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Liste
NO: 210 |
24/7/2001 ARMEMENT : LA TURQUIE SIGNE UN CONTRAT D’UN MILLIARD DE DOLLARS AVEC LA CORÉE DU SUD POUR LA COPRODUCTION D’OBUSIERSLa Turquie et la Corée du Sud ont, le 20 juillet, signé, un contrat record d’armement d’un montant d’un milliard de dollars pour la coproduction d’obusiers. Le quotidien Korea Herald, dans son édition du 21 juillet, rapportant les propos du ministre coréen de la défense, affirme que c’est la compagnie sud-coréenne Samsung Techwin qui fournira des composantes d’obusiers à la Turquie, dont une vingtaine d’obusiers autopropulsés 155 mm d’un montant de 60 million de dollars au cours des deux prochaines années. L’accord est la première partie d’un contrat de 10 années au cours de laquelle la firme coréenne fournira des composantes pour plus de 300 obusiers. La Turquie, classée au 82ème rang sur 162 pays selon le rapport 2001 du développement humain des Nations-Unies, publié le 10 juillet [ndlr : bulletin CILDEKT N° 208] et qui traverse une grave crise économique, n’a pas donné d’explication sur le financement de ce contrat d’un milliard de dollars. Les observateurs notent cependant la volonté d’Ankara de diversifier ses fournisseurs d’armes en réaction aux restrictions imposées par certains de ses alliés du fait de son médiocre bilan des droits de l’homme. Ainsi, l’Allemagne avait au préalable refusé le transfert de technologie requis pour ces obusiers. LA COUR DE SÛRETÉ DE L’ETAT D’ISTANBUL RELAXE LE DR. ZEKI BUDAKAprès six mois de détention à la prison de Bayrampasa à Istanbul, Dr. Zeki Budak, citoyen français d’origine kurde, accusé à tort d’être " l’un des responsables du PKK à Cologne ", a été relaxé le 24 juillet par la Cour de sûreté de l’Etat N°1 d’Istanbul. Chirurgien dentiste, engagé dans l’action politique pacifique (Association des droits de l’homme, Parti social démocrate d’Erdal Inönü) en faveur de la démocratie et de la reconnaissance des droits du peuple kurde, Dr. Budak avait dû quitter la Turquie en 1992 à la suite de l’assassinat de trois de ses frères, âgés respectivement de 20, 22, et 24 ans, par les forces paramilitaires turques dans le cadre de la terrible campagne de " meurtres à auteurs non identifiés ", qui de 1992 à 1998, fit plus de quatre mille morts dans les rangs de la société civile kurde. Menacé de mort par la police politique (MIT), condamné à 3 ans et 6 mois de prison par une cour de sûreté pour " avoir soigné des terroristes ", il s’était réfugié en France. Il vivait depuis 1992 à Rouen. Marié à une enseignante française, devenu citoyen français, père de trois enfants, Dr. Budak, s’est rendu en Turquie pour rendre visite à son père âgé et malade. Sa peine ayant été amnistiée par une récente loi, il pensait qu’aucun obstacle légal ne s’opposerait à son retour en Turquie. CRÉATION D’UN NOUVEAU PARTI POLITIQUE ISLAMISTEUn mois seulement après l'interdiction du parti de la Vertu (Fazilet-islamiste) pour cause de violation de la législation sur la laïcité, une nouvelle formation politique islamiste a été créée, le 20 juillet, en Turquie. Le parti Saadet (Bonheur) se veut le successeur du parti de la Vertu, qui comptait 102 représentants au Parlement au moment de son interdiction par la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays. Si deux de ces parlementaires ont été radiés par la justice, les 100 autres siégeaient toujours en tant qu'indépendants. Cinquante ont d'ores et déjà rejoint le nouveau parti islamiste, alors que cinquante autres se sont regroupés autour de Recep Tayyip Erdogan, ex-maire d'Istanbul, qui devrait lancer d'ici deux semaines une formation plus modérée, à vocation plus sociale et moins religieuse. Les observateurs notent cependant que cette dernière formation devrait dominer en nombre le parti Saadet en attirant des députés des partis de la Mère-Patrie (ANAP) ou encore de la Juste Voie (DYP). Quatrième parti islamiste banni en Turquie en l'espace de 30 ans, le parti de la Vertu a été interdit après avoir envoyé à l'Assemblée nationale une députée portant le voile, ce que proscrit la loi turque. LA COUR CONSTITUTIONNELLE TURQUE ELARGIT LA LOI D’AMNISTIE MAIS REFUSE À NOUVEAU DE L’APPLIQUER AUX PRISONNIERS POLITIQUESLa Cour constitutionnelle turque a, le 18 juillet, décidé d'élargir le champ d'application d'une loi d'amnistie controversée entrée en vigueur en décembre, mais a refusé d'y inclure les " crimes perpétrés contre l'Etat ", imputés aux militants et aux prisonniers politiques dont Leyla Zana et ses collègues. Hasim Kilic, vice-président de la Cour, a annoncé que l'élargissement concerne des délits comme l'extorsion d'informations sous la menace, évasion ou complicité d'évasion (de prison), incendie criminel et abus de pouvoir d'un fonctionnaire. La Cour a en revanche rejeté toute application de l'amnistie aux membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dont son chef Abdullah Ocalan, condamné à mort en juin 1999 pour trahison et séparatisme pour les 15 ans de lutte armée du PKK contre l'Etat turc. La loi prévoit donc ainsi une réduction de peine de dix ans avec sursis pour la plupart des prisonniers, y compris les meurtriers, mais exclut ceux condamnés pour séparatisme, viol, blanchiment d'argent, détournement de fonds, constitution de bande armée ou torture. Cette loi controversée visait au départ à vider les prisons turques surpeuplées d'une bonne partie de leurs détenus. À ce jour, quelques 23.000 des 72.000 prisonniers ont été libérés grâce à elle. Entre-temps, de nouvelles prisons à cellules pour 1 à 3 détenus sont entrées en service, remplaçant partiellement celles à dortoirs pouvant abriter jusqu'à 60 personnes. Ce système de détention en isolement renforcé a entraîné une grève de la faim de détenus qui a jusqu'ici fait 29 morts. LU DANS LA PRESSE TURQUE : LA SITUATION ÉCONOMQUE ET DÉMOGRAPHIQUE DES RÉGIONS KURDES SELON LES CHIFFRES OFFICIELSMustafa Sonmez, dans un article publié le 15 juillet sous le titre de " L’histoire de la Turquie de l’Est et du Sud-Est " dans le quotidien turc anglophone Turkish Daily News, passe en revue la situation officielle démographique et économique des régions kurdes. Voici des larges extraits de cet article qui abonde de chiffres officiels que les autorités turques sont peu enclines à donner et à publier. " Il n’y a pas d’effort officiel pour déterminer le poids en nombre [des Kurdes]. Jusqu’en 1965, les recensements contenaient une question sur la langue maternelle et la langue secondaire dont une des réponses au choix était le kurde. Dans le dernier recensement de ce genre datant de 1965, 2,2 millions de personnes ont déclaré le kurde comme leur langue maternelle et 1,15 million autres comme la seconde langue. En 1965, la population en Turquie comptait 31,4 millions d’âmes. Ces chiffres montrent qu’un peu plus de 10 % de la population était familier du kurde. De nombreux sociologues et politiciens pensent cependant que ce chiffre ne reflète pas correctement la population d’origine kurde en Turquie. Seule une chose est claire : La Turquie discute de la question kurde, qui occupe continuellement son agenda, sans donnée démographique propre, et dans l’obscurité. D’autre part, il faudrait répondre à la question comment définir géographiquement les régions d’est et du sud-est. Quelles villes devraient être incluses dans la " région " et quelle autres devraient en être exclues ? Comment le pays devrait être " divisé " ? Selon la division administrative de 1990, 19 villes sont comprises dans les régions du Sud et Sud-est. Gaziantep, Sivas et Kahramanmaras sont les trois villes dont l’inclusion est disputée. Cependant, celles-ci sont des villes de transition… La Turquie se situe parmi les pays ayant un sévère problème d’inégalité régionale (…) La différence entre Kocaeli (ouest), la ville enregistrant le plus grand PNB par habitant en Turquie, et Mus (est), qui enregistre le plus bas, est de 1 pour 11. Les villes les mieux loties à l’Est et au Sud-est sont Elazig, Malatya et Diyarbakir. Cependant même ces villes sont loin de la moyenne nationale quant au revenu par habitant. Les villes et régions les plus pauvres en Turquie sont Mus, Agri, Bitlis, et Bingol. Dans ces villes, le PNB par habitant est en dessous de nombreux pays d’Afrique. (…) La région en entier se situe la dernière quant à la croissance économique et au développement. Elle prend également la plus petite part du revenu national disponible (…) Selon les données de l’Institut de statistique de l’Etat (SIS), nous avons le tableau suivant : Dans la région où l’agriculture prévaut comme moyen de subsistance, l’inégalité des propriétés atteint des proportions monstrueuses, le climat est rude, et la région a été le théâtre d’une guerre civile ces 15 dernières années.1,947 million de familles, soit 14,5 % des familles du pays y vivent. D’autre part, la région utilise seulement 10,2 % du revenu national. Dans la région, le revenu moyen par famille est de $ 3 851, soit 30 % inférieur à la moyenne nationale. Le revenu par famille de la région est 43 % inférieur à celui d’une famille habitant les régions de Marmara ou d’Egée, où le chiffre atteint $ 6 834, mais aussi 66 % en dessous d’Istanbul qui enregistre $ 11 637 par famille. La province la mieux lotie de la région est Erzurum, où le revenu moyen par famille est de $ 6 067, 10 % au-dessus de la moyenne nationale. Autre centre important, Malatya enregistre $ 4 600 de revenu moyen. Quant à Diyarbakir, ce chiffre est de $ 3 567. Il est intéressant de noter que Gaziantep, habituellement considérée comme la plus développée ville de la région, se situe en dessous de Diyarbakir avec $ 3 400. (…) Dans la moitié des années 80, les investissements liés au GAP (projet de l’Anatolie du Sud-est) ont été un remède partiel aux problèmes économiques, mais n’ont pas produit d’effets positifs répartis dans toute la région. La guerre civile déclenchée au milieu de la décennie 80 a mis les vies et les propriétés en danger et a joué un rôle déterminant dans l’effondrement économique de la région. De nombreuses mesures prises par le gouvernement telles que le système de " gardiens de village ", ont amené une période où les conditions d’une " économie de la guerre " sont devenues dominantes. Cette économie non-productive principalement tributaire des dépenses du gouvernement n’a non seulement fourni rien d’autre qu’une subsistance limitée pour une part de la population, mais a également contribué à la mort de l’activité productive dans la région. Les méthodes utilisées par l’Etat pour isoler le peuple du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont ébranlé la confiance de cette population vis-à-vis du gouvernement et découragé les activités commerciales (…) Les conséquences négatives de la fuite des forces de travail et des capitaux ont continué en augmentant au cours des décennies 80 et 90, périodes durant lesquelles la population régionale était prise dans un étau entre l’Etat et le PKK. (…) D’après le recensement de 1990, la population régionale était de 9,396 millions. Celui-ci montre également qu’il y a environ 12 millions de personnes nées dans les villes de l’Est. Cela veut dire que 30 % de la population régionale, soit 3,607 millions de personnes, ont migré à l’Ouest et y vivent. Pour des raisons économiques et politiques, ce taux a probablement augmenté de 1 à 2 points en 1997. Par conséquent, un tiers des originaires de l’Est habitent en dehors de la région. Pour certaines villes, le taux est plus de 50 %. Prenons Tunceli comme exemple : 53 % de la population a migré. Seule la moitié des 463 000 personnes enregistrées à l’état civil d’Erzincan y habite toujours. Kars, qui a vu sa population émigrer après 1980, a 45 % de sa population qui vit ailleurs, ce chiffre est de 42 % à Siirt, 36 % à Erzurum et 35 % à Mardin. La ville qui enregistre dans la région le taux le plus faible en ce qui concerne la migration de sa population est Diyarbakir, suivie d’Urfa, Van, Batman, Sirnak et Hakkari. 15 à 20 % de la population y ont émigré en quittant leur terre. Cependant, dans ces provinces il y a un mouvement considérable d’exode rural vers la ville. Les évacuations forcées et la crainte de la violence, ont conduit les villageois vers les villes où la majorité vit dans des conditions de pauvreté abjecte. Où va donc toute cette population ? Bien sûr dans des grandes villes, avec Istanbul comme destination de prédilection. Encore une fois, le recensement de 1990 montre que 1,057 million de personnes nées à l’Est vivent à Istanbul, ce qui veut dire que près de 15 % de la population d’Istanbul est originaire de l’Est. La majorité est issue de la ville de Kars avec 215 000 personnes, suivie d’Erzincan avec 150 000 personnes, puis Malatya 140 000 et Erzurum avec 130 000 personnes. Le second centre d’attraction après Istanbul est la ville d’Izmir. En 1990, 317 000 personnes originaires de l’Est habitaient à Izmir dont la moitié venue d’Erzurum (56 000), de Kars (51 000) et de Mardin (46 000). Adana est la troisième grande ville enregistrant la migration de l’Est, avec 263 000 personnes en 1990, venues majoritairement d’Urfa, de Mardin, d’Adiyaman et de Diyarbakir (…) En 1965, les 19 villes d’Est et du Sud-Est généraient 10,6 % du PNB de la Turquie (…) En 1979, ce chiffre est tombé à 8,6 %, et en 1995 à 7,4 %. (…) Quelques mots sur le GAP (…) La production hydroélectrique aura des effets limités dans la région (…) Les trois quarts de la production énergétique en Turquie s’utilisent pour l’industrie. Étant donné que les industries sont établies à l’Ouest, la production est générée à l’Est et consommée à l’Ouest. Selon les données de la corporation de l’électricité turque (TEAS), alors que la consommation énergétique moyenne par personne en Turquie est de 625 kWatt par heure et par an, ce chiffre est de 349 kWatt / heure à l’Est. Une portion substantielle de l’énergie produit par GAP sera donc consommée à l’Ouest, et le reste sera exporté (…) Les effets des centrales de production hydroélectrique sur le chômage seront très limités. La force de travail nécessaire pour une grande centrale est entre 100 et 200 personnes. Les conséquences positives durables du GAP viendront des investissements relatifs à l’irrigation. GAP, qui irriguera 80 % des terres irrigables, causera des changements significatifs dans la production agricole. Cependant les habitants de la région ne bénéficieront pas pleinement des rentes engendrées par les investissements étatiques, car la région du Sud-Est est celle qui est marquée le plus par une distribution inégale des terres en Turquie. 38 % des familles paysannes de la région sont sans terre. Ce taux atteint les 48 % à Urfa, où l’on note la plus importante concentration des propriétaires terriens, et 45 % à Diyarbakir. Pendant que 5 % des familles possèdent 65 % des terres, une grande majorité, soit 70 %, ne détiennent que 10 % des terres. (…) Le fait que le GAP ne produira ses fruits que vers le milieu du XXIe siècle, que la croissance dans la production agricole rencontrera de sérieux problèmes de marché, et même si ces questions sont résolues, GAP par lui-même n’est pas suffisant pour solutionner les problèmes de développement du Nord-Est. Nous avons besoins d’un projet d’Anatolie de l’Est pour la région. " |