIE


L'organisation Amnesty Intenational a publié mercredi 18 juin 1998 son rapport 1998 des violations des droits de l'homme dans 141 pays du monde perpétrées e n t re janvier et décembre 1997. Selon ce rapport, la pratique de la torture est systématique et très répandue dans les commissariats de police et les gendarmeries turques et cela malgré un certain impact de la nouvelle législation relative aux procédures de détention. "Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées en raison de leurs activités politiques non violentes ( ) Six personnes au moins seraient mortes en détention. Au moins neuf personnes auraient 'disparu' alors qu'elles se trouvaient aux mains des forces de sécurité. Au moins 20 personnes ont été tuées dans des circonstances portant à cro i re qu'elles avaient été exécutées de façon extrajudiciaire" dénonce la séctiondurapport consacrée à la Turquie.

Toujours d'après ce rapport, la démission de Necmettin Erbakan de la coalition gouvernementale est le résultat de la pression des forces armées.

Se référant aux manifestations non violentes, le rapport souligne que des syndicalistes et des étudiants ont fait fréquemment objet de placement en garde à vue et ont été détenus parfois pendant des heures ou des jours par la police.

Le rapport dénonce également l'article 8 de la loi anti-terreur et l'article 159 du code pénal turc et cite à ce titre le procès de Munir Ceylan, syndicaliste, d'Ercan Kanar, président de la branche d'Istanbul de l'Association turque des droits de l'homme et de Sanar Yu rdatapan, porte-parole de l'Initiative de l'Ensemble pour la Paix. Ces trois hommes ont accusé l'état-major de l'armée turque d'avoir couvert le m a s s a c re de Guclukonak où les forces de sécurité ont détenu puis exécuté 12 civils et gardiens de village. Enfin le dit rapport d'Amnesty qualifie Hatip Dicle, Orhan Dogan, Selim Sadak et Leyla Zana de "prisonniers de conscience". "Jugés dans des conditions contraires aux normes les plus élémentaires d'équité, ils ont été condamnés alors qu'aucune preuve concluante n'a jamais été présentée à l'appui des charges re t e n u e s contre eux. Ces quatre personnes ont, selon toute vraisemblance, été incarcérées en raison des critiques qu'elles avaient formulées concernant la politique du gouvernement dans les départements du Sud-Est, où la population est majoritairement kurde" souligne le document.

ATTENTAT CONTRE LE QUOTIDIEN ULKEDE GUNDEM À BATMAN


Le bureau du quotidien prokurde Ulkede Gundem à Batman a fait l'objet d'un attentat jeudi 21 juin 1998. Une bombe a explosé au siège du quotidien causant d'importants dégâts matériels. Dans un communiqué daté du 22 juin 1998, Reporters sans frontières a dénoncé le fait que "depuis l'interdiction de diffusion du journal dans la région en décembre 1997, les collaborateurs du quotidien [fassent] l'objet de nombreuses pressions de la part de la police locale" et demande " l ' o u v e r t u re immédiate d'une enquête afin que toute la lumière soit faite sur cet attentat".

LE PROCUREUR EN CHARGE DU DOSSIER DE RAGIP DURAN A ÉTÉ ÉLOIGNÉ DE SES FONCTIONS


Alors que Ragip Duran, correspondant de Libération en Turquie a commencé à purger sa peine de 10 mois de prison pour un article publié dans un quotidien pro-kurde en avril 1994 (cf.: Bulletin CILDEKT 101), un scandale a éclaté dans les coulisses de la justice turque. Le procureur de la République de la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul, Isa Geyik, celui là même qui avait constitué le dossier contre Ragip Duran, a été remercié suite à son implication dans une affaire de corruption. En e ffet, suite à la collaboration entre les polices néerlandaise et turque qui ont effectué des écoutes téléphoniques, l'ex- procureur Geyik a été pris avec d'autres magistrats pour avoir reçu un pot de vin de $100 000 et 3 millions de DM en échange de leur bienveillance pour les narco-trafiquants. Ceux-ci, accusés de trafic d'héroïne, ont été libérés un à un.

"ON PREND LE PARLEMENT POUR UN MOINS QUE RIEN"


Lors de sa dernière réunion la Commission des droits de l'homme du Parlement turc avait décidé de convoquer les experts du Groupe de Travail de l'Ouest (BÇG)- organe constitué par l'état-major turc- et du Groupe de Travail Civil (SÇG), attaché au Premier ministre, chargés tous les deux de suivre les activités nuisibles à l'État, notamment les périls islamiste et séparatiste, afin de les interroger sur leurs "activités" et "objet". De vives protestations ont éclaté, jeudi 18 juin 1998, lorsque les députés siégeant au sein de la commission ont constaté que de simples lettres avaient été envoyées à des fins explicatives par le ministère de la Défense et le cabinet du Premier ministre. "Ils se croient supérieurs au Parlement. Ceci une preuve manifeste de la démocratie militaire Le BÇG prend le parlement pour moins que rien.

Il a été crée par le soutien des socio-démocrates. Si vous n'êtes pas capables d'emmener le BÇG jusqu'ici, trouvez avant tout un nom à votre travail. Peut-être qu'on vous donnera 10 sur 10" ont crié, furieux, les députés du Parti de la Vertu (FP). Face à ces contestations, Sema Piskinsut, présidente de cette commission a demandé et obtenu le huit-clos des débats grâce au vote des parlementaires du Parti de la Gauche démocratique (DSP) et du Parti de la Mère-Patrie (ANAP), tout deux, partis de coalition au pouvoir. Les deux lettres ont ensuite été lues devant la commission: Le ministère de la défense précisait qu'"un groupe de travail était en cours de création pour des questions disciplinaires et d'organisation, internes au quartier général de l'état-major" et le cabinet du Premier ministre se défendait d'avoir un tel organe en affirmant; "nous n'avons pas dans nos services des o rganes appelés 'Groupe de Travail de l'Ouest' ou 'Groupe de Travail Civil'. Loin d'être convaincus, les parlementaires du FP et du Parti de la Juste Voie (DYP) ont décidé d'envoyer un second courrier en des termes plus explicatives "Existe-t-il un quelconque groupe de travail ou commission dans le but d'observer les activités intégristes, de développer la prévention et la lutte contre elles et de faire des propositions sur le plan législatif ?"

LE RÉGIME TURC A DU MAL À MOBILISER SES PA RT I S A N S


À la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale française reconnaissant le génocide des Arméniens en 1915. Ankara et ses média ont déclenché une vaste campagne de protestations contre la France. Des milliers de lettre s - t y p e s re p roduisant mot à mot le même texte y compris avec ses fautes d'orthographes adressées aux autorités françaises pour les impre s s i o n n e r, suspension des contrats et puis la menace d'une manifestation géante à Paris des 350 000 Tu rcs de France et des 2,5 millions de Tu rcs d'Europe. La montagne a finalement accouché d'une toute petite souris. Malgré des semaines de battage médiatique, malgré des cars et un train mis gracieusement à la disposition de " Tu rcs patriotes" ramenés par les consulats et les ambassades et les association qui leur sont inféodées, le samedi 20 juin, on ne dénombrait sur l'esplanade des Invalides qu'un petit millier de manifestants turcs brandissant une p rofusion de drapeaux turcs. Cela n'a pas empêché les quotidiens " p a t r i o t e s " comme H u r r i y e t d'annoncer triomphalement à la Une "la marche géante de 5 000 Turcs à Paris". Même son de cloche triomphaliste dans la plupart des média nationalistes turcs qui avaient pourtant annoncé en pages antérieures la manifestation de 50 000 (estimation AFP) à 60 000 kurdes et turcs demandant la paix , il y a quelques jours en Allemagne. Le quotidien M i l l i y e t plus mesuré, estime à 2 500 le nombre de manifestants turcs à Paris et fait état d'affrontements violents avec des contre-manifestants "arméniens et séparatistes".

Le traitement ultranationaliste par les média turcs d'un événement s'étant déroulé à Paris, sous le regard des observateurs, donne une idée de l'ampleur de lavage de cerveaux ou de "bourrage de crâne patriotique" qu'ils pratiquent sur les événements se déroulant en Turquie ou au Kurdistan.

LA TURQUIE RAPPELLE SON AMBASSADEUR EN SUISSE


Déjà en conflits avec ses voisins grec, chypriote, syrien, irakien, iranien et arménien, et en froid avec plusieurs capitales européennes et Moscou, la Tu rquie a trouvé encore le moyen de se brouiller avec la très neutre Confédération helvétique. Elle a rappelé "pour consultation" son ambassadeur à Berne a-t-on appris de sourc e s diplomatiques, le 22 juin. La raison invoquée; la ville de Zurich a refusé la location de deux immeubles au consulat turc qui devant déménager ne se trouve pas où loger. Selon la ville, ce sont les citoyens des quartiers concernés qui refusent le voisinage d'une représentation consulaire turque en raison des "risques de nuisances". On évoque à ce propos l'assassinat en 1994 d'un manifestant kurde devant les grilles de l'ambassade turque à Berne par des tirs tirés de l'intérieur du bâtiment par les policiers turcs, assassinat resté impuni pour des raisons d'immunité diplomatique qui n'en a pas moins traumatisé l'opinion publique suisse sur les moeurs violentes de l'État turc y compris à l'étranger. D'où le refus des citoyens suisses d'accepter le voisinage de représentants turcs.

Et comme dans le même temps le maire de Lausanne avait rejeté la requête turque de célébration du 75ème anniversaire du Traité de Lausanne signé en juillet 1923 dans la ville, les Tu rcs croient " a u complot suisse contre l'unité de la Turquie". Pour le maire, ce traité qui est à la base de la reconnaissance internationale de l'État turc est aussi un texte qui a consacré le partage du Kurdistan et le déni des droits des Arméniens. Le maire a déclaré publiquement qu'il en a honte pour sa ville. La brouille turco-suisse risque donc de durer un certain temps.

DOCUMENT: LE PARLEMENT TURC RECONNAÎT L' ÉVACUATION DE 3 428 VILLAGES ET HAMEAUX KURDES


La Commission des migrations du Parlement turc vient de rendre public un rapport de 120 pages sur la situation sociale, éducative et sanitaire sur les provinces du Sud-Est. Ce document reconnaît l'évacuation forcée de 3 428 villages et hameaux kurdes (décompte officiel établi à la date du 30-11-1997). Voici des extraits significatifs de cet important document:

Villages évacués, habitants contraints à l'exode D'après l'enquête de la préfecture de la région d'état d'exception (OHAL) relative à l'importante évacuation des villages en 1993 et 1994 ; Dans la région OHAL (Diyarbakir, Hakkari, Siirt, Sirnak, Tunceli, Van) et les zones contiguës (Batman, Bingol, Bitlis, Mardin, Mus), à l'exclusion des personnes qui ont regagné les 11 provinces en novembre 1997, le chiffre des personnes exilées a atteint le nombre de 378 335 pour 820 villages, 2 345 hameaux évacués.