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Liste
NO: 194 |
9/2/2001 REGAIN DE TENSION AU KURDISTAN APRÈS LA DISPARITION DE DEUX RESPONSABLES DU HADEPSerdar Tanis et Ebubekir Deniz, respectivement responsable du parti de la démocratie du peuple (HADEP) dans le district de Silopi et le secrétaire provincial du parti, sont portés disparus depuis le 25 janvier, date de leur convocation à la gendarmerie de Sirnak. Les deux disparus ont été vus pour la dernière fois par un membre du parti qui les a amenés au poste de gendarmerie. Une heure plus tard, ils étaient injoignables sur leur téléphone mobile et depuis, ils restent introuvables, malgré les démarches de leurs familles et de leurs avocats auprès des autorités judiciaires et administratives. Les familles rendent responsable de leur disparition la gendarmerie qui leur a fourni des renseignements contradictoires, démentant tout d'abord avoir convoqué les deux hommes avant de le reconnaître, mais en affirmant qu'ils avaient quitté les locaux peu après. Alertées par les familles, les organisations de défense des droits de l’homme craignent que la série des " meurtres non élucidés " reprenne dans la région [ndlr : Selon le rapport de la commission parlementaire turc en 1998, 4500 meurtres non élucidés ont été enregistrés dans la région]. La commission parlementaire des droits de l’homme a également été saisie. Mehmet Bekaroglu, membre de la commission et député du parti de la Vertu (FP- islamiste), a adressé une question écrite au ministre de l’Intérieur sur la détention de ces responsables du HADEP. " La population de la région du sud-est est inquiète et se demande si la spirale de disparitions et des meurtres mystérieux ne va pas reprendre " a déclaré M. Bekaroglu. Mahmut Sakar, secrétaire général du HADEP accompagné de quelques autres responsables du parti à Ankara, également Resul Sadak, responsable du parti à Sirnak même, ont été interdits d’accès dans la ville de Sirnak par les autorités militaires exigeant une seconde autorisation d’entrée par le bureau du gouverneur de la région sous état d’exception (OHAL). Par ailleurs, la police turque a interpellé, le 5 février, 16 membres du HADEP, dont Murat Ceylan, responsable de la branche locale du parti, qui manifestaient à Batman pour dénoncer la disparition de leurs collègues. Ils avaient organisé un sit-in devant le bureau du parti. De plus, une douzaine de manifestants protestant contre les disparitions ont été interpellés, le 6 février à Diyarbakir. "Notre secrétaire du parti pour la ville Mehmet Ucas, ainsi que des responsables du syndicat Egitim-Sen ont été placés en garde-à-vue, et 7 personnes souffrent de contusions dues aux coups de matraques", a déclaré Huseyin Bayrak, secrétaire du Hadep pour la province de Diyarbakir. La centaine de manifestants entendaient faire une déclaration à la presse au sujet de leurs deux collègues disparus quand la police est intervenue pour les en empêcher. Selon le HADEP, 4 responsables locaux du parti, dont le président de la branche provinciale, ont été interpellés, le 6 février, à Siirt. Le Parti de la Démocratie du Peuple a écrit au président turc, au chef du gouvernement et au ministre de l'Intérieur pour les alerter sur le sort de deux de ses responsables portés disparus. "L'absence d'information sur le sort du président et du secrétaire de la branche provinciale du HADEP à Silopi est un sujet de grave inquiétude ", a souligné le HADEP dans cette lettre. "Nous appelons les autorités à retrouver nos deux membres, à faire la lumière sur cet incident, et à empêcher la répétition de telles pratiques inhumaines et illégales", a souligné le HADEP dans un communiqué. Les disparitions et exécutions suspectes de militants pro-kurdes, principalement dans cette région, théâtre pendant quinze ans de la lutte armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), furent monnaie courante au cours de la décennie passée, mais avaient pratiquement cessé ces deux dernières années. Les membres du HADEP sont fréquemment l'objet de persécutions pour leurs liens présumés avec le PKK d'Abdullah Ocalan, et le HADEP fait l'objet d'une procédure d'interdiction en justice sous l'accusation de " liens organiques avec le PKK ". Le HADEP, qui gère une quarantaine de municipalités dans la région kurde, rejette l'allégation. AKIN BIRDAL POURSUIVI POUR AVOIR RÉCLAMÉ D’ANKARA DES EXCUSES POUR LES ARMÉNIENSLa justice turque a, le 8 février, lancé de nouvelles poursuites contre Akin Birdal, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et ancien président de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), pour " avoir réclamé que la Turquie fasse des excuses " pour ce qu'elle a fait subir par le passé aux Arméniens et à d'autres minorités. Akin Birdal est accusé d'avoir " ouvertement insulté la turquitude " pour des propos tenus en Allemagne l'année dernière. Il encourt une peine maximale de six ans de prison. " Tout le monde sait ce qui a été fait aux Arméniens. La Turquie doit s'excuser pour ce qu'elle a fait aux minorités ", aurait-il déclaré, selon l'acte d'accusation. Selon son avocat, Akin Birdal parlait des minorités en général, et pas uniquement des Arméniens. Birdal avait été libéré en septembre 2000 après dix mois de prison pour " incitation à la haine raciale ", condamné pour des discours en faveur des droits des Kurdes en 1995 et en 1996. PERTE DE MARCHÉS PAR LA FRANCE EN TURQUIE : SANCTION OU DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ?Trois semaines après l'adoption par le Parlement français de la loi reconnaissant le génocide arménien, la colère turque retombe et les sanctions économiques se résument pour l'essentiel à une mise à l'écart d'entreprises françaises d'appels d'offre. Derrière les effets d'annonce politiques, les dégâts pour les industriels français semblent devoir être limités. Jusqu'ici, aucun contrat n'a été annulé en relation directe avec l'adoption de la loi. Le seul qui apparaissant l'objet d'une sanction, celui pour la construction d'un satellite espion conclu avec Alcatel et Astrium, connaissait en fait déjà des difficultés d'ordre non politique ayant abouti à une sanction légale et administrative. De plus le Journal officiel turc du 7 février annonce que : "Les sociétés mentionnées ci-dessous ont l'interdiction de participer à tous les appels d'offres du ministère de la Défense pendant un an à compter d'aujourd'hui". Il cite Alcatel Space Industries et Matra Marconi Space, détenu par European Aeronautic Defence & Space et le britannique BAE Systems. Le projet de pont autoroutier au-dessus du golfe d'Izmit, annulé pour participation de firmes françaises, était déjà incertain, tant pour son coût, estimé jusqu'à un milliard de dollars, en période de restriction budgétaire, que pour sa localisation dans une zone frappée par un violent séisme en 1999, note-t-on de source industrielle. L'annulation le 3 février d'un contrat avec Thales (ex Thomson-CSF) pour la modernisation du système de navigation de 80 F-16 est toujours suspendue à une décision officielle qui n'a toujours pas été annoncée à la firme. Côté diplomatique, la tonalité est à l'apaisement, la Turquie étant consciente que la France est un important soutien à sa candidature à l'Union européenne. Et il s'agissait aussi de marquer le coup pour décourager d'autres pays susceptibles de suivre l'exemple français, en particulier les Etats-Unis, où une résolution similaire au Congrès américain, retirée d'extrême justesse de l'ordre du jour sous pression du président Clinton en octobre dernier, pourrait ressurgir. La fâcherie continue toutefois et l'ambassadeur turc à Paris Sonmez Koksal, rappelé pour consultations sitôt la loi votée le 18 janvier, n'a toujours pas regagné son poste. C'est sans doute du côté de l'armée turque que la glaciation est la plus nette. La coopération militaire est gelée depuis le vote et les médias turcs se font l'écho de décisions de l'état-major, non confirmées officiellement, selon lesquelles les militaires ont instruction de boycotter toute activité liée à leurs homologues français, y compris sociales. Côté français, aucune notification officielle de ces décisions n'a été reçue, mais la mission militaire à Ankara est de fait quasiment en chômage technique. TRAFIC DE DROGUE : L’ONU CONFIRME LE RÔLE PRÉÉMINENT DE LA TURQUIE DANS LA ROUTE DES BALKANSL'ONU dans son rapport mondial sur les drogues publié fin janvier à Vienne déclare que : "La route des Balkans est connue comme la voie de transit de plus de 80 % de l'héroïne saisie en Europe à destination de pays de l'Union européenne". Ainsi, près de deux tonnes d'héroïne ont été saisies en Bulgarie l'an dernier, dont 1.700 kilos au seul poste frontalier bulgaro-turc de Kapitan Andréevo. Une saisie record de 135 kg d'héroïne destinée aux Pays-Bas à bord d'un camion turc a eu lieu mi-janvier en Autriche. Les 215 paquets étaient cachés sous un faux plancher du camion, arrivé par train à la frontière austro-hongroise. En outre, la "route des Balkans" est désormais non seulement un axe d'acheminement de la drogue, mais aussi un lieu de dépôt : la drogue provenant en grosses quantités de Turquie est entreposée dans des caches, notamment en Hongrie et Slovaquie, avant d'être introduite dans l'Union européenne en petites quantités, donc plus facilement. LU DANS LA PRESSE TURQUE : LE SILENCE DES MÉDIA SUR LES DISPARUSUmur Talu, rédacteur en chef du quotidien turc Milliyet revient, dans son éditorial du 4 février, sur la disparition mystérieuse des deux responsables du parti HADEP en dénonçant également le mutisme des média turcs sur l’affaire. Voici de larges extraits de son article intitulé " Mais qui sont-ils ? " : " Vous êtes-vous déjà perdu ? Je ne parle pas de se perdre dans une ville étrangère, un quartier inconnu, une rue déserte ou encore un centre commercial. Pas non plus du pire, d’une perte de mémoire, d’une vie végétative ou encore la mort. Exister, en n’étant pas mort, plus exactement en n’étant pas officiellement mort ou retrouvé mort, se montrer à un endroit puis tout d’un coup disparaître. Vous êtes-vous retrouvé dans la situation d’un proche cherchant le disparu, ne sachant pas où et qui interroger, ou encore interroger mais ne pas avoir de réponses ? Dans un cas ou dans un autre, Serdar Tanis et Ebubekir Deniz sont, depuis plus d’une semaine, disparus. Qui sont-ils ? Vous ne les connaissez pas. Vous n’en avez probablement pas entendu parler. Est-ce que vous vous en seriez préoccupé, si vous en aviez entendu parler ? Cela est également " non élucidé ". Mais vous n’aurez pas tort malgré tout ! Les journaux qui relatent ces nouvelles n’ont pas le droit de circuler dans la région où " les disparus ont disparu ". Quant aux journaux et télévisions qui peuvent y diffuser, ils ne donnent pas l’information que " les disparus ont disparu ". Pendant ou après ces lignes, si " mort ou vif " leurs traces, leurs corps ne sont pas retrouvés… Les disparus ou les portés disparus sont Tanis, président du HADEP à Silopi ; Deniz, le secrétaire du district. Le 25 janvier, on voit et l’on sait qu’ils sont partis pour la Gendarmerie. Le reste est inconnu. Selon les témoins, ils s’y sont rendus de " leur propre gré ". La gendarmerie, la préfecture de Sirnak et la super-préfecture d’OHAL, qui rétorque au début qu’ " il n’y a rien eu de cela ", reviennent sur leur version après l’intervention de Salih Yildirim, président adjoint du parti de la Mère patrie (ANAP) pour déclarer : " ils sont venus et ils sont repartis ". De plus, on dit qu’aujourd’hui, même la gendarmerie s’est mise à les rechercher par voie d’affiche. Les familles déclarent qu’ils avaient déjà été menacés et que le commandant de la région leur a demandé de " démissionner du parti "… Qui sont-ils ? Ils ne sont pas célèbres et ne sont pas des proches. Ce sont deux étrangers ! Où sont ceux qui ont crié " la fraternité, la paix, le calme, l’union et l’unité ", observés pendant les funérailles de Okkan [ndlr : chef de la police de Diyarbakir, assassiné le 24 janvier 2001] ?… Heureusement que vous n’êtes pas vous-même disparu ! Si vous l’étiez… Est-ce que vous auriez désiré que l’on donne de vos nouvelles… Que j’écrive sur vous ? |