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Liste
NO: 138 |
8/8/1999 LE GÉNÉRAL KEMAL YAVUZ PLAIDE POUR L'EXECUTION D'ABDULLAH ÖCALANInterrogé par le quotidien turc Milliyet le 6 juillet 1999, le général turc en retraite Kemal Yavuz, consultant privilégié de la presse quant il s'agit de prendre le pouls de la haute hiérarchie de l'armée turque, a appelé à l'exécution d'Abdullah Öcalan. Selon K. Yavuz, Öcalan en prison ne pourra être qu'" une bombe à retardement " pour la Turquie. " Il ne sera qu'un objet constamment utilisé par les pays étrangers () Pendant que des mouvements anarchistes entreprendront des activités armées ou se livreront à des prises d'otages en demandant la libéralisation d'Öcalan, les étrangers, qui aujourd'hui se contentent de son emprisonnement, commenceront à mettre la pression pour demander sa grâce ou son exil à l'étranger " a déclaré le général. Pointant du doigt l'Union européenne, il a ajouté : " Devrons-nous nous soumettre aux ordres de l'Europe ? Que gagnera la Turquie si elle entreprenait des démarches à la demande des Européens ? La candidature à l'Union ? () Quel sacrifice faut-il encore demander à ce pays qui n'est même pas considéré aussi européen que la Bulgarie ou la Roumanie ? () N'a-t-on pas vécu en tant que nation il y a 80 ans ce que la soumission à la pression des étrangers nous apportait ? ". Le général Yavuz a ensuite sévèrement critiqué les dirigeants du pays en affirmant que depuis une quarantaine d'années [ndlr : date du passage au multipartisme] le pays est dirigé par des personnes irresponsables, sans formation et affichant une affligeante impéritie. Finalement il a ponctué en déclarant qu'il était impossible d'expliquer à ceux dont les fils sont morts en combattant le PKK que " l'intérêt du pays demande qu'Öcalan soit seulement emprisonné ". SÉRIE D'ATTENTATS EN TURQUIE SUITE À LA CONDAMNATION À MORT D'ABDULLAH ÖCALANÀ la suite de la condamnation à mort d'Abdullah Öcalan, chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) le 29 juin 1999, le conseil exécutif du PKK a appelé mardi 6 juillet 1999 ses militants à " intensifier la lutte ". Trois actes de violences graves ont été attribués aux combattants kurdes depuis la condamnation. Le 1er juillet un café d'Elazig a été mitraillé, il y a eu 4 morts. Le 4 juillet, une explosion dans un parc bondé d'un quartier d'Istanbul a fait un mort et 25 blessés. Le lendemain, une jeune fille de 19 ans a été tuée dans l'explosion de bombes qu'elle transportait, blessant 17 personnes près d'un poste de police d'Adana. Abdullah Öcalan a déclaré qu'il n'approuvait pas la série de violences attribuées aux rebelles kurdes et a renouvelé son offre de paix avertissant qu'il pourra perdre le contrôle du PKK si sa situation n'évoluait pas favorablement. Par ailleurs les autorités turques ont annoncé que 13 combattants du PKK ont été tués lors d'opérations de l'armée au cours de la semaine écoulée dans les provinces de Sirnak, Diyarbakir, Hakkari, Mardin et Van. Ce bilan s'ajoute aux 40 rebelles du PKK tués lors d'une incursion d'une semaine des forces turques dans le nord de l'Irak qui s'est achevée le 10 juillet 99. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME CONDAMNE LA TURQUIE LE MÊME JOUR DANS 15 AFFAIRES DIFFÉRENTES POUR VIOLATION DES DROITS FONDAMENTAUX DES KURDESLa Cour européenne des droits de l'homme a, le 8 juillet 1999, condamné la Turquie dans 15 affaires ; 11 pour violation de la liberté de l'expression des Kurdes, 9 pour violation du droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial et 2 cas où des Kurdes avaient été torturés et tués. La Cour a conclu dans 11 cas à la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dont la Turquie est signataire. 13 requêtes avaient été déposées par des journalistes, avocats, syndicalistes, écrivains ou universitaires, condamnés à plusieurs mois de prison et plusieurs milliers de francs d'amende pour " propagande séparatiste ", après avoir publié ou laissé publier des propos favorables à la cause kurde. Parmi eux figurent notamment le journaliste Haluk Gerger, Fikret Baskaya, professeur d'économie, Munir Ceylan et Kamil Tekin Sürek, réciproquement ancien président du syndicat des travailleurs du secteur pétrolier et l'éditeur de l'hebdomadaire d'Istanbul " Haberde Yorumda Gerçek " [ndlr : Nouvelles et Commentaires : la Vérité] qui était à l'origine de cinq requêtes. La Cour a jugé que " les condamnations litigieuses s'analysaient en des 'ingérences' dans le droit à la liberté d'expression des requérants ". Les juges ont considéré que les ingérences, bien que prévues par la législation turque, ne pouvaient passer pour " nécessaires dans une société démocratique ". La Turquie a été condamnée à verser aux requérants des sommes de 30 à 40 000 francs pour dommage moral, certains pour dommages matériels, ainsi qu'aux frais et dépens. Les condamnations ayant été prononcées par des cours de sûreté de l'Etat où siégeait encore un juge militaire, la Cour a également jugé que l'article 6 de la Convention européenne - droit à un tribunal indépendant et impartial - avait été violé par les autorités turques. Le Parlement a, le 18 juin, voté à la hâte et pour la procès d'Abdullah Öcalan, la démilitarisation de ces cours. Par ailleurs, la Cour a estimé qu'il y avait eu violation du droit à la vie dans deux affaires. La première avait été déposée par la veuve de Zeki Tanrikulu, un médecin de l'hôpital public de Silvan [au Kurdistan], tué par balles dans la rue sans que la police intervienne pour arrêter les meurtriers. La seconde pour la disparition d'Ahmet Çatici à la suite de son interpellation, le 8 novembre 1999, par les gendarmes au village de Çitlibahçe. La Cour a jugé que pour cette dernière affaire la responsabilité de la gendarmerie était engagée non seulement pour le décès d'Ahmet Çatli mais également dans des actes de torture. Ankara est condamné à verser 150 000 francs à la famille Tanrikulu et 275 000 francs à celle d'Ahmet Çatici. Malgré les fréquents avertissements et condamnations des instances européennes et internationales, Ankara semble peu encline à faire des concessions en matière de droits de l'homme. En visite en Turquie du 4 au 7 juillet 1999, Claudia Roth, présidente de la commission des droits de l'homme au Parlement allemand et vice-présidente du CILDEKT, s'est vue refuser l'autorisation d'entrer à la Prison Centrale d'Ankara où de nombreux prisonniers d'opinion tels que Leyla Zana et Akin Birdal restent détenus. Évoquant la peine de mort prononcée contre Abdullah Öcalan avec Mehmet Ali Irtemcelik, ministre d'Etat turc chargé des droits de l'homme, elle a déclaré que M. droits de l'homme turc lui a rétorqué que " si la peine de mort n'existait pas, on aurait dû l'inventer pour ce cas, et c'est même une peine insuffisante ". SEIZE MEMBRES DU HADEP ONT ÉTÉ LIBÉRÉSPoursuivis pour " assistance à organisation terroriste " qui prévoit en vertu de l'article 169 du code pénal une peine allant jusqu'à 7 ans et six mois de prison et emprisonnés depuis novembre 1998, seize dirigeants du parti de la Démocratie du Peuple (HADEP), dont son chef Murat Bozlak, ont été libérés lundi 12 juillet 1999 par la Cour de sûreté de l'Etat d'Ankara. Le président de la Cour, Turgut Mehmet Okyay, celui-là même qui a prononcé la peine de mort à l'encontre d'Abdullah Öcalan le 29 juin dernier, a estimé qu'il n'y avait pas lieu de prolonger leur incarcération. Le HADEP dont les dirigeants avaient été condamnés à faire campagne derrière les barreaux, a conquis une quarantaine de municipalités aux dernières élections générales du 18 avril 1999. Le procureur de la Cour de cassation, Vural Savas, a cependant lancé en janvier 1999 une procédure d'interdiction pour " liens organiques " avec le PKK et plusieurs membres du HADEP ont déjà été condamnés par des tribunaux turcs. LES ETATS-UNIS ONT LIVRÉ 10 HÉLICOPTÈRES BLACK HAWK À LA TURQUIE10 des 50 hélicoptères américains Black Hawk, achetés par la Turquie à la firme Sikorsky, ont été livrés, le 7 juillet 1999 à la Turquie. Au cours de la cérémonie, le chef d'état-major turc Huseyin Kivrikoglu a déclaré que " les forces de sécurité turques qui ambitionnent d'être une des plus puissantes armées du monde, protégeront la République démocratique et séculaire turque contre toutes les menaces ". L'ambassadeur américain en Turquie, Mark Parris a quant à lui déclaré qu' " une des raisons pour lesquelles nous soutenons la vente d'équipement de défense américain à la Turquie est que cet équipement permettra une opération commune pendant les crises internationales ". Par ailleurs la chaîne de télévision privée NTV a rapporté que le 3 juillet 1999, 10 000 soldats turcs, soutenus par des hélicoptères de combat ont lancé une nouvelle offensive contre les rebelles kurdes dans le nord de l'Irak. La Turquie fait de fréquentes incursions en Irak mais cette offensive serait la première depuis la condamnation d'Abdullah Öcalan. La Turquie a prévu de dépenser 150 milliards de dollars pour la modernisation de son armement dans les 25 prochaines années et pourtant elle est frappée par une des plus importantes récessions de son histoire en enregistrant au premier semestre de 1999 une baisse de 8,4 % de son PIB alors qu'à la même période en 1998 l'économie turque avait inscrit 9,2 % de croissance. C'est le plus mauvais résultat depuis 1994 d'après l'Institut national de statistique (DIE). La situation économique est tellement déprimante que la presse turque, comme la classe politique, a attribué la tentative de suicide, le 7 juillet 99, d'Hikmet Ulugbay, ministre d'Etat chargé de la trésorerie, à la situation économique du pays. LU DANS LA PRESSE TURQUEDans son éditorial du 7 juillet 1999, Zülfü Livaneli, journaliste au quotidien turc Sabah décrit le rôle des médias turcs, capables selon lui, de décider du sort de chacun des citoyens. Voici l'intégralité de son article : " Date : 9 juillet 1998. Une déflagration extraordinaire retentit au Bazar d'Egypte [ndlr : grand marché d'épices, un des hauts lieux touristiques d'Istanbul] et 7 personnes dont 3 enfants meurent ! 127 personnes sont blessées. Ces 7 personnes sont enterrées et commémorées comme étant les victimes du " bazar d'Egypte ". Mais les martyrs ne se limitent pas au nombre de 7. Il y a encore une autre personne. Une jeune fille nommée Pinar Selek se trouve être la huitième victime de l'explosion du bazar d'Egypte et elle souffre. En effet, on conclut à un plastiquage et Pinar Selek est le coupable désigné. La jeune fille est mise en pièces par l'opinion publique et la presse. Je me souviens encore de son père avocat qui criait haut fort à l'époque sur les écrans de la télévision " ma fille n'a rien à avoir avec les bombes et les armes ! ". Il n'avait pu raconter son malheur à personne. Pinar Selek expliquait également qu'elle était sociologue et qu'elle entreprenait une étude scientifique sur le PKK mais personne ne lui a prêté l'oreille. Aujourd'hui la police publie un rapport et un expert en explosif avec 20 ans de carrière derrière lui atteste qu'il n'a pas trouvé trace d'explosif dans l'explosion du bazar d'Egypte. Qui est-ce qui va répondre à tout ce qu'a subi cette innocente et sa famille ? Qui pourra panser les blessures de ces gens ? Qui est-ce qui atténuera leur peine ? Pinar Selek et sa famille ne sont qu'un exemple. Il y a des centaines voire des milliers d'événements similaires en Turquie. Des vies se trouvent brisées par la police et devant la justice. Il y a une dimension journalistique à l'événement. Nous sommes maintenant habitués de voir certains journalistes anéantir la vie des gens sans aucune investigation et même en se moquant de savoir qui a raison ou tort. Aujourd'hui la Turquie est remplie de personnes déshonorées à tort par certains organes irresponsables de la presse, des individus qui ne peuvent plus se mêler à la société, qui ont subi le lynchage social. Certains d'entre eux se suicident, d'autres essayent de se faire oublier en se tenant à carreau. En Turquie, il n'y a aucun mécanisme susceptible de protéger le citoyen des média. Le destin des citoyens est laissé à la grâce des média. D'accord mais, les media n'ont que le rôle d'intermédiaire ici. Ils transmettent un événement ou un scénario. Mais que faut-il alors dire de nous ? Pourquoi est-ce que nous croyons à tout ce qu'on nous raconte ? Pourquoi est-ce qu'on se réfugie derrière l'horrible dicton " Il n'y a pas de fumée sans feu " ? Pourquoi est-ce qu'on prend du plaisir à s'agglutiner devant nos écrans pour regarder la vie des gens se mettre en lambeaux ? Qu'est-ce qui nous différencie des Romains qui hurlaient naguère " Tue-le, Tue-le, mets-le en pièces " lorsqu'un homme était jeté aux lions ou bien lorsque des gladiateurs se sautaient à la gorge ? Vu comme cela, l'assassin des héroïnes tragiques telles que Pinar Selek, n'est pas les média mais nous ". |