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Liste
NO: 218 |
18/10/2001 LE BILAN DE SEPTEMBRE DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME EN TURQUIELa section de Diyarbakir de l’Association turque des droits de l’homme (IHD) a, le 15 octobre, rendu public son rapport du mois de septembre relatif aux violations des droits de l’homme en Turquie. L’association par la voix de son représentant, Osman Baydemir, a dénoncé l’augmentation des violations depuis les attentats le 11 septembre aux Etats-Unis, et a déclaré que “ les violations du droit à la vie, à la sécurité et la torture augmentaient d’une manière alarmante ”. Le rapport se présente comme suit :
CRISE AU SOMMET DE L’ETAT : LE PRÉSIDENT TURC DEMANDE UN REFERENDUM POUR L’AMENDEMENT RELATIF À L’AUGMENTATION DES SALAIRES DES DÉPUTÉSEn appelant au referendum pour la ratification d’un amendement adopté récemment par le Parlement turc et relatif à l’augmentation des traitements des députés, le président turc Ahmet Nejdet Sezer a, le 16 octobre, jeté le trouble sur la scène politico-médiatique turque. La tension est montée d’un cran lorsque le gouvernement a décidé le lendemain de renvoyer l’article en question pour une “ seconde considération ” au Président, au lieu de réviser l’amendement ou encore d’entamer les préparations de referendum. Ainsi, le gouvernement turc a choisi de suspendre temporairement la publication dans le Journal Officiel des amendements constitutionnels approuvés par le Président, bien qu’aucun texte légal ne prévoie un tel procédé. L’article 175 de la Constitution élaborée par la junte militaire en 1982, dispose que le Président a le pouvoir d’accepter dans sa totalité les amendements de la Constitution, d’opposer son veto sur l’ensemble du texte et le renvoyer au Parlement pour une seconde lecture, ou encore d’accepter certains articles et déclencher un referendum sur le reste du texte. La Constitution n’ouvre la voie qu’à deux solutions dans cette situation : Accepter la décision du Président ordonnant au Premier ministre la publication dans le Journal Officiel des 33 articles approuvés, déclenchant par voie de conséquence le délai de 120 jours réparti pour la tenue d’un referendum pour l’article en question, ou encore suspendre la publication pour réajuster l’amendement en question, invalidant ainsi la requête de referendum du président. Le gouvernement turc, interprétant une clause de la Constitution, déclare, quant à lui, que le président ne peut demander de référendum que sur l’ensemble du texte et non pas pour un seul article. Les analystes notent cependant qu’en suspendant la publication et en renvoyant pour “ une seconde considération ” l’article mis en cause, le gouvernement ne fait que se contredire puisque si le paquet des amendements constitutionnels est considéré indivisible, il faudrait alors demander un référendum sur l’ensemble. L’exécutif turc est en pleine crise depuis l’élection d’Ahmet Nejdet Sezer, ancien président de la Cour constitutionnelle turque, à la présidence turque. En février 2001, le président et le Premier ministre Bulent Ecevit, s’étaient même ouvertement et publiquement affrontés lors de la réunion du Conseil national de sécurité (MGK). Le gouvernement turc semble déjà lancer une campagne anti-Sezer dans les média turcs acquis à la coalition. Certains journaux ont commencé à pointer du doigt le salaire du président. Le quotidien turc Hurriyet du 17 octobre écrit donc que M. Sezer a “ augmenté son salaire de 58 % ” d’autres que les députés gagnent 3,2 milliards de livres turcs ($ 2 000) net alors que le président a augmenté son salaire jusqu’à 6,3 milliards, sans préciser subtilement qu’il s’agit d’un salaire brut. LA TURQUIE MARCHANDE SA PARTICIPATION À LA COALITION MILITAIRE EN AFGHANISTAN CONTRE UN SOUTIEN FINANCIERAnkara a demandé des crédits supplémentaires au Fonds monétaire international (FMI) en mettant en avant le fait que sa participation à la campagne antiterroriste lancée par l'OTAN, dont elle fait partie, allait soumettre ses finances publiques à de nouvelles pressions. Le poids de la dette publique est énorme et le gouvernement turc devra consacrer la moitié des dépenses de son budget 2002 à son remboursement, soit 26,5 milliards de dollars. La Turquie garde en mémoire les douloureuses conséquences de la guerre du Golfe, où elle s'était engagée aux côtés des Forces alliées contre Bagdad, ce qui lui aurait coûté 50 milliards de dollars, selon son estimation. Mais comme le rappelle Gulten Kazgan, professeur d’économie à l’Université privée Bilgi d’Istanbul : “ c’est un pari perdu d'avance ”, assurant que “ les Etats-Unis ne récompensent jamais les services demandés ! ” Le Fonds monétaire international (FMI) est resté prudent, le 17 octobre, sur l'octroi de nouveaux crédits à la Turquie alors que le pays souffre de plus en plus du ralentissement de l'économie mondiale. Il n'a toutefois pas fermé la porte à un nouveau geste du FMI qui, jusqu'à maintenant, a débloqué près de 19 milliards pour la Turquie, laquelle s'est engagée en échange à appliquer de sévères programmes de rigueur budgétaire. Selon le ministre turc de l'économie, Kemal Dervis, un éventuel envoi de militaires turcs en Afghanistan [ndlr : approuvé le 10 octobre par le Parlement] a toutes les chances d'aggraver la sévère crise économique que traverse le pays : “ Nous sommes entrés dans une nouvelle phase de ralentissement, et nous allons vivre des temps difficiles ”, sans compter l'effet que pourrait avoir l'engagement de l'armée turque sur le théâtre des opérations. Officiellement, aucune demande chiffrée en hommes ou en matériel n'a été présentée par les Américains à Ankara, mais la presse turque évoque la participation de commandos pour aider les forces de l'Alliance du Nord. UN AN DE GRÈVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS TURQUES !Un an après son lancement le 20 octobre 2000, le mouvement de grèves de la faim de détenus membres d'organisations de l'extrême gauche clandestine turque se poursuit comme si de rien n'était, malgré un bilan sans précédent dans les annales des prisons de la planète : 72 morts. Soixante-douze prisonniers ou leurs proches sont décédés depuis une opération des forces de l'ordre contre 20 établissements pénitentiaires, le 19 décembre, au cours de laquelle 30 détenus --et deux gendarmes-- avaient été tués. Puis 41 détenus ou leurs proches sont décédés des suites de leur jeûne prolongé, le dernier ayant succombé le 18 octobre. Et un gréviste de la faim s'est immolé par le feu fin septembre lors d'une intervention de la police aux funérailles de l'un d'entre eux. Le mouvement visant à protester contre une réforme instituant des cellules à isolement de un ou trois détenus, dites de “ type F ”, au lieu des vastes dortoirs précédents, a repris de plus belle après leur entrée en service, en décembre, et semble sans issue. “ L'issue, c'est de supprimer les prisons de type F ”, clame Mehmet Bekaroglu, membre de la commission parlementaire pour les Droits de l'Homme. Il suggère, à défaut, “ d'aménager les locaux et les textes juridiques pour que les détenus puissent, en nombre réduit et pour une durée limitée, avoir des activités communes ”. Mais, sachant qu'Ankara se refuse à toute concession, il s'empresse de dénoncer un “ Etat obsédé par la sécurité nationale, et peu soucieux de préserver des vies ”. En l'absence de dialogue sur le fond, le ministre de la Justice Hikmet Sami Turk ayant martelé que la réforme serait menée à son terme, seul un débat sur la nécessité ou non d'intervenir contre les grévistes non-maîtres de leurs facultés pour prévenir de nouveaux décès agite la communauté médicale. Le ministère de la Justice a d'ailleurs engagé des poursuites contre l'Union des Médecins pour “ non-assistance à personnes tentant de se suicider ”, et relâché sous condition pour 6 mois les grévistes de la faim les plus incurables. Ils sont près de 300 dans cette situation, selon un décompte de l'Association turque des Droits de l'Homme (IHD) qui dénombre quelque 200 détenus en grève de la faim “ à mort ” en prison. Vingt-cinq personnes observent le jeûne à l'extérieur, prisonniers ou parents. INTERPELLATION DE 37 PERSONNES DANS LES LOCAUX DU HADEP À IZMIR ET TROIS MORTS LORS DES AFFRONTEMENTS À SILVANLa police turque a, le 17 octobre, interpellé 37 personnes, la plupart des membres du parti de la Démocratie du Peuple (HADEP pro-kurde), lors d'une descente dans des locaux du parti dans la province d'Izmir, à Cigli lors d'un séminaire d'éducation politique destinés aux dirigeants de la branche de la jeunesse du HADEP. La police n'a pas donné de raison à l'opération. Selon le HADEP, parmi les interpellés figurent 30 dirigeants de la branche des jeunes du HADEP, ainsi que d'autres militants pro-kurdes et des invités du séminaire. Le HADEP est régulièrement en butte au harcèlement des autorités qui l'accusent de collusion avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Le HADEP, qui plaide pour plus de libertés et de droits culturels pour les Kurdes, rejette cette accusation. Il est sous le coup d'une procédure d'interdiction en justice pour ses liens présumés avec le PKK. Par ailleurs, trois combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), dont une femme, ont été tués et deux soldats ont été blessés lors d'un affrontement dans la nuit de mardi 16 à mercredi 17 octobre à Silvan, dans la province de Diyarbakir. LES AUTORITÉS TURQUES CRAIGNENT UNE INTERVENTION MILITAIRE AMÉRICANO-BRITANNIQUE EN IRAKIntervenant sur la chaîne américaine d’information CNN, le Premier ministre turc, Bulent Ecevit, s’est, le 16 octobre, déclaré vivement opposé à toute intervention contre l’Irak. Interviewé par Larry King, B. Ecevit a indiqué : “ j’espère qu’il n’y aura pas d’intervention car cela déstabiliserait beaucoup notre région, le Moyen-Orient, et cela pourrait conduire à la partition de l’Irak qui pourrait créer des problèmes pour la Turquie, son indépendance ou son intégrité territoriale ”. Par ailleurs, les relations entre les autorités turques et le parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Mesut Barzani traversent une période de tension, depuis que le PDK a refusé de coopérer avec les militaires turcs lors de leur intervention au Kurdistan d’Irak. Les autorités turques reprochent au PDK son manque de coordination qui serait, selon Ankara, responsable de la mort, il y a deux semaines, de trois membres des forces spéciales turques dans la région de Berwari par l’explosion d’une mine. Le PDK, quant à lui, rétorque qu’il n’y a aucune raison justifiant des interventions militaires turques dans leur région d’autant que la présence du PKK est beaucoup plus tangible sur la frontière iranienne où l’armée turque n’intervient pas. |