Publications

Haut

POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
 -
Liste
NO: 139

26/7/1998

  1. LE PARLEMENT EUROPÉEN DEMANDE À LA TURQUIE DE NE PAS EXÉCUTER LA PEINE DE MORT D'ABDULLAH ÖCALAN
  2. LA TURQUIE MENACE L'UNION EUOPÉENNE DE RÉEXAMINER L'ACCORD D'UNION DOUANIÈRE
  3. LA TURQUIE ENLÈVE UN RESPONSABLE DU PKK EN EUROPE
  4. LA QUESTION KURDE À L'ORDRE DU JOUR DU PARLEMENT FRANÇAIS
  5. RELATIONS TENDUES ENTRE TÉHÉRAN ET ANKARA : IRAN ACCUSE LA TURQUIE D'AVOIR TUÉ CINQ IRANIENS ET EXIGE DES EXCUSES
  6. LE BILAN DE JUIN 1999 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN TURQUIE SELON MAZLUM-DER
  7. BAISSE DE 45 % DE NOMBRE DE TOURISTES
  8. 25 ANS APRÈS L'OCCUPATION MILITAIRE DE CHYPRE, LE PRÉSIDENT TURC ESTIME " IMPENSABLE DE RÉUNIR SOUS LE TOIT DU MÊME ÉTAT TURCS ET GRECS CHYPRIOTES DE L'ÎLE "


LE PARLEMENT EUROPÉEN DEMANDE À LA TURQUIE DE NE PAS EXÉCUTER LA PEINE DE MORT D'ABDULLAH ÖCALAN


Le Parlement Européen, fraîchement élu, a adopté une résolution le 22 juillet 99 sur la condamnation d'Abdullah Öcalan à la peine capitale et l'évolution future de la question kurde en Turquie. Le Parlement a condamné la sentence frappant A. Öcalan, réitère " sa ferme opposition à l'application de la peine de mort " et demande " instamment aux autorités turques de ne pas exécuter la peine ".

Par ailleurs le Parlement européen a émis des doutes sur le fait qu'Abdullah Öcalan " ait bénéficié d'un procès équitable en raison de la procédure à laquelle a recouru la Cour de sûreté de l'Etat " et a souligné que " pendant presque toute la durée un juge militaire a participé au procès ". L'Instance européenne a également estimé que " l'exécution de M. Öcalan aurait de sérieuses implications pour la sécurité et la stabilité en Europe et qu'elle porterait préjudice au processus d'intégration de la Turquie au sein de l'Union européenne ". Le Parlement a conclu en demandant au gouvernement turc " de s'attaquer aux causes du conflit en Turquie en recherchant une solution qui reconnaît les droits politiques, sociaux et culturels de la population kurde " et au PKK " de mettre un terme aux actes de violence et de terrorisme et de collaborer à la recherche d'une solution pacifique en Turquie ".

LA TURQUIE MENACE L'UNION EUOPÉENNE DE RÉEXAMINER L'ACCORD D'UNION DOUANIÈRE


Les autorités turques ont saisi l'occasion de la visite en Turquie de J. Fisher, ministre allemand des Affaires étrangères, pour réitérer la candidature d'Ankara à l'Union européenne. Cependant, elles ont clairement menacé l'UE de faire marche arrière si la conférence d'Helsinki n'incluait pas la Turquie parmi les 11 candidats déjà sélectionnés lors de la conférence de Luxembourg. " La conférence d'Helsinki est la dernière chance. S'il n'y a pas de résultat, l'Union européenne cessera d'être une priorité pour nous. Nous réexaminerons alors dans ce nouveau cadre l'union douanière. " a déclaré Ismail Cem, ministre turc des Affaires étrangères.

Sur le banc des touches de l'UE depuis plus de trente ans à cause principalement de la situation des droits de l'homme, la Turquie n'entend décidément pas les appels de l'UE. Le Premier ministre Ecevit a déclaré que les droits de l'homme seront améliorés mais pas parce que l'Europe le demandait. Selon lui, la Turquie a fait assez de concessions et c'est au tour de l'UE de faire des sacrifices. Il a d'autre part critiqué la résolution du Parlement européen demandant la non application de la peine de mort prononcée contre Abdullah Öcalan en précisant que " c'est irrespectueux ". Un des plus importants quotidiens turcs, Hurriyet, titrait sa Une le 24 juillet 1999 " Soit la candidature, Soit la désunion ".

LA TURQUIE ENLÈVE UN RESPONSABLE DU PKK EN EUROPE


Un responsable du PKK, Cevat Soysal, a été capturé par les services spéciaux turcs le 21 juillet 99. Le Premier ministre Bülent Ecevit est intervenu personnellement à la télévision pour annoncer la capture " en Europe " du " numéro deux du Parti des Travailleurs du Kurdistan " lors d'une " opération couronnée de succès ". Tout comme l'arrestation d'A. Öcalan le 15 février 1999 à Nairobi, les autorités turques sont restées dans le flou sur les circonstances exactes de l'arrestation de C. Soysal.

L'ERNK, la branche politique du PKK, a démenti que Soysal soit un cadre de haut rang et affirmé qu'il avait été livré aux autorités turques par la Moldavie, où il aurait été détenu depuis une semaine. Les autorités turques et moldaves ont fermement démenti cependant l'implication de la Moldavie. L'ERNK a d'autre part précisé que cette arrestation " jette une ombre sur le processus de paix lancé par le président Apo ". Dans un communiqué du conseil du commandement du PKK, le 22 juillet 99, le PKK a menacé la Turquie d'" user de son droit de représailles " en précisant : " les actes internationaux de piraterie et de terrorisme donnent à notre parti le droit de représailles. Si rien n'est fait pour arrêter ces actes commis par la Turquie, ce droit légitime va sans doute être utilisé ".

Cevat Soysal, titulaire du statut de réfugié politique en Allemagne, sera jugé en vertu des articles 168 et 125 du code pénal turc pour respectivement " formation de bande armée " et " atteinte à l'intégrité territoriale de la Turquie " a annoncé le procureur de la Cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, Nuh Mete Yüksel. La presse des 22 et 23 juillet a publié des photos d'un Soysal gravement torturé ne pouvant plus se tenir debout ni utiliser ses bras.

LA QUESTION KURDE À L'ORDRE DU JOUR DU PARLEMENT FRANÇAIS


Les députés de la gauche plurielle ont interpellé M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes sur la condamnation à mort d'Abdullah Öcalan (JO: 30-6-99). François Loncle, député socialiste de l'Eure, a souligné : " certes, la dérive terroriste des activistes kurdes n'est pas acceptable. Mais on ne peut occulter le sort tragique réservé à la population kurde en Turquie, comme d'ailleurs en Irak : les milliers de morts, les villages évacués ou détruits, les millions de personnes déplacées, les députés emprisonnés, les défenseurs des droits de l'homme persécutés ". Il a été très applaudi sur les bancs des députés lorsqu'il a ajouté qu'"après que la communauté internationale est intervenue, au nom du droit, au Kosovo, on peut difficilement admettre qu'elle se taise à propos de la situation des Kurdes, dont les droits sont bafoués ".

Pierre Moscovici tout en déplorant " les conditions et les conclusions " du procès d'Abdullah Öcalan a répondu que "le verdict est, hélas ! sans surprise " et a rappelé que " toutes les voies de recours ne sont pas épuisées " et que " la non-application de la peine de mort relève des valeurs communes, et donc des acquis de l'Union européenne ".

Interpellé par le député RPR de l'Isère, Richard Cazenave, le ministre délégué chargé des affaires européennes a ponctué en disant qu'" il est clair que la condamnation d'Öcalan ne résout rien et qu'une approche purement répressive ne permettra pas de définir la solution () C'est pourquoi il faut plus que jamais privilégier une approche politique de la question kurde, fondée sur le renforcement des droits culturels, sur l'aspiration démocratique ainsi que sur une relance du programme de développement du sud est du pays () L'Union européenne est prête à aider la Turquie à résoudre ce problème et, naturellement, la France appuiera ses efforts ".

RELATIONS TENDUES ENTRE TÉHÉRAN ET ANKARA : IRAN ACCUSE LA TURQUIE D'AVOIR TUÉ CINQ IRANIENS ET EXIGE DES EXCUSES


Les relations entre Ankara et Téhéran se tendent de plus en plus depuis que l'Iran a accusé la Turquie d'avoir tué cinq personnes et blessé dix autres le 18 juillet 99 lors d'une frappe aérienne dans le Kurdistan iranien. Selon la radio d'Etat iranienne, les avions ont frappé une base du Corps des gardes de la révolution islamique et un village non identifié proche de Piranshahr. L'Iran a exigé des excuses turques et le ministère turc des affaires étrangères a annoncé l'ouverture d'une enquête jugeant les accusations iraniennes " crédibles ". Quatre jours après ce raid aérien, Téhéran a accusé une nouvelle fois la Turquie d'avoir lancé une nouvelle attaque militaire contre son territoire. Samedi 24 juillet 1999 la chaîne de télévision turque NTV a indiqué que deux soldats turcs sont retenus captifs en Iran après y avoir pénétré " accidentellement ". M. Ecevit a qualifié l'affaire de " malentendu " et n'a pas manqué d'accuser, le 25 juillet 99, l'Iran d'avoir " commencé récemment à prendre la place de la Syrie " dans l'appui accordé au PKK.

En 1994, Ankara avait dû s'excuser pour avoir tué par erreur des Iraniens lors d'un raid visant des militants kurdes du PKK en Irak. L'Iran s'est plaint à plusieurs reprises d'attaques de forces turques, et notamment des raids aériens, en territoire iranien. La Turquie accuse l'Iran d'appuyer non seulement les Kurdes du PKK mais aussi les islamistes turcs. Téhéran qui rejette ces accusations, reproche de son côté à la Turquie sa collaboration militaire avec Israël.

LE BILAN DE JUIN 1999 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN TURQUIE SELON MAZLUM-DER


Mazlum-Der, une des organisations de défense des droits de l'homme en Turquie a publié son bilan de juin 1999 des violations des droits de l'homme en Turquie. Au cours d'une conférence de presse, Yilmaz Ensarioglu, président de l'association, a déclaré que la Turquie était placée 136ème sur les 191 pays pour le respect des droits politiques et des libertés publiques, 74 ème en ce qui concerne la santé, le bien être, l'éducation et la santé et était parmi les 14 pays regroupant les plus mauvais élèves en matière de droits de l'homme. Le bilan se présente comme suit :

- Nombre de meurtres non élucidés : 24 - Nombre d'enlèvements : 103 - Nombre de disparitions : 3 - Nombre d'accusations de tortures : 139 - Nombre de viols : 2 - Nombre de placements en garde-à-vue : 1937 - Nombre d'arrestations : 106 - Nombre de villages ou hameaux évacués ou incendiés : 11 - Nombre de prisonniers d'opinion : 136 - Nombre de publications saisies ou interdites : 27 - Nombre de journalistes placés en garde-à-vue : 5 - Nombre d'atteintes à la liberté de croyance: 768 - Nombre de livres interdits : 23 - Nombre d'exactions contre les associations civiles : 193 - Nombre d'associations civiles interdites : 2

BAISSE DE 45 % DE NOMBRE DE TOURISTES


Le tourisme est en perte de vitesse sérieuse en Turquie d'après les chiffres annoncés par les professionnels du secteur. Antalya et Dalaman, deux des plus importants aéroports touristiques de la Turquie ont enregistrés une perte de 45% par rapport à l'année dernière à la même période pour le nombre de touristes. En 1998, 1,2 millions de personnes avaient été accueillies dans la région les 6 premiers mois de l'année alors que cette année ils ne sont plus que 690 000.

Güngör Uras, journaliste au quotidien turc Milliyet, écrit dans son éditorial du 21 juillet 1999, que les autorités turques se leurrent elles-mêmes sur les raisons de la baisse d'affluence touristique en soutenant que celle-ci n'est pas due " à la crainte d'actes terroristes " et que la situation s'est améliorée depuis début juillet. Selon M. Uras, tout au contraire, les raisons sont directement liées au " danger d'actes terroristes " et que la situation va s'empirant puisque les hôtels accueillent de plus en plus des touristes de bas de gamme qui dépensent peu.

25 ANS APRÈS L'OCCUPATION MILITAIRE DE CHYPRE, LE PRÉSIDENT TURC ESTIME " IMPENSABLE DE RÉUNIR SOUS LE TOIT DU MÊME ÉTAT TURCS ET GRECS CHYPRIOTES DE L'ÎLE "


La Turquie a célébré avec éclat le 25ème anniversaire de son intervention armée à Chypre le 20 juillet 99. Une importante délégation turque s'est déplacée pour l'occasion, comprenant, M. Ecevit, l'homme qui a ordonné l'opération dans le nord de l'île et qui dirige le gouvernement actuel, les ministres des affaires étrangères Ismail Cem, de la Défense Sabahattin Çakmakoglu, de l'Energie Cumhur Ersumer et le ministre d'Etat chargé du dossier Sukru Sina Gürel.

L'île qui est divisée en deux secteurs -turc et grec - depuis l'intervention turque en 1974, a fait l'objet de discussions au conseil de sécurité de l'ONU, sous l'impulsion du G8 au mois de juin 99. L'ONU avait demandé au secrétaire général Kofi Annan d'inviter les dirigeants des communautés turque et grecque de Chypre à des négociations sans condition à l'automne à New York. Cependant les autorités turques, semblent peu enclines à faire des concessions. Bülent Ecevit, a tout simplement répondu que " la question de Chypre n'existe plus () Avant l'intervention turque, il y avait une guerre perpétuelle à Chypre. Depuis 25 ans, l'île vit une paix continuelle. Nous ne céderons jamais à la pression () Des négociations ne peuvent se dérouler qu'avec la reconnaissance de la KKTC [ndlr : République turque de Chypre du Nord] ". Rauf Denktas, le président de la KKTC, proclamée en 1983 et reconnue par la seule Turquie, a renchéri : " La ligne nationale qui a été créée aujourd'hui, nous devons la protéger à tout prix et nous ne l'abandonnerons jamais, grâce au soutien de notre mère patrie la Turquie".

L'anniversaire de l'intervention turque donne aux autorités grecques l'occasion d'appeler la communauté internationale à passer à l'action. M. Kranidiotis, ministre grec des affaires européennes, a déclaré que " la tragédie chypriote constitue une page noire de l'histoire contemporaine mondiale. En 1974, les envahisseurs se sont livrés à une des plus horribles opérations de nettoyage ethnique, qui a eu pour résultat de transformer le tiers de la population de l'île en réfugiés ".

Alors que la communauté internationale s'émeut de la situation de Chypre, intégrée de facto à la Turquie avec un statut l'assimilant à une province turque à tous les niveaux, Ankara ne cesse de faire des déclarations indépendantistes en pointant du doigt la différence ethnique sur l'île. Les autorités turques qui continuent à nier l'existence de 18 millions de kurdes en Turquie exigent sans complexe, l'indépendance de 190 000 Turcs chypriotes. Recevant le 19 juillet 1999 l'ambassadeur du KKTC, le président turc Suleyman Demirel a déclaré : " les Grecs et les Turcs ont des pays différents. Si on se voile la face et qu'on aboutit à terme à ce que les Grecs et les Turcs recommencent à vivre ensemble, le sang finira par couler un jour () Cet Etat a été créé du fait de l'existence de deux peuples différents sur l'île ". Cependant, recevant le 22 juillet à Ankara le ministre allemand des Affaires étrangères, J. Fischer, le président Demirel a de nouveau déclaré qu'" il n'y a pas de problème kurde en Turquie mais un problème de terreur ". Aussi Ankara refuse la coexistence même des deux peuples à Chypre et refuse d'accorder le moindre droit culturel aux 15 à 18 millions de Kurdes de Turquie.