24/2/2000
L’ARRESTATION DES TROIS MAIRES KURDES SOULÈVE DE VIVES RÉACTIONS ET POURTANT LA TURQUIE CONDAMNE À TROIS ANS DE PRISON LES RESPONSABLES DU HADEP Le président du HADEP, Ahmet Duran Demir, son prédécesseur Murat Bozlak et seize autres membres de leur parti, ont été condamnés le 24 février 2000 à trois ans et neuf mois de prison chacun par la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara pour " soutien et recel " en faveur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ils étaient jugés avec 29 autres accusés pour leur implication dans les grèves de la faim et manifestations de soutien organisées par le HADEP en faveur du chef du PKK, Abdullah Öcalan, alors que celui-ci avait séjourné de novembre 1998 à janvier 1999 en Italie.
Quelques heures avant la décision de la cour d’Ankara, une cour de Diyarbakir a inculpé et écroué, après quatre jours de garde-à-vue, pour les mêmes chefs d’accusation et au terme de l’article 169 du code pénal turc, Feridun Çelik, Selim Özalp et Feyzullah Karaasalan, respectivement maire de Diyarbakir, Siirt et de Bingöl, tous élus aux dernières élections municipales d’avril 1999. Le HADEP, qui avait décroché plus d’une quarantaine de municipalités, est menacé d’interdiction par la justice turque qui le considère comme une émanation du PKK.
Des manifestations de protestation qui ont été sévèrement réprimées par les autorités turques, ont eu lieu à Diyarbakir les 22, 23 et 24 février pour réclamer leur libération. Les 33 maires HADEP de la région se sont rendus à Diyarbakir pour protester contre cette incarcération. Le vice-Premier ministre luxembourgeois, Lydie Polfer, en visite en Turquie, s’est déclarée " très préoccupée " et a ajouté " nous avons du mal à comprendre les arguments qui ont provoqué leur interpellation ". Le Portugal et la France, respectivement, actuel et prochain président en exercice de l’Union européenne, ainsi que le représentant en Turquie de la Commission européenne, se sont entretenus à ce sujet avec le sous-secrétaire d’Etat du ministère turc des Affaires étrangères. Walter Schwimmer, secrétaire général du Conseil de l’Europe et Lord Russell-Johnston, président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont déclaré dans un communiqué daté du 23 février " Il paraît surprenant que, dans le contexte politique actuel, les autorités turques, au lieu de rechercher un dialogue, emprisonnent des représentants élus ayant reçu une large confiance des citoyens de leurs villes " et ils ont appelé B. Ecevit à faire "le nécessaire pour protéger les droits des élus et créer au sud-est de la Turquie les conditions d’une normalisation respectant toutes les composantes politiques et culturelles ". Le Premier ministre turc, Bülent Ecevit, a, quant à lui, accusé les pays européens de tenter d’exercer des pressions sur la Turquie dans le cadre de l’interpellation des maires. " Nous sommes gênés par l’attitude des pays membres de l’UE (…) Nous sommes très sensibles concernant notre intégrité territoriale et si nécessaire, nous avertirons les pays européens " a-t-il déclaré le 23 février au journal turc Cumhuriyet. Hüsnü Öndül, président de l’association turque des droits de l’homme (IHD) a déclaré " ces mesures portent atteinte à la crédibilité de l’Etat dans le sud-est. L’atmosphère de paix qui régnait dans la région depuis des mois va en souffrir (…) Depuis qu’elle a été déclarée candidate à l’Union européenne, en décembre, la Turquie n’a fait aucun pas positif en matière des droits de l’homme et de démocratisation ".
LE PROCÈS D’ULUCANLAR Le procès des Quatre-vingt six détenus de la prison d’Ulucanlar s’est ouvert devant la Cour criminelle d’Ankara le 22 février 2000. Le 26 septembre 1999, une émeute avait causé 10 morts dans la prison où les députés kurdes se trouvent emprisonnés. Le procureur, Sadi Aslan, a demandé que le procès soit renvoyé devant la Cour de sûreté de l’Etat et a requis la peine de mort à l’encontre de cinq prévenus poursuivis pour " crime de terreur " alors que les avocats ont accusé les forces de sécurité d’avoir causé la mort de ces 10 détenus.
La presse turque a tourné en ridicule la justice turque en montrant que parmi les personnes appelées à comparaître se trouvaient des gens qui n’avaient jamais été incarcérés.
Un colloque à la Sorbonne
organisé par l’Institut kurde de Paris
" La candidature turque
à l’Union européenne et la question kurde "
Samedi 26 février 2000 de 14h00 à 17h30
à l’amphithéâtre Richelieu
17, rue de la Sorbonne, 75005 Paris
M° Cluny, Saint-Michel, Odéon ou Luxembourg
E N T R É E L I B R E
Le sommet européen d’Helsinki des 13-14 décembre 1999 a décidé d’inclure la Turquie dans la liste des Etats candidats officiels à l’adhésion à l’Union européenne.
Cette décision, prise sans consultation des opinions publiques ni des parlements nationaux a suscité remous et débats dans plusieurs pays de l’Union. Les uns invoquent la situation déplorable des droits de l’homme en Turquie, en particulier le sort des Kurdes ainsi que les carences graves du système politique turc, qui est loin d’être une démocratie au sens occidental du terme. À leurs yeux, accorder dans ces conditions à Ankara le statut officiel de candidat reviendrait à lui décerner un certificat de bonne conduite démocratique immérité et risquerait de compromettre la crédibilité des valeurs fondamentales qui fondent le projet européen.
D’autres avancent " le rôle stratégique exceptionnel de la Turquie " pour justifier son ancrage à l’Europe et affirment qu’en ouvrant sa porte à ce pays, l’Europe va susciter une dynamique de changement et de démocratisation bénéfique pour tous, y compris pour les Kurdes tandis qu’une stratégie de prise de distance et d’exclusion risquerait de renforcer les tendances ultra-nationalistes, militaristes et anti-européennes.
Il y a enfin ceux qui, comme l’ancien président de la République française Valéry Giscard d’Estaing, récusent la candidature turque au nom de la géographie et des valeurs fondatrices de l’Europe. Selon eux, en élargissant à tout va l’Union, on risque de diluer son identité, d’édulcorer ses valeurs et pour finir d’en faire une vaste zone de libre échange sans âme ni substance politique
De leurs côtés, nombreux sont Turcs et Kurdes qui accueillent avec enthousiasme la perspective de l’adhésion turque à l’Europe et en attendent des miracles pour la démocratisation du pays, sa modernisation et le règlement pacifique du problème kurde.
Il apparaît de plus en plus au secteur pro-européen de l’opinion turque que la question kurde est au cœur de la problématique de la démocratisation du système turc et qu’elle conditionne, dans une large mesure le processus de l’intégration de la Turquie à l’Europe.
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