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Liste
NO: 151 |
25/11/1999 LA COUR DE CASSATION TURQUE CONFIRME LA CONDAMNATION À MORT D’ÖCALANLa cour de cassation turque a confirmé, le 25 novembre 1999, la sentence de mort pour trahison et séparatisme contre Abdullah Öcalan. La cour, composée de cinq magistrats et présidée par le juge Demirel Tavil, a décidé à l’unanimité que la sentence était " conforme à la loi et à la procédure ". La décision a été accueillie par une explosion de joie de centaines de manifestants, la plupart des proches de soldats tués lors des combats, qui ont organisé une exécution symbolique d’A. Öcalan et pendant sur une potence son effigie présentée comme un vampire sanguinaire. Les avocats du chef du PKK, qui avait demandé que la sentence soit commuée en prison à vie, ont également annoncé qu’ils allaient déposer l’ultime recours possible en justice, une demande de " rectification de la sentence " auprès de Vural Savas, procureur près de la Cour de cassation. Cependant ce dernier ayant lui-même recommandé à la Cour de confirmer la peine, un éventuel recours a peu de chance d’être accepté. La Cour européenne des droits de l’homme a déclaré le même jour qu’elle examinera la semaine prochaine la demande visant à obtenir un sursis à exécution de la peine de mort. La Cour peut demander aux autorités turques de prendre cette décision au titre de " mesure provisoire " en attendant la décision sur le fond des juges des droits de l’homme. L’examen de la recevabilité de la requête aura lieu dans un délai de un à quatre mois et elle décidera ensuite de tenir ou non une audience à ce sujet et d’examiner la requête au fond. L’ensemble de cette procédure de recours pourrait prendre de 7 à 12 mois. Cependant, la Turquie n’est pas obligée d’attendre le verdict de la Cour de Strasbourg. Elle pourrait, en fonction de ses propres considérations de politique intérieure et extérieure, faire ratifier par son Parlement la condamnation à mort d’Öcalan et l’exécuter. Elle peut aussi retarder ou bloquer cette ratification. Le président et le Premier ministre turcs souhaiteraient, pour des raisons diplomatiques, gagner du temps et attendre le verdict de la Cour européenne. Cependant de nombreuses voix dans la coalition gouvernementale exigent une exécution rapide du chef du PKK et affirment que l’exécution d’Öcalan aura des conséquences limitées : remous diplomatiques de quelques semaines avec l’Union européenne et une condamnation de pure forme de la Cour européenne assortie éventuellement d’une amende financière de quelques milliers d’euros. La décision ultime reviendra au haut commandement de l’armée turque qui sans doute va attendre jusqu’au sommet européen qui se tiendra les 11 et 12 décembre à Helsinki et qui doit décider d’accorder ou non à la Turquie le statut de candidat officiel à l’adhésion à l’Union européenne. UN COMMANDANT DU PKK DEMANDE L’ASILE AUX PAYS-BASMurat Karayilan, un des principaux chefs militaires du Parti des Travailleurs du Kurdistan avec Cemil Bayik et Osman Öcalan, a demandé le 20 novembre 1999 l’asile politique aux Pays-Bas. Charlotte Menten, porte-parole du ministère de la Justice à La Haye, a confirmé l’information le 24 novembre. Le ministère néerlandais de la Justice vérifierait actuellement si M. Karayilan avait commis des actes criminels ou des violences. Murat Karayilan était commandant de la région Botan, comprenant les provinces de Siirt et de Sirnak. Il est aussi l’un des accusés dans un procès contre une centaine de membres du PKK, dont Abdullah Öcalan, qui soit s’ouvrir le 15 décembre 1999 à Ankara, pour trahison, meurtre, port d’arme illégal et appartenance à un groupe armé. LA MORT SUSPECTE DU PORTE PAROLE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRE SUR L’AFFAIRE DE SUSURLUKUn accident de voiture à Ankara vient une nouvelle fois de jeter le trouble sur la scène politico-judiciaire turque. Mehmet Bedri Incetahtaci, député du parti de la Vertu (Fazilet) de Gaziantep, porte-parole de la commission d’enquête parlementaire sur l’accident de Susurluk, vient de mourir le 21 novembre 1999 dans un accident de voiture. Connupour ses idées plutôt réformatrices, ce député de 39 ans, était justement en route pour se rendre à Cologne afin de participer à une conférence sur l’affaire de Susurluk avec Mehmet Elkatmis, président de cette commission parlementaire. Cette commission avait essayé de tirer au clair les liens entre les bandes mafieuses et certains services de l’Etat turc, liens révélés au grand jour lors d’un accident de voiture survenu le 3 novembre 1996 près de la localité de Susurluk au cours duquel un chef de la mafia turque d’extrême droite et un policier de haut rang avaient été tués et un député blessé. M. Incetahtaci était un des membres les plus actifs de la commission et la rédaction d’un livre sur le sujet était en projet selon ses proches. La police a très vite conclu à un accident en précisant que la responsabilité lui incombait à cent pour cent et le véhicule a très vite été dégagé des lieux. Cependant, personne ne semble croire à la thèse de l’accident. Le quotidien Milliyet titrait à la Une le 22 novembre 1999 " le 3ème accident de Susurluk : d’abord la Mercedes, puis le rapporteur, ensuite le porte-parole de la commission ". Un sombre accident de voiture avait déjà coûté le 29 août 1997 la vie d’Ertugrul Berkman, retraité des services de renseignements turcs (MIT), qui avait enquêté sur la bande mafieuse de Susurluk. En décembre 1999 un autre accident avait causé la mort d’Akman Akyürek, rapporteur de la commission qui, après avoir démissionné de la commission, avait préparé un rapport alternatif. Fikri Saglar, ancien député et ancien ministre de la culture, membre de la même commission, a également émis de sérieux doutes sur l’accident et a déclaré qu’il y a une quinzaine de jours, il avait lui-même, été serré par un camion sur la route et précédemment, avait étrangement et brusquement perdu ses pneus toujours sur la route de l’aéroport. Il a accusé la direction de la sûreté de négligence et de dissimulation. " Ce n’est pas normal ‘ces hasards’. De toute façon Susurluk n’est qu’une chaîne de hasards. Je ne sais pas si le désir de nous éliminer est dû au fait que nous savons des choses et que nous ne voulons pas les dire. Mais en tout cas il y a beaucoup de choses que nous savons et que nous ne pouvons pas prouver. ". Tout le monde s’accorde pour dire que si l’affaire de Susurluk n’était pas restée totalement impunie, elle ne susciterait pas autant de questions. LE MUR DE LA NÉGATION : UNE ÉTUDE AMÉRICAINE SUR LES KURDES DÉPLACÉS EN TURQUIEÀ la suite d’une enquête menée à la fin de l’année 1998 au Kurdistan turc par l’organisation américaine, US Committee for Refugees, un rapport intitulé " Le mur de la négation " a été rendu public en novembre 1999 sur le déplacement de la population kurde en Turquie. Dans sa présentation introductive, le comité souligne que " la Turquie est le second pays au monde pour le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de ses frontières, et pourtant, la communauté internationale humanitaire n’a, de fait, rien entrepris pour leur compte. Ni le comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui dispose d’un mandat explicite pour la protection de personnes déplacées, et ni le Haut Commissariat pour les Réfugiés (UNHCR), qui a étendu ses " bons offices " au nom des déplacés dans de nombreux pays, n’ont entrepris d’action pour les déplacés de la Turquie, une population ignorée de fait par les autres organisations intergouvernementales et non-gouvernementales, traditionnellement œuvrant pour la protection des personnes déplacées qui se trouvent dans des situations similaires. Cette défaillance internationale ne résulte pas du fait que le gouvernement turc remplit ses responsabilités dans l’assistance et la protection de ses propres citoyens déplacés. Tout au contraire, la Turquie continue de nier le problème existant et a fortiori ignore les déracinés ". " Aujourd’hui, près de la moitié des Kurdes de Turquie ne vit pas dans le Sud-Est (…). Les plus grandes villes kurdes en Turquie sont Istanbul, Izmir, et Ankara (…) À Diyarbakir, la capitale non-officielle du Kurdistan turc, la population comptait 30 000 habitants en 1930, 65 000 en 1956, 140 000 en 1970, 400 000 en 1990 pour finalement attendre en 1997 le chiffre de 1,5 millions d’habitants (…) Alors que certains déplacements étaient spontanés, l’armée turque a systématiquement expulsé les villageois kurdes du Sud-Est entre 1993 et 1995 (…). Les chiffres les plus récents (…) viennent de la commission parlementaire de migration, publiés en juin 1998. Toutes les statistiques reprises dans le rapport sont issues du bureau de la région de l’état d’urgence (OHAL), c’est pourquoi cela devrait être considéré comme les chiffres officiels du gouvernement [ndlr : les chiffres du rapport sont 401 328 personnes déplacées de force, 3 428 dont 905 villages et 2 523 hameaux évacués. Les chiffres ont été vivement contestés et cela par des députés mêmes qui les estiment largement en deçà de la réalité] (…) Le précédent recensement en 1990 avait estimé à 133 000 personnes habitant la province de Tunceli ; en 1997 il avait chuté jusqu’à 85 047 dont environ 20 000 militaires turcs (10 000 soldats stationnés en 1990). " Le rapport précise d’autre part que l’accès de la région est restreint aux étrangers et que " l’armée turque bloque également ces plus hauts dignitaires civils lorsqu’ils veulent visiter la région pour évaluer les causes et les conditions des personnes déplacées de force [ndlr : Tansu Çiller en 1993 interdite d’accès à Lice et en 1994 Murat Karayalçin, vice-Premier ministre à l’époque etc…] (…) Lorsque les sources officielles du gouvernement reconnaissent un déplacement forcé, ils rejettent carrément la responsabilité sur le PKK (…) Le gouvernement va très loin pour nier les allégations, y compris en fabriquant des preuves, rejetant la responsabilité sur le PKK des abus commis par les forces militaires et de police (…) La forme la plus extrême pour contrôler les personnes déplacées est le meurtre ou la disparition de ceux qui parlent ouvertement de leur malheur (…) En général, le gouvernement ne paye pas de compensation aux personnes déplacées de force du fait du conflit dans le Sud-Est, y compris celles qui sont évacuées à la suite de l’action directe des forces de sécurité et militaire turques ". ACCUSÉ D’HOMICIDE, M. DURMUS EST AUJOURD’HUI MINISTRE TURC DE LA SANTÉ !Le quotidien turc Hurriyet affirme dans son numéro du 23 novembre 1999, que le ministre turc de la santé, Osman Durmus, membre du parti de l’Action nationale (MHP- néo-fasciste), est un des accusés impunis de l’assassinat le 13 avril 1970 du Dr. Necdet Güçlü. Poursuivi pour homicide, kidnapping et port d’arme illégal, M. Durmus est déclaré introuvable à l’époque du procès bien que son assiduité à la faculté de médecine peut être constatée aujourd’hui. Il bénéficie en 1974 de l’amnistie décrétée par le Premier ministre de l’époque, M. Bülent Ecevit, et est aujourd’hui devenu ministre de la santé de M. Ecevit ! LE PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L’HOMME BATTU PAR DES MILITANTS D’EXTRÊME DROITEUn groupe de militants d’extrême droite turque a fait irruption le 25 novembre 1999 au siège de l’Association des droits de l’homme (IHD) à Ankara, battu son président Hüsnü Öndül et blessé Avni Kalkan, secrétaire général adjoint de l’IHD. M. Öndül a déclaré que les militants, dont une femme, ont été " amenés " à l’IHD " à bord de quatre autocars de la police " qui n’a " rien fait pour empêcher l’attaque ". Il a ajouté que les assaillants ont saccagé le bureau avant de quitter les lieux, et que la police les attendait en bas de l’immeuble. Akin Birdal, le précédent président de l’IHD, avait été grièvement blessé en mai 1998 dans un attentat au siège de l’IHD à Ankara. Ses agresseurs étaient également militants d’extrême droite turque. |