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Liste
NO: 134 |
1/6/1999 LEYLA ZANA ET SES COLLÈGUES MENACÉS D'UNE NOUVELLE PEINE DE 5 ANS DE PRISONUn télégramme de solidarité envoyé le 4 mai 1998 au congrès de la fédération d'Ankara du parti Hadep vaut à Leyla Zana et à trois de ses collègues députés kurdes qui depuis mars 1994 purgent une peine de 15 ans de prison pour délit d'opinion, de nouvelles poursuites judiciaires devant la Cour de sûreté de l'Etat n°1 d'Ankara. Lors de l'audience du 24 mai, en absence des prévenus, le procureur a requis une peine de cinq ans de prison contre Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak accusés de propagande séparatiste dans le court message télégraphique qu'ils avaient adressé au congrès. Le procureur a également requis des peines de 3 à 5 ans contre 5 musiciens du groupe Mezopotamya accusés d'avoir chanté en kurde au cours de la soirée culturelle organisée à l'issue du congrès. Ces musiciens et un organisateur ont été arrêtés et écroués. Le procès a été reporté à fin juin. OCALAN COMPARAIT DEVANT UN TRIBUNAL JUGÉ " NON IMPARTIAL " PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMMELe procès d'Abdullah Ocalan a commencé le 31 mai à 10h dans une salle spécialement aménagée de l'île-prison d'Imrali devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara qui, pour l'occasion, s'est transportée sur place. Sur environ 800 journalistes et observateurs venus assister à ce procès, seuls vingt –12 turcs et 8 étrangers- ont été admis dans la salle d'audience. Les autres ont dû attendre dans la petite ville balnéaire de Mudanya située à 25 km de l'île et se contenter des images sélectives diffusées par la télévision d'Etat turque TRT. Le Premier ministre turc avait, la semaine dernière, laissé entendre que le procès pouvait être reporté afin de laisser au Parlement le temps nécessaire pour modifier la composition des cours de sûreté de l'Etat afin de les rendre compatibles avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci, dans un verdict rendu en juin 1998 dans l'affaire Incal, avait jugé que les Cours de Sûreté de l'Etat turc, en raison notamment de la présence d'un juge militaire, n'étaient pas impartiales au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et accordé à Ankara jusqu'à fin octobre 1998 pour les réformer. La Turquie n'a respecté ces délais et, en bonne logique, aurait du être suspendue du Conseil de l'Europe pour cette infraction. De leur côté, les avocats qui ont subi des menaces de mort et des violences physiques par la police (le 30 avril, 6 d'entre eux tabassés par les policiers chargés de leur protection ont dû être hospitalisés) et qui n'ont pu, à aucun moment, s'entretenir en tête à tête avec leur client ni lui communiquer les éléments du dossier, avaient menacé de se retirer pour ne pas légitimer une parodie de justice. À la demande d'Ocalan, qu'ils ont rencontré le 27 mai, et à celle des émissaires gouvernementaux laissant croire que leur demande de report pourrait recevoir une suite favorable à l'ouverture du procès, ils ont décidé d'y assister. Cependant dès l'ouverture, en rejetant la demande de report, les juges turcs montraient le peu de cas qu'ils faisaient de l'avis du gouvernement civil et que conformément aux souhaits de l'armée, ils allaient poursuivre ce procès sans surprise qui a pour objet la mise à mort physique et politique d'Ocalan et dissuader les Kurdes de toute tentative de contestation de leur sort. Les deux principaux avocats, dont Me Kaplan, ont décidé de se retirer de la défense afin de " ne pas légitimer une parodie de justice devant une cour à la légalité contestée et face aux violations massives et grossières des droits de la défense portant gravement atteinte à l'honneur et à la dignité d'avocat ". La mise à mort politique a peut-être déjà commencée avec la déclaration préliminaire du chef du PKK enfermée dans une cage de verre : "Je voudrais déclarer que je n'ai été soumis à aucune sorte de pression et je n'ai subi aucun mauvais traitement après ma capture () Je voudrais vivre pour la paix et la fraternité J'appelle à l'arrêt de la lutte armée. Le PKK ne doit plus s'opposer à l'Etat turc démocratique Les peuples kurdes et turcs ne doivent pas s'affronter. Je veux arrêter tout cela. J'ai atteint le point où je comprends, même si c'est trop tard, que ma vie peut avoir un sens pour la Turquie () Que cette rébellion soit la dernière rébellion du peuple kurde en Turquie () Je reconnais entièrement ma responsabilité dans tous les actes qui me sont reprochés dans l'acte d'accusation, le contraire serait inutile " Abdullah Ocalan a également ajouté: " je voudrais m'adresser aux respectables familles des martyres et leur dire que je partage leur douleur ". Quel crédit accorder à ces propos ? Il s'agit, sans doute, d'un marché conclu avec les équipes des forces spéciales turques. En échange de l'arrêt des tortures terribles qu'il a subies pendant les premiers jours de sa détention, et d'une possibilité de sauver sa tête s'il se conduit bien pendant le procès, Ocalan a dû accepter de coopérer avec ses geôliers. Tentative dérisoire car malgré les promesses similaires Semdin Sakik, commandant militaire du PKK enlevé en mai 1998 au Kurdistan irakien par l'armée turque, a été, le 20 mai 1999, condamné à mort par la Cour de Sûreté de l'Etat de Diyarbakir, cela malgré son " excellente coopération avec la justice turque " Et la presse turque de titrer " le dernier repentir ne sert à rien ". Marché de dupes aussi car la nouvelle direction du PKK avait dès fin février, fait savoir qu'elle ne tiendrait aucun compte des déclarations d'Ocalan en captivité. L'ARMÉE TURQUE AURAIT UTILISE DES ARMES CHIMIQUES CONTRE LE PKKUn document interne frappé du sceau " top secret " daté du 27 février 1986 de l'Armée de terre turque, demande de fabriquer et d'utiliser des gaz toxiques à l'encontre de la rébellion kurde. " Au besoin des insectes empoisonnés peuvent être élevés spécialement pour être utilisés contre les terroristes " précisent notamment le texte. Depuis de nombreux cas suspects avaient été signalés sans retenir l'attention des média ni donner lieu à des enquêtes. Le quotidien pro-kurde Ozgur Politika vient de publier dans son numéro du 26 mai 1999, une liste de 17 combattants kurdes qui auraient été tués par les forces de sécurité turque à l'aide d'armes chimiques le 11 mai 1999 dans le village Ballikaya, district de Silopi, département de Sirnak. Le journal donne une description détaillée des débris de bombes sur lesquelles on trouve la mention en anglais " le transport de cette arme est prohibé par les lois militaires ". LE NOUVEAU CABINET CONFIRME LE REPLI NATIONALISTE DE LA TURQUIELa formation, le 28 mai, d'une coalition gouvernementale réunissant le parti néo-fasciste de l'l'Action nationaliste (MHP) et le parti de la Gauche Démocratique (DSP), nationaliste de " gauche ", avec l'apport du parti conservateur de la Mère-Patrie (ANAP), confirme le repli nationaliste d'une Turquie accrochée à ses mythes de passé et à un kémalisme pur et dur. Le MHP y dispose d'autant de portefeuilles ministériels (12), dont ceux de vice-premier ministre et de ministre de la défense, que le DSP du Premier ministre Ecevit qui détiendra les postes " sensibles " des affaires étrangères, de la Justice et de l'Education nationale afin de donner une image plus présentable du gouvernement à l'étranger. L'ANAP disposera de 10 ministères dont ceux de l'Intérieur et des Finances afin de rassurer les milieux économiques. Ce parti avait auparavant obtenu la présidence de l'Assemblée nationale en faisant, le 20 mai, élire son candidat, Yildirim Akbulut, par 332 voix contre 191. M. Ecevit a fait preuve de " résistance " pour que ce poste symbolique et stratégique, très convoité par le MHP, revienne finalement à une personnalité moins extrémiste. Présentée par les média turcs comme " l'une des coalitions les plus puissantes de l'histoire de la Turquie ", ce cabinet, fruit d'un " compromis historique " affirme inscrire son action dans la durée, sur une période de cinq ans. Disposant d'une majorité confortable, il devrait être investi cette semaine par le Parlement turc. Hormis une énième loi sur les repentis le protocole de coalition ne prévoit aucune mesure pour trouver une solution au problème kurde en Turquie. Une circulaire datée du 26 avril 1999, que le quotidien Milliyet a révélé dans son édition du 20 mai 1999, exige des media de ne plus utiliser le mot kurde même pour désigner ceux d'Irak dont les leaders sont désormais qualifiés de " chefs de tribu du nord de l'Irak ". Le retour à la glaciation idéologique des années 1930 est apparemment bien amorcé. LE BILAN DU MOIS D'AVRIL 1999 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN TURQUIEL'Association turque des droits de l'homme (IHD) a rendu public son rapport des violations des droits l'homme pour le mois d'avril 1999. Le bilan se présente comme suit :
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