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Liste
NO: 17 |
5/12/1995 TONY BLAIR PROMET LE SOUTIEN DES TRAVAILLISTES BRITANNIQUES À L'UNION DOUANIÈREAu terme d'un entretien d'une quarantaine de minutes, le lundi 4 décembre à Londres, avec le vice-premier ministre turc Deniz Baykal, le leader travailliste britannique a accordé un "soutien clair et net" à la ratification de l'accord d'union douanière avec la Turquie. De son côté M. Robin Cook, le ministre des Affaires étrangères du Shadow Cabinet travailliste, a donné "des garanties" sur le soutien de son parti à l'union douanière. M. Cook a déclaré que les 61 membres travaillistes du Parlement européen allaient se réunir ce mardi 5 décembre pour prendre une décision de groupe en ce sens. Pour justifier ce qui risque d'apparaître comme une volte-face de dernière minute étant donné que rien d'essentiel n'a changé en Turquie depuis un an, M. Cook a déclaré qu'il était "très important de soutenir les forces progressistes en Turquie". Au moment où M. Baykal "le progressiste" dont le parti porte tout de même la coresponsabilité de la destruction de 3000 villages kurdes,était à Londres, son partenaire conservateur du gouvernement, le Premier ministre Çiller se trouvait à Bonn pour y rencontrer le chancelier Kohl, et solliciter, au nom de la "solidarité entre conservateurs" son soutien au dossier de l'union douanière. Belle division de tâches pour un gouvernement par ailleurs bancal! Le même jour à Madrid, le Président Clinton et le Président du Conseil espagnol, M. Felipe Gonzales, au cours de leur conférence de presse ont exprimé "leur préoccupation commune quant aux dangers d'un refus ou d'un ajournement de la ratification de l'union douanière avec la Turquie qui a une si grande importance pour l'Europe et pour les États-Unis". Seules voix de dissonantes dans cet impressionnant concert en faveur du gouvernement d'Ankara: la demande de Mesut Ylimaz leader d'ANAP, principale formation de l'opposition de droite, d'ajourner le vote du Parlement européen au lendemain des élections du 24 décembre afin d'empêcher son incidence sur le scrutin turc. Au cours de la réunion de la commission mixte Turquie-UE qui s'est tenue à Ankara, le représentant de ce parti, M. Akarcagil a présenté une curieuse version de cette demande "maintenez le vote mais n'annoncez le résultat qu'après les élections"! Dans le climat très passionnel développé autour de la question d'union douanière, ce parlementaire et ancien ministre turc n'a sans doute pas voulu apparaître comme un traître à la cause. Cette préoccupation n'a cependant pas empêché MM. Yilmaz et Akarcagil d'être accusés de "trahison" par...le progressiste Deniz Baykal qui a déclaré le 3 décembre: ""Nous avons déjà assez d'obstacles, assez d'ennemis à l'étranger, nous ne voulons pas voir l'ANAP et son leader Yilmaz rejoindre de l'intérieur le camp des ennemis de la Turquie". De son côté, Mme. Claudia Roth, présidente du Groupe des Verts au Parlement européen qui se trouvait à Istanbul pour un colloque "Europe-Turquie" a déclaré: "Tant que mes collègues parlementaires kurdes sont en prison, les considérations économiques ou stratégiques ne m'intéressent pas. Que la Turquie libère ces parlementaires mon groupe votera alors l'union douanière". L'ULTIME TENTATIVE DES PARTISANS DE L'AJOURNEMENT AYANT ÉCHOUÉ LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES AURONT BIEN LIEU LE 24 DÉCEMBRE.La demande de convocation pour une session extraordinaire du Parlement formulée par 118 députés a finalement abouti à la réunion de celui-ci le lundi 4 décembre. 144 députés s'y sont présentés. Le quorum de 150 voix n'ayant pas été atteint le Parlement n'a pas pu délibérer régulièrement pour discuter des deux points proposés pour l'ordre du jour: ajournement des élections et motion de censure contre le gouvernement. Il n'y a donc plus d'obstacles pour la tenue des élections le 24 décembre prochain. LA COUR CONSTITUTIONNELLE, SAISIE PAR LE PRÉSIDENT DEMIREL, ANNULE UNE DISPOSITION DE LA ÉLECTORALE INSTITUANT DES BARRAGES RÉGIONAUX.La partie de bras de fer engagée entre le président turc et son Premier ministre tourne à l'avantage de M. Demirel. Le verdict rendu 1er décembre , à peine trois semaines avant la date prévue des élections législatives, risque d'avoir un impact significatif sur les alliances électorales et la composition du futur Parlement. PARIS ACCORDERAIT SON SOUTIEN À LA TURQUIE EN ÉCHANGE D'UN NOUVEAU CONTRAT DE VENTE DE 30 HÉLICOPTÈRES COUGARC'est ce qu'affirment les dirigeants de la firme américaine Sikorsky Aircraft, au cours d'une conférence de presse donnée le 1er décembre à Istanbul . La France avait déjà vendu à l'armée turque 20 hélicoptères Cougar. Lors de sa visite à Paris, en juillet dernier, Mme. Çiller, ravie par le soutien public et le baise-main très médiatisé de Jacques Chirac, avait promis que son pays allait acheter à la France d'autres hélicoptères. Les pourparlers sur l'acquisition de 30 Cougar semblent très avancés et pour les faire aboutir Paris assure Ankara de soutien pour l'entrée de la Turquie dans l'union douanière. Mécontents, les Américains dénoncent les conditions d'un marché de 500 millions de dollars en voie d'être conclu sans appel d'offres ni ouverture à la concurrence et stigmatisent "le chantage de Paris à l'union douanière". Avant l'affaire de l'union douanière, la firme américaine Sikorsky avait vendu à Ankara 45 hélicoptères Black Hawk et signé un contrat pour la coproduction d'une cinquantaine d'autres. Ces hélicoptères sont tous utilisés dans les opérations de l'armée turque dans le Kurdistan. Dans un rapport publié le 21 novembre 1995, Human Rights Watch a établi 29 cas où ils ont été utilisés contre des civils kurdes. Connaissant la sensibilité de son opinion publique à ce problème, l'Allemagne avait refusé de vendre d'hélicoptères à l'armée turque, craignant le risque de leur utilisation contre les civils kurdes. C'est alors que la "Patrie des droits de l'Homme" a pris la relève de l'Allemagne, fournisseur d'armes traditionnel de la Turquie. POUR EMPÊCHER L'IMPACT DES GRÈVES FRANÇAISES SUR LE VOTE DU 13 DÉCEMBRE LA TURQUIE ORGANISERA UN SERVICE DE RAMASSAGE PAR AUTOCARS POUR LES EURODÉPUTÉS.Le vice -premier ministre turc Deniz Baykal, au cours d'une conférence de presse donnée le 5 décembre à Bruxelles, a déclaré que son pays attachait tellement d'importance à ce que l'union douanière soit ratifiée le 13 décembre qu'il envisageait l'organisation d'un service de ramassage par autocars à partir des 15 pays de l'Union européenne pour permettre aux eurodéputés de se rendre ce jour-là à Strasbourg. "Les grèves françaises qui semblent se durcir et s'étendre ne devraient pas influencer négativement l'issue de ce vote crucial pour la Turquie" a-t-il ajouté pour justifier cette offre de service pour le moins surprenante. Ainsi sans même être dans l'union douanière, Ankara se permet de se substituer à l'administration du Parlement européen pour assurer la tenue d'une réunion de celui-ci. Les eurodéputés déjà innondés d'invitations turques diverses, d'offres de "cadeaux", harassés par un lobbying mobilisant tout ce que la Turquie compte de diplomates, de ministres, d'anciens ministres, d'hommes d'affaires modernes, de démocrates de service et de libéraux saisonniers, se voient ainsi considérés par Ankara comme des électeurs d'une province turque perdue que la coalition gouvernementale transporte par autocars dans l'espoir qu'ils seront reconnaissants et voteront pour elle! Une session plénière du Parlement mobilise, outre les 626 européens, environ 2000 secrétaires, assistants, traducteurs etc. Les Turcs devront prévoir donc au moins 500 autocars sillonnant les routes d'Europe. Il leur faudrait trouver au moins autant de chauffeurs non moustachus et des hôtesses d'accueil de type européen, afin de donner ce qu'ils pensent être "une image européenne" de la Turquie. M. Baykal n'a pas précisé quel genre de musique, orientale turque ou occidentale légère, serait jouée au cours du trajet, si les hôtesses allaient distribuer de rahat-lokoum turcs ou si des étapes étaient organisées pour servir, le temps d'un scrutin et dans la bonne tradition turque, des spécialités culinaires turques aux eurodéputés. Question impertinente d'un journaliste turc:" Et si certains refusent de monter à bord de vos autocars allez-vous user de nos bonnes vieilles méthodes de "persuasion" pour les embarquer?" DÉMISSION DE COSKUN KIRCALe Ministre d'État turc chargé des affaires européennes a présenté le 5 décembre en fin d'après-midi sa démission du gouvernement. LA FÉDÉRATION DE DIYARBAKIR DU REFAH S'INSURGE.À la suite de la nomination à partir d'Ankara de tous les 9 candidats pour Diyarbakir du Parti islamiste aux prochaines élections législatives, sans consultations des instances locales, les adhérents ont occupé le siège de la Fédération de Diyarbakir où deux drapeaux noirs ont été hissés. "Ankara ne veut pas nous écouter. Nous voulons des candidats connaissant les problèmes du peuple kurde, capables de crier nos souffrances à la tribune du Parlement. Nous ne voulons plus de représentants bénis-oui-oui. Ankara ne veut pas de députés capables de faire entendre la voix des Kurdes. Si nous n'obtenons pas de gain de cause, il n'y aura pas de voix pour les candidats potiches du Refah dans la région." ont déclaré les contestataires en colère qui ont vivement pris à partie le vice-président du Refah en visite à Diyarbakir, le 1er décembre. L'armée qui a fait interdire le Parti de la Démocratie (DEP), pro-kurde et laïc, et favorisé le développement du Refah dans les provinces kurdes dans l'espoir d'étouffer dans le moule de l'islamisme les aspirations d'identité de la populations kurde, doit constater que celles-ci finissent par s'imposer même dans les partis traditionnels. MME. TOMRIS ÖZDEN AGRESSÉE A ISTANBUL.La veuve d'un colonel turc tué dans la guerre du Kurdistan qui s'est faite remarquer par ses prises de position courageuses en faveur de la paix et d'un règlement pacifique du problème kurde a été agressé le 28 novembre dans une rue d'Istanbul et sauvagement battue pendant un quart d'heure sous le regard indifférent de plusieurs centaines de passants. Les agresseurs, leur besogne terminée, ont pu quitter les lieux dans une voiture Dogan arborant le drapeau à trois croissants du Parti d'action nationaliste du colonel Türkes. Lors du dernier congrès du CHP cette pacifiste turque avait obtenu le plus grand nombre de voix de délégués pour le Comité directeur de ce parti. A la suite d'une vaste campagne de presse orchestrée par la police politique (MIT) la qualifiant de «traître à la patrie» et sous de fortes pressions de l'armée, la direction du CHP a dû la «démissionner» d'office. Devenue la tête de Turc des milieux nationalistes turcs, Mme. Özden est désormais obligée de vivre comme une proscrite traquée, à l'instar de tant d'intellectuels et pacifistes kurdes et turcs opposés à la politique kurde d'Ankara. |