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Liste
NO: 149 |
9/11/1999 DEUX ADOLESCENTES KURDES ÂGÉES DE 19 ET 16 ANS ACCUSENT LA POLICE TURQUE DE TORTURES ET DE VIOLSÂgées réciproquement de 16 et 19 ans, l’une étudiante à l’Université et l’autre encore lycéenne, les deux jeunes filles avaient été placées en garde-à-vue le 6 mars 1999 à la direction de sûreté d’Iskenderun après avoir été accusées de " séparatisme ". L’affaire a été rendue public lorsque le père de l’une des adolescentes a rendu visite à sa fille actuellement emprisonnée à la prison Kürkçüler d’Adana. Accusées d’avoir " participé à un attentat à la bombe incendiaire pour manifester leur soutien à A. Öcalan ", les deux adolescentes ont été condamnées par la cour de sûreté de l’Etat d’Adana : L’aînée à 12 ans et 6 mois de prison pour " appartenance à une organisation illégale " et 5 ans, 6 mois et 20 jours pour " avoir lancé un cocktail molotov " et la cadette, bénéficiant de la " clémence " du tribunal du fait de son jeune âge à 8 ans et 4 mois pour le premier chef d’accusation et à 8 mois et 13 jours pour le second. Le syndicat des médecins turcs d’Adana a rendu un rapport accablant après consultation des adolescentes : attouchements et viols (matraque introduit dans l’anus), enfermement dans des cellules glaciales, affamées et assoiffées pendant deux jours, forcées à boire de l’eau contenant du crachat, empêchées d’aller sur la selle, de s’assoire ou de se lever, menaces… Leurs calvaires a duré pendant sept jours au cours desquels la famille n’a eu aucun contact avec les jeunes filles. Un précédent rapport médical émis par plusieurs médecins soutenait qu’il n’y avait eu aucun sévice. L’Union des médecins turcs et les familles des victimes ont déclaré qu’ils allaient porter plainte contre cinq médecins et le syndicat (indépendant) des médecins turcs réclame une nouvelle et complète évaluation médicale, estimant que l’examen ordonné par les tribunaux était " incomplet et erroné ". Par ailleurs, au cours d’une conférence de presse le 28 octobre 1999 à Izmir, la Fondation turque des droits de l’homme (TIHV) a dénoncé les pressions et tortures exercées sur certains de ses membres par la police turque dans le but d’intimidation. La Fondation a déclaré qu’une campagne de harcèlement avait été lancée contre elle et que nombre de ses membres se trouvaient placés en garde-à-vue puis torturés du fait de leur appartenance à la Fondation. Après l’arrestation de deux médecins de la fondation, Dr. Alp Ayan et Dr. Cumhur Akpinar, Dr. Zeki Uzun, qui en six ans d’exercice au sein de la TIHV a soigné de nombreuses victimes de tortures, a été arrêté par la police d’Izmir et torturé durant ses six jours de détention. La fondation a dénoncé cette campagne d’intimidation ayant pour but de dissuader les médecins d’émettre des rapports à charge faisant état des tortures et sévices contre la police. De son côté, l’Ordre des médecins d’Izmir (ITO) a également protesté et apporté son soutien au Dr. Uzun en déclarant que l’arrestation et la torture dont il a fait l’objet avait pour unique raison les rapports médicaux de constat de tortures qu’il avait émis. ABDULLAH ÖCALAN APPELLE TOUS SES MILITANTS À RENTRER EN TURQUIEAbdullah Öcalan a appelé le 5 novembre 1999, tous les membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan à revenir à leur " lieu de naissance " pour y poursuivre leur " lutte démocratique et politique ". Dans un communiqué diffusé par l’intermédiaire de ses avocats, il a déclaré : " tout le monde doit revenir à son lieu de naissance (…) Le lieu de règlement des conflits sont ces terres (…) Je lance un appel pour la poursuite de la lutte démocratique et politique sur les terres natales (…) quelles que soient les conséquences : la mort ou l’incarcération ". Öcalan avait jusqu’ici appelé des " groupes symbolique " de militants du PKK à se rendre pour témoigner de la volonté de paix de leur parti. Il étend désormais son appel à tous les membres du PKK et cela suscite de vives contestations au sein de cette organisation Par ailleurs un procureur de la cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Istanbul a inculpé le 9 novembre 1999, cinq membres du PKK qui s’était rendu le 29 octobre 1999 à la Turquie pour " démontrer la volonté de paix " du parti. Haydar Ergül, le leader du groupe et deux autres membres sont accusés d’être des hauts responsables du PKK et encourent une peine d’au moins 22,5 ans de prison. Deux autres membres du groupe sont accusés d’ " appartenance à une organisation terroriste " et risque 15 à 22,5 ans de prison. Le parquet d’Istanbul s’est cependant déclaré incompétent concernant trois autres membres du groupe, à l’encontre desquels une procédure judiciaire est en cours à Ankara pour " appartenance au Parlement kurde en exil ". LES RUSSES VEULENT TROQUER LEURS ARMES CONTRE LE REMBOURSEMENT DE LEUR DETTE ENVERS ANKARADans son numéro du 3 novembre 1999, le quotidien turc Milliyet annonce que la Russie va proposer à la Turquie d’acquitter ses dettes en lui troquant des armes. Selon le journal turc, les autorités russes offriraient au Premier ministre Bülent Ecevit en visite officielle en Russie à partir du 4 novembre, de rembourser les 700 millions dollars de dette par des livraisons d’armes russes. Endettés auprès de la banque turque Eximbank durant la période de l’URSS, les Russes n’ont pas pu acquitter leur dette et ses ntérêts. Le club de Paris qui avait décidé de geler jusqu’en 2011 le remboursement des dettes de l’ancien URSS avait pourtant convenu le paiement des intérêts en cours. La Turquie aurait proposé d’être payée par le gaz naturel russe mais Moscou opterait pour les armes. LA LÉGALISATION DU JITEM PARMI LES PROJETS DE LOI DU GOUVERNEMENT ECECITLe JITEM, le service de renseignement et de lutte anti-terreur au sein de la gendarmerie, dont l’existence a été mise à jour après le scandale de Susurluk, va être officiellement légalisé. Cité dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire de Susurluk et malgré tout nié par les responsables politico-militaires, le JITEM est impliqué dans certains " meurtres non élucidés " en Turquie. Un projet de loi du ministère turc de l’intérieur déposé devant le Parlement turc après avoir obtenu l’aval du Premier minstre turc Bülent Ecevit, demande officiellement la constitution d’un tel organe, appelé l’organisation de renseignement de la gendarmerie (JIT) au sein de la gendarmerie. LU DANS LA PRESSE TURQUIE : LES MALHEURS DU CHANTEUR KIRMIZIGÜLLe journaliste et musicien turc Zülfü Livaneli dans son éditorial du 5 novembre du quotidien Sabah relate la chasse aux sorcières lancée en Turquie contre les Kurdes et déplore le climat d’insécurité qui y règne. En voici de larges extraits. " Mercredi soir, Mahsun Kirmizigül a réussi par l’intermédiaire de la télévision à se débarrasser d’une grande calamité. Une rançon de 300 000 dollars a pu être ainsi déjouée. Vous connaissez l’histoire : Mahsun Kirmizigül a participé en 1992 à un concert à Hambourg organisé par des immigrés originaires de Bingöl [ndlr : province kurde]. Le fait qu’il chante en kurde, embrasse une écharpe aux couleurs kurdes offerte par le public, et puis sous l’effet de l’ambiance fasse le signe de la victoire en réponse aux spectateurs, a donné aux détenteurs de la cassette vidéo l’idée de lui faire du chantage. L’horreur est là. Est-ce qu’il peut avoir une chose plus naturelle pour un homme que de chanter avec la langue utilisée par sa mère, son père ou son grand-père ? Comment ceci peut-il devenir objet de chantage ? Et puis le fait qu’il embrasse en guise de remerciement l’écharpe aux couleurs locales offerte par le public ? Quel est le crime ? Quant au signe de la victoire, comme a expliqué Mahsun lui-même, c’est le signe que font des millions de personnes en Turquie. Peut-on trouver raisonnable le fait d’accuser une personne ayant affiché ce signe, alors qu’il symbolise la première lettre du mot " victory ", signifiant la victoire anglais, et attribué à Churchill ? Mais la Turquie veut être traînée vers un terrain tel que, certaines personnes peuvent avoir l’idée de faire du chantage du fait de ces gestes innocents. Si une telle émission avait été préparée par un journaliste de mauvaise foi, il aurait pu en finir avec Mahsun en une seule nuit. Et comme il l’a précisé, si des images de certains drapeaux ou pancartes avaient été montées alors que serait-il advenu ? Tout ce passe comme si nous vivions la chasse aux sorcières de Salem. Ou encore la période McCartyste. Dans quel pays avez-vous rencontré un musicien, écouté par des millions de personnes, accusé pour ce genre de choses et qui pour s’innocenter jurerait à tue-tête devant les écrans son attachement au drapeau, à la nation et à la patrie (turques) ? La mentalité des malfaiteurs révèle en tout cas un réalité bien horrible : Nous devenons petit à petit une société réactionnaire. Les résultats des élections de 1998 n’étaient que le fruit de ces réactions. Les gens ont voté non pas pour la politique économique et sociale des partis mais pour celui qui affichait le plus de réactions radicales contre leurs ennemis. Si Öcalan n’avait pas été capturé pendant le gouvernement d’Ecevit, le DSP (Parti de la Gauche Démocratique de B. Ecevit) n’aurait pas récolté autant de voix. Si les lamentations au cours des funérailles des martyrs n’avaient pas touché le peuple au plus profond de lui-même, le MHP (le Parti de l’Action nationaliste, néo-fasciste) non plus n’aurait pas pu atteindre les 18 %. Ce parti doit ce score qui l’a même surpris à la réaction éprouvée contre le PKK. Le complot contre Mahsun Kirmizigül devrait ouvrir les yeux de tout le monde. Actuellement les chanteurs les plus appréciés en Turquie sont d’origine kurde et leur langue maternelle est le kurde. Le peuple sait aussi bien leurs origines, leur langue, leurs spécialités culinaires que d’où ils viennent. Et ils préfèrent depuis des années les chanteurs d’origine kurde. Et ils les aiment. Il faut tirer une leçon de toute cette histoire ! Alors que le gouvernement est reçu à Diyarbakir par des drapeaux blancs et des slogans fraternels, que personne ne vienne dynamiter la paix. " |