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Liste
NO: 146 |
18/10/1999 LA COMMISSION EUROPÉENNE A RENDU UN RAPPORT FAVORABLE MAIS TEMPÉRÉ SUR LA CANDIDATURE TURQUE À L’UNION EUROPÉENNEÀ la suite d’une semaine de discussion très chargée, la Commission européenne a, le 13 octobre 1999, rendu un rapport au ton favorable à la candidature turque mais tempéré par des demandes de réformes concrètes en matière de droits de l’homme et de protection des minorités. La Commission a fait la même remarque que l’année dernière à propos du poids du Conseil de sécurité nationale (MGK) dans la vie politique turque et a souligné que ce poids et les tribunaux d’exception (DGM) étaient " incompatibles avec le système démocratique " tout en accueillant favorablement la démilitarisation des Cours de sûreté de l’Etat. La Commission a d’autre part demandé à la Turquie de ne pas exécuter Abdullah Öcalan et a encouragé Ankara dans la voie de la démocratisation. L’Europe maintient d’autre part ses critiques sur les violations des droits de l’homme en soulignant que la torture était toujours largement répandue et la liberté de l’expression régulièrement restreinte. Cependant la solution à la question kurde a été vue comme la clé du progrès en ce domaine. Dans le domaine économique, elle a appelé à ce que des réformes urgentes en matière fiscale soient rapidement entreprises. Les observateurs ont noté que le séisme du 17 août avait largement contribué à attirer une vague de sympathie à l’égard de la Turquie. La presse turque a crié victoire à l’annonce du rapport de la Commission. Le quotidien turc Milliyet titrait le 14 octobre " Enfin l’Europe ! ". Son éditorialiste Güneri Civaoglu notait le même jour que " la porte de la salle d’attente de l’Union européenne était ouverte pour la Turquie ". Hurriyet, autre journal turc à grand tirage avançait même " Nous sommes en 28ème position " pour l’intégration dans l’UE. Le sort de la Turquie devrait se préciser à l’issue du sommet d’Helsinki prévu en décembre. DEUX KURDES ÉLUS AU PARLEMENT DE BERLINAprès l’élection de Melle Nalin. Baksi au Parlement suédois puis d’une autre jeune kurde, Melle Feleknas Uca au Parlement européen, deux kurdes de nationalité allemande viennent d’être élus au Sénat de Berlin à la suite des élections du 10 octobre 1999. Il s’agit de M. Giyasettin Sayan et de Melle Evrim Helin Baba, élus sur la liste du PDS. La communauté kurde déploie des efforts accrus pour s’intégrer et les jeunes de la deuxième génération s’investissent de plus en plus dans la vie politique de leur pays d’accueil. ANKARA MENACE DE METTRE L’ALLEMAGNE SUR SA LISTE ROUGELe sous-secrétaire d’Etat turc à l’Industrie de la Défense, Yalçin Burçak, a mis une dernière fois en garde l’Allemagne des conséquences que peut engendrer le refus du gouvernement allemand de faire partie du projet turc de construction de chars. Il a déclaré que si le conseil de sécurité fédéral allemand s’opposait à la vente des chars Leopard II à la Turquie, l’Allemagne risquait de faire partie de la liste rouge, liste qui met au ban les pays critiquant la politique turque. Il a également précisé que l’Italie qui était en compétition avec ses chars Ariete s’était retiré du marché la semaine dernière. Le ministre allemand de la défense, Rudolph Scharping, a annoncé qu’il s’entretiendra avec ses homologues turcs prochainement, mais la rencontre a été programmée durant la réunion de l’OCDE à Istanbul prévue les 18 et 19 novembre 1999. L’opinion publique allemande et les Verts, partenaire de la coalition actuelle, s’opposent vivement à cette vente. 1999 A ÉTÉ LA PIRE ANNÉE POUR LE TOURISME EN TURQUIELe secteur de tourisme turc a vécu ses plus mauvais jours de la décennie 1990. Alors que l’année dernière le tourisme avait rapporté 8 milliards de dollars à la Turquie, en 1999 ce chiffre n’a été que de 5,5 milliards de dollars avec 4,5 millions de touristes en moins. Touché par sa mauvaise image à l’étranger du fait des violations des droits de l’homme mais également par le séisme du 17 août ayant affiché les failles de l’administration turque corrompue et inefficace, le secteur a enregistré son plus mauvais bilan. Les observateurs parlent de 2,5 milliards de dollars de pertes dont 375 millions seulement en TVA dans l’économie turque. L’APPEL INTERNATIONAL POUR LES DROITS FONDAMENTAUX DES KURDES VU PAR LA PRESSE TURQUEL’Appel international lancé à l’initiative de Yashar Kemal, Orhan Pamuk, Ahmet Altan, Zülfü Livaneli et Mehmed Uzun, rendu public au cours d’une conférence de presse le 11 octobre 1999 à Istanbul, a eu, au premier jour, un écho réducteur par la presse turque. Les journaux turcs se sont cantonnés à écrire que des Prix Nobels réclamaient plus de démocratie en Turquie. À aucun moment ils n’ont fait référence aux droits fondamentaux des Kurdes et de la question kurde contenus dans la déclaration. Le journal Sabah du 12 octobre 1999, a consacré un article à la page 23 en titrant " La déclaration des intellectuels : plus de démocratie " et le quotidien Milliyet l’a présenté dans le même sens en écrivant " déclaration pour la démocratie ". Le quotidien Hurriyet, quant à lui, a complètement ignoré ce texte important. Cependant, des éditorialistes libéraux l’ont évoqué dans leurs colonnes. L’exemple de l’appel montre que le contrôle de l’Etat sur les média demeure toujours très efficace, en tout cas pour tout ce qui touche la question kurde. LU DANS LA PRESSE TURQUEDans le quotidien turc Sabah du 14 octobre 1999, le journaliste turc Cengiz Çandar, accuse les acteurs politiques turcs d’immobilisme et leur demande de réviser la constitution turque devenue obsolète. Voici de larges extraits de cet article : " Ces derniers temps " les accusations contre l’Etat " sont en recrudescence sérieuse en Turquie. Et cependant l’Etat est dans l’impossibilité de faire quelque chose. Le séisme du 17 août a été pour nous et notre pays non seulement un événement tragique, mais a également révélé combien l’Etat était fragile, en d’autres termes a montré que " le roi était nu ". c’est pour cela que l’Etat reste léthargique malgré des nouvelles " accusations " chaque jour. L’immobilisme de l’Etat avait déjà été affiché dans le " Rapport du développement du monde 1997 : l’Etat dans un monde qui change ", publié par la Banque mondiale. Le rapport dit ceci : (la République turque) est incapable d’organiser d’une manière efficace des opérations collectives dans des domaines tels que la souveraineté de la loi et des principes, la santé publique (…) Et donc l’Etat n’a pas pu répondre aux besoins du public dans ces domaines. L’évaluation de la Banque mondiale s’est révélée vraie lorsque deux ans après, l’Etat, avec tous ses mécanismes, civil ou militaire, a été paralysé face au tremblement de terre et n’a pu répondre aux besoins populaires. Les citoyens d’un pays jugent justement l’utilité de l’Etat dans ces périodes tragiques. Très à l’aise lorsqu’il s’agit de sujets sans rapport avec sa mission - en jouant avec le pain, la dignité, les droits à l’éducation et les vêtements des personnes-, les autorités publiques se sont montrées incapables d’offrir des services. Nous avons constaté avec tristesse que tout en sachant les risques sismiques existants et malgré les nombreuses expériences dramatiques en ce domaine, l’Etat n’avait pas d’équipe de sauvetage formée et prête à envoyer dans la région ni de personnels de protection civile. Ce tableau a donc augmenté " les accusations contre l’Etat ". La première parmi les plus importantes est venue du Président de la Cour de cassation, Sami Selçuk. Si les propos qu’il a tenus le 6 septembre étaient prononcés avant le 17 août, il aurait fait l’objet de maintes poursuites comme toute autre personne. Le président Süleyman Demirel est intervenu dans le même sens lors de l’ouverture de la nouvelle session parlementaire le 1er octobre 1999. Force est de constater que l’ancien Premier ministre Mesut Yilmaz fait aujourd’hui partie du " cortège des accusateurs ". Qu’a-t-il allé raconter à la réunion du groupe parlementaire d’ANAP… " Nous ne pouvons pas conduire la Turquie vers un nouveau siècle avec (…) Une bureaucratie qui ne donne aucune valeur au peuple et une République qui repousse l’homme … " On peut construire beaucoup de choses en Turquie. Et cela ce n’est pas l’Etat mais le peuple qui les entreprendra. Il suffit que l’Etat ne soit pas un obstacle pour le peuple (…) Nous devrions rendre les libertés aussi larges que dans un pays développé … Il faut décentraliser l’autorité d’Ankara, l’Etat devrait cesser de s’ingérer dans l’économie, les organisations non gouvernementales devraient se renforcer…Il ne peut avoir d’Etat intouchable, seuls les droits individuels peuvent être intouchables. Mais en Turquie il y a constamment des limitations… " (…) D’un côté la personnalité qui est à la tête de la plus haute instance juridique (…) ; D’un autre côté un ministre d’Etat et président d’un des partis partenaires de la coalition gouvernementale (…) Il ne reste plus que l’organe législatif qui est en grande partie sous le contrôle du pouvoir exécutif. Encore un peu d’effort. Faites en sorte de vous entendre avec l’opposition ; changez donc cette constitution de 1982 inefficace et avariée qui constitue le fondement de l’Etat. C’est vous qui détenez les reines du pouvoir. Vous ne pouvez pas vous contentez des critiques sans vous sentir responsables. Agissez. Votre fonction n’est pas de critiquer mais de construire (…) Dans le cas contraire, vous aurez agi contre l’Etat. Si vous n’agissez pas ; ceci est un " acte d’accusation ". |