28/8/2000
MASSACRE AU KURDISTAN IRAKIEN : UN RAID TURC A TUÉ PLUS D’UNE QUARANTAINE DE CIVILS Plus d’une quarantaine de civils kurdes ont été tués et une cinquantaine blessés dans un raid aérien mené le 15 août par l’aviation turque au Kurdistan irakien. " Un camp estival abritant des bergers et leurs familles dans le Kurdistan irakien a été visé par un raid de l’aviation turque qui attaquait des cibles du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le triangle frontalier entre l’Irak, l’Iran et la Turquie " a affirmé le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), qui contrôle en partie la région. Le PDK a poursuivi en déclarant : " Nous dénonçons cet acte qui a conduit à la perte de tant de vies innocentes, nous demandons qu’une enquête soit ouverte sur l’incident pour que les victimes soient dédommagées ".
Le ministère turc des affaires étrangères a, le 18 août reconnu qu’Ankara avait " mené une opération " contre les militants kurdes du PKK basés au Kurdistan irakien le 15 août et " étudie les allégations " des organisations kurdes.
De son côté, l’Irak a affirmé le 21 août qu’il était déterminé à " riposter " au raid aérien turc : " L’Irak se réserve le droit de riposter à cette agression à l’endroit et au moment opportuns…Nous condamnons vigoureusement ce crime commis par les troupes turques contre des civils irakiens (…) qui constitue un des maillons d’une chaîne d’agressions menées par Ankara contre l’Irak depuis 1991 " a déclaré le porte-parole du ministère irakien des affaires étrangères.
La région d’Erbil fait partie de la zone d’exclusion aérienne imposée par les alliés à l’aviation irakienne pour protéger la population kurde au nord du 36e parallèle après la guerre du Golfe. L’armée turque lance fréquemment des opérations contre le PKK en violation de toutes les conventions internationales.
La presse turque aussi bien qu’occidentale est restée quasiment muette sur l’évènement. Quant aux responsables occidentaux ou arabes, ils ont déclaré ne pas avoir suffisamment d’information sur le sujet. En plein mois d’août, et sans doute faute d’images télévisées, le massacre de 40 civils kurdes par l’aviation turque est ainsi passée inaperçu dans l’opinion publique.
242 CASSETTES DE CHANSON INTERDITES POUR " DÉLIT DE KURDITÉ " Selon le quotidien turc Milliyet du 21 août, le superpréfet de la région sous état d’urgence (OHAL) a interdit 242 cassettes audio, majoritairement chantés en kurde ou encore par des Kurdes. Les autorités turques ont motivé leur décision par le fait que la direction générale des droits d’auteur du ministère de la culture, ait annulé " le certificat de gestion de l’œuvre ".
Selon le journal, " le plus grand nombre de cassettes interdites en Turquie appartient à Sivan Perwer, qui vit aujourd’hui en Europe et qui chante principalement des chansons sur la nature et l’amour ". Ahmet Kaya, musicien kurde chantant en turc, voit également ses œuvres sous le coup de l’interdiction. Le plus étonnant est que des musiciens comme Emin Arbani chantant de la pop music en kurde, se voient également interdits.
BRAS DE FER ENTRE L’ARMÉE, LE PREMIER MINISTRE ET LE PRÉSIDENT EN TURQUIE Le président turc Ahmet Nejdet Sezer a opposé, le 21 août, pour la seconde fois en deux semaines, son veto à un décret gouvernemental destiné à purger l’administration de milliers de fonctionnaires soupçonnés de sympathie avec les groupes islamistes ou la cause kurde. Le texte permet le renvoi à vie, sur la base d’un rapport de deux inspecteurs, de tout fonctionnaire soupçonné de sympathies islamistes ou pro-kurdes. Une nouvelle crise s’est ouverte avec le Premier ministre Bülent Ecevit qui a accusé le président turc d’entraver l’action de l’Etat laïc : " Le but du décret était d’empêcher l’infiltration de terroristes séparatistes et d’activités anti-laïques au sein de la structure de l’Etat. L’attitude du président peut rendre difficile à l’Etat de remplir ce devoir et de protéger le régime constitutionnel ". M. Ecevit et sa coalition l’ont même accusé d’avoir " même sans le vouloir, encouragé les ennemis du régime ". M. Sezer refuse, au nom du respect du droit, de signer un décret inspiré par la puissante armée turque qui considère l’extrémisme religieux comme la principale menace pour l’Etat laïc dont elle se veut la gardienne. Le chef de l’Etat, ex-président de la Cour constitutionnelle et premier juriste accédant à la magistrature suprême, fait valoir que de telles mesures disciplinaires doivent faire l’objet d’une loi adoptée par le Parlement. " La présidence n’est pas un bureau d’approbation et de signature de décrets ", a-t-il sèchement souligné dans une note expliquant son refus : " Le président n’est pas obligé de signer des décrets qui sont clairement en contradiction avec la Constitution. En fait, il a le devoir de ne pas les signer ".
M. Ecevit a, quant à lui, répliqué : " Le refus du président d’approuver le décret du gouvernement montre qu’il existe de claires divergences dans leur compréhension de leurs devoirs respectifs et de la Constitution…Il ne peut y avoir d’harmonie entre le gouvernement et la présidence tant que ces différences ne sont pas aplanies… Nous avons affaire à un sérieux problème ".
Les partis d’opposition, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, nombreux barreaux d’avocats et syndicats, ainsi que d’éminents juristes, ont dénoncé le décret, y voyant une violation des droits individuels et du droit au travail.
Le Conseil national de sécurité (MGK) qui regroupe essentiellement les principaux chefs de l’armée et dont les avis sont exécutés à la lettre par les gouvernements en place, a fait savoir le 23 août, que ses membres étaient unanimement tombés d’accord pour éliminer les agents de l’Etat liés aux activités séparatistes des islamistes ou des Kurdes. " Le MGK est unanime sur la nécessité d’adopter d’urgence des mesures pour éliminer rapidement les fonctionnaires impliqués dans des activités islamistes et séparatistes visant à détruire le régime démocratique et laïc ", souligne un communiqué publié au terme de la réunion mensuelle du MGK.
La décision du MGK fait peser plus de pression sur le Parlement, qui va devoir examiner le projet de loi en question dès sa rentrée en octobre. Le passage de texte devant le Parlement rend les choses plus difficiles dans la mesure où celui-ci est dominé par des députés conservateurs et les islamistes. Même si M. Ecevit bénéficie d’une majorité absolue au Parlement, il n’a aucune assurance que sa loi sera adoptée, de nombreux députés, issus de ses propres rangs, y étant opposés en raison de la sensibilité de leurs électeurs.
LA TURQUIE POSSÈDE LA SIXIÈME ARMÉE AU MONDE Un rapport annuel du Département d’état américain [Turkish Daily News du 23-08-00] a placé la Turquie au sixième rang mondial de la liste des pays ayant la plus importante défense militaire. Le rapport tient compte de l’effectif de l’armée pour faire son classement. La Chine avec 2,6 millions de soldats, suivie des Etats-Unis, de la Russie, et de la Corée du Nord, forment la tête de liste. La Turquie avec 820 000 soldats se situe au sixième rang. Par comparaison la Grèce est au 27ème rang, et la Turquie dépasse de loin des pays comme la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Iran.
Le rapport révèle également que la Turquie se situe au sixième rang des pays importateurs d’armes entre 1995 et 1997. Le premier de cette liste est l’Arabie Saoudite avec $ 31,3 milliards pour la même période, suivi de Taiwan, du Japon, de l’Egypte et du Koweït.
Un autre rapport, celui de l’ONU sur le développement humain rendu récemment public, avait classé la Turquie au 85e rang (voir notre bulletin 173)
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