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Liste
NO: 170 |
8/6/2000 LA COUR EUROPÉENNE RENDRA SON ARRÊT EN AUTOMNE DANS L’AFFAIRE DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉSLa Cour européenne des droits de l’homme, saisie d’un recours des députés kurdes emprisonnés, vient de désigner un rapporteur qui, sur la base des mémoires de la défense et du gouvernement turc ainsi que des conclusions de la Commission européenne des droits de l’homme va préparer un projet d’arrêt à l’intention de la Cour. Celle-ci statuera " en automne 2000 ", à une date non encore précisée. La Cour européenne, qui condamne fréquemment les Etats pour excès de lenteur dans l’administration de la justice, aura ainsi elle-même mis plus de six ans pour statuer dans l’affaire des députés kurdes emprisonnés depuis mars 1994 à Ankara et condamnés à 15 ans de prison pour délit d’opinion. UN AN DE PRISON POUR LE PRÉSIDENT DU HADEP, INTERDICTION DE SORTIE DU TERRITOIRE POUR LES MAIRES HADEPAlors que les autorités turques n’ont cesse de promettre des améliorations en matière des droits de l’homme, les milieux politico-médiatiques kurdes continuent de subir la politique répressive turque. Ainsi, Ahmet Turan Demir, président du parti de la démocratie du peuple (HADEP -pro-kurde), est condamné à un an de prison par la cour de sûreté de l’Etat pour " propagande séparatiste ". M. Demir est le dernier d’une longue série de dirigeants politiques turcs condamnés par les tribunaux. Après de nombreuses condamnations, dont celle de son premier dirigeant Murat Bozlak, Le HADEP est lui-même sous la menace d’une interdiction par la cour constitutionnelle. Par ailleurs, les maires HADEP, élus au cours des dernières élections générales [ndlr : 35 municipalités HADEP], se voient de plus en plus opposer des interdictions arbitraires de sortie du territoire. Dernière en date, celle opposée à Sahabettin Ozaslaner et Emrullah Cin, respectivement maire de Van et de Viransehir. Invités à participer le 6 juin à une réunion aux Etats-Unis dans le cadre de la Commission sur la Sécurité et la Coopération en Europe du Congrès américain, les deux maires ont été interdits de sortie du territoire par la préfecture. Les autorités turques ont invoqué pour M. E. Cin, l’importante dette municipale et pour M. Ozaslaner " le caractère inapproprié du déplacement ". " Est-ce qu’en Turquie, il y a des municipalités non endettées (...) Je suis maire depuis 14 mois et nous avons d’ores et déjà remboursé 52 % de nos dettes (...). De plus, le mois dernier, je m’étais rendu en Suisse à l’invitation de la municipalité de Bern. Et à l’époque nous avions plus de dettes encore... " déclare dubitativement M. Cin. Dans le même sens, S. Ozaslaner ajoute : " D’après ce que nous avons compris le fait que la question kurde soit parmi les sujets évoqués à la réunion du Congrès, déplait quelque peu ... On préjuge que nous allons troubler l’image de la Turquie (...) ". Yasemin Çongar, correspondante du quotidien turc Milliyet aux Etats-Unis, s’interroge le 5 juin sur la pertinence de ces décisions : " Le dernier pas démontrant l’embarras de l’Etat à l’encontre des 35 municipalités du HADEP - lequel n’a pu entrer au Parlement turc du seul fait du seuil minimum national, mais qui a recueilli (...) aux dernières élections d’avril 2000, jusqu’à 62 % à Diyarbakir, la plus importante ville de la région- a-t-il amélioré l’image de la Turquie ? " En fait, les autorités turques veulent se convaincre et convaincre l’opinion occidentale que " maintenant que le terrorisme du PKK est vaincu, il n’y a plus de problème kurde en Turquie, que tous ceux qui prétendent le contraire sont des alliés du PKK ". Dans ce contexte, elles ne tolèrent pas que des maires, élus légitimes, puissent s’adresser à l’opinion occidentale, notamment américaine, afin de " ne pas politiser la question du Sud-Est ". PARIS : UN COLLOQUE SUR LA QUESTION KURDE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISEÀ l’initiative des députés Verts Noël Mamère et de Marie-Hélène Aubert et avec le concours de la Fondation France-Libertés, un important colloque sur le thème " Les Kurdes en Turquie, Iran, Irak, et Syrie : réalité et perspectives " s’est tenu le 31 mai dans la salle Victor Hugo de l’Assemblée nationale française. De nombreuses personnalités ont pris part au colloque qui a débuté par la présentation de Mme Danielle Mitterrand suivi d’Henri Emmanuelli, président de la Commission des finances et ancien président de l’Assemblée nationale. Plusieurs autres députés français dont Christian Martin, Bernard Cazeneuve, qui avait soutenu le projet du Festival kurde à Cherbourg, Jack Lang, ministre de l’éducation nationale, Alima Boumedienne-Thiery, députée européenne et François Loncle, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale ont manifesté leur désir de voir la question kurde trouver une solution équitable et juste. Ainsi, les députés ont affirmé la création future d’un groupe d’études sur la question kurde au sein de l’Assemblée nationale et d’y œuvrer à titre personnel. Des personnalités kurdes représentant les différents partis politiques kurdes étaient également présents au colloque pour évoquer la situation dans les différentes parties du Kurdistan : Mustapha Amin, secrétaire général adjoint du PDKI, Mesut Bestas, porte-parole du HADEP, Kemal Burkay, président du parti socialiste du Kurdistan, Havin Guneser, porte-parole de l’Union démocratique du peuple kurde, Dr. Saadadin Malla, représentant en Suède des Kurdes de Syrie, Barham Saleh, représentant aux Etats-Unis de l’UPK, ainsi que Dr. Rôj Nouri Shaweiss, président du parlement kurde, membre du comité central du PDK et Ismet Cherif Vanly, président du Congrès national du Kurdistan (CNK). Des responsables des différentes organisations non gouvernementales ont également pris part au colloque : Dr. Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris, Antonello Attardo, représentante de Minority Rights group, Osman Baydemir, vice-président de l’Association turque des droits de l’homme (IHD) et Michele Fournier, responsable Moyen-Orient d’Amnesty Intenational(...) Différents thèmes sont passés en revue : " Les Kurdes au regard des Constitutions en vigueur ", " Droits de l’homme, liberté d’expression, droits culturels et linguistiques ", " Enjeux et rôle de la société civile au Kurdistan " et " Perspectives et solutions : autonomie, fédéralisme, indépendance ? ". La tenue de ce colloque dans l’enceinte de l’Assemblée nationale française avec la participation des députés de gauche (socialistes et verts) et de droite (UDF), d’un ministre en exercice (Jack Lang), constitue un pas significatif dans la prise en compte par la France de la question kurde, cela à quelques semaines de la présidence française de l’Union européenne qui doit débuter le 1er juillet. C’est aussi la première fois depuis la conférence kurde de Paris d’octobre 1989 que tous les partis kurdes étaient réunis dans la même salle dans un climat de tolérance. L’AMBASSADEUR AMÉRICAIN MARC PARRIS EN VISITE DANS LA RÉGION KURDESigne des temps meilleurs, pour la première fois depuis fort longtemps, un ambassadeur américain a décidé de se rendre dans les provinces kurdes pour prendre personnellement le pouls de la région. Mark Parris a commencé le 28 mai à Van une visite de cinq jours et s’est rendu à Hakkari, Sirnak, Diyarbakir et Batman, rencontrant les préfets, maires, les représentants des organisations non gouvernementales, des hommes d’affaires et des étudiants. Ayant constaté l’énorme potentiel économique de la région, M. Parris a annoncé l’intention du gouvernement américain d’installer dans les locaux de l’Association des industriels et hommes d’affaires du Sud-est anatolien (GUNSIAD) à Diyarbakir " un bureau spécial américain " permanent, équipé d’ordinateurs pour un meilleur contact avec le cercle des affaires de la région. Il n’en fallait pas plus pour que la presse turque conservatrice annonce que les Etats-Unis ont en fait l’intention d’établir par l’intermédiaire de ce " bureau " une sorte de consulat dans la région augmentant ainsi la spécificité régionale. La chambre de commerce de Diyarbakir est aussitôt entrée dans des discussions sémantiques pour demander que le mot " bureau " soit remplacé par celui de " centre ". Reste que les autorités américaines insistent pour que le " bureau " soit en service dès le 15 juin mais leurs homologues turques relèvent l’irrégularité tant qu’un protocole n’est pas signé entre GUNSIAD et les Etats-Unis. Le préfet de la région soulève la violation des lois de l’association alors que le dossier est en attente au ministère turc de l’intérieur. Les autorités turques semblent très perturbées par le vif intérêt de leurs alliés pour la région. Bulent Akarcali, député du parti de la Mère-patrie (ANAP) a annoncé son intention de déposer une motion d’enquête au Parlement pour étudier la visite de l’ambassadeur Parris dans la région. Il n’a pas manqué de critiquer sa visite en se demandant pourquoi M. Parris ne s’est pas plutôt rendu à Rize (littoral de la Mer Noire). Il est évident que cela aurait fait beaucoup moins de bruit. UNE DÉLÉGATION EUROPÉENNE VISITE LE KURDISTAN POUR ÉVOLUER LA DESTRUCTION DES VILLAGESUne délégation du Parlement européen composée de la députée PDS d’origine kurde Feleknas Uca, de Jean Lambert des Verts anglais et de Sarah Lutford, du parti libéral anglais s’est rendu le 29 mai dans les provinces kurdes afin d’enquêter sur les villages évacués et incendiés dans la région. De retour à Bruxelles le 2 juin, la députée F. Uca a tenu une conférence de presse au cours de laquelle elle a déclaré : " L’Etat n’apporte pas de soutien financier aux municipalités. Par exemple, l’Etat a promis 700 millions de livres turques [ndlr : 7814 Frs] à la municipalité de Batman pour la politique de retour des familles dans la région mais n’a versé pour le moment que 1 % de la somme. Malgré la volonté de retour, les habitants ne peuvent pas revenir dans leur village car au lieu de reconstruire les maisons détruites, l’Etat (...) a pour projet de réunir plusieurs villages et de former des centres (...) L’Etat accepte à une condition le retour des villageois. Que ces derniers acceptent de signer un document affirmant que " le village a été détruit par le PKK et non par l’Etat " (...)" . Melle Uca a également souligné l’omniprésence des militaires turcs et l’interdiction d’apporter des images de la région. LE QUOTIDIEN " ÖZGUR BAKIS " FERMÉ, SON SUCCESSEUR " 2000’DE YENI GÜNDEM " INTERDIT DANS LA RÉGION KURDELes autorités turques ont décidé le 5 juin 2000 d’interdire le quotidien pro-kurde " 2000’de Yeni Gündem " dans les cinq plus importantes provinces kurdes : Van, Diyarbakir, Siirt, Sirnak, Hakkari. Paru depuis à peine une semaine alors que son prédécesseur, Özgür Bakis, a tout bonnement été interdit sur tout le territoire, le journal déclare n’avoir eu aucune explication régulière à cette décision. Ragip Zarakoglu, son directeur de publication, a déclaré : " la notification écrite de cette décision est parvenue à notre bureau de Diyarbakir, sans aucune explication (...) Ce genre de décision ne peut être contesté par voie de justice (...) La seule manière d’y échapper est que l’état d’urgence soit levé. C’est pourquoi nous avons demandé l’intervention du Président de la République et du Premier ministre ". 2000’de Yeni Gündem avait commencé à paraître le 27 mai, remplaçant Özgür Bakis et plusieurs autres journaux pro-kurdes successivement fermés par les autorités. M. Zarakoglu a également dénoncé le fait que l’interdiction de son journal dans ces cinq provinces rendait impossible sa distribution dans les provinces voisines. Les autorités turques qui énumèrent si souvent le nombre de publications kurdes ou pro-kurdes publiées en Turquie oublient d’expliquer que celles-ci doivent faire face à une double censure, l’une nationale et l’autre régionale. Rien que ces derniers mois, le préfet de la région a interdit plusieurs publications pro-kurdes ou en langue kurde dont " Pinê ", une revue humoristique et " Özgür Kadinin Sesi ", un magazine féminin. MUNICH : UN COLLOQUE SUR LA QUESTION KURDE ET LA CANDIDATURE DE LA TURQUIE À L’UNION EUROPÉENNE AU PARLEMENT BAVAROISLe parti des Verts allemands a organisé le 30 mai un colloque dans l’enceinte du Parlement de Bavière sur la question kurde et l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. En l’absence des maires kurdes invités mais interdits de sortie par les autorités turques, des représentants des ONG locales (barreau de Diyarbakir, association des droits de l’homme) sont venus témoigner du sort de la population kurde depuis la suspension de la lutte armée du PKK. D’autres intervenants kurdes (Kendal Nezan, Sertaç Bucak), turc (Çigdem Akkaya) et allemand (Dr. Roland Bank, du Max- Planck Institut, les députées Elisabeth Köhler et Ulrike Gote) ont évoqué les enjeux de la candidature turque pour l’Union européenne pour les Kurdes et pour les Turcs. La Bavière est l’un des lander les plus conservateurs d’Allemagne où les Verts tiennent, par ce genre de colloque, faire évoluer l’opinion sur la question kurde. UNE COMMISSION D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRE RENVOIE MESUT YILMAZ DEVANT LA HAUTE COUR DE JUSTICELe gouvernement turc semble battre des ailes depuis que par décision du 4 juin 2000 d’une commission d’enquête parlementaire, Mesut Yilmaz, leader du parti de la Mère-patrie (ANAP), partenaire de la coalition tripartite, a été renvoyé devant la Haute Cour de justice turque pour " corruption et irrégularités " dans une affaire le mettant en cause. Coup dur pour M. Yilmaz qui avait refusé de prendre personnellement part au gouvernement jusqu’à ce qu’il soit mis hors de cause. Ces derniers temps et depuis l’entrée en fonction du nouveau président, le Premier ministre Bülent Ecevit et le parti ANAP avaient exprimé le souhait de voir M. Yilmaz siéger au gouvernement. Très vite les différentes commissions d’enquête parlementaires avaient commencé à éplucher les dossiers le mettant en cause. Sur les 15 commissions ad hoc existantes au Parlement, 8 mettaient en cause l’ancien Premier ministre Mesut Yilmaz qui avait été écarté de ses fonctions par une motion de censure suite à une affaire de corruption et de lien avec la mafia. Alors que l’horizon commençait à s’éclaircir, six commissions avaient d’ores et déjà voté l’arrêt des hostilités, la septième a décidé de l’envoyer devant la Haute Cour de Justice par le vote des députés du parti de l’Action nationaliste (MHP), membre de la coalition. Mesut Yilmaz et l’ancien ministre de l’industrie Yalim Erez, sont accusés d’irrégularités et de corruption, lors de l’attribution au constructeur automobile Ford d’un terrain appartenant au domaine public. Nombreux sont ceux qui s’interrogent de la pertinence de cette décision d’autant plus que l’affaire en question est celle qui est " la moins sérieuse " alors que celle qui a causé sa chute n’a pas fait autant de bruit. De plus, la décision de renvoi de la commission d’enquête devrait être approuvée par le Parlement même. L’agenda parlementaire ne le permettra certainement pas avant la fin de la session d’été. Selon les informations obtenues des députés du parti de la Gauche démocratique (DSP), la possibilité des élections anticipées a joué un grand rôle dans le changement de l’attitude du MHP. Si la Cour constitutionnelle décide de dissoudre le parti islamiste de la Vertu (FP), il y aura probablement des élections anticipées en Turquie en automne. Selon le scénario, le FP sera déclaré le successeur du parti de la prospérité (RP) et les 70 députés des 103 du parti de la Vertu devront alors démissionner. En vertu de la Constitution turque, si 5 % des membres du Parlement venaient à manquer, des élections anticipées devront avoir lieu en trois mois. Or, plus de la moitié de ces 70 députés en question sont du Sud-est. Ce qui revient à supposer qu’en cas d’élections générales anticipées, le parti de la démocratie du peuple (HADEP- pro-kurde) devraient recueillir des scores élevés sans toutefois franchir le seuil minimum de 10 % des voix au niveau national. La stratégie du MHP est selon certains observateurs d’empêcher l’ANAP de récolter des voix conservatrices en renvoyant leur leader devant la Haute Cour. BAISSE TRÈS IMPORTANTE DANS LE NOMBRE DES AFFRONTEMENTS ET INCIDENTS VIOLENTS DANS LE KURDISTANAu cours d’une conférence de presse le 1er juin 2000, l’état-major des armées turques a indiqué que " les incidents dus au terrorisme " ont très largement diminué par rapport à la même époque l’année dernière. Le colonel Fahir Altan, chef du département des relations publiques, a déclaré : " en 1994 le nombre d’incidents terroristes atteignait 3300, les deux années qui suivirent ce chiffre est descendu à 1500, ensuite en 1997 de 73 % et puis de 86 % en 1998 pour un total de 488 incidents enregistrés cette année ". |