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Liste
NO: 158 |
27/1/2000 OPÉRATION HIZBULLAH : L’ÉTAT TURC SE LAVE LES MAINSL’actualité turque est, depuis le 17 janvier, dominée par la vaste opération policière lancée contre l’organisation terroriste Hizbullah. Quelques jours après la décision de surseoir à l’exécution d’Ocalan et alors que cette décision suscitait des remous dans les rangs de la coalition gouvernementale la police turque a lancé, le 17 janvier, une attaque, retransmise en direct à la télévision, contre le QG d’Istanbul du Hizbullah. Le chef de cette organisation, Hüseyin Velioglu, a été tué au cours de la fusillade. Cette première opération a été suivie d’autres dans les provinces de Konya, Mersin, Adana. De véritables charniers ont été découverts. Les médias turcs accordent une très large place à ces images de barbarie. Sur les 33 victimes comptabilisées à ce jour, on compte une femme, l’écrivain islamiste réformiste Konca Kuris. Les autres sont des dissidents de ce groupe ou des hommes d’affaires kurdes étranglés, mutilés, la gorge tranchée pour avoir refusé de payer la rançon réclamée ou soupçonnés de nationalisme kurde. Dans un premier temps les médias turcs ont accusé l’Iran d’être derrière le Hizbullah. Cependant cette manœuvre a vite montré ses limites. Nombre de commentateurs et surtout des représentants de la société civile ont rappelé que ce soi-disant parti de Dieu a pendant très longtemps, bénéficié de la complicité active de certains services de l’Etat pour éliminer en toute impunité des milliers de patriotes kurdes ou supposés tels. Petit groupuscule extrémiste dans les années 1980, le Hizbullah a été protégé, soutenu et armé par les autorités turques qui l’ont utilisé comme un instrument dans l’exécution de leurs basses besognes dans la lutte contre le PKK et plus généralement contre le nationalisme kurde laïc. Les commandos de tueurs du Hizbullah ont abattu, souvent d’une balle dans la nuque, en plein jour, des médecins, des ingénieurs, des enseignants, des étudiants kurdes d’après des listes de " séparatistes à éliminer " que leur fournissaient des services locaux de la gendarmerie et de la police turques. Quand la population arrêtait des tueurs, la police intervenait pour les évacuer sans que cela donne lieu à une quelconque forme de procès. Ce jeu criminel a été joué d’une manière tellement fréquente et visible, notamment dans les provinces de Diyarbakir, Silvan et Batman, que la population kurde a pris l’habitude d’appeler le Hizbullah " Hizbi-Kontra ", le parti des contras. L’un des instruments de " la sale guerre " menée au Kurdistan turc, aux côtés des équipes spéciales Özel Tim, formée de loups gris et des escadrons de la mort de la gendarmerie et de la police politique, le Hizbullah avait aussi de temps à autre réalisé des opérations ponctuelles contre des opposants iraniens en Turquie, à la demande de Téhéran. Les services turcs ont également envoyé en Tchétchénie nombre des militants aguerris de cette organisation. Toute cette politique étant connue et attestée par des milliers de témoignages, les protestations du président Demirel affirmant que " l’Etat ne commet pas de crimes " ou de l’état-major des armées déclarant " ne rien avoir avec cette organisation criminelle " ne convainquent pas grand monde en Turquie, pas même, Mesut Yilmaz, ancien Premier ministre et président du parti gouvernemental Anap qui a, le 25 janvier, déclaré, devant les députés de son parti : " Ma conviction est que le Hizbullah n’a pas pu faire ce qu’il a fait sans la coopération de certains traîtres à l’intérieur de l’État ". (voir aussi plus loin Lu dans la presse). En fait tout se passe comme si les autorités turques avaient décidé de tourner la page de la guerre sale, de nettoyer les écuries d’Augias et de se laver les mains à bon compte. Les chefs du Hizbullah liquidés à la va-vite auraient pu être autant de témoins embarrassants pour les crimes d’Etat commis ces dernières années au Kurdistan turc. Et les champs de la mort du Kurdistan restent à explorer. " Pendant des années le Hizbullah a tué ouvertement des milliers de personnes au Kurdistan au vu et au su du gouvernement. Les force obscures, qui au sein de l’Etat ont protégé cette organisation doivent être déférées à la justice. Si on explore le sous-sol des régions kurdes, on découvrira des centaines de corps. Les préfets de ces régions devraient être interrogés " a déclaré le 24 janvier Cemil Aydogan, président de la branche de Mardin de l’Association des droits de l’homme. Vœu pieux, car en Turquie qui peut interroger ou poursuivre en justice les préfets, les généraux ou les chefs de polices ? L’ASSOCIATION DES DROITS DE L’HOMME A DÉNOMBRÉ 1964 MEURTRES POLITIQUES NON ELUCIDÉSDans un communiqué rendu public, le 24 janvier, à l’occasion du 7ème anniversaire de l’assassinat du journaliste Ugur Mumcu, le président de l’Association des droits de l’homme de Turquie (IHD), Hüsnü Öndöl, indique que son association a pu identifier 1964 meurtres politique, commis depuis 1989, dont les auteurs n’ont pas été arrêtés. 80% de ces meurtres ont été perpétrés dans le Sud-Est kurde. Le décompte selon les années est le suivant : Année nombre de meurtres
" Au cours des 10 dernières années en Turquie, les autorités publiques ont qualifié certains groupes ou certains individus ayant des opinons idéologiques et politiques de pro-Etat ou ennemis de l’Etat et ont accordé aux groupes ou individus qualifiés de pro-Etat le privilège de commettre des cimes. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’Etat de droit " affirme encore le président de l’IHD dans son communiqué. Si l’HD a pu établir une liste de 1964 meurtres non-élucidés celles-ci reste très en deçà de la réalité car les estimations courantes chiffrent à plus de 4500 le nombre de meurtres politiques non élucidés commis au cours de la dernière décennie en Turquie. Une étude exhaustive sur ces meurtres reste encore à faire. L’ALLEMAGNE : LES VENTES D’ARMES A ANKARA COMPROMISE POUR CAUSE DE DROITS DE L’HOMMELe gouvernement allemand a décidé de prendre en compte les critères des droits de l’homme dans les ventes d’armes, même vers les pays faisant partie de l’OTAN. Selon cette décision, l’exportation des ventes d’armes ne sera pas permise si on arrive à la conclusion que les armes destinées à la défense du pays concerné pourraient être utilisées dans les conflits internes et les violations des droits de l’homme. Celles-ci seront estimées non seulement d’après les rapports des autorités allemandes mais également d’après ceux, préparés par les Nations Unies, l’OSCE et l’Union Européenne. Mme Claudia Roth, présidente de la commission des droits de l’homme du Bundestag et vice-présidente du CILDEKT, en commentant ce sujet a dit : " dans la situation actuelle, on ne pourra pas vendre des chars allemands à la Turquie ". Cependant cette décision n’affectera pas les contrats de production mutuelle signés auparavant. LA TURQUIE : DES CHARS M60 SERONT MODERNISES PAR ISRAËLA la suite des visites réciproques du chef adjoint d’état-major turc Edip Baser et de son homologue israélien Uzi Dayan, une coopération dans le système de défense terrienne est à l’ordre du jour. Les forces armées turques ont appuyé sur le bouton dans le but de moderniser une partie de ses 3000 chars M60 de fabrication américaine. LU DANS LA PRESSE TURQUE : " LE HIZBULLAH : L’ÉTAT ET LE CRIME"Hasan Cemal, éditorialiste, écrit dans le quotidien Milliyet du jeudi 20 janvier 2000. : " Hizbollah est une organisation qui depuis de longues années se sert des méthodes violentes et terroristes. Elle kidnappe, fait du hold-up, elle torture, commet des assassinats. (…). Elle a de l’argent. Elle a des armes, des systèmes d’informatique. Et puisqu’elle possède tous ces moyens, une question nous revient à l’esprit : les liens extérieurs de Hizbollah… Pour certains, il est possible d’établir un lien entre Téhéran-Hizbullah, identique à celui de Damas avec le PKK. (…) " A propos de Hizbollah, une autre hypothèse est montré du doigt : l’Etat profond… On dit que : " Principalement au début des années 90 le Hizbollah a été utilisé comme une arme dans la lutte contre le PKK. Plusieurs sympatisants du PKK ont été assasinés dans le sud-est, par exemple à Batman, par le Hizbollah. Pour cette raison certains au sein de l’Etat ont fermé les yeux devant l’évolution de Hizbollah à cette époque. " Le commentaire qui suit est le suivant : "Maintenant l’Etat profond se lave les mains ". (…) Dans le quotidien Sabah du 25 janvier, Zülfü Livaneli, dans un éditorial intitulé " L’État et le Crime " se montre plus incisif. Extraits : " Le président Demirel affirme que l’État ne commet pas de crime. Ah si seulement cela pouvait être vrai ! Si seulement nous avions un véritable Etat de droit. Si seulement l’Etat n’était pas du tout impliqué dans de sombres affaires. Mais malheureusement nous ne pouvons affirmer cela. Des milliers d’événements, de témoignages et de dépositions montrent malheureusement que l’Etat est impliqué dans ces sales affaires. Il est très difficile d’expliquer seulement par "manque de vigilance " l’existence d’une organisation qui, dans une région comme le sud-est où des mesures de sécurité strictes empêchaient les oiseaux de voler, a pu kidnapper des centaines de personnes et les tuer sous la torture. Dans un pays où les parrains de la mafia voyagent avec des passeports rouges (NdT diplomatiques), où de criminels sont pourvus de cartes d’identité " d’officiers de sécurité ", où Susurluk a révélé un étrange réseau de relations, où ministres et criminels sont en relations téléphoniques, où les marchés publics sont attribués dans des conditions bizarres, mêmes les personnes les mieux intentionnées ont de quoi devenir soupçonneuses (…). Selon Isment Sezgin (NdT. ancien ministre de l’intérieur et de la défense) : " il faut malheureusement reconnaître que l’Etat se sert de certains criminels. À leur tour, ces derniers se servent de l’Etat et dès lors un tableau très compliqué se dessine " (…). La politique de faire casser des chiens par d’autres chiens a conduit certains responsables à la collaboration avec des militants nationalistes et religieux contre d’abord la gauche, ensuite contre le PKK. Des criminels encouragés et soutenus par des responsables de l’Etat, ont commis des massacres ces crimes protégés sont restés dans l’ombre. Tant que " ceux qui tirent des balles au nom de l’État (Ndt. l’expression est de Mme. Çiller défendant les chefs mafieux " patriotes " !), il n’est pas possible d’écarter ces soupçons ". QUAND LE PKK DÉFEND LA TURQUIETaha Akyol, éditorialiste, commente dans le quotidien turc Milliyet du mardi 18 janvier 2000 , l’évolution récente du PKK et de son chef. Extrait : " La Turquie n’a qu’un seul problème sérieux et c’est la question kurde. " Le danger réactionnaire " n’est qu’un concept ‘paranoïde’ et de toute façon il s’est avéré sans contenu. La condamnation d’Ocalan et la suspension, à certaines conditions, de la décision de la peine de mort par le gouvernement est un tournant absolu. Aussi bien pour la Turquie qu’Ocalan et le PKK… Je donne de l’importance aux déclarations faites, juste après la suspension de la peine de mort le 14 Janvier, par Ocalan et le PKK. Selon l’Agence Anatolie, Ocalan a déclaré qu’à partir de maintenant PKK sera constructif et a ajouté : " Je ne suis pas séparatiste, je me suis écarté des erreurs historiques commises dans le passé… " A la même date, dans un communiqué adressé à la presse, le comité central du PKK, défend le concept de la ‘Turquie Démocratique’. (…) ‘Notre parti ne permettra pas que la Turquie soit affaiblie et ses intérêts endommagés... ‘ Donc, la thèse de Ismail Besikçi " Kurdistan : une colonie internationale " et celle d’Ocalan " colonialisme de la RT ( la république turque) " étaient fausses. (…) J’apprécie quand Ocalan dit " Je me suis écarté de l’erreur historique " qui a coûté la vie de 30.000 personnes, je ne considère pas cela comme un mensonge fait par intérêt. Le PKK s’est rendu compte qu’il etait impossible de vaincre la Turquie aujourd’hui et dans l’avenir ni militairement, ni politiquement. Ils ont vu cela et ont été influencés par cette réalité. (…) LES SERVICES SECRETS TURCS (MIT), EN COLLABORATION AVEC LE MOSSAD, AURAIENT MIS SUR ECOUTE LES REUNIONS DE LA COMMISSION EUROPEENNED’après le journal autrichien, Die Presse, à la suite des rumeurs quant à l’existence d’une taupe au sein de la Commission Européenne, une enquête a révélé que les cabines des interprètes simultanés auraient été placées sur écoute. Ces cabines fabriquées par une société israélienne auraient été équipées, par le MOSSAD, d’un système d’espionnage. Les informations recueillies auraient été transmises au MIT. Un responsable de l’Union Européenne, commentant cette information, a déclaré : " A la lumière des faits, on comprend mieux pourquoi la Turquie était aussi vite informée des conclusions des débats de la Commission la concernant. " SELON STANDARD & POOR’S L’ADHESION DE LA TURQUIE EST IMPROBABLE AVANT 2015L’un des plus grands consultants financiers du monde Standard & Poor’s (S & P) dans son dernier Bulletin International de la Finance, paru en janvier, estime que la question de Chypre et ‘les violations des droits de l’homme dans la guerre civile contre la minorité Kurde’ rendent improbable l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne avant 2015. Selon, Stéphane Gagne, le spécialiste de S & P, le point reprochant à la Turquie les violations des droits de l’homme contre la minorité kurde a donné lieu à de nombreuses protestations dans les milieux financiers turcs. |