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Liste
NO: 107 |
10/8/1998 HATIP DICLE EST CONDAMNÉ À UNE ANNÉE DE PLUSLa Cour de Sûreté de l'État d'Ankara a, mercredi 5 août 1998, condamné Hatip Dicle, ancien président du Parti de la Démocratie (DEP-dissous), ex-député de Diyarbakir à une année de plus d'emprisonnement pour "incitation du public à la haine par son message". Le procureur de la République Levent Kanat, reprochait à Hatip Dicle, déjà condamné à 15 ans de prison comme Leyla Zana et incarcéré à la prison centrale d'Ankara, le message qu'il a envoyé à un panel de discussion organisée par l'Association turque des droits de l'homme (IHD). UN AUTEUR ISLAMISTE CONDAMNÉ À 24 ANS DE PRISON POUR UNE PIÈCE DE THÉÂTRELa Cour de Sûreté de l'État d'Ankara a, mardi 4 août 1998, condamné Mehmet Vahi Yazar, auteur-acteur d'une pièce de théâtre "Un Ennemi de droit" à 24 ans de prison pour "incitation à la haine raciale". 4 autres acteurs ont également été condamnés à 16 ans pour la même pièce. Un premier verdict avait prononcé des peines (2 à 3 ans de prison) trop clémentes au goût de la Cour de cassation turque, qui avait demandé un nouveau procès et des peines pour chacune des 8 représentations incriminées. La pièce en question mettait en scène les militaires turcs persécutant les musulmans pratiquants. Par ailleurs, l'armée turque continue la purge d'islamistes dans ses rangs. Ainsi 28 officiers ont été radiés ce même mardi 4 août 1998. AKIN BIRDAL CONDAMNÉ À UN AN DE PRISONÀ peine sorti de convalescence suite à l'attentat du 12 mai 1998, Akin Birdal, président de l'Association turque des droits de l'homme (IHD), a été, mardi 28 juillet 1998, condamné par la Cour de Sûreté de l'État à un an de prison pour "incitation à la haine raciale". La Cour reproche à M. Birdal un discours prononcé en faveur d'une solution pacifique au conflit turco-kurde. Un précédent appel avait infirmé une première condamnation de M. Birdal en soulignant que le dit discours ne constituait pas un crime. "C'est une nouvelle violation de la liberté de l'expression" a déclaré Nazmi Gur, secrétaire général de l'IHD. Akin Birdal qui n'hésite pas à dénoncer la torture et l'évacuation forcée des villages kurdes en Turquie, est devenu une cible de choix pour les autorités turques qui l'accusent de ternir l'image de la Turquie. Les gangs ultra-nationalistes agissant de concert avec certains services de l'État ont cherché à l'assassiner. Lundi 3 août 1998, au total 11 hommes étaient poursuivis dans cette affaire, dont Cengiz Ersever, officier de l'armée turque, présenté par la presse comme instigateur de l'attentat et fondateur de la Brigade de Vengeance Turque (TIT), un des escadrons de la mort le plus actif depuis 1992. Au cours de l'audience, ce dernier a d'abord nié avoir donné l'ordre de tuer Akin Birdal et a lancé en pleine salle d'audience; "Je n'avais pas l'intention de tuer Akin Birdal Si je voulais, vous pouvez en être sûr, je pourrais envoyer sa cervelle contre le mur en 24 heures" et se retournant contre le juge "Tu veux parier ?". C'est alors que les avocats de M. Birdal ont protesté, constatant que ces propos n'étaient pas enregistrés dans le procès-verbal. L'audience est repoussée jusqu'au 3 septembre 1998. UN CARICATURISTE KURDE CONDAMNÉ À 40 MOIS DE PRISONDans le cadre de quatre affaires distinctes, la Cour de Sûreté de l'État a, mardi 4 août 1998, condamné Dogan Güzel, caricaturiste kurde, à 40 mois de prison pour "'atteinte à la sûreté de l'État. La Cour lui reprochait le contenu de ses dessins publiés dans deux quotidiens pro-kurdes aujourd'hui interdits, Özgür Gündem et Özgür Ülke. Placé en détention vendredi 31 juillet 1998, il a été écroué à la prison de Bayrampasa. NOUVELLE CONDAMNATION DE LA TURQUIE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMMELa Cour européenne des droits de l'homme a, lundi 27 juillet 1998, condamné une nouvelle fois la Turquie pour la violation de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prône la protection du "droit de toute personne à la vie". La plainte avait été déposée par Huseyin Guleç, père d'Ahmet Guleç, jeune adolescent de 15 ans tué lors d'une manifestation violemment réprimée par les forces de sécurité turques à Idil dans la province kurde de Sirnak, le 4 mars 1991. Le plaignant avait saisi en vain les instances turques qui avaient prononcé un non-lieu, confirmé par le Conseil d'État turc. La Cour européenne s'est appuyée sur le témoignage des notables locaux qui ont révélé que les troupes ont ouvert le feu en direction de la foule et ont fait preuve d'un "usage disproportionné de la force ". Tout en rejetant les allégations du gouvernement turc qui soutenait comme à son habitude que la responsabilité du décès de l'adolescent était imputable au PKK, la Cour a dénoncé "l'absence d'une enquête approfondie sur les circonstances du décès". Huseyin Guleç s'est vu allouer 50 000 F pour préjudice moral et 10 000 F pour les frais et dépens. La vie d'une Kurde vaut donc $ 10.000 pour les juges européens. À ce compte- là, le régime turc pourrait continuer à tuer tous ses opposants réels ou supposés. DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ET MUNICIPALES FIXÉES AU 18 AVRIL 1999Par 488 voix contre 12, la motion du gouvernement prévoyant la tenue simultanée le 18 avril 1999 des élections législatives anticipées et des municipales en Turquie, a été, jeudi 30 juillet 1998, adoptée par la Grande Assemblée Turque. M. Yilmaz, Premier ministre et ses partenaires, le Parti pour une Turquie démocratique (DTP) et le Parti de la Gauche Démocratique (DSP) de même que le Parti Républicain du Peuple (CHP) qui ne fait pas partie du gouvernement tout en le soutenant, s'étaient mis d'accord pour la date du 25 avril 1999. Cependant la commission parlementaire a fixé la date au 18 avril 1999 qui a été adoptée y compris par l'opposition au parlement dont la formation islamiste, le Parti de la Vertu (FP). Par ailleurs dans une déclaration faite le 3 juin 1998, M. Yilmaz avait annoncé qu'il démissionnerait à la fin de l'année 1998 et laisserait la place à un "gouvernement de transition". D'autre part, conformément aux dispositions de la Constitution turque sur la période préélectorale, les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Transports ont démissionné de leur poste et ont été remplacés par des indépendants cinq jours après la publication dans le Journal officiel de la décision parlementaire. M. Yilmaz a, mardi 4 août 1998, présenté la liste des futurs ministres. Il s'agit des M. Kutlu Aktas, préfet d'Istanbul, au ministère de l'Intérieur, M. Hasan Denizkurdu, député indépendant (ancien DYP) d'Izmir, au ministère de la Justice et M. Arif Ahmet Denizolgun, député indépendant (ancien RP) d'Antalya, au ministère des Transports. Ces tractations vont conduire Kemal Yazicioglu, préfet d'Ordu, au poste de directeur de sécurité nationale, son prédécesseur Necati Bilican devenant préfet d'Izmir. Par ailleurs, si ces trois nouveaux ministres se présentent aux prochaines élections, ils devront à leur tour démissionner de leurs fonctions en janvier 99. DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES OUVRIERS KURDESQuelque 280 travailleurs saisonniers kurdes chargés dans des camions ont été, jeudi 6 août 1998, interdits d'accès dans une province turque, qui dépend de la main d'uvre saisonnière des Kurdes pour le ramassage des noisettes. "Le gouverneur a interdit tous les ouvriers étrangers parce que certains peuvent être membres de l'organisation séparatiste Cela peut être quelque peu discriminatoire" a déclaré un responsable de la préfecture d'Ordu. Le préfet d'Ordu n'est autre que Kemal Yazicioglu, connu pour ses opinions ultra-nationalistes et pour ses liens au Premier ministre Mesut Yilmaz. Il est actuellement pressenti pour le poste de directeur de la Sûreté nationale qu'il convoite depuis longtemps. Par ailleurs, le maire d'Istanbul, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré ce même jeudi 6, que la clé du problème de surpopulation d'Istanbul se trouve dans l'instauration d'un visa d'accès à la ville et donc préconise de claquer la porte aux migrants indésirables. M. Erdogan a ajouté que Istanbul ne pouvait pas faire face à une croissance "artificielle" de la population due à la migration économique. Il est vrai que la population d'Istanbul, qui accueille plus de trois millions de Kurdes fuyant la misère et la guerre opposant le PKK aux forces de sécurité turques, a fortement augmenté. Le conflit kurde finit par affecter la vie quotidienne dans les métropoles turques. LU DANS LA PRESSE TURQUEVoici l'article d'Ertugrul Özkök, rédacteur en chef du quotidien turc Hürriyet, publié le 5 août 1998 sous le titre de "les témoins d'Agar": "J'ai reçu une invitation pour la cérémonie de mariage de Tolga Agar, le fils de Mehmet Agar, député du Parti de la Juste Voie (DYP). Il y aura deux grands invités au mariage, l'un et l'autre étant témoins des mariés: l'ancien Président [leader du coup d'état militaire de 1980] Kenan Evren et l'actuel Président, Suleyman Demirel. [Agar a été contraint de démissionner de son poste de ministre de l'Intérieur, après avoir été impliqué dans le scandale de gang d'État de Susurluk. Le Parlement a suspendu son immunité parlementaire afin qu'il puisse être jugé pour avoir formé une bande ayant des intentions criminelles-selon les allégations, une sorte de brigade de la mort et d'extorsion utilisée dans la lutte contre le Parti illégal, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Agar a nié les accusations, indiquant qu'il n'a rien fait sans la connaissance de ses supérieurs.] La cérémonie de mariage aura lieu à Istanbul le 17 août. Il sera curieux de voir qui d'autre sera présent à cet événement puisque cela contribuerait à l'idée de réhabilitation sociale d'Agar. L'immunité parlementaire d'Agar a été levée par le Parlement avec 6 voix marginales. De nombreux députés de DYP, y compris le leader de DYP, Tansu Çiller, n'ont pas pris part au vote. S'ils étaient présents, l'immunité d'Agar n'aurait pas été levée. C'est pour cette raison qu'Agar est plein de rancur contre Çiller. En fait, selon certains de ses proches, il a récemment indiqué que le mois prochain il révélera peut-être certaines choses. Un discours prononcé par Agar lors de la réunion du groupe parlementaire de DYP n'a pas reçu toute l'attention qu'elle aurait dû par la presse. Dans ce discours, Agar a rappelé à ses compagnons du DYP que dans le scandale de Susurluk il "n'a pas choisi la voie de rejeter sa propre responsabilité (en tant que directeur général de la Sûreté de l'époque) sur la plus haute autorité politique". Ceux qui suivent de près les développements peuvent facilement voir ce que ces mots veulent dire. L'affaire Agar est sur le point de devenir le plus intéressant événement politique de notre histoire récente. Il y a quelques mois, le quotidien Hurriyet a publié une intéressante nouvelle. Le parc du quartier général des généraux qui expose les statues des "commandants héroïques turcs" comprend maintenant la statue de Mustafa Muglali. Elle est là depuis suffisamment longtemps, mais aucun de nous n'a entendu parler de ce développement. Muglali était un officier turc qui a été condamné à 30 ans de prison pour avoir exécuté quelques 30 personnes lors des soulèvements kurdes [NDLR; En fait il s'agit du massacre de sang froid de 33 paysans kurdes en 1944 dans la province de Van en absence de toute révolte armée] Plus tard, il a été gracié et ses restes ont été transférés au cimetière des soldats des forces armées. Ceci veut dire qu'il a été "réhabilité". Mais cette statue placée dans le parc des généraux, a une signification qui dépasse de loin cela. Aujourd'hui tout le monde se demande si la Turquie, qui a placé la statue de Muglali parmi les statues des commandants braves, condamnera Agar? Nous attendrons et nous verrons". |