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Liste
NO: 128 |
7/4/1999 .. POUR LA CINQUIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE LA TURQUIE A ÉTÉ DESIGNÉE LE PREMIER PAYS À EMPRISONNER LES JOURNALISTESSelon un rapport publié jeudi 25 mars 1999 par le Comité de protection des journalistes (CPJ), une association de défense de la presse basée aux Etats-Unis, au moins 118 journalistes étaient incarcérés dans 25 pays et 24 auraient été tués dans l'exercice de leur métier à la fin de l'année 1998. Pour la cinqième année consécutive, c'est la Turquie qui arrive en tête des pays qui emprisonnent les journalistes. 27 d'entre eux se trouvaient derrière les barreaux en 1998, la plupart pour avoir écrit sur le conflit kurde. Ainsi, une Cour d'Appel turque a confirmé, le 23 mars 1999, la sentence de 13 mois de prison du journaliste Haluk Gerger sur la base de loi anti-terreur. Ce dernier avait été précédemment condamné par la Cour de Sureté de l'Etat pour un article écrit dans le journal pro-kurde Ozgur Gurdem, interdit depuis lors. L'ENSEIGNEMENT DU KURDE CONDUIT À UNE OPPOSITION ENTRE LES JUGES CIVILES ET MILITAIRE D'UNE COUR DE SURETÉ DE L'ETATLa seconde division de la Cour de Sureté de l'Etat (DGM) d'Ankara, compétente également dans l'affaire d'Abdullah Ocalan, a rendu le 31 mars 1999, une décision en faveur de l'enseignement de la langue kurde. Un syndicat de l'enseignement (EGITIM-SEN), accusé de "propagande séparatiste" pour le contenu d'un livre, a été acquitté en soulevant toutefois l'objection vive du juge-militaire siégeant à la cour. Les autorités turques reprochaient aux responsables syndicaux d'avoir demandé "l'enseignement de la langue kurde", d'avoir qualifié de racisme l'adage "Heureux celui qui se dit turc" et d'avoir soutenu qu'"une politique assimilationniste et négationniste était menée envers le peuple kurde et envers d'autres peuples". La Cour a considéré que c'était une "proposition scientifique" et qu'elle n'avait nullement de contenu séparatiste. Unal Haney, procureur chargé du dossier, a formé un pourvoi en cassation en soutenant que le livre était une "propagande portant atteinte à l'intégrité territoriale et nationale de l'Etat". C'est également la lecture du colonel Abdulkadir Davarcioglu, juge-militaire de la cour, qui a déclaré que toute proposition d'enseignement d'une langue autre que le turc, et tout particulièrement du kurde, était inconstitutionnelle et a qualifié cela de séparatisme. Selon lui, sous-couvert de la liberté de l'expression, les auteurs ont porté atteinté à la constitution turque en annonçant qu'il y avait d'autres peuples que les Turcs vivant en Turquie et que ces peuples étaient assimilés par la langue et l'enseignement. La Cour européenne des droits de l'homme a régulièrement condamné les Cours de sureté de l'Etat où siègent en permanence des militaires en dénonçant leur partialité. L'affaire en l'espèce met une nouvelle fois l'accent sur cette question en montrant clairement l'intransigeance militaire sur la question kurde. LE PARLEMENT EUROPÉEN A ADOPTÉ UNE RÉSOLUTION RELATIVE À L'AFFLUX DE MIGRANTS EN PROVENANCE D'IRAK ET DES PAYS DE LA RÉGIONDans un souci humanitaire et de lutte contre l'immigration, le Parlement européen a adopté le 23 mars 1999, une résolution relative à l'afflux de migrants en provenance d'Irak et des pays de la région. Parmi les causes de l'afflux de migrants, il a estimé que la région se caractérisait par des "violations relativement fréquentes des droits de l'homme ou par l'apparition régulière de situations de guerre "civile" par la répression (politique) des minorités" et il a également rappelé "les incursions de la Turquie dans la région". De plus, le Parlement a rappelé ses résolutions antérieures sur la Turquie et a souligné qu'une solution devait être trouvée pour les violations des droits de l'homme et du respect des minorités en Turquie avant d'envisager de la charger d'un rôle de mandataire, voire de conseiller. L'Assemblée européenne a invité les autorités turques "à profiter de la situation actuelle pour rechercher une solution politique à la question kurde". Il appelle également les instances européennes "à redoubler d'efforts en vue de formuler une politique extérieure commune, à la lumière du défi que la lance la répression du peuple kurde". REFORME DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS TURCS (MIT)L'agence de renseignement turc (MIT) lance une réforme profonde de ses services selon le quotidien turc Hurriyet du 31 mars 1999. Le MIT dont les methodes et les dérives sont largement dénoncées par les observateurs internationaux et les organisations turques des droits de l'homme essayerait d'améliorer son image. Parmi les innovations principales, figurait la décision d'abandonner la délégation de pouvoir confiée aux hommes de pailles ou aux bandes armées. Le rapport rédigé par l'inspecteur général du Premier ministre Kutlu Savas sur l'affaire de "Susurluk" [ndlr: accident de circulation en novembre 1996 à Susurluk qui a revélé l'imbrication entre la mafia, la police et une partie de l'appareil de l'Etat et la classe politique] a largement accablé les services de l'Etat. Il a été révélé officiellement que des hommes de main tels que Mahmut Yildirim, alias Yesil, ont été utilisés pour éliminer l'inteligentia kurde et autres opposants au régime. Meurtres non élucidés, disparitions et executions et condamnations extrajudiciaires ont été executés en toute impunité souvent avec l'aval de l'Etat. Interrogé par Hurriyet, un haut responsable de ce service a déclaré "Utiliser Yesil a été une grande erreur pour nous. Nous l'avons payé cher en tant qu'organisation. Quand vous utilisez un homme externe () il utilise ses liens avec le MIT pour pouvoir s'en sortir lorqu'il est en difficulté. Vous renvoyer l'ascenseur. À partir de maintenant nous ne voulons plus être dans une telle situation. Si nous nous trouvons devant une impasse, nous nous déclarerons impuissants". D'autre part le MIT s'est serieusement penché sur l'incompétence de son personnel trop souvent en poste grâce à des faveurs. Ainsi il s'est décidé à employer des personnes libérées de leur obligation militaire et parlant une langue étrangère. Aujourd'hui il suffit d'une formation de 6 mois et un petit stage régional pour pouvoir être en fonction. LA COMMUNAUTÉ KURDE DE FRANCE INTERPELLE FRANÇOIS HOLLANDELa communauté kurde de France, soutenue par le CILDEKT (Comité International pour la Libération des Députés Kurdes Emprisonnés en Turquie) et la Fondation France-Libertés, a adressé le 31 mars 1999 une lettre ouverte au Premier Secrétaire du Parti socialiste, François Hollande pour faire état de son inquiétude devant la signature prochaine par la Turquie et le groupe franco-allemand Eurocopter d'un contrat de vente de 8 hélicoptères Cougar pour un montant de 600 millions de francs. Voici le texte de cette lettre: "Monsieur le Premier Secrétaire, Vous inscrivant dans une tradition établie par M. Lionel Jospin, vous avez bien voulu adresser à la communauté kurde un message à l'occasion de notre Nouvel an traditionnel. Nous sommes, bien sûr, très touchés par "vos voeux chaleureux" et vous en remercions. Mais, le jour même de votre message, par un hasard du calendrier, le quotidien le Monde daté du 20 mars, publiait l'article ci-joint informant ses lecteurs que la France était en train de vendre à la police turque 8 hélicoptères Cougar et qu'elle négociait la vente à l'armée turque de 145 hélicoptères pour un montant de 4 milliards de dollars. Il est de notoriété politique que les hélicoptères sont utilisés dans la répression des populations civiles et l'évacuation et la destruction des villages kurdes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Congrès américain s'est, à plusieurs reprises, opposé à leur vente et que le gouvernement allemand a récemment refusé qu'une démonstration d'hélicoptères franco-allemands le Tigre soit organisée à l'intention des clients turcs. La presse internationale a rapporté que l'armée turque a évacué 4.000 villages et déplacé 3 millions de civils kurdes. Au cas où cela aurait échappé à votre attention, nous vous communiquons ci-joint une liste, non exhaustive, des villages kurdes rayés de la carte. Sachez, Monsieur le Premier Secrétaire, que derrière chaque nom minuscule de village, il y a des centaines de vies brisées, un patrimoine historique anéanti, un Oradour commis à huis clos. Dans ce contexte, nous avons vraiment du mal à comprendre votre voeu "qu'enfin se dessine une solution juste et pacifique de la douloureuse question kurde, dans les différents pays où vivent les Kurdes, notamment en Turquie". Vous êtes le Premier Secrétaire d'un parti qui dirige le gouvernement de la France et ce gouvernement donne à la Turquie des moyens militaires de martyriser encore davantage notre peuple. Est-ce vraiment en armant la main des bourreaux et en alimentant la guerre qu'on arrive à faire avancer "une solution juste et pacifique"? Ces pratiques vous paraissent-elles compatibles avec les valeurs des droits de l'homme que la France revendique et avec les idéaux socialistes? Et comment expliquer aux Kurdes et à l'opinion publique que le gouvernement français s'engage dans une guerre pour imposer à la Serbie l'autonomie des 1 800 000 Kosovars et que le même gouvernement au nom d'une logique qui nous échappe arme la Turquie qui massacre, déporte et martyrise les 15 millions de Kurdes qui demandent eux aussi leur autonomie? Dans l'espoir que vous voudrez bien répondre à ces questions qui nous tourmentent, et que nous ne nous manquerons pas de poser et de faire poser au cours du débat européen, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier Secrétaire, l'expression de nos sentiments distingués.". |