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Liste
NO: 156 |
6/1/2000 .POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE N¡156 6 janvier 2000 á RÉUNION LE 12 JANVIER 2000 DU GOUVERNEMENT POUR DÉCIDER DU SORT D'ABDULLAH ÖCALANVural Savas, procureur général de la Cour de cassation turque, a rejeté le 30 décembre 1999 l'ultime recours déposé par les avocats d'Abdullah Öcalan pour demander le réexamen de la condamnation à mort de leur client. La décision de M. Savas fait suite à la requète déposée par les avocats d'A. Öcalan qui constituait le dernier moyen légal pour la défense en vue de surseoir à l'exécution de la sentence dans le cadre du système judiciaire turc. Le sort du chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est aujourd'hui uniquement entre les mains des politiques puisque la phase judiciaire est arrivée à son terme. La coalition gouvernementale semble divisée, le parti du Premier ministre Bülent Ecevit s'est en effet prononcé pour l'abolition de la peine de mort mais le vice-Premier ministre Devlet Bahèeli, du parti de l'Action nationaliste, qui a fait campagne pour " l'arrestation et la pendaison d'Abdullah Öcalan ", a du mal à calmer les revendications vindicatives de son électorat. Le gouvernement a décidé de se réunir très officiellement le 12 janvier 2000 pour décider du sort d'A. Öcalan. Les partis d'opposition, le parti de la Vertu (islamiste) et le parti de la Juste Voie de Mme Tansu ‚iller, demandent l'exécution du chef du PKK en jouant sur le mème terrain nationaliste que le MHP et le DSP naguère. TURQUERIE : VERS LA SUPPRESSION DES LETTRES " P " ET " K " DANS LES MANUELS SCOLAIRES EN TURQUIE ?Le ministère turc de l'éducation nationale a demandé aux éditeurs du manuel scolaire Can Matematik de supprimer les lettres " P " et " K " des problèmes d'équation. Le ministère a exigé que les lettres " E ", " G ", " F " et " H " soient utilisées en algèbre pour éviter " des interprétations inconvenables " trouvant que cela pourrait évoquer l'organisation kurde PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan ). La question avait mème été discutée jusqu'au Parlement turc, lorsqu'un député du parti de la Juste Voie (DYP), Saffet Arikan Beduk, a interpellé par une motion le ministre de l'éducation nationale Metin Bostancioglu : " Considerez-vous que cela soit approprié pour nos enfants d'écrire de leur propre stylo ces lettres, qui conduit à penser au PKK ? ". Ce dernier n'a pas perdu son temps, il a d'abord demandé le retrait du livre des ventes, exigé les modifications et informé le député S.A. Beduk. Ankara va-t-il pousser son obsession éradicatrice jusqu'à supprimer tout bonnement les lettres " P " et " K " de son alphabet ? Ne craignant pas le ridicule, les autorités turques avaient déjà décidé de remplacer les lampes vertes des feux tricolores du trafic par des lampes bleues dans les provinces kurdes car le vert, le rouge et le jaune sont les trois couleurs " séparatistes " du drapeau kurde. á BILAN DES PLAINTES CONTRE LA TURQUIE Ë LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMMELa Cour européenne des droits de l'homme a été saisie de 3 880 affaires contre la Turquie. 51 d'entre elles ont été jugées et Ankara a été condamné à plus de 629 milliards de livres turques (TL) dont 158 milliards TL ont été jusqu'alors payés. La majorité des affaires pendantes devant la Cour, soit 2 250, ont été conduites par les chypriotes du sud de l'île accusant les autorités turques de les avoir spoliés de leurs biens situés dans le nord de Chypre sous occupation turque. Le second groupe, soit 418 affaires, émane des familles kurdes accusant les autorités d'avoir détruit et incendié leur village. 350 saisines s'appuient sur des plaintes de tortures, 22 pour refus d'asile politique en Turquie, et 455 pour confiscation de propriété. La Cour européenne des droits de l'homme est également saisie de 134 affaires dites " de meurtres non élucidés " et de 75 affaires pour atteinte à la liberté de l'expression de l'opinion. Outre les civils, des militaires turcs, expulsés des rangs de l'armée pour " menace réactionnaire " après la réunion du conseil de sécurité nationale (MGK) du 28 février 1997, ont également eu recours à la Cour dans 62 affaires. Par ailleurs, 13 autres dossiers concernant des partis politiques ou syndicats interdits ou dissous, sont également instruits par la Cour. Deux pays, le Danemark et Chypre, ont déféré la Turquie devant la Cour. Le premier reprochant la torture d'un de ses ressortissants d'origine kurde et pour le second, le dossier a été rejeté à trois reprises. Selon les documents fournis aux parlementaires turcs, la Turquie a été condamnée dans 41 de ces affaires par la Cour européenne, 4 plaintes auraient été prononcées en faveur d'Ankara et 6 autres seraient réglées à l'amiable. La Turquie aurait versé pour les différentes condamnations 107 milliards de livres turques, 344 000 FF et 27 000£ (soit 158 milliards de livres turques). Il lui resterait toujours à payer 788 643$, 1 294 000 FF et 181 000£ (soit 629,5 milliards de livres turques). PLAINTE CONTRE ISMAIL CEM POUR " PROPAGANDE SÉPARATISTE "Selon le quotidien turc Sabah du 4 janvier 2000, le parquet général de la Cour de séreté de l'Etat d'Ankara a été saisi d'une demande d'enquète à l'encontre d'Ismail Cem, ministre turc des affaires étrangères, après que ce dernier s'est prononcé le 13 décembre 1999 en faveur des émissions télévisées en langue kurde sur la chaîne de télévision turque CNN-Turk. L'enquète ferait suite à la plainte d'un chimiste habitant la capitale qui accuse le chef de la diplomatie d'avoir contrevenu à un article de la Constitution qui déclare le turc langue officielle de la Turquie. Après examen, le procureur de la république, Talat Salk, a décidé le mème jour de ne pas donner suite à l'affaire. Le président turc Süleyman Demirel avait déclaré le 26 décembre 1999 au quotidien Milliyet que l'introduction de la langue kurde dans l'éducation ou les médias audiovisuels du pays était " inappropriée pour l'unité nationale " et que " le maintien d'une seule langue officielle est l'une des conditions de base de l'unité du pays ". Interrogé sur le statut de candidat à l'Union européenne accordé à la Turquie, il a indiqué que " la Turquie devra, en tant que membre du système judiciaire européen, remédier à toutes les déficiences dans le domaine des droits individuels ", tout en estimant que cela ne voulait pas dire l'octroi de droits collectifs à un groupe particulier " ce qui encouragerait le tribalisme et ouvrirait la voie à la violence séparatiste et au terrorisme " a-t-il ajouté. Quelques jours auparavant il avait soutenu que la langue kurde n'existait pas vraiment et que les Kurdes ne se comprenaient pas entre eux. Et pourtant, après Medya-Tv émettant d'Europe et Kurdistan TV émettant d'Erbil, une troisième chaîne de télévision en langue kurde (Kurdsat TV) vient de commencer à émettre depuis le 1er janvier 2000 en kurde à partir de la ville de Suleimanieh (Kurdistan irakien) par satellite. L'ÉCONOMIE KURDE DÉVASTÉE PAR LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT TURCL'économie basée essentiellement sur l'agriculture et l'élevage dans les provinces kurdes se trouve aujourd'hui dévastée par la politique du gouvernement turc. Le 13 septembre 1999, le ministre turc de l'agriculture, Hüsnü Yusuf Gökalp, du parti de l'Action nationaliste (MHP-néo-fasciste), avait envoyé une circulaire demandant la fermeture des marchés d'animaux dans les provinces kurdes de Hakkari, Van, Sirnak, Igdir et Agri et interdisant par la mème occasion l'exportation d'animaux de ces provinces vers les autres régions de la Turquie. Une quarantaine sur le bétail était imposée sur ces régions déjà touchées par le rationnement. La Turquie, qui était il y a peu un pays exportateur de la viande, se trouve aujourd'hui incapable de répondre à ses propres besoins. Les autorités turques justifient leur politique en soutenant agir contre une importante contrebande de bétails malades venus d'Iran et d'Irak mais aussi contre le terrorisme qui s'approvisionnerait dans la région. Les autres accusent le gouvernement de vouloir favoriser l'économie des autres régions en appliquant la quarantaine dans les provinces kurdes, les plus gros fournisseurs de viande du pays. Par ailleurs, M. Gökalp a annoncé le 3 janvier 2000 qu'il avait donné les instructions nécessaires à ce qu'une nouvelle race de vaches, purement turque, soient reproduites en Turquie. LE BUDGET DE LA DÉFENSE TOUJOURS PRIORITAIRE EN TURQUIEBien que le tremblement de terre du 17 aoét 1999 constitue un fardeau de plus sur l'économie turque déjà fortement touchée par une inflation galopante, l'industrie de la défense ne semble nullement affectée et reste prioritaire. En effet, le budget des forces armées turques accapare une des plus importantes parts du budget 2000 avec $7,61 milliards soit 8,8 % du budget global (1999 le budget de la défense atteignait $7,88 milliards, 9,2 % du budget global). En livre turque, le budget de la défense pour cette année a vu une augmentation de 65 %. Mais la forte chute de la valeur de la livre turque par rapport au dollar américain fait que le budget de la défense diminue légèrement. Entre temps, la part de ce budget par rapport au produit national brut (PNB) a faiblement augmenté atteignant 3,3 %, alors qu'elle était de 3 % l'année précédente. L'armée turque considère prioritaire de nombreux projets malgré le désaccord du Trésor : plusieurs milliards de dollars d'investissements pour des chars de combat et des hélicoptères d'attaque, des projets de co-production, co-fabrication des véhicules aériens sans pilote (UAV), l'achat de quatre avions AEW&C l'achat de huit hélicoptères lourds, frégates, des missiles sol- air (SAM) et l'acquisition de systèmes de défense contre des missiles balistiques. C'est aussi au milieu du mois de janvier que l'armée turque devrait désigner le gagnant du marché d'hélicoptères d'un montant de $4 milliards. Les cinq compagnies qui sont en lice sont la société italienne International Mangusta avec Agusta, le consortium franco-allemand Eurocopter, les sociétés américaines Boeing et Bell Helicopter-Textron avec les hélicoptères Apache et King Cobra et Kamov en collaboration avec l'Aérospatiale israélienne pour les hélicoptères " Erdogan ". Par ailleurs, la Turquie projette de coproduire une troisième génération de 1000 chars de combat (MBT) estimée à $7 milliards. SELON UN RAPPORT TURC, IL N'Y A PAS DE KURDES Ë DIYARBAKIR !Selon le quotidien turc Sabah du 6 janvier 2000 les autorités turques ont entrepris une recherche sur l'origine ethnique de la population de Diyarbakir en se basant sur les archives de cadastre de l'empire ottoman et en ont conclu qu'il n'y avait pas de familles kurdes enregistrées à Diyarbakir. La recherche a été effectuée sous la direction du ministre d'Etat chargé de la direction générale des cadastres, Suayip †senmez, du parti de l'Action nationaliste (MHP), qui a déclaré : " selon les chercheurs, on n'a pas rencontré de noms kurdes ni de familles kurdes dans les registres entre 1564 et 1568, cela prouve que ceux qui sont appelés Kurdes sont en réalité de souche turque. Nous allons démontrer cela à toutes les personnes qui disent que les Kurdes sont une minorité en Turquie ". M. Üsenmez a déclaré que l'analyse des cadastres a été effectuée à la demande du conseil de sécurité nationale (MGK) à partir de 1981. Prenant les citoyens turcs pour des imbéciles, le ministre turc fait semblant d'ignorer que Diyarbakir avait été la capitale de l'Etat kurde des Merwanides qui régna de 990 à 1096 dans la région ! LA TURQUIE NE SAIT PLUS QUOI FAIRE DE SES PROTECTEURS DE VILLAGESDepuis que la question de la levée de l'état d'urgence (OHAL) dans les provinces kurdes se pose, le débat sur la levée du système de protecteurs de villages s'envenime. Les régions kurdes– au départ 13 préfectures, aujourd'hui 5– sont sous un régime d'état d'exception depuis le 17 juillet 1987 et les articles 74 et 75 de la loi 3175 du code rural a instauré le système de " protecteurs de villages " en 1985 pour contrer " le terrorisme " selon les autorités turques. Cependant, aujourd'hui ces dernières semblent elles-mèmes dépassées et n'arrivent pas à contrôler ces " protecteurs " qui ont pris l'habitude d'imposer arbitrairement leur propre loi sur la population. Les autorités turques essayent aujourd'hui de trouver du travail de substitution pour les tenir en laisse. Ainsi à Silopi dans la province de Sirnak, 21 protecteurs de villages sont embauchés dans la Société internationale de pétrole-les Pétroles turcs (TPIC) comme employés de sécurité chargés de contrôler le pétrole arrivant de l'Irak par la frontière de Khabour en vue d'imposition. Diplômés tous de primaire, les anciens " protecteurs " touchent un salaire mensuel de 250 millions de livres turques ($460). La région compte aujourd'hui 67 507 protecteurs de villages dont 17 440 dits volontaires et 50 067 " provisoires ". Ces dernières années, ils ont été accusés de beaucoup de crimes tels que kidnapping, contrebande, meurtre, escroquerie et vol. Environ 3000 d'entre eux sont aujourd'hui poursuivis et 117 ont été remerciés. PERQUISITION DES LOCAUX KURDES ! : ONZE ARRESTATIONSLa direction générale de sécurité a effectué le 4 janvier 2000 une perquisition dans différents locaux du parti de la démocratie du peuple (HADEP-prokurde) à Diyarbakir, Agri, Kirsehir, Mus, Bulanik mais aussi dans toutes les sections du syndicat KESK à Diyarbakir, au centre culturel de la femme à Dicle, aux journaux Yeni Evrensel et Özgür Bakis et a placé en garde-à-vue 11 membres du HADEP. Au cours de la perquisition, différentes revues et journaux ont été saisies. |