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Liste
NO: 22 |
9/2/1996 LE PRIX ROSE DES DROITS DE L'HOMME DU MOUVEMENT OUVRIER DANOIS DÉCERNÉ À LEYLA ZANA SERA REMIS LE 13 FÉVRIER À COPENHAGUE PAR LE PREMIER MINISTRE DANOISLe Prix international ROSE attribué chaque année par le Mouvement ouvrier danois à une personnalité ou une organisation ayant rendu des services éminents à la cause de la démocratie et des droits de l'homme avait été décerné pour l'année 1995 à Mme Leyla Zana, parlementaire kurde emprisonnée à Ankara, condamnée à 15 ans de prison pour délit d'opinion. Le jury danois veut ainsi honorer Leyla Zana pour "son combat démocratique pour les droits du peuple kurde". Après avoir espéré obtenir du gouvernement turc une "permission spéciale" de sortie pour Mme Zana afin qu'elle puisse recevoir elle-même son Prix, et devant le refus d'Ankara, les autorités danoises ont finalement décidé de remettre ce Prix à Mehdi Zana, époux de la Parlementaire kurde détenue. Ancien maire de la capitale kurde, Diyarbakir, ce dernier à 55 ans a lui-même déjà passé 16 ans de sa vie dans les prisons tuques en raison de son combat pacifique pour les droits culturels des 15 millions de kurdes en Turquie. Il n'a été libéré que le 25 décembre 1995 sous la pression du Parlement européen. La cérémonie de remise du Prix Rose aura lieu mardi 13 février à 15h au Parlement danois. C'est le Premier Ministre du Danemark, M. Poul Nyrup Rasmussen qui remettra le Prix Rose à M. Zana. Les précédents récipiendaires de ce Prix ont été le Mouvement syndical démocratique du Salvador, Mme Aung San Sun Kyi, leader de l'opposition démocratique birmane, et le Congrès National Africain (ANC) de Nelson Mandela. Le mouvement ouvrier danois regroupe la Confédération unie des Syndicats (LO), qui représente plus de 80% des salariés danois, et le Parti social démocrate, qui est le premier parti du pays et qui dirige la coalition gouvernementale actuellement au pouvoir. VIOLENCE QUOTIDIENNE EN TURQUIEOn connaît l'ampleur de la violence politique en Turquie. Celle de l'État ou celle des groupes qui s'opposent à lui. Il existe une autre violence, peu connue, mais quotidienne et vécue à tous les niveaux de la société. Ainsi selon une étude réalisée par un Centre de recherches sur la famille, dépendant du Premier Ministre, 34% des femmes turques se disent "sévèrement battues" par leurs maris. A leur tour, 72% de celles-ci battent leurs enfants. 25% des femmes battues considéreraient la violence exercée à leur encontre par les hommes comme "une marque d'amour"! Selon la même étude rendue publique à Ankara le 3 février, 47% des enfants subissent des violences diverses au sein de leur famille. L'un des principes directeurs de l'éducation à la turque est "celui qui ne bat pas sa fille aura à battre ses genoux" (c'est-à-dire le regrettera amèrement plus tard car une fille non battue sera gâtée et se conduira mal). Les turcs affirment que la punition (physique) vient du paradis! Deux nouvelles, parmi d'autres parues dans la presse turque du 4 février rendant compte du rapport sur la violence domestique, indiquent que celle-ci est fréquente aussi dans les relations du travail, y compris au sein de la haute administration. Ainsi, le directeur général de la Société de production et de distribution de l'électricité de Turquie (TEAC), M. Mustafa Turhan, a tabassé devant tout le monde l'inspecteur en chef de son entreprise, M. Hüseyin Bölükbasi, coupable à ses yeux d'avoir critiqué la suppression d'un service de transports bon marché, destiné aux étudiants stagiaires du district Golbasi d'Ankara qui existait depuis 12 ans. Le quotidien Hürriyet qui relate cet incident signale aussi que le 31 janvier un vice-directeur général de la Société nationale de distribution de l'électricité (TEDAC), Hasan Tüzüner, a eu une altercation avec son collègue vice-directeur général, I. Ayvali et le président du Comité d'inspection de la société qui lui signalaient les irrégularités d'un contrat de 3,5 trillions de livres turques (environ 300 millions de francs). Le vice-directeur en colère a dégainé son pistolet et menacé d'abattre ses collègues bureaucrates critiques. (En Turquie le nombre de civils possédant une arme à feu est estimé à 5 millions de personnes dont environ 2 millions détenteurs d'un permis légal). L'opinion européenne a été horrifiée par la publication dans The European des photos de commandos turcs tenant fièrement des têtes tranchées de jeunes Kurdes. Mais en Turquie, lorsque lors de sa dernière visite en Azerbaïdan, Mme Çiller a publiquement menacé son ministre des finances de "lui couper la tête" s'il ne verse pas dans les meilleurs délais l'aide financière promise pour un projet commun turco-azéri, la presse a applaudi : Quelle maîtresse femme! Entre l'Europe et la Turquie, le choc des cultures et des mentalités risque assurément d'être bien rude ! LE MINISTRE DES DROITS DE L'HOMME REND VISITE À LEYLA ZANALe 1er février, à quelques jours de l'expiration de son mandat, M. Adnan Ekmen, ministre d'État chargé des droits de l'homme, a tenu à se rendre à la prison d'Ankara pour féliciter Leyla Zana d'avoir été distinguée par le Parlement européen par le Prix Sakharov. Le ministre s'est dit convaincu que dans un avenir proche le pays finira par reconnaître la justesse du combat de Leyla Zana et de ses collègues pour la démocratie et le respect des droits de l'homme. "Par les temps qui courent les sujets de fierté ne sont pas nombreux pour notre pays, mais vous en êtes certainement un" a ajouté M. Ekmen qui s'était récemment illustré par sa volonté d'élucider le meurtre du journaliste turc M. Göktepe. La presse turque a passé sous silence cette visite. LE KURDISTAN EST "LE PARADIS DES DISPARUS" SELON L'ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L'HOMME (IHD)Au cours des 5 dernières années la Section de Diyarbakir d'IHD a eu connaissance de 215 disparitions dans la région kurde. Il s'agit de civils arrêtés par l'une des multiples polices et qui "disparaissent" pendant leur garde-à-vue. Selon le quotidien Milliyet du 1er février qui rend compte de la conférence de presse de l'Association des droits de l'homme, les démarches des familles auprès des autorités turques sont restées sans suite. Dix familles ont pris le risque de porter plainte contre le gouvernement turc, qu'elles tiennent pour responsables de la disparition de leurs proches, devant la Commission des droits de l'homme de Strasbourg. Mais cette juridiction surchargée a une procédure très lente et ses décisions n'ont guère de caractère dissuasif pour les autorités d'Ankara qui continuent de faire assassiner sous la torture ou par des escadrons de la mort les Kurdes indésirables. Ainsi, le 30 janvier, à Nusaybin, dans la province de Mardin, la police avait procédé à l'arrestation de plusieurs civils dont Mme Ayse Aslan et sa fille âgée de 14 ans M. Aslan. Depuis la famille n'a reçu aucune nouvelle et les considère comme "disparues". ( La liste nominative des disparus est disponible au CILDEKT). L'EX-DÉPUTÉ A. FIRAT AFFIRME QUE LES AUTORITÉS PÉNITENTIAIRES LUI ONT INJECTÉ LE VIRUS DE L'HÉPATITE BDans une interview publiée le 5 février par le quotidien Demokrasi, l'ex-député d'Erzurum affirme qu'au lendemain de son arrestation après le Coup d'État militaire de 1980 les médecins de la prison lui avaient injecté le virus de l'hépatite B et qu'il en a gravement souffert pendant deux ans et que grâce à la robustesse de sa constitution il a pu finalement s'en sortir. C'est la première fois que des révélations sont faites sur l'usage de la médecine dans la destruction des prisonniers politiques en Turquie. Ce sujet souvent évoqué à mots couverts n'a jamais fait l'objet d'enquête. M. Firat, 69 ans, incarcéré quelques jours après la fin de son mandat parlementaire à la prison d'Istanbul, est passible de 8 ans de prison pour "avoir hébergé des militants du PKK". Le compagnon de route du président Demirel depuis 30 ans a reproché à celui-ci son manque de fidélité envers ses amis: "Quand il était dans la détresse, interdit de politique, j'ai parcouru le pays pour mener campagne en faveur de la levée des interdictions politiques qui le frappaient. Celles-ci ont été levées par référendum. Devenu président il laisse sa police et ses fonctionnaires sadiques me passer des menottes, me maltraiter pour me punir de mes opinions qui lui déplaisent. Chacun agit selon son lait maternel (c'est-à-dire selon sa noblesse de naissance)!" Le sort réservé à ce parlementaire kurde âgé et malade, brutalisé comme un vulgaire bandit, a choqué plus d'un en Turquie. Parmis eux, l'éditorialiste en chef du Hurriyet, Oktay Eksi, par ailleurs président du Conseil de la presse turque, qui dans sa chronique du 6 février, se dit "consterné qu'un homme de 69 ans, ayant été député pendant deux législatures, soit ainsi menotté, rudoyé comme un vulgaire malfrat". "Non, nous ne sommes vraiment pas fiers de la conduite de nos forces de sécurité ni dans l'affaire Firat, ni dans celle des députés du Parti de la démocratie (DEP) arrêtés manu militari à la porte même du Parlement" conclut le journaliste turc. Le lendemain, le président turc Demirel lui a répondu publiquement en affirmant qu'il n'y avait rien de choquant car "la loi doit être la même pour tous!" |