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Liste
NO: 147 |
26/10/199 GUNTER GRASS : " LES KURDES SONT UNE GRANDE MINORITÉ OPPRIMÉE "Le prix Nobel de littérature 1999, Gunter Grass, en visite à la Foire du livre de Frankfort, a appelé, le 15 octobre 1999, à une solution démocratique pour la question kurde. Interrogé sur les raisons qui l’ont conduites à signer l’appel international pour les droits fondamentaux des Kurdes, il a déclaré : " J’espère qu’aujourd’hui on a compris en Turquie que les Kurdes ne sont pas des " Turcs de montagne ". Les Kurdes sont une grande minorité opprimée. Les Kurdes en grande majorité ne demandent pas l’indépendance mais à jouir de leurs droits culturels et du droit d’apprendre et de parler leur langue. Si la Turquie ne comprend pas cela, la terrible guerre qui se déroule actuellement et l’oppression continueront à sévir et la porte de l’Europe leur sera fermée. Il ne peut se passer autrement. Peut-être qu’un accord sera obtenu. ". Gunter Grass a également critiqué la politique étrangère de l’Allemagne en dénonçant l’extradition des Kurdes vers la Turquie qui font plus tard objet d’arrestation en Turquie. ANKARA UTILISE L’AIDE INTERNATIONALE DESTINÉE AUX VICTIMES DU SÉISME POUR PAYER LES SALAIRES DES FONCTIONNAIRESRecep Önal, ministre d’Etat turc chargé de l’économie, a ouvertement déclaré au sommet de l’économie d’Antalya que les 500 millions de dollars reçus du Fonds monétaire international (FMI) pour les victimes du séisme du 17 août avaient été utilisés pour payer les salaires des fonctionnaires. Exposant les préjudices subis du fait du tremblement de terre, Recep Önal a enfin dévoilé ce qui était advenu de l’aide apportée par le FMI : " Nous étions dans une difficulté telle que nous ne pouvions même pas payer le salaire des fonctionnaires. Nous avons résolu le problème avec l’aide apportée par le FMI pour le séisme. Le trésor public n’est pas un organe producteur d’argent. Que va-t-on faire ? Nous allons reverser les impôts récoltés ces derniers temps dans la caisse de ce qui a été dépensé et utiliser pour le séisme ". À la sortie de la réunion, M. Önal s’est rendu compte de la gaffe et a simplement rétorqué que c’était un lapsus. Interrogé sur la question, le Premier ministre Bülent Ecevit qui avait déclaré que l’argent en question sera utilisé pour les victimes du séisme jusqu’au dernier centime a affirmé qu’il n’était pas au courant des déclarations de son ministre. APRES L’ASSASSINAT DE L’ANCIEN MINISTRE KISLALI, SES PROCHES ACCUSENT LE TERRORISME D’ÉTATM. Ahmet Taner Kislali qui en 1978-1979 fut ministre de la culture dans un cabinet Ecevit a été tué le 21 octobre à Ankara par l’explosion d’une bombe posée sur sa voiture. Personnalité de centre gauche, M. Kislali était professeur à la Faculté des sciences politiques et un éditorialiste régulier du quotidien atatürkiste Cumhuriyet (République). Ses prises de position laïques et nationalistes étaient appréciées par les secteurs laïcs de l’opinion turque y compris chez les jeunes officiers. La police turque a immédiatement parlé de la piste d’un groupuscule islamiste radical, IBDA-C, Front islamique des combattants du Grand Orient, qui dans un appel anonyme à une chaîne de télévision privée aurait revendiqué cet attentat. Les autorités ont promis d’arrêter rapidement les assassins. Mais les proches de la victime, comme bon nombre d’observateurs de la scène politique turque des dernières décennies, sont d’un tout autre avis. L’assassinat de Kislali rappelle des précédents célèbres d’Abdi Ipekçi, directeur du quotidien Milliyet et d’Ugur Mumcu, professeur d’université et journaliste d’investigation, dont on sait maintenant qu’ils ont été assassinés à l’instigation de certains services de l’Etat, plus précisément du Bureau de la guerre spéciale de l’armée. Le stratagème est identique : on choisit pour cibles des personnalités laïques et atatürkistes, leur assassinat suscite une large indignation des secteurs nationalistes et laïcs qui serrent les rangs autour de l’armée-défenseur-de-la-République-en-danger. Les ennemis de l’Etat (islamistes, communistes ou séparatistes kurdes selon la conjonction politique) sont mis au pilori et l’armée promet de les écraser et de défendre " les principes éternels du Grand Atatürk " et la patrie en danger. La dernière grande représentation de cette comédie turque avait eu lieu lors de l’assassinat d’Ugur Mumcu en 1993 qui justement enquêtait, sur les liens entre certains services de l’Etat, la mafia et la violence politique. Une foule d’un million de personnes s’était rassemblée à ses funérailles aux cris " plus jamais ça ! " Les " islamistes fanatiques " avaient été montrés du doigt. Et puis, à la stupéfaction de la famille Mumcu, l’enquête s’enlisait. Après plusieurs mutations de juges et de procureurs et à la suite de révélations dans la presse, le dernier procureur en charge du dossier a fini par dire à l’opiniâtre Mme Mumcu " cessez de me harceler, l’instruction est bloquée car il s’agit d’un crime d’Etat. Je n’y peux rien ". Et finalement, le scandale étant devenu public, l’Etat turc a proposé d’indemniser la famille Mumcu pour " l’erreur commise ". Le remake de cette sinistre comédie n’a cette fois-ci pas convaincu grand monde tellement la corde est usée. Ainsi lors des obsèques du prof. Kislali, le célèbre journaliste turc Ilhan Selçuk, ami à la fois d’Ugur Mumcu est d’A. Taner Kislali s’est exclamé : " Ça suffit. Il faut mettre un terme au terrorisme d’Etat ! ". La télévision a diffusé les images des généraux et des dignitaires civils du régime qui paraissaient décontenancés par cette apostrophe sans équivoque et inattendue. La foule a conspué le président Demirel aux cris " nous ne sommes pas fiers de toi ". Les cris de " Basbug Ecevit " ont également fusé et le couple Ecevit semblait effondré par cette interpellation car le mot " basbug ", équivalent turc du führer allemand de triste mémoire, est le titre dont s’affublait le colonel Türkes, défunt chef du Mouvement d’action nationaliste (MHP), néo-fasciste turc, partenaire de la coalition gouvernementale de B. Ecevit. À quelques semaines du sommet de l’OSCE d’Istanbul et alors que certains dirigeants européens déploient tant d’efforts pour déceler quelques signes de démocratisation en Turquie afin de faire avaler l’idée de la candidature turque à l’Union européenne l’image d’un Etat turc policier et criminel fait tout de même mauvais effet. UN PREMIER FEU VERT POUR LA VENTE DE CHARS ALLEMANDS À LA TURQUIELe conseil de sécurité fédéral allemand a décidé, le 20 octobre 1999, de livrer un char Leopard 2A6 à la Turquie afin qu’elle puisse le tester. Annoncée triomphalement par la presse turque, cette décision a soulevé un tollé chez les Verts allemands, partenaire de la coalition du gouvernement dirigé par Gerard Schröder. Les autorités turques n’ont pas manqué de souligner que les réticences allemandes dues jusqu’à présent " à la question du Sud-est et des violations des droits de l’homme " avaient cessé. L’appel d’offre international turc est fort alléchant puisque la Turquie compte acheter plus de 1000 chars pour une somme de 15 milliards de DM et cela garantirait 6000 emplois pendant 10 ans avancent les autorités allemandes. La semaine dernière les autorités turques avaient menacé l’Allemagne de l’inscrire dans la fameuse liste rouge faisant l’énumération des pays bannis du marché turc. 92 PERSONNES ARRÊTÉES À DIYARBAKIR POUR " COLLUSION AVEC LE MOUVEMENT HIZBULLAH "Les autorités turques ont lancé une vaste opération contre le Hizbullah, mouvement intégriste, qui jouissait jusqu’à présent de l’appui multiforme de la police qui s’en était amplement servie dans l’assassinat de militants nationalistes kurdes. Le quotidien turc Hurriyet annonce le 21 octobre 1999, qu’en une semaine 92 membres du Hizbullah ont été arrêtés à la suite d’assaut mené dans 40 mosquées de Diyarbakir. Le préfet de la région, Cemil Serhadli a déclaré, le 20 octobre, qu’en deux ans plus de 1235 personnes ont été placées en garde-à-vue et seules 685 ont été libérées à ce jour. Les autorités leur attribuent d’ores et déjà 48 crimes perpétrés dans la région. Cependant certains éléments du Hizbullah combattaient dans les rangs des Tchétchènes en liaison avec les services spéciaux et l’extrême droite turcs. SULEYMAN DEMIREL PLAIDE POUR LE DROIT À LA DIFFÉRENCE DEVANT LA MINORITÉ TURQUE DU KOSOVOIsmet Berkan, journaliste au quotidien turc Hürriyet, a relaté dans ses colonnes du 20 octobre 1999, la visite, le 15 octobre 1999, du président turc Süleyman Demirel à la minorité turque du Kosovo. " Les différences devraient être vues comme une source de richesse. Pour cela il faut s’attacher à la démocratie et aux valeurs démocratiques. En réalité, la démocratie est le seul système qui puisse permettre aux peuples ayant une langue, une religion et une origine ethnique différentes de vivre ensemble à l’abri de l’oppression. Sans démocratie, il est aussi difficile de protéger la paix. Tout en respectant les différences, il est possible de se retrouver autour d’un but commun. Tant qu’on n’aura pas réussi cela, des drames comme l’épuration ethnique continueront à sévir dans notre région (…). L’importance que vous accordez à l’enseignement du turc, à la défense de votre culture, à l’augmentation des tirages de vos organes de presse et leur protection, constituent les éléments inaliénables de votre existence. Un peuple privé de sa langue et de parole est condamné à disparaître. Vos efforts tendant à défendre votre identité et à développer votre culture seront toujours soutenus par la Turquie " a déclaré le président Demirel qui tient cependant un tout autre discours pour le droit à la différence, la langue et à la culture des 15 à 20 millions de Kurdes de Turquie. CONSCRIPTION CENSITAIRE SUITEUn projet de loi permettant aux jeunes et riches Turcs nés avant le 1er janvier 1973 d’être exemptés de service militaire moyennant versement d’une indemnité d’un montant de 15 000 DM est passé sans amendement devant la commission parlementaire du budget et de planification. Le projet de loi comprend également les hommes âgés de plus de 40 ans au 31 décembre 1999 mais ils devront eux acquitter la coquette somme de 20 000 DM. Le ministre turc de la défense, Sabahattin Çakmakoglu a déclaré qu’au moins 120 000 personnes pouvaient bénéficier de cette loi et elle rapporterait 1,5 milliard de DM au budget de l’Etat. Les discussions ont également permis de soulever le problème des officiers de police n’ayant pas effectué leurs obligations militaires. Le ministre turc a souligné que 14 000 policiers étaient aujourd’hui concernés alors qu’il y a quelques années, ils étaient plus de 70 000. 6 000 officiers de police bénéficieraient, selon M. Çakmakoglu, de la loi. Les sommes récoltées devraient être officiellement affectées à l’effort de reconstruction des zones sinistrées par le séisme du 17 août. EN SIX ANS, L’ADMINISTRATION CLINTON A VENDU POUR $4,9 MILLIARDS D’ARMES À LA TURQUIEDeux organismes américains, World Policy Institute et Federation of American Scientists viennent de publier un rapport de 43p intitulé " Arming Repression :US Arms Sales to Turkey during the Clinton Administration ". Ses auteurs, Tamar Gabelnick, William D. Hartung et Jennifer Washburn, soumettent à un examen rigoureux les relations militaires de Washington et donnent une série de chiffres qui, au-delà de la rhétorique des droits de l’homme, montrent dans quelle mesure l’Amérique arme la machine turque de guerre et de répression. Selon le Département d’Etat américain, " les forces armées turques sont de l’ordre de 80 % dépendantes des équipements d’origine américaine ". Ainsi sur les 4200 chars de l’armée turque 3800 sont des M-48 et M-60 de fabrication américaine. Hormis 44 avions de transport CN-235 espagnols, toute l’armada aérienne turque est d’origine américaine : 175 F-16, 87 F-5, 18 F-4E ainsi que 37 hélicoptères d’attaque Cobra et 55 hélicoptères de transport Sikorsky Black Hawk. L’essentiel des transports blindés de l’armée turque est formé de 2813 véhicules M-113 APC fournis par les Américains. De 1950 à 1983, pendant la période dure de la guerre froide, les ventes d’armes américaines à la Turquie, " alliée stratégique de l’OTAN " s’élèvent au total à $ 1.196065. Avec la guerre du Kurdistan, opposant à partir de 1984 l’armée turque à la guérilla du PKK, elles s’emballent et atteignent pour la période de 1984-1998 un total de $10.466855–dont $4.927223 pour les six premières années (1993-1998) du président démocrate Bill Clinton. Les auteurs établissent que les ventes ont, pour 77 % étés subventionnés par l’argent des contribuables américains. Depuis 1984, ces subventions directes ou indirectes s’élèvent à plus de $8 milliards. De plus, les Américains donnent aux militaires turcs, formation et instruction. Depuis 1950, ils ont ainsi formé 23 268 officiers turcs dont 2 900 depuis 1984. Ils rappellent que d’après des enquêtes indépendantes ces armes américaines ont été massivement utilisées dans une guerre civile qui a fait 37 000 morts (pour la plupart kurdes) et abouti à la destruction de 3 000 villages kurdes dans " le Sud-est de la Turquie " et produit entre 500 000 et 2,5 millions de réfugiés internes. Leurrés par les perspectives annoncées d’un programme turc d’acquisition d’armement de $150 milliards d’ici 2030 dont $31 milliards pour les 8 prochaines années les dirigeants américains ont fermé les yeux sur les violations massives des droits de l’homme commises par Ankara, cela en violation de la loi américaine et des principes proclamés de la diplomatie américaine. Les auteurs attirent l’attention sur la politique de deux poids deux mesures de Washington dans deux cas d’essence similaire, le Kosovo et les Kurdes en Turquie. " Dans les deux cas, les griefs des populations affectées–le déni des droits politiques et culturels fondamentaux et l’imposition de la violence militaire et paramilitaire-ont été ignorés par le régime qui a cherché à imposer sa volonté par la force des armes. Au-delà de l’intensité et de la durée de la tuerie, la différence la plus frappante entre les deux cas est la réponse des Etats-Unis. Au Kosovo, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont mené une guerre aérienne majeure pour conduire les forces serbes hors de la province. En Turquie, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont été les fournisseurs premiers d’armement au régime d’Ankara. Si l’administration Clinton peut justifier d’aller en guerre au sujet de la purification ethnique au Kosovo, elle devrait être capable de forger la volonté politique pour la tâche beaucoup moins prenante d’arrêter la fourniture des armes américaines qui sont utilisées pour alimenter la répression ethnique en Turquie. |