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Liste
NO: 103 |
3/7/1998 LE CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ A DÉCIDÉ LA PROLONGATION DE L'ÉTAT D'URGENCE AU SUD-ESTRéuni lundi 29 juin 1988, le Conseil national de Sécurité turc (MG) regroupant les principaux dirigeants civils et militaires et véritable exécutif du pays a décidé de prolonger pour quatre mois l'état d'urgence en vigueur dans les provinces de Diyarbakir, Hakkari, Siirt, Sirnak, Tunceli et Van et cela à partir du 30 juillet 1998. Les décisions du MGK ont la nature juridique d'un avis et doivent être ratifiées par le parlement. Cependant l'Assemblée turque n'a jamais refusé depuis 1987, date de mise en vigueur de cet régime, aucune décision de cette sorte. LE BILAN DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME SELON MAZLUM-DERL'Association de défense des droits de l'homme MAZLUM-DER (islamiste) a publié, jeudi 25 juin 1998, son bilan de mai des violations des droits de l'homme en Turquie. Ce bilan est le suivant: - Meurtres non élucidés, décès douteux: 17 - Exécutions sur place, morts à la suite de torture et morts en garde-à-vue: 8 - Morts au combat: 197 / Blessés: 58 - Morts à la suite d'actions contre les civils: 9 / Blessés: 3 - Nombre de personnes tuées par les mines et les bombes: 5 / Blessés: 10 - Personnes torturées: 118 - Menacés d'accusation d'espionnage, kidnapping, déclaration de disparition: 15 - Arrestations: 180 LE CONSEIL DE L'EUROPE A FINALEMENT ADOPTÉ LE RAPPORT SUR LES KURDESMAISLe Conseil de l'Europe a, jeudi 25 juin 1998, approuvé à main levée le rapport intitulé "Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le Sud-Est de la Turquie et le nord de l'Irak" de sa Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie. Ce rapport avait l'ambition de "comprendre les causes des importants déplacements de populations, essentiellement d'origine kurde, tant à l'intérieur qu'en provenance du nord de l'Irak et du Sud-Est de la Turquie, et d'évaluer leur situation et leurs besoins humanitaires" et appelait pour que "le gouvernement turc prenne des mesures afin qu'un dénouement pacifique puisse mettre un terme au conflit armé dans lequel il est engagé dans le Sud-Est du pays". À l'issue d'un débat très animé, la directive 545 a été adopté. Cette directive stipule que l'Assemblée devrait "jouer un rôle plus important dans la promotion de la paix et de la réconciliation dans les régions kurdes du Sud-Est de la Turquie et ailleurs () [et] charge sa commission pour le respect des obligations et engagements des États membres d'examiner la question de la minorité kurde dans le cadre de la procédure suivie relative à la Turquie". Après quatre heures de débat et le vote de nombreux amendements turcs Mme Vermot-Mangold, rapporteuse du texte a déclaré "Je ne reconnais plus ce rapport complètement dilué": Ainsi, l'idée d'une conférence internationale sur la question kurde soumise par la rapporteuse a été remplacée par l'envoi d'une délégation du Conseil dans la région pour écouter des témoignages sur les événements. Autre point important, le rapport final ne demande plus que soient poursuivis les membres des forces armées accusés de violations des droits de l'homme, mais appelle pour que soit traduit en justice "quiconque" violant les droits de l'homme. De plus, le rapport condamne la "violence et le terrorisme perpétré par le PKK" aussi bien que "l'évacuation et l'incendie des villages par les forces armées turques". Le texte final appelle tout de même Ankara à prendre des mesures pour faciliter l'exercice des droits culturels et politiques des Kurdes et demande à la Turquie de dissoudre le système des protecteurs de village payés par le gouvernement. Au cours des débats il a été reproché à Mme Vermot-Mangold de "créer un problème kurde" et de se placer sur un plan politique et pas seulement humanitaire. La délégation turque a qualifié le rapport de "politique, partial et incomplet". Ils ont regretté les critiques proférées à l'égard des militaires turcs qui selon eux sont présents dans la région pour protéger les villageois. Ils ont également parlé d'"informations fausses et tronquées". Parmi les orateurs, Lord Judd (Royaume-Uni) a souligné à quel point l'atmosphère était "passionnée et tendue". M. Christodoulides (Chypre) a salué "l'objectivité et le courage politique" de Mme Vermot-Mangold "en raison de la réaction de la délégation turque, qui est allée jusqu'à présenter un contre-rapport et à déposer plus de cinquante amendements en vue de dénaturer le projet de recommandation". M. Varela (Espagne) a rajouté que "la délégation turque a fait tenir aux autres parlementaires un petit livre destiné à contredire ce document en rejetant toute la faute sur le PKK". M. Brunetti (Italie) a relevé les chiffres éloquents de la commission d'enquête du Parlement turque dans un rapport mis sous scellés par le gouvernement turc; 37 000 victimes en 15 ans, plus de 3 millions de réfugiés. "Il s'agit donc d'un exode biblique, dont les effets sont ressentis jusqu'en Italie" a-t-il ajouté. Mme Dumont (France) a pour sa part repris les termes du rapport: "la question kurde n'est plus aujourd'hui un simple problème intérieur. Elle devenue un problème international de droits de l'homme, qui concerne donc la communauté internationale". Cette dernière a également déploré le fait que les droits civils et politiques des Kurdes soient bafoués. "Le mot est impropre, car encore faudrait-il que ces droits aient existé. Ces droits n'existent pas" a-elle-ajouté. Par ailleurs, certains députés ont appelé à ce que les députés kurdes emprisonnés en Turquie depuis 1994 retrouvent leurs libertés. Il a été reproché également à Mme Vermot-Mangold de ne pas s'être rendue en Turquie par crainte pour sa vie. Ce à quoi Mme Gelderblom-Lankhout (Pays-Bas) a partiellement répondu en évoquant son voyage en 1994 dans le nord de l'Irak qui a nécessité son passage par la Turquie: "Qui, du parlement ou de l'armée, dirige vraiment le pays, l'armée fait l'objet de multiples rumeurs, allant jusqu'à être accusée de trafic illégal d'êtres humains. Les parlementaires turcs ici présents maîtrisent-ils vraiment ce qui se passe en Turquie?". LES ISLAMISTES À NOUVEAU SUR LES BANCS DES ACCUSÉSM. Necmettin Erbakan, ancien Premier ministre islamiste, accusé d'avoir "insulté" la Cour Constitutionnelle dans une intervention devant le comité directeur de son parti à la suite de la dissolution de son parti, le Refah (RP) était traduit lundi 29 juin 1998 devant la Cour de Sûreté d'État d'Ankara. M. Erbakan avait accusé la Cour constitutionnelle d'"avoir commis un meurtre judiciaire" en interdisant le Refah pour "activités contre le régime laïc" et que le verdict prononcé par la Cour "n'avait aucune importance". Interdit de politique pour cinq ans, M. Erbakan n'a pas assisté à l'audience qui a décidé de renvoyer le procès au 14 septembre 1998. Il est passible d'une peine de prison allant jusqu'à un an et demi. Par ailleurs, Erol Yarar, président de l'Association des Hommes d'Affaires indépendants (MUSIAD-pro-islamiste), accusé d'avoir "incité à la haine religieuse" au sein de la population turque était également, lundi 29 juin 1998, devant les juges de la Cour de sûreté de l'État d'Ankara. Farouchement opposée à la réforme de l'enseignement adoptée par le parlement en août 1997, réforme décidant la fermeture des sections secondaires de centaines d'écoles religieuses d'État dans les deux ans, la MUSIAD, forte de 2000 membres, est un ardent partisan de Necmettin Erbakan. Il est reproché à M. Yarar d'avoir déclaré en octobre 1997, lors d'une réunion de la MUSIAD: "S'Ils mettent en application cette réforme de l'enseignement, ils perdront leur tête". M. Yarar est passible d'une peine allant jusqu'à trois ans de prison, mais en réalité, dans le cadre du procès de son président le procureur de la Cour réclame la dissolution pure et simple de l'association, accusée d'activités anti-laïques. Le général Çevik Bir, numéro deux de l'état-major des armées turc a, mardi 30 juin 1998, déclaré au club des officiers d'Ankara que le fondamentalisme restait le danger numéro un en Turquie et a appelé le Parlement à agir rapidement pour faire passer les lois anti-islamistes demandées par l'armée. Selon un sondage effectué en mai 1998 sur 2 500 personnes interrogées par les Forces armées turques (TSK), le parti islamiste la Vertu (FP), fondé à la suite de la dissolution du Parti de la Prospérité (RP), continue d'être le parti le plus populaire en Turquie avec 17,4% des intentions de vote en cas d'élections. Le HADEP, pro-kurde, recueillerait 5,8% des voix. Quant aux partis de coalition formant le gouvernement actuel, le Parti de la Mère Patrie (ANAP), le Parti de la Gauche Démocratique (DSP) et le Parti de la Turquie Démocratique (DTP), ils récolteraient respectivement 16,7%; 10,3%; 7,6%. LE PROCÈS DES MEMBRES DE HADEP CONTINUEL'audience des 13 responsables du Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP), accusé d'être la branche politique du PKK, s'est déroulée vendredi 26 juin 1998 devant la Cour de sûreté de l'État d'Ankara. Au cours de l'audience, le juge Mehmet Turgut Okyay a soutenu que des criminels avaient affirmé dans leurs dépositions qu'ils avaient été envoyés dans des camps "terroristes" après avoir effectué un stage au siège central de HADEP. Interrogé sur la question, Hasan Dogan, membre du parti a déclaré que ces personnes avaient été arrêtées dans la rue et qu'elles n'avaient aucun lien avec le parti. Murat Bozlak, président du parti, a quant à lui souligné que le procès était une partie de la campagne anti-HADEP, engagée délibérément pour empêcher la participation du HADEP aux prochaines élections. En fin, d'audience Hasan Dogan a été relâché tandis qu'il a été décidé de maintenir en détention les huit autres prévenus, dont Murat Bozlak. UNE TROISIÈME ENQUÊTE PARLEMENTAIRE SUR MESUT YILMAZLe Premier ministre turc, M. Mesut Yilmaz, qui fait d'ores et déjà l'objet de deux enquêtes, l'une sur l'origine de ses biens et l'autre pour "abus de pouvoir" lors de l'appel d'offres public pour la construction d'un second aéroport à Istanbul, va être sujet d'une troisième enquête pour corruption dans une affaire de vente de terrains publics à des promoteurs privés. Le Parlement turc a approuvé mardi 30 juin 1998 une motion en ce sens de l'opposition. Une commission parlementaire ad-hoc devrait se prononcer vers le mois de septembre sur la première enquête. M. Yilmaz risque, en cas de culpabilité, une interdiction de faire de la politique. DÉSINFORMATION À LA TURQUELe quotidien turc à grand tirage Türkiye (Turquie) donne dans ses éditions du 20 juin, un nouvel exemple du bourrage de crâne que subit le public turc sur "les questions sensibles". Le 17 avril une conférence publique sur le thème "1915-1998: de la fracture au dialogue" était organisée dans la salle parisienne de FIAP par le centre de recherche sur la diaspora arménienne (CRDA) avec le concours de l'Institut kurde de Paris, de l'INALCO, et de l'UMR Monde iranienne-CNRS, Sorbonne Nouvelle. Pour la première fois une écrivaine turque, Yelda, auteur de deux livres sur des questions de minorités, et deux intellectuels turcs Ragip Zarakoglu et Taner Akçam prenaient part à un débat public sur "la question arménienne" aux côtés du président de l'Institut kurde et du directeur du CRDA, Jean-Claude Kebabdjian. Cet événement fut à l'époque totalement ignoré par les média turcs. Mais après l'adoption par l'Assemblée nationale français sur la reconnaissance du génocide des Arméniens en 1915 et le climat anti-français qui s'est développé à sa suite dans les média turcs, ceux-ci cherchent partout des coupables et des "traîtres". Le quotidien Türkiye "révèle" ainsi à la une à ses lecteurs "ce complot arméno-PKK". Extraits: "Il se révèle que des partis ayant voté en faveur de la proposition de loi sur le prétendu "génocide arménien" adopté par le Parlement français ont rencontré secrètement les Arméniens. Il a été établi que des responsables du Parti socialiste, des Verts et des Communistes qui ont voté pour la proposition de loi se sont, avant le vote, réunis en avril dernier avec une dirigeante de l'Association des droits de l'homme de Turquie, des leaders de la communauté arménienne et des dirigeants de l'Institut kurde. Les images de cette réunion à laquelle seules les caméras de la télévision d'État arménienne avaient été admises ont été diffusées en Arménie. Il a été établi que cette réunion s'est tenue dans la salle de conférence Jean Monnet de l'Association de soutien aux minorités arméniennes (FIAP) sous la présidence de Jean-Claude Kebabdjian, Arménien ultra-raciste, ennemi des Turcs". Après avoir donné la liste des participants d'après la revue "confidentielle" Les Nouvelles d'Arménie, Türkiye montre du doigt les "traîtres turcs" qui ont trempé dans ce complot anti-turc, en particulier Yelda, présentée comme "dirigeante de l'Association des droits de l'homme de Turquie", cible de choix des autorités turques. Selon le quotidien, Yelda aurait tenu "des propos haineux contre la Turquie", reconnu "le génocide des Arméniens par les Turcs" avant de conclure "en tout cas, Nous, Turcs, n'avons pas pu apporter une réponse propre à notre histoire souillée. L'Arménie a des droits à faire valoir sur le territoire de la Turquie". Par un montage sans vergogne, qui n'est pas sans rappeler la campagne de presse menée il y a quelques semaines contre Akin Birdal, accusé de "trahison", le quotidien Türkiye désigne ainsi une nouvelle cible aux escadrons turcs de la mort. Mme. Yelda a saisi le conseil supérieur de la presse turque et diffusé un communiqué où elle exprime de vives craintes pour sa vie. Tout comme Akin Birdal avant l'attentat perpétré contre lui, Yelda vient de se voir refuser une autorisation de sortie du territoire. À défaut du convaincre l'opinion publique internationale, les dirigeants turcs s'acharnent sur les démocrates turcs qui dénoncent les violations des droits de l'homme dans leur pays et font à cette fin usage de tous ces procédés de désinformation et de manipulation. |